Le Visage Vert ressuscite
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Salut,
j'ai retrouvé l'origine de la référence au Royaume des Mères. En fait Goethe lui-même le repompe à Plutarque, d'après ce que dit la note de bas de page dans mon bouquin. C'est là, et c'est que du bonheur:
Le Royaume des Mères dans l’Etoile de la Rédemption
Dans la première partie : Les éléments ou le perpétuel pré-monde, dans le premier livre : Dieu et son être, ou métaphysique, le paragraphe intitulé « Vers la méthode » :
p. 48-50 :
« Pour de bonnes raisons, nous n’allons pas pour le moment au-delà de ces déterminations purement formelles ; nous ne voulons pas anticiper. Toutefois, ce qui vient d’être dit s’éclairera déjà quelque peu si nous considérons, simplement pour comparer, le processus inverse, le passage vers le néant. Là aussi, on se trouve devant deux possibilités : c'est – pour remplacer finalement l’expression « quelque chose », au sens aujourd'hui trop restreint, par une autre moins chargée - , c'est la négation de l’éant et l’affirmation du non-éant, du néant. L’inversion est tellement exacte que là où apparaissait le Oui à l’aller, c'est désormais le Non qui apparaît, et inversement. Pour l’émergence du néant grâce à la négation de l’éant, la langue allemande possède une expression qu’il nous suffit de libérer de son sens étroit pour pouvoir l’insérer ici : Verwesung, dissolution (exactement comme la Entwesung des mystiques) qui désigne la négation de l’éant. Au contraire, pour l’affirmation du néant, la langue possède le mot anéantissement. Dans la dissolution de l’essence, la perte de l’essence, le néant apparaît dans son indétermination infinie ; ni le corps qui se dissout ni l’âme en train de perdre son essence n’aspirent au néant comme à une chose positive, mais uniquement à la dissolution de leur essence positive ; mais lorsqu’ils en arrivent là, ils débouchent dans la nuit informe du néant. Au contraire, Méphisto qui veut sans détours le mal et de son propre aveu aime l’éternellement vide désire le néant, et dès lors l’ensemble doit évidemment déboucher sur… l’ « anéantissement ». Là nous ne voyons donc pas le néant lui-même comme une réalité complexe – car dans ce cas il serait une réalité déterminée et non point le néant - , mais cependant comme une chose atteignable par des voies multiples et des directions opposées ; et ainsi nous comprenons peut-être mieux comment le néant indéterminé peut contenir diverses origines du déterminé et comment le fleuve silencieux de l’essence, comment la source de l’acte jaillissant très haut puissent jaillir de la même eau étale dans l’obscurité.
Qu’on le note bien, nous ne parlons pas, comme la philosophie d’autrefois, qui ne reconnaissait que le Tout comme son objet, d’un néant en général. Nous ne connaissons pas de néant un et universel parce que nous nous sommes débarrassés du présupposé du Tout un et universel. Nous ne connaissons que le néant singulier du problème singulier (aussi n’est-ce pas un néant déterminé d’une manière ou d’une autre, mais seulement un néant générateur de détermination). Pour nous, par conséquent, c'est le néant de Dieu. Dieu est ici notre problème, notre pro-jet et notre ob-jet. Justement, parce qu’il ne doit pas être pour nous d’abord plus qu’un problème, nous exprimons que nous commençons par son néant, et donc faisons du néant son présupposé (et non pas un résultat, comme nous l’avons déjà noté au début). Dans une certaine mesure, nous disons : si Dieu est, alors découle de son néant ce qui suit. Dans la mesure donc où nous présupposons le néant exclusivement comme le néant de Dieu, toutes les conséquences de ce présupposé ne mènent pas non plus au-delà du cadre de cet objet. Il serait donc tout à fait faux, et ce serait retomber dans le concept dépassé de néant un et universel, de croire avoir déduit, dans le jaillissement de l’ « essence » et dans l’irruption de l’ « acte », l’essence et l’acte en général, par exemple l’essence du monde, ou encore l’acte concernant l’homme ou le monde. Aussi longtemps que nous nous mouvons dans cette zone pleine d’hypothèses du néant, tous les concepts demeurent dans cette zone, ils demeurent sous la loi du si et du ainsi sans pouvoir sortir du cercle magique. C'est ainsi que l’essence ne pourra jamais signifier qu’une essence en Dieu, que l’acte ne peut être référé à un objet situé en dehors de Dieu. Si nombreuses soient les réflexions sur Dieu – comme plus tard sur le monde et l’homme - , l’essence demeure en soi-même. Nous avons mis en pièces le Tout, désormais chaque morceau est un Tout pour soi. Alors que nous nous abîmons dans cette mosaïque de notre savoir, nous sommes encore, dans notre aventure au royaume des Mères , des valets du premier commandement : le commandement de s’abîmer. La montée, et, par elle, l’assemblement de la mosaïque jusqu’à la perfection du nouveau Tout ne viendra qu’ultérieurement. »
Et la note de bas de page définissant le Royaume des Mères:
"Nom imagé que Rosenzweig donne aux « éléments » matriciels primordiaux du réel. Le mot vient du Second Faust de Goethe, qui l’a lui-même repris de Plutarque. Les « Mères » sont des déesses enfouies dans un royaume d’où toute chose tire son origine."
