L'empire spatial des morts de Tsiolkovski à P. F. Hamilton
Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
-
- Messages : 2278
- Enregistré le : mer. oct. 24, 2007 10:35 am
- Localisation : St Léonard
- Contact :
Je sais que Gilbert Durand a pas travaillé sur ces notions là dans la foulée de Bachelard et de quelques autres. Je ne connais malheureusement leurs travaux que par ouie dire mais je pense que ça éclairerait le débat de s'y pencher un peu.Les archétypes ne sont pas un but, mais un moyen pour s'intéresser au contenu fictionnel. Alors que pour l'instant, dans tous les exemples que tu as cité, tu as préféré dire, le plus souvent, que la forme était plus importante que le fond.
Bienvenu chez Pulp Factory :
http://pulp-factory.ovh
Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com
http://pulp-factory.ovh
Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com
A priori, si on s'intéresse à la grammaire du récit de SF, ça me semble plutôt pertinent.Lem a écrit : En procédant ainsi, on peut espérer proposer une "grammaire" du récit de sf, un répertoire de ses figures et, effectivement, distinguer si oui ou non ces figures se distinguent de figures qui leur ressemblent dans d'autres types de récit, par exemples mythologiques ou naturalistes, etc.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
http://melkine.wordpress.com/
Lem a écrit :On pourrait prendre un exemple pour se faire la main et essayer d'y voir clair.
1) Proposition de repérage d'un archétype ou d'un actant classique de la science-fiction : "la substance X".
2) inventaire de ses propriétés (de ses fonctions dans les récits) : elle provoque des changements, des événements imprévus, des métamorphoses, elle confère des pouvoirs à ceux qui la manipulent de la bonne manière mais peut détruire ceux qui ne le font pas, etc. (ce n'est qu'une improvisation pour montrer l'idée).
3) exemple de substances X : le serum de Jekyll & Hyde, le radium, la kryptonite, les nanotechs, etc.
Discussion possible : y a-t-il, en tant que différentes figures d'un actant unique, une différence entre les substances X existant dans la réalité (et auxquelles la fiction prête des propriétés imaginaires) comme le radium, et des substances X créées de toute pièce par l'auteur (comme la kryptonite). Y en a-t-il entre les substances "à l'état natif" (comme la kryptonite) et les substances créées en laboratoire (les nanotechs) etc.
En procédant ainsi, on peut espérer proposer une "grammaire" du récit de sf, un réptertoire de ses figures et, effectivement, distinguer si oui ou non ces figures se distinguent de figures qui leur ressemblent dans d'autres types de récit, par exemples mythologiques ou naturalistes, etc.
La délimitation de la substance X est trop floue ; de plus cela ferait d'un objet SF le même genre de chose qu'un opérateur magique dans un conte, dans un récit de fantasy... Ce n'est donc pas un "actant classique de la SF".
Il me semble que cela revient à prendre le problème à l'envers. D'abord repérer des structures puis voir en quoi les structurations de la SF sont spécifiques à la SF
Je pense que c'est l'inverse qui est pertinent.
Les objets de la SF sont postulés puis établis dans des textes d'une certaine manière (du fait d'un rapport spécifique à la science).
Leur usage, néanmoins, n'a aucune raison particulière de se distinguer de l'usage d'autres objets dans des récits qui ne sont pas de SF. On peut retrouver le même genre de structures dans les récits de SF qu'ailleurs.
Attention, l'approche structuraliste ne permet pas d'assigner une identité à des objets, mais de dégager des structures (actions, situations).
La morphologie des contes utilise le corpus des contes pour trouver des choses intéressantes et applicables à bien d'autres récits.
Pourquoi un objet SF serait différent d'un opérateur ? La définition de la SF par Sturgeon y fait globalement allusion, il me semble. Surtout que, si j'ai bien compris Lem pour le coup, sa "Substance X" est pour donner une idée de sa démarche, ce n'est pas un truc définitif, gravé dans le marbre.silramil a écrit : La délimitation de la substance X est trop floue ; de plus cela ferait d'un objet SF le même genre de chose qu'un opérateur magique dans un conte, dans un récit de fantasy... Ce n'est donc pas un "actant classique de la SF".
