Pourquoi "étonnant" ?Roland C. Wagner a écrit :... et, aussi étonnant que ça puisse paraître, Le Frère des dragons de Charles Sheffield.
Dialogue en direct du 19 au 21 avril
Modérateur : jerome
- Roland C. Wagner
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À l'origine, la transparence est juste un genre de gimmick. Avec en prime une petite inversion logique à la base.Transhumain a écrit :Alors, la transparence : à l'ère de Google et des logiciels espions, un moyen d'échapper au quadrillage du monde, et à sa déréliction ?
Dans Les Derniers Jours de mai, j'ai donné tout un tas de pouvoirs parapsychiques à un pauvre type pour en faire un super-minable ; de ce point de vue, ce roman est un anti-À la poursuite des Slans. Le narrateur est vraiment pitoyable, et il emploie ses pouvoirs d'une manière totalement excessive, voire incontrôlée. Au point qu'ils se retournent contre lui, en un sens. La mutation ne débouche pas sur l'espèce qui prendra notre suite, mais sur la destruction de l'humanité. Parce que les Talents suscitent le déséquilibre.
Dans les Futurs Mystères, Tem n'a qu'un seul Talent, assez discret quand on y réfléchit. Ce Talent lui procure des avantages évidents, mais possède des inconvénients sensibles que Tem résume ainsi :
« Très pratique pour les filatures, pensez-vous. Mais imaginez mon calvaire dès lors qu’il s’agit d’interroger des témoins. »
Cette citation, qui figurait quasiment telle quelle dans la présentation de la série soumise au Fleuve Noir il y a dix ans, montre bien à quel point tout est ici question d'équilibre. Là où le narrateur des Derniers Jours de mai passe son temps à maudire ses pouvoirs qui lui pourrissent la vie, Tem éprouve à l'égard de son Talent des sentiments qui ont tendance à varier en fonction du contexte et de l'intensité de sa transparence par rapport à celui-ci.
Au départ, donc, c'est cette vision très intérieure de la chose qui m'a amené à l'emploi de la transparence. J'avais aussi l'impression que je tenais là une source quasiment inépuisable de comique de répétition. L'inversion logique joue ici pleinement : Tem est plus préoccupé par la disparition de son nom sur sa boîte à lettres que ravi d'échapper au fichage généralisé. Pourtant, ce n'est qu'un petit inconvénient local en regard de l'avantage global qu'il tire de son Talent.
Ça, ce sont les bases. Ensuite, je me suis contenté d'en tirer les conséquences. Si la transparence a acquis un aspect métaphorique, comme tu le suggères, c'est au développement science-fictif qu'elle le doit, pas à une décision de ma part. On ne fait pas de la SF en prenant une métaphore et en la développant ; c'est le contraire qui se produit : l'extrapolation SF débouche, éventuellement, sur une métaphore — ou plus exactement sur ce que j'appellerais un « espace métaphorique », où les métaphores se développent librement. Ce n'est pas de ma faute si l'actuelle tendance sécuritaire ne cesse de renforcer cet aspect.
Au fait, pour moi, le monde n'est pas en « déréliction », il est juste en train de traverser quelques turbulences, avec un trou d'air de temps en temps. Attachons nos ceintures, mais ce n'est vraiment pas la peine de sortir les parachutes.
Modifié en dernier par Roland C. Wagner le mer. avr. 19, 2006 1:29 pm, modifié 1 fois.
- Roland C. Wagner
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Non, très peu. J'ai juste fait quelques corrections et ajouté le dernier chapitre parce que l'éditeur trouvait la fin un tantinet abrupte. J'avoue que ça m'a moi-même étonné d'avoir si peu de travail sur le texte, étant donné les conditions dans lesquelles il a été écrites.Eric a écrit :Est-ce que cette réédition de L.G.M t'as demandé beaucoup de travail ? Et dans quel sens à tu retravaillé ta première version ?
C'est peut-être parce que le monde n'a pas changé le 11 septembre 2001.
- Roland C. Wagner
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D'une manière générale, oui. Je lance la base de données musicale en aléatoire pour ne pas perdre de temps à me demander ce que je vais bien pouvoir écouter, et je bosse. Ou alors je me mets un vinyle que je n'ai pas encore converti en numérique. Je ne sais pas exactement ce que j'ai dans ma discothèque, et je ne tiens pas à le savoir. J'aime bien avoir des surprises.jerome a écrit :Tiens d'ailleurs, comment bosses-tu ? En musique ?