Voilà...
Demain, si ça tente quelqu'un, je prendrai le temps de commenter cet extrait de philosophie absolument magnifique...
A +
j'ai retrouvé l'origine de la référence au Royaume des Mères. En fait Goethe lui-même le repompe à Plutarque, d'après ce que dit la note de bas de page dans mon bouquin. C'est là, et c'est que du bonheur:
Le Royaume des Mères dans l’Etoile de la Rédemption
Dans la première partie : Les éléments ou le perpétuel pré-monde, dans le premier livre : Dieu et son être, ou métaphysique, le paragraphe intitulé « Vers la méthode » :
p. 48-50 :
« Pour de bonnes raisons, nous n’allons pas pour le moment au-delà de ces déterminations purement formelles ; nous ne voulons pas anticiper. Toutefois, ce qui vient d’être dit s’éclairera déjà quelque peu si nous considérons, simplement pour comparer, le processus inverse, le passage vers le néant. Là aussi, on se trouve devant deux possibilités : c'est – pour remplacer finalement l’expression « quelque chose », au sens aujourd'hui trop restreint, par une autre moins chargée - , c'est la négation de l’éant et l’affirmation du non-éant, du néant. L’inversion est tellement exacte que là où apparaissait le Oui à l’aller, c'est désormais le Non qui apparaît, et inversement. Pour l’émergence du néant grâce à la négation de l’éant, la langue allemande possède une expression qu’il nous suffit de libérer de son sens étroit pour pouvoir l’insérer ici : Verwesung, dissolution (exactement comme la Entwesung des mystiques) qui désigne la négation de l’éant. Au contraire, pour l’affirmation du néant, la langue possède le mot anéantissement. Dans la dissolution de l’essence, la perte de l’essence, le néant apparaît dans son indétermination infinie ; ni le corps qui se dissout ni l’âme en train de perdre son essence n’aspirent au néant comme à une chose positive, mais uniquement à la dissolution de leur essence positive ; mais lorsqu’ils en arrivent là, ils débouchent dans la nuit informe du néant. Au contraire, Méphisto qui veut sans détours le mal et de son propre aveu aime l’éternellement vide désire le néant, et dès lors l’ensemble doit évidemment déboucher sur… l’ « anéantissement ». Là nous ne voyons donc pas le néant lui-même comme une réalité complexe – car dans ce cas il serait une réalité déterminée et non point le néant - , mais cependant comme une chose atteignable par des voies multiples et des directions opposées ; et ainsi nous comprenons peut-être mieux comment le néant indéterminé peut contenir diverses origines du déterminé et comment le fleuve silencieux de l’essence, comment la source de l’acte jaillissant très haut puissent jaillir de la même eau étale dans l’obscurité.