Tu réponds à la question avant de l'avoir posée.Leur usage, néanmoins, n'a aucune raison particulière de se distinguer de l'usage d'autres objets dans des récits qui ne sont pas de SF. On peut retrouver le même genre de structures dans les récits de SF qu'ailleurs.
Prenons un exemple classique. Brazil de John Updike et Good News from outer Space de John Kessel. Tous les deux mettent en scène des questions de changements de couleur, mais dans le livre d'Updike, cela se fait par séance chamanique, dans le Kessel par un virus manipulé par des terroristes.
A charge pour le critique de démêler ce qui est l'usage, la structure et le reste. La signification finale est la même, mais la structure non. Il y a un "device" (pour utiliser un terme anglo-saxon) dans la SF qui n'est pas celui de la littérature générale.
Si on trouve au final que c'est la même chose que dans la littérature générale, ok, mais sincèrement, je ne le crois pas. Y'a trop d'exemples qui montrent que l'existence d'un outil, d'un instrument distinguent fondamentalement la SF de la littérature générale. Les auteurs de SF ont besoin de ce support matériel, là où les auteurs de littgen s'en passent.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
http://melkine.wordpress.com/
Ce n'était qu'un exemple improvisé en trente secondes.silramil a écrit :La délimitation de la substance X est trop floue
Mais n'était-ce pas l'enjeu d'un tel examen : voir s'il y a oui ou non continuité entre certains objets/structures/actants de la science-fiction et d'autres o/s/a issus de corpus antérieurs ?de plus cela ferait d'un objet SF le même genre de chose qu'un opérateur magique dans un conte, dans un récit de fantasy... Ce n'est donc pas un "actant classique de la SF".
Quand, à ma remarque sur la permanence ou la rémanence de certaines images MR dans la sf, Erion répond : "Tu veux dire qu'il existe des... hm, comment ça s'appelle déjà.... ah oui, des archétypes", c'est bien de cela qu'il s'agit. La question est de savoir si, dans la sf, ces images (comme le "ciel des morts") ont gardé tout ou partie de leur contenu MR ou non.
Mais, mon cher : tu réponds à la question avant de l'avoir posée. Ton postulat exclut qu'on trouve quoi que ce soit puisque les objets sont posés "de manière spécifique".Je pense que c'est l'inverse qui est pertinent.
Les objets de la SF sont postulés puis établis dans des textes d'une certaine manière (du fait d'un rapport spécifique à la science).
Salut,
Si l'on essaie de faire la même chose en mythologie, le problème est encore plus complexe. Pour prendre un exemple, dans le cadre de ma recherche, j'essaie de constituer, actuellement, un corps des mythes cosmogoniques collectés en Eurasie, en tous temps, toutes époques.
J'en ai pour l'instant réuni près de 250, de l'Irlande au détroit de Béring; il m'en reste une trentaine "repérés" mais pas encore lus. C'est sans doute le plus gros corpus. Je n'en ai éliminé aucun, en dehors de ceux qui relèvent de la pure invention littéraire.
Bref, il y a de tous, en matière de forme: des chants, des prières funéraires, des récits en prose, des allusions au détour d'un conte, etc.
Quant aux motifs employés, ils sont légions. Et c'est là où je voulais en venir. Mircea Eliade, grand amateur d'archétypes, avait tenté en 1959 une classification de ces mythes. Mais son corpus était restreint, souvent limité à une variante par peuple ou pays (un défaut récurent chez Eliade, qui n'a pas peur non plus de simplifier ses sources, ce qui fait qu'il faut prendre cet auteur avec des pincettes).
Pour ma part, face à la masse de ce que j'ai récolté, je ne peux pour l'instant qu'avouer une chose: je ne sais pas ce que c'est qu'un archétype.
Alors que je pourrais par contre définir des "familles" de variantes proches les unes des autres (pour des raisons diverses: héritage commun ou emprunt notamment).
Il m'est arrivé par le passé d'employé le terme d'archétype, mais je pense maintenant ne plus être en mesure de le faire.
