
Point du vue d'un éditeur jeunesse, si ça vous intéresse.
HP est mon dieu.
Rowling est sa grande prêtresse.
Amen.
Il suffit de connaître la situation de stagnation et pire de recession dans laquelle était l'édition jeunesse juste avant que le petit sorcier ne débarque pour comprendre pourquoi les pros seraient malvenus de ne pas lui tresser des lauriers.
Il n'y a qu'a voir les hordes d'auteurs mal formatés par les exigences des éditeurs débiles ("les jeunes ne lisent plus, ils sont gavés de télé et stupides, ils ne s'intéressent plus qu'aux dessins -albums, bédés- y a pas moyen de leur faire dépasser les 180 pages et ils ne s'intéressent à rien") que je vois passer aujourd'hui, soit complètement dépassés et incapables de s'adapter, soit littéralement libérés et jubilant de pouvoir enfin écrire comme ils le rêvaient...
J'ai jubilé, moi aussi, dès la sortie du premier. Il y a avait tout dedans, tous les principes qui font un grand bouquin jeunesse, aucune raison donc, d'être surpris de son succès, même si Galli n'y croyait pas vraiment. J'ai fait un pari, je n'ai pas eu à manger mon chapeau...
Maintenant, la qualité des trois premiers est excellente. Largement, largement au dessus du niveau général de la littérature jeunesse de l'époque. Les trois suivants souffrent du syndrome : on ne touche pas à la poule aux oeufs d'or. Longueurs insupportables, défauts de construction, relâchement de l'écriture, le travail éditorial n'a plus été fait. J'ai très peur pour le dernier...
Pour répondre à l'autre question qui m'intéresse, est-ce que ça a changé les politiques éditoriales jeunesse ?
Oh que oui !!
Livres plus longs, qualité globalement revue à la hausse selon le nouveau principe (nouveau, je me marre, mon père le défendait déjà en 66 lorsqu'il a lancé Plein Vent) qu'un bouquin jeunesse de qualité a aussi un public adulte donc un potentiel de lecteurs plus vaste, etc.
Des éditeurs qui ont ramé des années pour garder leur collections de qualité à flots sont devenus des vrais gourous de l'édition, alors que jusqu'à HP, on les considérait comme des extra-terrestres. Non qu'ils vendent des centaines de milliers de bouquins, mais au moins le respect qu'ils ont obtenu leur vaut de survivre désormais sans trop de soucis, parce qu'au pire, ils servent de caution intellectuelle à des groupes plus importants.
Voilà...