Lensman a écrit :Cachou a écrit :Par exemple: Ishiguro
J'ai failli sortir une idiotie (de plus) en voulant faire de l'humour pour compliquer le débat et écrire:
"Tu lis le japonais?"... alors qu'une rapide recherche sur Google me pousse à croire que cet auteur écrit en anglais..
Il n'empêche... Cela a été remarqué (par Nébal, d'ailleurs), avec Simak, on parle de traduction.
C'est tout de même un problème très curieux. Le style se traduit-il d'une langue à l'autre? Ou bien les critiques parlent-ils du style du traducteur? Quelle est l'opinion du monde littéraire sur ce problème, qui me semble pour le moins ardu?
Ne pourrait-on pas dire qu'il y a deux sortes d'oeuvre, celles qui supportent la traduction, et celles qui ne la supportent pas, et ne pourrait-on pas poser que ce sont celles qui ne la supportent pas qui ont vraiment du "style"? Le "style" étant vu comme quelque chose de tellement lié à la langue que cela n'aurait pas de sens de vouloir s'en préoccuper lorsqu'on fait une traduction...
Oncle Joe
La question est très intéressante. On est tenté de répondre que non, le style ne se traduit pas, même d'une langue à une autre qui lui est cousine, de l'italien au français ou de l'américain au français (la syntaxe courante étant très proche, ce qui n'est pas toujours le cas pour l'anglais de GB).
Mais le style est plus compliqué que ça. Il a nombre de niveaux. Dont la longueur des phrases, celle des paragraphes, les temps des verbes, bref une respiration, etc. qui passent entre langues cousines (quand le traducteur et l'éditeur les respectent).
Évidemment, quand on traduit du chinois ou du japonais, ou même de l'arabe, c'est plus compliqué, plus opaque, et la traduction est au fond une recréation qui, au mieux, respecte les idées et l'intention de l'auteur.
Le style, idéalement, c'est la façon dont l'inconscient de l'auteur communique avec l'inconscient de ses lecteurs, même si, aux deux bouts, une bonne dose d'intention et de culture commune est nécessaire. C'est la façon dont l'auteur communique son état d'esprit et vise à provoquer chez son lecteur un état neurologique (neurones miroirs?) voisin du sien propre, à créer ce que j'ai appelé ailleurs une subjectivité collective.L'idée, la part purement intentionnelle, il pourrait la communiquer en principe à travers un langage formalisé (voir ma traduction d'Andromaque dans La loi du talion). Mais il manquerait alors l'expérience de cette idée qu'il cherche à transmettre.
Quant à des textes remarquablement écrits mais à mes yeux d'un intérêt faible, je citerai Le Rivage des Syrtes, que j'ai tenté récemment de relire, à plusieurs reprises. Au bout de quelques dizaines de pages, je cale, inévitablement. Ça ne m'intéresse absolument pas.
Ce n'est même pas une question de statisme. Beckett que j'aime beaucoup n'est pas un forcené de l'action.
Proust, c'est un peu pareil. Je peux en lire quelques pages et trouver ça très intéressant du point de vue de l'écriture, mais comme les personnages et l'intrigue ne m'intéressent absolument pas, j'abandonne.
J'ai du reste les mêms réactions vis à vis du cinéma. Mais là, c'est une toute autre histoire. Plutôt inverse. Il y a des tas de films dont l'histoire ne m'intéresse absolument pas mais que j'ai du mal à lâcher en raison de leur style. Des films anglais ou américains, généralement.
Mon immortalité est provisoire.