Cela dit, si un mécène est intéressé -- et s'il n'est pas trop tard -- les droits sur l'oeuvre de Lafferty étaient à vendre il y a peu -- googler "r a lafferty estate".
Je me souviens de Patrice Duvic s'émerveillant du succès de Lafferty aux Pays-Bas alors qu'en France, le bide.
Soupir.
JDB
Zanzibar Quarterly & Co, n° 1
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Lem
Faisons briller la flamme mémorielle puisque c'est ainsi que les amis absents se représentent : dans les mois précédant son départ, alors qu'il ressemblait plus que jamais à un membre non-officiel de ZZTop, Patrice m'invitait de temps en temps à déjeuner et Lafferty, une fois sur deux, était le sujet de la conversation. Pat rêvait d'adapter au cinéma l'une de ses plus belles nouvelles : Fantômes de selenium des années soixante-dix.(1) "Résumer" cette nouvelle permet de prendre la mesure du génie de Lafferty et de l'ambition démente de Patrice : c'est l'histoire du premier réseau de télévision privé, créé dans les dernières années du XIXème siècle, sur la côte est des Etats-Unis. Ce réseau, appuyé sur une technologie oubliée à base de selenium, comptait quelques centaines d'abonnés qui recevaient chaque semaine deux heures de programme spécialement conçues pour eux : soit un western, soit une romance, soit un drame, etc. La nouvelle se présente comme une histoire érudite de ce réseau et comporte le synopsis détaillé de la douzaine de films produits à l'époque. Amusement laffertyen supplémentaire : les circuits de selenium qui ont stocké les images possèdent l'étrange propriété de restituer les sons avec un siècle de retard. Ainsi, tandis qu'on découvre les images tremblantes de ces œuvres oubliées, on entend aussi la voix des comédiens qui, croyant tourner pour du muet, n'hésitent pas à tenir des conversations privées pendant les tournages. Comme c'est la même troupe de comédiens qui tourne tous les films, on suit leurs relations de plus en plus conflictuelles d'une œuvre à l'autre, et on admire la façon dont les personnages qu'ils interprètent absorbent leurs affects non-scénarisés. En somme : c'est l'histoire a) d'une invention perdue, b) d'une aventure capitaliste à la Edison, c) d'un moment culturel américain, d) d'une demi-douzaine d'acteurs e) à travers les synopsis d'une suite d'œuvres imaginaires puisées à tous les genres narratifs, f) le tout en trente pages. Et g) ce n'est que l'une des plus-de-deux-cents-nouvelles écrites par Lafferty dans sa carrière. Le jour où les œuvres complètes de ce type seront publiées, on le rangera instantanément aux côtés de Jarry, Chesterton, Borges et Pynchon – dans la confrérie des fous géniaux, ou peut-être la société du Crocodile Secret – en se demandant comment on a fait pour ne pas l'avoir connu plus tôt.
(1) In : Le Livre d'Or de R. A. Lafferty, Pocket, 1984.
(1) In : Le Livre d'Or de R. A. Lafferty, Pocket, 1984.
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dracosolis
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et h) après on ne s'étonne plus du manque de succès en France...
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Lem
Pas trop convaincu par la comparaison , j'ai lu 2 Waldrop chez P.d.F. (non , ce n'est pas Poil de Fion) et ils ne m'ont guère marqué .Lem a écrit :Dans la même lignée – et recevant d'ailleurs un succès public comparable – n'oublions pas l'héritier putatif de Lafferty : Howard Waldrop.
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"
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Lem
Waldrop nouvelliste a la même impeccable folie. Lire Les vilains poulets (sur la survie des dodos dans l'Amérique profonde), ou Lui-que-nous attendons (sur – entre autres – l'invention de la sorbetière dans l'Egypte ancienne) ou Légataires de la Terre (sur le voyage des robots de parc d'attraction Mickey, Donald et Dingo vers le Japon après l'apocalypse nucléaire)… Gonzo est le mot.
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bormandg
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+1Lem a écrit :Waldrop nouvelliste a la même impeccable folie. Lire Les vilains poulets (sur la survie des dodos dans l'Amérique profonde), ou Lui-que-nous attendons (sur – entre autres – l'invention de la sorbetière dans l'Egypte ancienne) ou Légataires de la Terre (sur le voyage des robots de parc d'attraction Mickey, Donald et Dingo vers le Japon après l'apocalypse nucléaire)… Gonzo est le mot.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Lem, tu me donnes envie de relire du Lafferty. Il y a quelques années, aux USA, existait un projet de publier l'intégrale sous la forme de minuscules fascicules (peut-être un par nouvelle), je ne sais pas ce que c'est devenu.
Ce qui semble bizarre, c'est que certains de ses textes sont apparemment tombés dans le domaine public et trouvables en ligne (cf son entrée wiki).
