Nous autres - Zamiatine

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sophie
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Nous autres - Zamiatine

Message par sophie » mer. janv. 03, 2007 11:42 am

J'avais entendu le plus grand bien de ce roman, et son contexte d'écriture ainsi que la censure qui a suivi avaient contribué à aiguiser mon interet.
Je l'ai donc attaqué avec confiance, comme une valeur sûre.

Malheureusement, j'ai été assez déçue. Le principe est bon, l'idée est intéressante, mais j'ai été lassée par l'écriture et le fait que l'histoire ne décolle pas vraiment. A la moitié du bouquin, il ne s'était encore rien passé ou quasiment. Et les élucubrations du mathématicien qui découvre l'amour ont fini par me rebuter complètement.

J'ai survolé très rapidement le dernier quart du livre, pour voir quand même comment ça finissait.

Mais au final, déception. J'avais cru comprendre que ce bouquin était de l'envergure de 1984 ou Le meilleur des mondes. J'avais du mal comprendre...
Ou alors, c'est que ça a terriblement vieilli ?
Possible, le style date quand même d'il y a 80 ans. Mais quand même, je me demande s'il n'y a que ça...

J'imagine que beaucoup d'entre vous l'ont lu, puisqu'il est présenté comme un classique de la SF par beaucoup de gens. Quel est votre avis sur ce bouquin ?

Raoul Abdaloff
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Message par Raoul Abdaloff » dim. janv. 07, 2007 9:37 pm

Pas "de l'envergure de", mais plutôt "à l'origine de", ce qui change un peu les perspectives.
La traduction a sans doute vieilli, mais je reste en total désaccord avec toi (sans animosité, hein, on n'est pas chez ces crevards du Cafard Cosmique ici) quant à l'intérêt du livre.
Par ta faute, je l'ai relu. Et ça reste un des plus grands livres (et des plus brûlants) du vingtième siècle. A mon sens, du moins.
Bordel.

Papageno
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Message par Papageno » dim. janv. 07, 2007 11:15 pm

Moi aussi je suis de ton avis, je le considère aussi comme un chef-d'oeuvre absolu. Je trouve que cela n'a pas pris une ride, même et surtout dans la forme que je trouve très inspirée. Peut-être le livre est-il un peu trop « passif » pour un lecteur d'aujourd'hui, qui s'attend à plus d'action, c'est bien possible, mais pour moi ce livre est, et reste un modèle pour beaucoup d 'écrivains et pas seulement pour les écrivains de SF (je pense à des ecrivains comme d'Alexandre Soljenitsine)
Surtout bien sur, pas de polémique avec Sophie, elle n'a pas aimé, c'est comme ça, on est (fort heureusement) tous différent!

sophie
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Message par sophie » dim. janv. 07, 2007 11:34 pm

Bah on peut discuter sans se taper dessus ;)
D'ailleurs c'est bien pour ça que je demandais des avis.

C'est vrai que le fait que ça manque d'un peu d'action m'a peut-etre rebutée mais je crois que c'est surtout dû à l'écriture. Les bouquins où il ne se passe pas grand chose, je peux apprécier quand l'écriture m'accroche. Là elle ne m'a pas accrochée. Peut-etre un problème de traduction, je ne sais pas.

Tout le début, j'ai bien aimé, les idées développées, la lutte du personnage contre lui-même etc...
Mais les délires sur la grandeur des équations mathématiques et tout et tout, j'ai fini par trouver ça un peu longuet.
Et puis j'ai pas trouvé d'affinités avec le personnage, je l'ai trouvé assez antipathique, froid, distant (évidemment, vu le contexte, mais bon...disons que ça ne m'a pas aidée à m'accrocher pour continuer).

Ceci étant, je ne dirai pas que c'est un mauvais bouquin, loin de là. J'ai peu d'éléments pour comparer parce que je ne connais presque rien en SF, mais ça ne m'étonne pas que ce bouquin soit un pilier du genre. D'ailleurs, j'avais cherché la critique d'actusf à son sujet, mais il n'y en a pas ! :D

En tout cas, je suis contente de l'avoir lu, ou tout au moins d'en avoir lu une bonne partie.