Autre cas: j'emploie en permanence la typologie d'Aarne et Thompson, leur classement des contes-types. Ce classement permet un rapprochement des contes en fonction de leur structure. Il est à mon sens farci de défaut, mais on arrivera difficilement à faire mieux. Ce classement est utile pour déterminer des parentés, des filiations entre versions. Et il peut être appliqué aussi à des récits fantastiques ou de fantasy, lorsque ceux-ci font preuve de peu d'innovation. Par contre, je n'ai jamais réussi à l'appliquer à des textes de SF...
Mais tout utile qu'il est, il faut garder en mémoire que ce classement ne se fonde que sur la structure des récits, et qu'il fait totalement l'impasse sur le sens. Or deux versions d'un conte appartenant à la même catégorie peuvent avoir un sens totalement différent selon qu'elles ont été collectées pour l'une chez les Bambara et pour l'autre chez les Toungouses.
Donc là encore, le conte-type, c'est bien, mais c'est d'un usage limité.
A+
Patrice
Voilà.Attention, l'approche structuraliste ne permet pas d'assigner une identité à des objets, mais de dégager des structures (actions, situations).
La morphologie des contes utilise le corpus des contes pour trouver des choses intéressantes et applicables à bien d'autres récits.
Si l'on essaie de faire la même chose en mythologie, le problème est encore plus complexe. Pour prendre un exemple, dans le cadre de ma recherche, j'essaie de constituer, actuellement, un corps des mythes cosmogoniques collectés en Eurasie, en tous temps, toutes époques.
J'en ai pour l'instant réuni près de 250, de l'Irlande au détroit de Béring; il m'en reste une trentaine "repérés" mais pas encore lus. C'est sans doute le plus gros corpus. Je n'en ai éliminé aucun, en dehors de ceux qui relèvent de la pure invention littéraire.
Bref, il y a de tous, en matière de forme: des chants, des prières funéraires, des récits en prose, des allusions au détour d'un conte, etc.
Quant aux motifs employés, ils sont légions. Et c'est là où je voulais en venir. Mircea Eliade, grand amateur d'archétypes, avait tenté en 1959 une classification de ces mythes. Mais son corpus était restreint, souvent limité à une variante par peuple ou pays (un défaut récurent chez Eliade, qui n'a pas peur non plus de simplifier ses sources, ce qui fait qu'il faut prendre cet auteur avec des pincettes).
Pour ma part, face à la masse de ce que j'ai récolté, je ne peux pour l'instant qu'avouer une chose: je ne sais pas ce que c'est qu'un archétype.
Alors que je pourrais par contre définir des "familles" de variantes proches les unes des autres (pour des raisons diverses: héritage commun ou emprunt notamment).
Il m'est arrivé par le passé d'employé le terme d'archétype, mais je pense maintenant ne plus être en mesure de le faire.
Autre cas: j'emploie en permanence la typologie d'Aarne et Thompson, leur classement des contes-types. Ce classement permet un rapprochement des contes en fonction de leur structure. Il est à mon sens farci de défaut, mais on arrivera difficilement à faire mieux. Ce classement est utile pour déterminer des parentés, des filiations entre versions. Et il peut être appliqué aussi à des récits fantastiques ou de fantasy, lorsque ceux-ci font preuve de peu d'innovation. Par contre, je n'ai jamais réussi à l'appliquer à des textes de SF...
Mais tout utile qu'il est, il faut garder en mémoire que ce classement ne se fonde que sur la structure des récits, et qu'il fait totalement l'impasse sur le sens. Or deux versions d'un conte appartenant à la même catégorie peuvent avoir un sens totalement différent selon qu'elles ont été collectées pour l'une chez les Bambara et pour l'autre chez les Toungouses.
Donc là encore, le conte-type, c'est bien, mais c'est d'un usage limité.
A+
Patrice
J'ai bien indiqué ("il me semble", "je pense") que j'émettais une opinion, à charge ensuite pour moi de l'étayer (j'avais une course à faire, je voulais lancer quelques pistes).
Pour développer...