Sinon, cette histoire de télévision à la fin du XIXe siècle est amusante, mais j'ai constaté lors de recherches récentes que le concept était en fait assez ancien : l'un de ses plus fervents thuriféraires était Louis Figuier, le grand vulgarisateur de l'époque, qui l'appelait télectroscope et qui, se fiant à une rumeur, en annonça carrément l'invention par Graham Bell.
Un prototype de télectroscope joue un rôle dans l'intrigue d'un futur volume de "Baskerville" et on a droit à une explication du principe de l'appareil et des propriétés du sélénium. Le livre est paru en 1902...
JDB
Ce qui semble bizarre, c'est que certains de ses textes sont apparemment tombés dans le domaine public et trouvables en ligne (cf son entrée wiki).
Sinon, cette histoire de télévision à la fin du XIXe siècle est amusante, mais j'ai constaté lors de recherches récentes que le concept était en fait assez ancien : l'un de ses plus fervents thuriféraires était Louis Figuier, le grand vulgarisateur de l'époque, qui l'appelait télectroscope et qui, se fiant à une rumeur, en annonça carrément l'invention par Graham Bell.
Un prototype de télectroscope joue un rôle dans l'intrigue d'un futur volume de "Baskerville" et on a droit à une explication du principe de l'appareil et des propriétés du sélénium. Le livre est paru en 1902...
JDB
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PierrePaul
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PierrePaul
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Yep, chez Chris Drumm. Divers fascicules sont parus, avec en général quatre nouvelles (ou quelques chapitres d'un roman en feuilleton). C'était tombé à l'eau, mais Drumm, toujours actif comme libraire d'occase, reparlait de la chose récemment sur son blog... Et les plaquettes sont pour la plupart encore disponibles, je crois.JDB a écrit :Il y a quelques années, aux USA, existait un projet de publier l'intégrale sous la forme de minuscules fascicules (peut-être un par nouvelle), je ne sais pas ce que c'est devenu.JDB
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Lem
JDB > Comme tu sais, Lafferty n'était pas seulement cintré, il était aussi d'une érudition monumentale. Qu'il ait fait référence, dans sa nouvelle, à la véritable histoire des précurseurs de la télévision est tout sauf une surprise.
Voici le début du texte :
Voici le début du texte :
Un coup d'œil à la brève fiche wiki de Paul Nipkow permet de vérifier que l'auteur a au moins survolé son sujet. Mais que serait cette documentation paléotechnique sans les leçons morales & esthétiques qu'en tire Lafferty ? (obtenant du même coup un lancement irrésistible) :Aujourd'hui encore, "l'invention" de la télévision est habituellement attribuée à Paul Nipkow, d'Allemagne, et l'année indiquée est 1884. Nipkow a utilisé la variabilité dans la conductibilité du sélénium exposé à la lumière et, comme déclencheurs mécaniques, des disques à balayage radio-électrique. Qu'avait-il d'autre à sa disposition avant le développement du phototube et du tube amplificateur à électrons ? La puissance de résolution de la télévision nipkowienne était très faible à cause de l'effet de "lumière lente" caractéristique de la réponse du sélénium à la lumière, et à cause du manque d'amplification. Il se trouva cependant plusieurs hommes aux Etats-Unis pour faire fonctionner une sorte de télévision avant que Nipkow ne le fasse en Allemagne.
Dans un domaine artistique nouveau, les premières productions sont toujours les plus originales, et souvent les meilleures. Homère a composé l'épopée la plus originale et sans doute la meilleure. Quel que soit l'homme des cavernes qui a peint les premières fresques, celles-ci demeurent parmi les plus originales et les meilleures peintures jamais exécutées. Eschyle a composé les meilleures et les plus tragiques des tragédies. Euclide a inventé les premières et les plus esthétiques des mathématiques (nous parlons ici des mathématiques en tant qu'art, sans prendre aucunement en compte leur exactitude ou leur aspect pratique). Et il est fort possible qu'Aurelian Bentley ait produit les meilleures pièces télévisées de tous les temps, en dépit de leur aspect primitif.
Modifié en dernier par Lem le ven. juin 03, 2011 5:00 pm, modifié 1 fois.
L'idée est donc d'inventer tout le temps des domaines artistiques nouveaux...Lem a écrit :Dans un domaine artistique nouveau, les premières productions sont toujours les plus originales, et souvent les meilleures. Homère a composé l'épopée la plus originale et sans doute la meilleure. Quel que soit l'homme des cavernes qui a peint les premières fresques, celles-ci demeurent parmi les plus originales et les meilleures peintures jamais exécutées. Eschyle a composé les meilleures et les plus tragiques des tragédies. Euclide a inventé les premières et les plus esthétiques des mathématiques (nous parlons ici des mathématiques en tant qu'art, sans prendre aucunement en compte leur exactitude ou leur aspect pratique). Et il est fort possible qu'Aurelian Bentley ait produit les meilleures pièces télévisées de tous les temps, en dépit de leur aspect primitif.
Oncle Joe