Pour les Futurs Mystères, c'est facile : Happy Trails de Quicksilver Messenger Service, et plus particulièrement la face B du vinyle, avec cet instrumental mystique au possible qui n'en finit pas…jerome a écrit :et c'est quoi pour toi la BO de LGM ou des Mystères ?
Pour L.G.M., une version de Holiday in Cambodia par Os Mutantes ferait bien l'affaire, mais il ne faut pas compter dessus, alors je vais me rabattre sur les grands classiques : « Jésus-Christ est un Martien », le tube immortel de Johnny Halliday, « Barsoom's burning » par les Clash et, bien entendu, The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Little Green Men From Mars, le concept album culte de David Bowie…
Modifié en dernier par Roland C. Wagner le mer. avr. 19, 2006 3:17 pm, modifié 1 fois.
- Roland C. Wagner
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- Eric
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Ben non, il est bien ce roman...Roland C. Wagner a écrit :
Parce que je dois être l'une des très rares personnes à tenir ce roman pour un quasi chef-d'œuvre.
Et puis finalement c'est assez raccord avec ce qui semble être ta conception de SF.
D'ailleurs c'est quoi ta conception de la SF ? Contre-culture ? Pamphlet ? Entertainment ?
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.
- Roland C. Wagner
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Il y a une filiation directe avec les Nouveaux Mystères de Paris : entre autres, Tem est devenu détective privé parce qu'il est un fan des aventures de Nestor Burma. Il me semble aussi que le ton doit pas mal à Léo Malet. La filiation avec les premiers Mystères de Paris consiste en fait en un lien de parenté plus général avec le roman feuilleton du XIXe siècle. Les aléas de la parution sont ce qu'ils sont, mais l'ensemble des Futurs Mystères publiés constitue désormais, avec la publication de Mine de rien, un genre de roman feuilleton à ma sauce.Charlotte a écrit :Tu peux expliquer la filiation entre Les Mystères de Paris de Sue, Les Nouveaux Mystères de Paris de Léo Malet et tes Futurs Mystères de Paris ...
Néanmoins, la bonne réponse serait peut-être à chercher du côté de la dimension sociale, présente dans tous les Mystères de Paris.
- Roland C. Wagner
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Je ne sais pas.Charlotte a écrit :Et tant qu'on y est, combien penses-tu encore livrer de volumes à la série (à peu près hein, une approximation quoi)
Je prévois de boucler l'histoire parallèle autour des personnages du cochon et de l'ourang-outang transgénique, sans doute sous la forme d'un court roman qui serait publié au moment de la réédition de Tøøns suivi de « La Barbe du prophète » — pas tout de suite, donc. Le roman serait accompagné de plusieurs nouvelles éclairant certains points laissés dans l'ombre. Ensuite… c'est l'inconnu. Un nouvel aspect des choses est appelé à se dévoiler, et je ne sais pas où ça va m'emmener. C'est ça ce que je trouve excitant avec la SF : on jette des idées en l'air, et on ne sait jamais où et comment elles vont retomber.
Brain Damage
Puisqu'on a (un peu) parlé musique, je voulais te demander, Roland, si tu connaissais le groupe de dub Brain Damage .
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Plusieurs petites questions autour des MystèresRoland C. Wagner a écrit :Je ne sais pas.Charlotte a écrit :Et tant qu'on y est, combien penses-tu encore livrer de volumes à la série (à peu près hein, une approximation quoi)
Je prévois de boucler l'histoire parallèle autour des personnages du cochon et de l'ourang-outang transgénique, sans doute sous la forme d'un court roman qui serait publié au moment de la réédition de Tøøns suivi de « La Barbe du prophète » — pas tout de suite, donc. Le roman serait accompagné de plusieurs nouvelles éclairant certains points laissés dans l'ombre. Ensuite… c'est l'inconnu. Un nouvel aspect des choses est appelé à se dévoiler, et je ne sais pas où ça va m'emmener. C'est ça ce que je trouve excitant avec la SF : on jette des idées en l'air, et on ne sait jamais où et comment elles vont retomber.
Le dernier tome date d'Avril 2003 et il était relativement court (autour de 200 pages si j'ai bonne mémoire). Est-ce qu'il n'y a pas un risque d'usure ou de lassitude pour toi de rester un peu dans le même univers ? Est-ce que ça t'exite toujours autant ?
Et pareil, au bout de huit tomes, où en es-tu avec Tem ? C'est toujours l'amour où il commence à te sortir un peu par les yeux ?