Je n'ai pas d'objection de principe contre la démarche proposée par Lem. Je doute simplement qu'elle puisse apporter des indications significatives sur les spécificités de la science-fiction. En revanche, elle peut permettre de mettre en lumière des choses intéressantes pour la science-fiction. (en plus clair : c'est bien pour lire mieux des textes de SF, mais ça ne va pas améliorer la compréhension de la SF).
L'identification de structures narratives (ce à quoi renvoie le terme d'actant = ce qui a une action, ce qui est impliqué dans la narration) renvoie au second plan les questions touchant à l'élaboration du monde. Identifier ce que 'fait' un objet dans un récit implique déjà un degré d'abstraction par rapport au cadre fictionnel - y distinguer une structure récurrente dans un certain type de texte revient à ne plus exactement se préoccuper de ce que contient le monde de la fiction.
A ce niveau d'abstraction, on peut sans problème trouver des continuités entre objets de SF, objets antérieurs, objets de fantasy, objets des contes, etc.
Or, selon moi, les particularités des objets de la SF se situent au niveau des effets de monde : ils remplissent des fonctions similaires à celles d'autres objets dans d'autres récits, mais en surface ils ressemblent à toute autre chose ; et c'est cette surface de la fiction qui fait toute la différence.
Après avoir proposé une définition de la substance X qui pourrait avoir un sens dans n'importe quel texte (et qui convient pour réfléchir à des structures dans la SF, aussi bien que pour les autres textes), Lem propose comme analyse non pas une réflexion sur la structuration des récits, mais sur des éléments du monde - une distinction selon que les objets remplissant la fonction de substance X sont posés comme 'réels mais ayant des propriétés supplémentaires', 'imaginaires et pseudo-naturels', 'imaginaires et constitués'.
De ce fait, il y a glissement d'une analyse en terme de structures vers un analyse en termes de mondes.
Si c'est pour, par la suite, comparer à d'autres types de récit, autant comparer les effets de monde directement.
Une fonction, dans un récit, c'est plutôt "est-ce que ça aide le héros?" "est-ce que ça lui fait du mal?" "est-ce que ça le bloque?" ; ce n'est pas "est-ce que c'est fabriqué en laboratoire?" " est-ce qu'on le trouve dans des météorites?". ces deux dernières questions renvoient à des constructions de mondes.
Pour développer...
Je n'ai pas d'objection de principe contre la démarche proposée par Lem. Je doute simplement qu'elle puisse apporter des indications significatives sur les spécificités de la science-fiction. En revanche, elle peut permettre de mettre en lumière des choses intéressantes pour la science-fiction. (en plus clair : c'est bien pour lire mieux des textes de SF, mais ça ne va pas améliorer la compréhension de la SF).
L'identification de structures narratives (ce à quoi renvoie le terme d'actant = ce qui a une action, ce qui est impliqué dans la narration) renvoie au second plan les questions touchant à l'élaboration du monde. Identifier ce que 'fait' un objet dans un récit implique déjà un degré d'abstraction par rapport au cadre fictionnel - y distinguer une structure récurrente dans un certain type de texte revient à ne plus exactement se préoccuper de ce que contient le monde de la fiction.
A ce niveau d'abstraction, on peut sans problème trouver des continuités entre objets de SF, objets antérieurs, objets de fantasy, objets des contes, etc.
Or, selon moi, les particularités des objets de la SF se situent au niveau des effets de monde : ils remplissent des fonctions similaires à celles d'autres objets dans d'autres récits, mais en surface ils ressemblent à toute autre chose ; et c'est cette surface de la fiction qui fait toute la différence.
Après avoir proposé une définition de la substance X qui pourrait avoir un sens dans n'importe quel texte (et qui convient pour réfléchir à des structures dans la SF, aussi bien que pour les autres textes), Lem propose comme analyse non pas une réflexion sur la structuration des récits, mais sur des éléments du monde - une distinction selon que les objets remplissant la fonction de substance X sont posés comme 'réels mais ayant des propriétés supplémentaires', 'imaginaires et pseudo-naturels', 'imaginaires et constitués'.
De ce fait, il y a glissement d'une analyse en terme de structures vers un analyse en termes de mondes.