J'ai lu dans la préface qu'il avait été censuré très longtemps en Russie, à quelle époque y a-t-il été "réhabilité" ?
(D'ailleurs, la préface de Borges dans l'édition que l'ai lue est excellente, à propos de la fonction de la littérature etc... ).

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Patrice
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Message par Patrice » lun. janv. 08, 2007 8:21 am

Salut,

La plupart des romans interdits en URSS on refait leur apparition vers 1990-1991. Pour Zamiatine je ne sais pas exactement.

Ce roman est encore sur ma pile de lecture (qui baisse un peu ces temps-ci, heureusement).

A+

Patrice

Papageno
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Message par Papageno » lun. janv. 08, 2007 9:18 am

je l'ai trouvé assez antipathique, froid, distant
Oui c’est un peu l’inverse du credo actuel du roman
Dans le livre de Zamiatine j’ai la sensation que cette froideur est recherchée. Une sorte d’abstraction des sentiments, un discours qui se veut une forme d’art pur détachée de tout sentimentalisme. Une démonstration purement intellectuelle et théorique pour montrer le broyage mais aussi la résistance de l’artiste face aux systèmes totalitaires. Peut-être est-ce la raison de l’introduction des ces signes mathématiques au cours du récit qui dans l’esprit de l’auteur symbolisent probablement cette beauté abstraite.

Raoul Abdaloff
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Message par Raoul Abdaloff » lun. janv. 08, 2007 10:37 am

Il ne faut pas non plus oublier qu'entres autres très grandes qualités, ce roman est prodigieusement (et j'utilise prodigieusement si je veux) prémonitoire. Tout le travail autour de l'absence des noms, de la surveillande générale, de la froideur humaine, tout ça est assez stupéfiant de modernité et d'horreur.

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Patrice
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Message par Patrice » lun. janv. 08, 2007 11:06 am

Salut,

Le plus étonnant est qu'il devait sans dout être vendu sous le manteau en URSS puisqu'on y trouve une allusion dans L'Escargot sur la Pente des frères Strougatski (roman qui fut lui-même interdit), avec un personnage qui rêve de cités en cristal.

A+

Patrice

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zomver
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Message par zomver » mar. janv. 30, 2007 9:37 pm

J’ai découvert Nous autres récemment. Moi qui ne relis que rarement, je n’ai cessé depuis de réouvrir ce livre.

A l’instar de Raoul (Au fait, le bonjour à Alfred de ma part) et de Papageno, ce que tu as trouvé ennuyeux, sophie, je l’ai trouvé exceptionnel. Dans le fond. Dans la forme.

Pour ne reprendre que ta critique concernant "les élucubrations du mathématicien qui découvre l’amour", je ne saurais dire à quel point ma perception est à l’opposé de la tienne.

Pour étayer un peu ce point de vue, un exemple parmi d’autres : la note 12 concernant les réflexions de D503 (le mathématicien) sur la poésie:

"Comment se peut-il que toute l’absurdité de la littérature et de la poésie des anciens ne leur ait pas sauté aux yeux ? La force immense et grandiose du Verbe était employée en pure perte. C’est comique : chacun écrivait ce qui lui passait par la tête. C’était aussi ridicule et absurde […]. L’élément, autrefois sauvage de la poésie, a été dressé et soumis au joug. La poésie n’est plus un impardonnable roucoulement de rossignol, c’est une force nationale, un service utile. […] Les Dieux n’habitent plus l’empyrée, ils sont descendus sur la terre et avancent avec nous, la main dans la main, au son de la sévère marche de l’Usine Musicale. Leur lyre, c’est le frottement matinal des brosses à dents électriques, c’est le crépitement des étincelles dans la Machine du Bienfaiteur, c’est l’écho grandiose de l’hymne à l’Etat Unique. […] Les dieux sont devenus comme nous, ergo, nous sommes devenus comme des dieux. Et nous allons vers vous, lecteurs planétaires inconnus, pour rendre votre vie divinement raisonnable et précise comme la nôtre… "

Si je cite ce passage, c'est qu'il me semble illustrer parfaitement le contexte de lobotomisation générale dans lequel évolue D503. Il m'apparaît ainsi que la découverte du sentiment amoureux par ce mathématicien et le trouble qu’il provoque ne relèvent pas plus de la niaiserie que la découverte de l’amour et du sens des "mots interdits" par Anna Karina quand elle cite dans Alphaville (un film de Godard) une magnifique poésie de Paul Eluard.

