Eric a écrit :Je rebondis sur les propos de K2R2, concernant les bouquins "tièdes". Parce qu'au fond, cracher sur un roman ou le défendre comme un barjo, l'exercice reste finalement facile. le plus difficile dans la chronique, c'est parler d'un livre qui ne vous inspire rien. Ceux qui vous en touche une sans remuer l'autre.
Perso, et pour vous donner une exemple concret, Bordage me fait cet effet. Indéniablement c'est plutôt bien. Généralement c'est bien foutu, bien écrit, tout ça, sauf que voilà... ce qu'il écrit ne m'intéresse pas. M'en fout. C'est comme ça.
Alors bon, Bordage, je le sais, donc je ne chronique pas, mais (en dehors de ce cru 2007 exceptionnel qui nous donne du bon, voire du chef d'œuvre à tour de bras) l'immense majorité de ce que nous lisons produit sur nous ce genre d'effet. Quand je lis Chindi de McDevitt ou Le Canal ophite de Varley, le vrai truc, c'est que je m'en fous. Voilà deux bouquins qui ne m'ont même pas assez intéressés pour que je me forge un réel avis dessus. Là est l'exercice. Je ne les casse pas parce que je me suis tout simplement fais chié en les lisant, en dépit de leurs indéniables qualités. Alors quoi ?.... et ben t'es tiède.
La différence avec le Cafard, c'est que nous, on fait tout de même la chronique, alors que Thierry, lui, il dit à son gars, de laisser pisser.
J'appelle pas ça de l'élitisme.
Et j'irais même plus loin. Parfois, il y a des livres que je n'aime pas, où dont je passe un peu à côté parce qu'ils ne m'ont pas accroché. Mais je sens qu'ils pourraient plaire à d'autres lecteurs avec des goûts différents. Un bon exemple tiens, le Neuromancien de Gibson. Je l'ai lu et rien ne s'est passé. Bon. Mais je sais qu'il a plu à plein de gens. Là vous me direz, c'est facile. Dans les nouveautés, c'est un cas qui arrive de temps à autres. A moi d'expliquer pourquoi je n'ai pas franchement accroché mais je me dois aussi de préciser qu'il peut plaire à un certain public. Attention, ne généralisons pas. Certains romans sont mauvais point barre. Mais pour certains où l'avis est plus mitigé, ça peut arriver.
Bref, un livre et un chroniqueur, c'est une rencontre à un instant "T" avec le passif de la personne qui le lit, son état d'esprit, le plaisir qu'il a ressentit etc. Y'a de l'humain là dessous même si on essaie de prendre un maximum de recul et d'analyser pourquoi ce livre nous a plu ou non, comment l'auteur écrit etc et de prendre un certain nombre de critères incontournables pour faire la chronique.
Quant au ventre mou des parutions, il faut bien se dire que les chefs d'oeuvres ne se trouvent pas par dizaines tous les mois dans le rayon des nouveautés, en SF comme ailleurs. Quand on en trouve un, c'est facile de faire la chronique. Même chose pour les bouses. Et puis il y a tous ces romans plaisants sans être géniaux, agréables à lire sans être indispensables etc. Là c'est un peu plus dur d'écrire dessus.
Quant à l'élitisme, ça doit se situer quelque part par là. Soit on décide de jeter 95% de la production et de n'encenser que les 5% restant de chefs d'oeuvres, et on l'est. Soit on indique tous ces livres agréables sans être indispensables, et on l'est peut-être un peu moins. On laisse alors aussi sa part de jugement au lecteur.
Quelqu'un parlait de la surproduction tout à l'heure qui évidemment rend le choix difficile pour le lecteur. C'est un fait indéniable. Mais c'est aussi une richesse. d'abord parce que si l'on produisait moins, on ne produirait peut-être pas mieux. Avoir moins de bouquins dans les nouveautés n'impliquerait pas d'avoir plus de chefs d'oeuvres. C'est pas mécanique tout ça, c'est aussi des choix d'éditeurs qui sont économiques. Ensuite, dans la surproduction actuelle, qu'est-ce qui est de l'ordre de la surproduction et qu'est-ce qui est de l'ordre de l'essentiel ? Si on ne garde que les plus grosses ventes, exit alors sans doute les Shepard, Cabasson ou Brust. La surproduction, c'est aussi la possibilité de fouiner et trouver des titres et des auteurs qui nous interessent... Je ne dis pas que c'est bien. Mais ce n'est en tout cas pas QUE du negatif.