Si c'est pour, par la suite, comparer à d'autres types de récit, autant comparer les effets de monde directement.
Une fonction, dans un récit, c'est plutôt "est-ce que ça aide le héros?" "est-ce que ça lui fait du mal?" "est-ce que ça le bloque?" ; ce n'est pas "est-ce que c'est fabriqué en laboratoire?" " est-ce qu'on le trouve dans des météorites?". ces deux dernières questions renvoient à des constructions de mondes.
Pour être bien clair sur la question à laquelle je réponds avant de l'avoir posée :
- Erion parle d'autre chose que de structure quand il emploie le mot : il y a le même motif narratif (des couleurs changent), mais il n'y a pas la même justification fictionnelle (chamanisme/virus) - la structure narrative reste similaire (le changement de couleur a un effet en tant que tel), mais le monde est radicalement différent.
- Lem coupe mon raisonnement pour le faire apparaître vicié : j'ai commencé par expliquer mon avis, puis j'ai donné une justification, donc si on supprime la justification l'argument paraît arbitraire : il faut distinguer la "nature" des objets, qui est posée dans la fiction et est donc pertinente selon le type de fiction (cet objet a-t-il été fabriqué? peut-on le trouver dans la nature? sont des questions portant sur la fiction) de leur "fonction" qui correspond à la narration et ne dépend pas de la fiction.
Selon moi, la science-fiction n'apporte pas beaucoup de changements à la narration (donc au niveau des structures narratives), mais beaucoup à la fiction.
- Erion parle d'autre chose que de structure quand il emploie le mot : il y a le même motif narratif (des couleurs changent), mais il n'y a pas la même justification fictionnelle (chamanisme/virus) - la structure narrative reste similaire (le changement de couleur a un effet en tant que tel), mais le monde est radicalement différent.
- Lem coupe mon raisonnement pour le faire apparaître vicié : j'ai commencé par expliquer mon avis, puis j'ai donné une justification, donc si on supprime la justification l'argument paraît arbitraire : il faut distinguer la "nature" des objets, qui est posée dans la fiction et est donc pertinente selon le type de fiction (cet objet a-t-il été fabriqué? peut-on le trouver dans la nature? sont des questions portant sur la fiction) de leur "fonction" qui correspond à la narration et ne dépend pas de la fiction.
Selon moi, la science-fiction n'apporte pas beaucoup de changements à la narration (donc au niveau des structures narratives), mais beaucoup à la fiction.
Silramil : toutes ces précisions sont utiles mais paradoxalement, peut-être excessivement subtiles pour les questions qu'on débat ici et autrefois sur feu le fil. L'enquête suggérée n'est pas si compliquée mais elle demande une épistémologie claire.
Je m'explique à l'aide de l'exemple qui fâche par excellence : la question des dieux. Ceux de Lovecraft et tous les autres qu'on pourra trouver.
Dès le début du fil M, Roland, Oncle et bien d'autres ont objecté en substance : les dieux de Lovecraft sont des créatures matérielles ; ce ne sont donc pas des dieux, mais de simples extraterrestres. J'ai répondu : même naturalisés, ces êtres ont conservé leurs attributs classiques : ils sont immortels, certains datent de l'origine même de l'univers, ils envoient des rêves aux hommes, ils les rendent fous, etc. En somme, leur naturalisation marque le passage d'un régime de vérité à un autre mais ne change pas fondamentalement la façon dont ils opèrent.
Question 1 : il faut vérifier cela. Que font les dieux dans les récits de Lovecraft et des autres ? Quel rôle jouent-ils dans le récit ? Peut-on les ramener à un ensemble d'actions caractéristiques ? etc (démarche de Propp).
Question 2 : l'actant ainsi dégagé existe-t-il dans le corpus mythologique et religieux antérieur à la sf ? (pour vérifier qu'il y a eu "passage de relai" ou non).