Qu’on le note bien, nous ne parlons pas, comme la philosophie d’autrefois, qui ne reconnaissait que le Tout comme son objet, d’un néant en général. Nous ne connaissons pas de néant un et universel parce que nous nous sommes débarrassés du présupposé du Tout un et universel. Nous ne connaissons que le néant singulier du problème singulier (aussi n’est-ce pas un néant déterminé d’une manière ou d’une autre, mais seulement un néant générateur de détermination). Pour nous, par conséquent, c'est le néant de Dieu. Dieu est ici notre problème, notre pro-jet et notre ob-jet. Justement, parce qu’il ne doit pas être pour nous d’abord plus qu’un problème, nous exprimons que nous commençons par son néant, et donc faisons du néant son présupposé (et non pas un résultat, comme nous l’avons déjà noté au début). Dans une certaine mesure, nous disons : si Dieu est, alors découle de son néant ce qui suit. Dans la mesure donc où nous présupposons le néant exclusivement comme le néant de Dieu, toutes les conséquences de ce présupposé ne mènent pas non plus au-delà du cadre de cet objet. Il serait donc tout à fait faux, et ce serait retomber dans le concept dépassé de néant un et universel, de croire avoir déduit, dans le jaillissement de l’ « essence » et dans l’irruption de l’ « acte », l’essence et l’acte en général, par exemple l’essence du monde, ou encore l’acte concernant l’homme ou le monde. Aussi longtemps que nous nous mouvons dans cette zone pleine d’hypothèses du néant, tous les concepts demeurent dans cette zone, ils demeurent sous la loi du si et du ainsi sans pouvoir sortir du cercle magique. C'est ainsi que l’essence ne pourra jamais signifier qu’une essence en Dieu, que l’acte ne peut être référé à un objet situé en dehors de Dieu. Si nombreuses soient les réflexions sur Dieu – comme plus tard sur le monde et l’homme - , l’essence demeure en soi-même. Nous avons mis en pièces le Tout, désormais chaque morceau est un Tout pour soi. Alors que nous nous abîmons dans cette mosaïque de notre savoir, nous sommes encore, dans notre aventure au royaume des Mères , des valets du premier commandement : le commandement de s’abîmer. La montée, et, par elle, l’assemblement de la mosaïque jusqu’à la perfection du nouveau Tout ne viendra qu’ultérieurement. »
Et la note de bas de page définissant le Royaume des Mères:
"Nom imagé que Rosenzweig donne aux « éléments » matriciels primordiaux du réel. Le mot vient du Second Faust de Goethe, qui l’a lui-même repris de Plutarque. Les « Mères » sont des déesses enfouies dans un royaume d’où toute chose tire son origine."
Voilà...

A +
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Re: Le Visage Vert ressuscite
et c'est de la sf ?Charlotte a écrit :Voilà une excellente nouvelle, la revue de fantastique Le Visage Vert ressuscite aux éditions Zulma. On vient de la recevoir en Service de presse et la chronique va tomber très, très rapidement.
Cette revue de qualité éditée chez Joëlle Losfeld s'était arrêtée au symbolique numéro 13. Elle reprend au N°14. Au sommaire, des nouvelles, avec entre autres Fitz-James O'Brien (auteur américain d'origine irlandaise injustement méconnu) et Jean Lorrain, et des articles avec notamment un essai de l'érudit Michel Meurger.
Avec une nouvelle maquette et toujours dirigé par Xavier Legrand-Ferronière, ce numéro est en plus consacré en grande partie aux femmes fatales.
Toutes les infos sont là
http://www.fantastinet.com l'actualité de la littérature de l'imaginaire
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Re: Le Visage Vert ressuscite
Nan, plutôt du fantastiqueorcusnf a écrit : et c'est de la sf ?
Jérôme
'Pour la carotte, le lapin est la parfaite incarnation du Mal.' Robert Sheckley
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Oui, à priori, c’est bien du fantastique. Je ne connais Fitz-James O'Brien que de nom, mais il me semble avoir lu quelque chose de Jean Lorrain.
