est-ce que la dépolitisation de la vie publique...
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- dracosolis
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le chouchen !Anne a écrit :Sinon, comment expliques-tu que les années 60/70 aient donné les romans d'anticipation "mises en garde"? Ca m'intéresse!
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.
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- bormandg
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Tu veux dire le manque de chouchen...MF a écrit :le chouchen !Anne a écrit :Sinon, comment expliques-tu que les années 60/70 aient donné les romans d'anticipation "mises en garde"? Ca m'intéresse!

"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Je pense que le problème n'est pas le manque de combats à mener.Anne a écrit :En revanche, je crois justement que cette génération étant la première (la mienne) à ne pas avoir connu de guerre directe est paradoxalement très anxieuse.
Celle des 10/18 ans encore plus (le taux de suicide chez les jeunes a augmenté).
Ne pas connaitre la guerre, ça veut dire aussi ne rien défendre, ne pas être porté par l'anxiété dite "positive" (celle qui te fait lever le matin pour ne pas te retrouver SDF même si tu as envie de claquer ton chef).
Et je trouve intéressant que tu parles de guerre "directe".
Au bon vieux temps on savait où on allait, il suffisait de buter les nazis pour gagner à la fin. Aujourd'hui l'ennemi est insaisissable. On ne sait plus très bien quel combat mener, ni en quel futur espérer. Nous sommes dans un monde en pleine transition, nos sociétés se durcissent, nous nous accrochons aux acquis du passé en sachant bien qu'ils sont pour ainsi dire déjà perdus. Le problème n'est pas de voir le précipice, on l'a bien repéré celui-là, c'est plutôt trouver les freins qui serait une bonne idée. Or j'ai l'impression que la SF aujourd'hui se contente de dire : "voilà où on tombe". Elle ne rêve plus les futurs impossibles dont on aurait tant besoin. C'est comme si nous étions paralysés par les phares du camion qui s'apprête à nous rouler dessus.
- bormandg
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Bon, je sais que je radote, mais on est passé d'un espoir de mondes nouveaux à créer à des combats pour conserver ce que nous voyons disparaître. Rien ne se crée, mais tout se perd diraît un Lavoisier actuel.
Et l'abandon de l'idée de créer a, entre autres, été entériné par cette "SF politique" des années 70. Mais comme la même idée s'est généralisée...
Et l'abandon de l'idée de créer a, entre autres, été entériné par cette "SF politique" des années 70. Mais comme la même idée s'est généralisée...
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Le raisonnement a l'air logique, sur le coup.Noctis a écrit :Je pense que le problème n'est pas le manque de combats à mener.Anne a écrit :En revanche, je crois justement que cette génération étant la première (la mienne) à ne pas avoir connu de guerre directe est paradoxalement très anxieuse.
Celle des 10/18 ans encore plus (le taux de suicide chez les jeunes a augmenté).
Ne pas connaitre la guerre, ça veut dire aussi ne rien défendre, ne pas être porté par l'anxiété dite "positive" (celle qui te fait lever le matin pour ne pas te retrouver SDF même si tu as envie de claquer ton chef).
Et je trouve intéressant que tu parles de guerre "directe".
Au bon vieux temps on savait où on allait, il suffisait de buter les nazis pour gagner à la fin. Aujourd'hui l'ennemi est insaisissable. On ne sait plus très bien quel combat mener, ni en quel futur espérer. Nous sommes dans un monde en pleine transition, nos sociétés se durcissent, nous nous accrochons aux acquis du passé en sachant bien qu'ils sont pour ainsi dire déjà perdus. Le problème n'est pas de voir le précipice, on l'a bien repéré celui-là, c'est plutôt trouver les freins qui serait une bonne idée. Or j'ai l'impression que la SF aujourd'hui se contente de dire : "voilà où on tombe". Elle ne rêve plus les futurs impossibles dont on aurait tant besoin. C'est comme si nous étions paralysés par les phares du camion qui s'apprête à nous rouler dessus.
Mais quand on y réfléchit, ce n'est pas si clair, quant aux productions de SF.
Il me semble que, en SF, il y a deux sortes, en très gros, de production:
- des textes d'"avertissement", se situant en général dans un futur très proche.
- des textes d'imagination "débridée", si j'ose écrire, se situant dans des futurs très lointains, dans d'autres systèmes solaires, avec d'autres espèces intelligentes, etc.
Que la situation de la première catégorie soit incertaine, c'est quasiment dans sa nature. Elle dépend de l'état du moment.
Pour la deuxième, en revanche, je ne vois pas bien pourquoi elle serait gênée par les phares du camion.
Et pourtant, on se plaint de la situation, aussi dans cette seconde catégorie...
Oncle Joe
Moi pas, j'ai mis du papier peint aux murs.
Et puis je suis revenue devant mon PC pour voir que d'autres avaient été bien plus désœuvrés que moi.
Et puis je suis revenue devant mon PC pour voir que d'autres avaient été bien plus désœuvrés que moi.
"Oph n'est pas un lézard, mais elle présente d'autres atouts."
– Laurent Whale & Jean Millemann
eul' crédit photo !
– Laurent Whale & Jean Millemann
eul' crédit photo !