Question 3 : le même actant existe-t-il dans la littérature blanche au XXème siècle ? (pour vérifier que sa présence est ou non une caractéristique de la sf)
Ce pourrait être une manière d'aborder concrètement le problème, en particulier celui de la spécificité sur lequel, par exemple, George n'est pas d'accord. On pourrait avoir des surprises, par exemple découvrir que dans le mainstream, quelque chose joue le même rôle que les dieux dans la sf et que le même actant est toujours présent partout. J'en doute mais c'est possible. Enfin, il y aurait des choses intéressantes à apprendre d'une telle enquête.
Je m'explique à l'aide de l'exemple qui fâche par excellence : la question des dieux. Ceux de Lovecraft et tous les autres qu'on pourra trouver.
Dès le début du fil M, Roland, Oncle et bien d'autres ont objecté en substance : les dieux de Lovecraft sont des créatures matérielles ; ce ne sont donc pas des dieux, mais de simples extraterrestres. J'ai répondu : même naturalisés, ces êtres ont conservé leurs attributs classiques : ils sont immortels, certains datent de l'origine même de l'univers, ils envoient des rêves aux hommes, ils les rendent fous, etc. En somme, leur naturalisation marque le passage d'un régime de vérité à un autre mais ne change pas fondamentalement la façon dont ils opèrent.
Question 1 : il faut vérifier cela. Que font les dieux dans les récits de Lovecraft et des autres ? Quel rôle jouent-ils dans le récit ? Peut-on les ramener à un ensemble d'actions caractéristiques ? etc (démarche de Propp).
Question 2 : l'actant ainsi dégagé existe-t-il dans le corpus mythologique et religieux antérieur à la sf ? (pour vérifier qu'il y a eu "passage de relai" ou non).
Question 3 : le même actant existe-t-il dans la littérature blanche au XXème siècle ? (pour vérifier que sa présence est ou non une caractéristique de la sf)
Ce pourrait être une manière d'aborder concrètement le problème, en particulier celui de la spécificité sur lequel, par exemple, George n'est pas d'accord. On pourrait avoir des surprises, par exemple découvrir que dans le mainstream, quelque chose joue le même rôle que les dieux dans la sf et que le même actant est toujours présent partout. J'en doute mais c'est possible. Enfin, il y aurait des choses intéressantes à apprendre d'une telle enquête.
Je suis d'accord avec ce type de démarche, parce que je crois qu'on peut apprendre des choses sur les mécanismes de la SF.
J'avoue qu'en tant que lecteur, je ne sais pas si c'est la différence fictionnelle ou narrative qui m'attire dans la SF. J'aime bien lire de la littérature générale, j'aime bien lire de la SF, et, bizarrement, toutes les tentatives de fusionner les deux m'ennuient.
Est-ce que cette réaction est liée à l'objet ou à la structure narrative ? Je n'en sais rien.
Parmi mes livres préférés, il y'a l'Oreille Interne, mais aussi La vitesse de l'obscurité. Quand je fais lire à mes étudiants "Déchiffrer la trame", ils ont du mal à catégoriser ce texte comme de la SF.
Je ne crois pas que ce soit uniquement pour des raisons fictionnelles. C'est pas uniquement le monde qui est en jeu. J'aime assez définir la SF comme étant une démarche, un point de vue, est-ce que ce point de vue englobe la narration ? peut-être. En tout cas, je n'ai pas d'éléments a priori pour repousser l'hypothèse.
J'avoue qu'en tant que lecteur, je ne sais pas si c'est la différence fictionnelle ou narrative qui m'attire dans la SF. J'aime bien lire de la littérature générale, j'aime bien lire de la SF, et, bizarrement, toutes les tentatives de fusionner les deux m'ennuient.
Est-ce que cette réaction est liée à l'objet ou à la structure narrative ? Je n'en sais rien.
Parmi mes livres préférés, il y'a l'Oreille Interne, mais aussi La vitesse de l'obscurité. Quand je fais lire à mes étudiants "Déchiffrer la trame", ils ont du mal à catégoriser ce texte comme de la SF.