Dans les années 1970 les éditions marabout avait publié un volume avec dans le titre «Buveur d’éther» ou quelque chose de proche et j’ai du le lire a cette époque. Mais mes souvenirs sont flous car j’ai égaré ce livre suite à des déménagements et je ne le possède plus, dommage
Dans les années 1970 les éditions marabout avait publié un volume avec dans le titre «Buveur d’éther» ou quelque chose de proche et j’ai du le lire a cette époque. Mais mes souvenirs sont flous car j’ai égaré ce livre suite à des déménagements et je ne le possède plus, dommage
Pour rester hors sujet, je recommande à Papageno la version de "Salomé" chantée par Christel Goltz et dirigée par Klemens Krauss (un vieux copain de Richard Strauss) en 1954 avec les W iener. C'est en CD pas cher chez Decca.
Pour revenir dans le sujet, "Le Visage vert"", c'est bien. Il m'est arrivé d'y collaborer, et dans le nouveau numéro, il y a un article de mon vieux complice Michel Meurger. Achat obligatoire!
Oncle Joe
Pour revenir dans le sujet, "Le Visage vert"", c'est bien. Il m'est arrivé d'y collaborer, et dans le nouveau numéro, il y a un article de mon vieux complice Michel Meurger. Achat obligatoire!
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Contes d'un buveur d'éther - Bibliothèque Marabout n°514, 1975Papageno a écrit :Oui, à priori, c’est bien du fantastique. Je ne connais Fitz-James O'Brien que de nom, mais il me semble avoir lu quelque chose de Jean Lorrain.
Dans les années 1970 les éditions marabout avait publié un volume avec dans le titre «Buveur d’éther» ou quelque chose de proche et j’ai du le lire a cette époque. Mais mes souvenirs sont flous car j’ai égaré ce livre suite à des déménagements et je ne le possède plus, dommage
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Merci, je ne ne possède pas cette version mais je vais essayer de me la procurer. Merci encorePour rester hors sujet, je recommande à Papageno la version de "Salomé" chantée par Christel Goltz et dirigée par Klemens Krauss (un vieux copain de Richard Strauss) en 1954 avec les W iener. C'est en CD pas cher chez Decca.
De toute façon j'aime tous ce qu'a fait Richard Strauss, ses opéra (je suis un fondu d'opéra) bien sur mes aussi ces poèmes symphoniques et ces leider. quel qu'en soit les interprètes.
ha oui, merci bien, ces bien ça.Contes d'un buveur d'éther - Bibliothèque Marabout n°514, 1975
j'ai bien envie aussi d'acheter la revue présentée par Charlotte, je lis principalement de la Science-fiction mais j'aime bien de temps en temps changer d'ambiance et lire un peu de fantastique.
Au fait "Le visage vert" ce n'est pas aussi le titre d'un roman Gustav Meyrink?
(de Meyrink je n'est lu - malheureusement - que son formidable "Le Golem" )
- Charlotte
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Je maintiens la revue se distingue par sa qualité et, à mon sens, elle n'est pas assez connu, notamment des universitaires.Papageno a écrit :'ai bien envie aussi d'acheter la revue présentée par Charlotte, je lis principalement de la Science-fiction mais j'aime bien de temps en temps changer d'ambiance et lire un peu de fantastique.
Au fait "Le visage vert" ce n'est pas aussi le titre d'un roman Gustav Meyrink?
(de Meyrink je n'est lu - malheureusement - que son formidable "Le Golem" )
Et oui, Le Visage Vert est bien un roman de Meyrink

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Oui, je me suis toujours dit qu'un jour je lirais tous les Meyrink! Mais je ne sais pas s'ils sont tous disponible aujourd'hui?...tout Meyrink est à lire, il n'y a pas à hésiter
PS: il va falloir que j'arrête de vouloir tout lire, j'ai une pile à lire qui commence à prendre les proportions d'un tour de Babel !
- Virprudens
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- Localisation : Exception raised
Papageno, si c'est tout écrit en français, c'est pas la tour de Babel. C'est pas non plus la tour Taipei 101 - c'est à Taiwan, ils parlent pas la langue - non plus que le Burj Dubai (pas encore terminée, mais ils parlent pas la langue non plus). Peut-être voulais-tu dire : ça commence à prendre les proportions infernales de la Tour Montparnasse ?Papageno a écrit :PS: il va falloir que j'arrête de vouloir tout lire, j'ai une pile à lire qui commence à prendre les proportions d'un tour de Babel !
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