Je manque totalement de la culture nécessaire pour analyser la question. Mais il me semble que même l'imagination débridée des futurs très lointain peut être fortement influencée par les rêves et les espoirs de l'époque de la rédaction. Dans les deux cas on a derrière le roman un auteur qui nous livre sa vision. Est-ce qu'il peut vraiment se détacher de son époque ?Lensman a écrit : Le raisonnement a l'air logique, sur le coup.
Mais quand on y réfléchit, ce n'est pas si clair, quant aux productions de SF.
Il me semble que, en SF, il y a deux sortes, en très gros, de production:
- des textes d'"avertissement", se situant en général dans un futur très proche.
- des textes d'imagination "débridée", si j'ose écrire, se situant dans des futurs très lointains, dans d'autres systèmes solaires, avec d'autres espèces intelligentes, etc.
Que la situation de la première catégorie soit incertaine, c'est quasiment dans sa nature. Elle dépend de l'état du moment.
Pour la deuxième, en revanche, je ne vois pas bien pourquoi elle serait gênée par les phares du camion.
Et pourtant, on se plaint de la situation, aussi dans cette seconde catégorie...
Oncle Joe
Si on prend les années 70, il y avait beucoup de SF d'"avertissement" (on en trouvait une expression importante même au cinéma, avec des films comme Soleil vert). A lire cette SF, on avait l'impression que l'on avançait vers la une situation de plus en plus catastrophique. En 1974, René Dumont buvait un verre d'eau devant les télespectateurs, en expliquant qu'un jour, ce serait une denrée rare... Quels étaient donc les "rêves" et les "espoirs", dans ces conditions? En tout cas, ça ne semblait pas gêner le seconde catégorie.Noctis a écrit :
Je manque totalement de la culture nécessaire pour analyser la question. Mais il me semble que même l'imagination débridée des futurs très lointain peut être fortement influencée par les rêves et les espoirs de l'époque de la rédaction. Dans les deux cas on a derrière le roman un auteur qui nous livre sa vision. Est-ce qu'il peut vraiment se détacher de son époque ?
Oncle Joe
Si l'on s'en tient à l'histoire du microcosme, je suis tenté d'envisager une réactionAnne a écrit :Sinon, comment expliques-tu que les années 60/70 aient donné les romans
d'anticipation "mises en garde"? Ca m'intéresse!
contre-heinleinienne. La mode est au rejet des mandarins, et "Papy Heinlein", comme
dit alors Aldiss sans grande affection, sexagénaire, a encore le front, non seulement
d'aligner les grands textes (The Moon Is a Harsh Mistress, 1966 ; Time Enough for Love,
1972), mais encore d'apparaître comme une influence majeure du mouvement hippie
(Stranger in a Strange Land, 1960) et de revendiquer la sexualité joyeuse des seniors
(I Will Fear No Evil, 1970). La seule façon pour la soi-disant "nouvelle vague"
d'exister dans son ombre, c'était de prétendre que l'anticipation technophile façon
Histoire du futur était morte et enterrée, et de faire l'exact contraire.
Plus largement, il me semble que la génération 68 se caractérise, entre bien d'autres
choses, par un souci assez exclusif de ses propres besoins et problèmes, au détriment
aussi bien de la précédente ("les quadras en quarantaine" que des suivantes, auquel
elle n'a pas cherché à proposer grand chose, et surtout pas ce qu'elle avait revendiqué
pour elle-même.
En matière de technologie, ça s'est traduit par une absence d'investissements à long
terme. Du coup, là où, confronté à un problème technique d'envergure, un auteur des
années 50 tendait à imaginer des solutions plus ou moins exotiques, en pariant sur
l'avenir, celui des années 70 imagine les conséquences d'une perpétuation indéfinie
de la difficulté, et "met en garde" contre l'avenir.
Un exemple dont on parle beaucoup ces jours-ci : le nucléaire. On pouvait prévoir les
inconvénients et les dangers des réacteurs à fission depuis la fin des années 30
(pour rester avec Heinlein : « Blowups Happen », 1940). La génération des années 40
a bricolé les premiers (et la bombe) en serrant les fesses, et en pariant que les
problèmes de sécurité seraient rapidement résolus. Celle des années 50 ont en effet
développé une technologie bien plus sûre, les réacteurs à eau pressurisée, en laissant
aux suivantes deux questions ouvertes : celle des déchets, et celle des technologies
de fusion. Et... les choses en sont encore là. Les même grandes boîtes qui ont investi
dans le domaine dans les années 60 en vivent toujours grassement, sans laisser
émerger de nouvelles technologies, et les prophètes de malheur expliquent toujours
que, si ça continue, ça ne pourra pas durer...
Ou prends l'espace : les auteurs de SF des années 50 ont trè!s délibérément fait rêver
les gamins d'alors, qui sont devenus les ingénieurs d'Apollo, bricolé ex nihilo ou
presque en une douzaine d'années. Ceux des années 70 nous ont "mis en garde"
contre les dérives (certes bien réelles) du complexe militaro-industriel, sans proposer
ni solution politique sérieuse, ni nouveau rêve.... et, quarante ans après, non seulement
la NASA est toujours là et coûte aussi cher qu'à ses heures de gloire, mais elle n'est
même plus foutue de lancer un astronaute en orbite basse.
Bref : il me semble que, faute de créateur majeur dans leurs rangs, les auteurs
d'anticipation des années 60/70 se sont simplement faits les interprètes de leur
génération. Ce qui n'est déjà pas si mal, au vrai.