Je ne crois pas que ce soit uniquement pour des raisons fictionnelles. C'est pas uniquement le monde qui est en jeu. J'aime assez définir la SF comme étant une démarche, un point de vue, est-ce que ce point de vue englobe la narration ? peut-être. En tout cas, je n'ai pas d'éléments a priori pour repousser l'hypothèse.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
http://melkine.wordpress.com/
Tout ça sonne assez familier en ce qui me concerne. Je n'ai pas ta réticence concernant la fusion mais je crois comprendre ce que tu veux dire.Erion a écrit :J'aime bien lire de la littérature générale, j'aime bien lire de la SF, et, bizarrement, toutes les tentatives de fusionner les deux m'ennuient.
Est-ce que cette réaction est liée à l'objet ou à la structure narrative ? Je n'en sais rien.
A titre personnel, j'interprète ça comme une différence de "position" en tant que lecteur. Quand je lis un texte dont je sais qu'il est de la sf, je ne suis pas exactement dans le même état d'esprit que pour un texte blanc. Il n'est pas simple de caractériser cette différence mais elle existe, en tout cas pour moi. C'est pourquoi on peut être déconcerté par Lucius Shepard par exemple, parce qu'il déjoue la position sf basique, très souvent, alors que ses textes ont le label. Et à l'inverse, on peut être tout aussi surpris de découvrir un texte blanc qui, lui, joue le jeu (c'est le cas de Mantra, superbe roman mexicain de Rodrigo Fresan que je suis en train de lire en ce moment). Pour les grands lecteurs de sf, la position est un acquis, le fruit d'une très longue habituation. Elle peut avoir des effets étonnants. Par exemple, on peut lire un texte blanc avec la position sf et du coup, voir de la sf là où il n'y en a pas, parce que ladite position implique une grande activité de la part du lecteur (cf sur feu le fil la façon dont Oncle avait "habité" de trucs vanvogtiens un extrait de pure philosophie).
Pour l'exemple que tu cites avec Déchiffrer la trame, il me semble que, étant donné la masse de préjugés qui circulent encore sur le genre, beaucoup de lecteurs non-avertis sont simplement surpris de découvrir qu'un texte de sf peut être a. bien écrit, b. intéressant en soi, sans référence à la culture fan et c. sans technoblabla.
Une certaine forme de subjectivité ? (je plaisante).J'aime assez définir la SF comme étant une démarche, un point de vue
Je ne suis pas d'accord avec l'idée de "conserver des attributs". Les attributs en question sont des attributs de nature différente, ils n'ont de compte à rendre qu'au monde physique. La ressemblance est superficielle. Les hommes rêvent et deviennent fous, dans le monde physique et pour des causes physiques (c'est peut-être regrettable, ça fait moins prestigieux que si c'était pour des causes surnaturelles, mais c'est comme ça...). Le changement est fondamental: il n'y a pas besoin de surnature. Précisément, dans le cas de Lovecraft, on voit bien comment l'ancienne manière de voir le monde (avec sa composante surnaturelle) est remplacée par une autre, simplement naturelle. Et même ce naturel est déjà difficile à supporter, voire même insupportable pour l'homme (c'est le côté pessimiste de Lovecraft). Inutile de faire appel au surnaturel, le naturel est déjà assez dur à avaler. Le défit posé par le naturel est un défit beaucoup plus rude que celui du prétendu surnaturel (finalement assez accommodant...).Lem a écrit :
Dès le début du fil M, Roland, Oncle et bien d'autres ont objecté en substance : les dieux de Lovecraft sont des créatures matérielles ; ce ne sont donc pas des dieux, mais de simples extraterrestres. J'ai répondu : même naturalisés, ces êtres ont conservé leurs attributs classiques : ils sont immortels, certains datent de l'origine même de l'univers, ils envoient des rêves aux hommes, ils les rendent fous, etc. En somme, leur naturalisation marque le passage d'un régime de vérité à un autre mais ne change pas fondamentalement la façon dont ils opèrent.
.
Maintenant, si des commentateurs tiennent absolument à voir du surnaturel dans ce que Lovecraft s'échine à présenter comme naturel, je ne sais que leur dire. Personnellement, ça me paraît flagrant, et c'est un des aspects qui fait l'intérêt de Lovecraft.
Pour d'autres auteurs, c'est peut-être moins évident, et il peut y avoir toutes les variantes que l'on veut.
Oncle Joe