Sans doute ce roman de Zamiatine a-t-il vieilli mais dans son immensité, je ne sais pas voir où.
Toujours est-il qu’il a réussi cette performance de me faire m’en vouloir à moi-même d’aimer autant Maiakovski. ;)

Pour conclure, je ne peux qu’attirer votre attention sur une œuvre dont on ne parle guère et que j’ai également découverte récemment : La Kallocaïne de Karin Boye (une Suédoise). Ce roman fut écrit en 1940 (9 ans donc avant 1984), dans la veine de Nous autres : dans un état totalitaire type "Nous autres", un ingénieur, Kall, serviteur intègre de l’Etat Mondial met au point une drogue de vérité. Le viol cérébral pour débusquer les pensées déviantes devient donc possible. Mais tout le monde a des pensées non conformes même les zélés serviteurs de l’Etat… Au cours des tests de sa drogue de vérité, Kall va découvrir beaucoup de choses... A l’instar du D503 de Nous autres, il progressera dans sa réflexion et sa conscience se réveillera.
A lire. Vraiment.

Tout ça, amha, bien sûr ! ;)

PS Patrice > Très chouette site sur la SF soviétique !!!
Mes doigts sont verts et quelquefois ils tombent.

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Patrice
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Message par Patrice » mer. janv. 31, 2007 8:20 am

Salut,
PS Patrice > Très chouette site sur la SF soviétique !!!
Merci, mais il est encore loin d'être parfait! :oops:

A+

Patrice

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Radiolaire
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Message par Radiolaire » jeu. avr. 05, 2007 3:00 pm

J'ai lu Zamiatine récemment, en version anglaise chez Penguin Books, traduction récemment retravaillée. Et je dois dire que j'ai eu la réaction inverse de celle de Sophie (peut-être parce que j'avais le préssuposé inverse, à savoir que je m'attendais à un livre écrit dans un style vieillot ; la lecture de Verne, Casares (L'invention de Morel) et Stapledon devrait vous donner une idée de ce que je veux dire par là).

Et bien oui, Nous autres est un chef-d'oeuvre, mêlant un humour cynique, des images magnifiques (la SF n'est-elle pas une littérature d'images), et une pertinence du propos.... Pour vous dire, un article dans Courrier International d'il y a quelques semaines sur la mode des immeubles tout en verre au Danemark (voilà la référence pour ceux qui sont abonnés) m'a immédiatement remis en tête Zamiatine (avec un frisson), avec raison. L'intrigue m'a paru plus intéressante dans la seconde partie qu'au début, quand la tention devient plus palpable et que le narrateur cesse de gloser sur la supériorité de sa société.
Enfin, très important, <spoiler>la fin du roman est un véritable crêve-coeur, et a contribué à y enraciner durablement ce roman</spoiler>.

J'ignore quel est le niveau de la traduction française, mais je recommande chaudement la version anglaise (à défaut de la version originale...).

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. avr. 05, 2007 4:11 pm

Dans le même esprit, je vous recommande la lecture de cette contre-utopie (ou dystopie?), dont voici la notice de la BN:
Type : texte imprimé, monographie
Auteur(s) : Rivet, Charles (01)
Titre(s) : Charles Rivet, en collaboration avec Michel Goriéloff. Le Triomphe de Lénine (anno diaboli 310) 2227 [Texte imprimé]
Publication : Paris : Perrin, 1927
Description matérielle : In-16, 287 p.

Notice n° : FRBNF31222610

Il y a bien longtemps, j'avais rédigié un article à son sujet dans le vieux fanzine "Amalipo", oublié de tous (qui a dit "heureusement"?)
Joe

Papageno
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Message par Papageno » jeu. avr. 05, 2007 8:53 pm

J'aime bien
des images magnifiques (la SF n'est-elle pas une littérature d'images),

Effectivement, quand on a tout oublié d'un livres de SF , il n'y a que ça qui reste, les images.

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