bormandg a écrit :Tétard a écrit :
Un autre critère est le taux de délinquance (faute d'"image du père", incarnation de la Loi (ne pas oublier la majuscule, c'est le plus important dans ce "concept"), les enfants ne reconnaîtraient pas de limites et seraient potentiellement plus déviants (à telle ou telle norme)).
Même s'il existait une étude statistique sur le sujet, elle serait certainement biaisée par les convictions a priori de son auteur.
C'est comme les études qui prétendent voir plus de délinquants chez les immigrés, sous prétexte que ce sont eux qu'on arrête...
Je me souviens avoir lu un résumé de travaux d'un célèbre (aux USA, mais assez peu connu en France) psycho-sociologue, Aaron Cicourel : si mon souvenir n'est pas trop biaisé, partant des statistiques montrant que les enfants vivants seuls avec leur mère étaient sur-représentés dans les condamnations judiciaires, il observait que les (des) juges des mineurs utilisaient ces mêmes statistiques pour évaluer le risque de récidive et la propension à entrer dans une carrière de délinquant des primo-délinquants, et condamnaient donc les enfants de couples divorcés plus fréquemment et à de plus lourdes peines que les autres, toutes choses égales par ailleurs. Ce faisant, à une échelle macro et par un mécanisme typique des cercles vicieux, ils produisaient, par leurs pratiques individuelles mais homogènes et cumulatives, les conditions, la réalité (statistique) justifiant les condamnations. On pourrait ajouter à ce cercle l'idée que la prison peut favoriser les carrières délinquantes, confirmant en ce cas
a posteriori le bien-fondé de la sévérité initiale.
Où l'usage des représentations aboutit à la réalisation de ce qu'elles décrivent...
On pourrait certainement tenir le même raisonnement à propos d'autres catégories. Bien souvent, les libérations anticipées ou la modération des condamnations initiales sont conditionnées par l'acquisition ou la perspective d'acquérir un emploi et de trouver un logement. Mais ce n'est pas en partant ou en restant en cabane que l'on a de grandes chances de trouver l'un ou l'autre. Sachant que chômage et niveau de diplôme (et délinquance...) sont corrélés, cette ces observations peuvent conduire à concevoir le fonctionnement de la Justice comme obéissant à un modèle de "justice de classe" sans qu'il soit besoin de postuler l'existence d'un "racisme de classe" ou d'une "conspiration contre les pauvres" de la part des acteurs.
Le cas des immigrés que tu cites est similaire. Même si je ne doute pas que nombre de représentants des force de l'ordre aient un rapport "décomplexé" à la chose (voir les scores ahurissants de Le Pen dans cette population), il n'est pas besoin de supposer qu'un racisme ouvert (des flics, des officiers, du ministère etc.) est à l'origine de cette sur-représentation des immigrés. La technique du faciès est efficace (d'une
certaine façon). D'autant plus lorsque la présence irrégulière sur le territoire est passible de prison et donc de garde à vue - ce qui devrait bientôt changer (
http://combatsdroitshomme.blog.lemonde. ... ufi-karim/ )
Et l'on sait depuis longtemps que les statistiques policières reflètent avant tout le travail policier et ses évolutions, donc leurs contraintes, leurs objectifs, la politique du moment...
On offre de face la vérité à son égal : on la laisse entrevoir de profil à son maître.
(Chamfort, Eloge de La Fontaine)