Tu parlais aussi dans une interview de faire éventuellement un autre cycle sur les Mystères. Qu'en est-il ?
Si j'ai bonne mémoire, je sais que tu avais discuté de ton univers, et notamment de la Terreur, avec des scientifiques. Est-ce que tu poursuis le dialogue et quelle importance à la science pour toi ? Est-ce que tu as besoin d'avoir une "base" scientifique dans tes livres ? Qu'avaient-ils dit de ton univers ? Est-il imaginable scientifiquement ? Et le côté génétique, les "talents" ?
Il y a un personnage que l'on n'a pas encore évoqué, c'est Gloria (et sa fille). Pourquoi l'avoir fait mourir ? Et euh... Ramirez et sa collection de disque, c'est toi ?
Et dernière chose (oui je sais, je me suis un peu lâché là sur mes questions), pour que les gens qui ne t'ont pas encore là ait un petit (tout petit) apperçu de ton humour et de l'utilisation de tes référnces, est-ce qu'on peut mettre les Trois lois de la sexualité robotiques sur le forum ?
Jérôme
'Pour la carotte, le lapin est la parfaite incarnation du Mal.' Robert Sheckley
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Salut Roland,
rôliste au départ, c'est par cet intermédiaire que j'ai plongé dans le grand bain de la sf il y a une vingtaine d'années, notamment en lisant tes critiques de livres parues dans Casus Belli (snif...) ; je les attendais alors avec impatience tous les deux mois, et elles ont largement contribué à mon éducation sf en m'offrant un panorama quasi-exhaustif du genre : donc un très grand merci, Roland, pour tes bons conseils au fil du temps !
Une question quand même : ta nouvelle série à paraître chez Bragelonne, de quoi s'agira-t-il : fantasy "sérieuse" ?, parodie ?
rôliste au départ, c'est par cet intermédiaire que j'ai plongé dans le grand bain de la sf il y a une vingtaine d'années, notamment en lisant tes critiques de livres parues dans Casus Belli (snif...) ; je les attendais alors avec impatience tous les deux mois, et elles ont largement contribué à mon éducation sf en m'offrant un panorama quasi-exhaustif du genre : donc un très grand merci, Roland, pour tes bons conseils au fil du temps !
Une question quand même : ta nouvelle série à paraître chez Bragelonne, de quoi s'agira-t-il : fantasy "sérieuse" ?, parodie ?
Carpe diem !
- Charlotte
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Tu parles de Léo Malet comme référence pour les Futurs Mystères de Paris, LGM doit beaucoup à Fredric Brown, ça s'est pour les références facilement authentifiables, quid des autres ?Y'en a beaucoup d'autres ? Quelles sont les autres influences pour ces romans ?Roland C. Wagner a écrit :Il y a une filiation directe avec les Nouveaux Mystères de Paris : entre autres, Tem est devenu détective privé parce qu'il est un fan des aventures de Nestor Burma. Il me semble aussi que le ton doit pas mal à Léo Malet. La filiation avec les premiers Mystères de Paris consiste en fait en un lien de parenté plus général avec le roman feuilleton du XIXe siècle. Les aléas de la parution sont ce qu'ils sont, mais l'ensemble des Futurs Mystères publiés constitue désormais, avec la publication de Mine de rien, un genre de roman feuilleton à ma sauce.
Néanmoins, la bonne réponse serait peut-être à chercher du côté de la dimension sociale, présente dans tous les Mystères de Paris.
- Roland C. Wagner
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Tout ça à la fois et bien plus encore. C'est un outil qui permet de travailler quasiment tous les matériaux. La science-fiction est la littérature de la connaissance, du jeu sur le savoir. Je pense qu'il suffit pour s'en convaincre de voir quel parti Robert Heinlein tire d'un « simple » cube à quatre dimensions dans « La Maison biscornue », ou la brève et poignante tragédie de l'imbécillité décrite par Greg Egan dans « Le Tout-P'tit ».Eric a écrit :D'ailleurs c'est quoi ta conception de la SF ? Contre-culture ? Pamphlet ? Entertainment ?
Une petite remarque : si la SF a un temps véhiculé une certaine contre-culture — à laquelle elle a d'ailleurs apporté des icônes durables, comme Dick et Spinrad —, elle n'a jamais constitué une contre-culture en elle-même. Tout au plus une subculture — un concept à mon sens tout aussi étatsunien que le libertarianisme et les chapeaux à hélice, et donc totalement inapplicable à notre réalité culturelle européenne.