Lensman a écrit :bormandg a écrit :
Pas d'accord avec la première phrase. Ou alors nous n'employons pas le mot "mimétisme" dans le même sens, et on a des oeuvres de pure SF qui ne changent rien ou presque aux règles du monde, aux réalités techniques et scientifiques tout en donnant de la pure SF. "Flowers for Algernon", par exemple.
Quant à ce que tu qualifies de qualitatif, ce n'est certainement pas le mimétisme.
Seule la troisième phrase est une évidence pour tout auteur pré-Singularité.
Je suis évidemment d'accord pour les œuvres de SF qui ne changeant presque rien au règle du monde, et il y a des textes remarquables. Cependant, j'insiste: le "presque rien" n'est pas une notion très efficace pour distinguer le mimétique de ce qui ne l'est pas, ou peu (je ne parle pas du non-mimétique, auquel tu donnes visiblement un sens plus radical, mais que je ne suis pas sûr de comprendre). Je n'ai pas donné l'exemple des extraterrestres au hasard: il concerne une quantité très, très considérable d'œuvres de SF, et s'il y a extraterrestre, pour moi, ce n'est très généralement pas mimétique global, parce que cela ne concerne pas la normalité, ou si on préfère, l'immense collection des événements qui sont considéré comme arrivant (pour moi, un pays africain imaginaire où se passe un coup d'état entre dans le mimétique, pas les extraterrestres). Un texte qui se situe dans un futur autre qu'immédiat n'est pas non plus dans le mimétique global.
Attention, ce que j'appelle le "mimétique global" n'est pas quelque chose qui se définit aisément, c'est une atmosphère, une impression générale plus ou moins partagée par l'immense majorité des lecteurs (les extraterrestres est un concept connu, mais il n'entre pas dans qui est globalement admis comme existant et nous rendant visite… sauf pour certaines catégories de lecteurs qui y "croient" à cause des soucoupes volantes, de contacts psychiques ou d'artefacts laissés sur Terre, mais c'est une catégorie particulière de lecteurs).
Le contenu du "mimétique global" est évidemment évolutif, car il dépend de ce qui va être globalement admis comme "normal" (attention : "normal" ne voulant pas nécessairement dire en conformité avec les "règles du monde"! c'est de l'
impression de normalité dont il est question). Et il est fort possible que la visite des extraterrestres finisse par entrer dans le le "mimétique global" (selon moi), quand bien même il n'y aurait pas d'extraterrestres qui nous rendent (ou nous aient rendu) réellement visitent!
Prenons un exemple.
Contact de Sagan est de la SF. Cependant, il se situe à peu près dans le mimétique global, dans la mesure où Sagan traite le sujet comme si, justement (c'est le thème du livre), on découvrait les extraterrestres et on assistait, dans son roman, à leur entrée dans ce qui sera vu comme une "normalité". Ce type de texte de SF est toujours produit de nos jours, bien sûr, mais en SF, assez généralement et depuis pas mal de temps, les extraterrestres font partie du décors, les vaisseaux spatiaux et autres portes spatiales qui permettent de les rencontrer (ou leur permettent de nous rencontrer) sont une banalité, c'est le moins que l'on puisse dire… Lire par exemple, pour comparer, la manière dont Laurent Genefort traite le sujet dans
Points Chauds,excellent roman qui vient de sortir et dont je recommande à tous la lecture: il s'agit du thème du premier contact (au départ), mais on voit comment c'est traité, parce que Genefort est un auteur… de SF.
En "mimétique globale", on peut aborder (avec prudence, cf.Sagan) la thématique du premier contact. Mais c'est au risque et péril de l'auteur, s'il décide de s'adresser au public qui ne se sent surtout à l'aise dans le mimétique global (ma mère, par exemple).
Pour la question du "qualitatif", je considère par exemple le gros de l'œuvre de Zola comme entrant tout à fait dans le "mimétique global" : elle ne s'opposait en rien à la "normalité" du monde telle qu'elle était en gros perçue de son temps. En revanche, son obscénité (selon les critère littéraires du temps), son caractère cru, étaient mal supportés par certains.
Maigret, pour moi, est dans le "mimétique global" (comme sans doute la plus grande partie de l'œuvre de Simenon), et plus personne n'ose dire aujourd'hui que Simenon n'est pas un grand écrivain.
Mais le "qualitatif" me semble un facteur assez peu important dans notre débat. Un texte de SF se passant dans un futur lointain avec des personnages ressemblant trop (pour toi et pour moi) à des personnages du début du XXIe siècle, cela voudra dire que le texte ne fait pas ressortir l'essence de la SF (selon moi et sans doute toi), mais cela ne voudra pas dire automatiquement que ce ne sera pas un grand texte sur d'autres plans. (Mon obsession est la caractérisation de la SF, pas de chercher des critères de qualité littéraire d'une œuvre).
Oncle Joe