De la littérature comme exutoire aux fantasmes des auteurs

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Florent
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De la littérature comme exutoire aux fantasmes des auteurs

Message par Florent » mar. août 12, 2008 10:49 am

systar a écrit :
Florent a écrit :
Transhumain a écrit :
Florent a écrit :Le livre est surtout dérangeant quand on se demande si le personnage de Nabokov n'est pas un alibi à ses propres fantasmes, tant il déploie de passion quand il parle de ses "nymphettes".
Ouais, et Roland Wagner a d'étranges penchants pour les cochons transgéniques et mystiques. Brr, ça fait froid dans le dos. Et ne parlons pas de Beatrix Potter...
Si Wagner décrit une scène où son narrateur se masturbe secrètement, assis sur un canapé à côté d'un cochon transgénique et mystique, alors je me poserai pareillement la question.
Là, je crois qu'il est temps que Roland himself vienne nous en dire un peu plus.
Parce que ça devient carrément inquiétant, cette histoire.

Mais ça m'ouvre des perspectives, tout ça. D'une profondeur inégalée, d'ailleurs.
Fabrice Colin a vraiment envie de mourir dans un crash d'avion. (et de se faire ***** par une ancienne militaire amnésique et cancéreuse).
David Calvo a vraiment envie de mourir déchiqueté à la mitrailleuse par Casimir.
Mauméjean aurait voulu avoir une tête d'éléphant.

Etc.

Bon, j'ouvre un sujet, pour ne pas dévier sur le topic des derniers livres lus.

Je lis donc LOLITA, un roman où l'auteur, Vladimir Nabokov, raconte l'histoire d'un pervers pédophile (qui est également le narrateur). La psychologie du personnage est extrêmement fouillée, certainement pas simpliste, et Nabokov s'applique à décortiquer le long mécanisme aboutissant au passage à l'acte chez le pédophile, en partant de l'adolescence du narrateur.

A l'occasion, le livre recèle des scènes très audacieuses et dérangeantes, avec beaucoup d'insinuations, mais on comprend assez facilement que le narrateur "mate" les petites filles dans les parcs publics, qu'elles provoquent chez lui des érections, et il va beaucoup plus loin avec Lolita, qu'il rêve de "posséder". On me répond donc, si j'ai bien compris l'ironie, qu'en partant de ce principe, Wagner fantasme sur les cochons transgéniques, etc.

Or la première chose que sait un auteur, sait que pour écrire un roman, il faut aborder un sujet qui lui tient à coeur, parce que derrière, il a des centaines de pages à noircir. Thomas Harris se fantasme-t-il en cannibale ? Anne Rice en vampire ? Peut-être, parce qu'on ne créé pas des personnages et on ne développe pas méticuleusement leur personnalité sans s'identifier, sans se projeter en eux. Le thème central d'un récit est donc forcément proche des préoccupations de l'auteur, sans quoi, il n'aurait rien à dire !

Je n'essaye pas de démontrer que Nabokov était un pédophile en puissance. Ce que je pense, c'est qu'il souhaitait écrire un roman dérangeant, et qu'il est allé puiser en lui les désirs les plus secrets, les plus inavouables (ça aurait pu être un fantasme homosexuel, ou autre, encore tabou à l'époque : je ne fais bien sûr pas de parallèle avec la pédophilie, mais avec le tabou lié aux pratiques rejetées par la société).

Ce que je veux dire, c'est que la passion avec laquelle Nabokov parle de Lolita ne peut pas sortir de nulle part. Elle sonne bien trop personnelle, elle est trop insistante. Ce qui ne veut pas dire que Nabokov a vécu cette histoire, bien sûr, mais il l'a fantasmée, comme tous les auteurs fantasment l'histoire qu'ils racontent.

Et pour reprendre les exemples cités (vous allez voir c'est marrant, on peut le faire avec tous les livres) :

"Fabrice Colin a vraiment envie de mourir dans un crash d'avion" : un fantasme suicidaire ? Oui, peut-être.

(et de se faire ***** par une ancienne militaire amnésique et cancéreuse) : fantasme sexuel ? Oui, peut-être.

David Calvo a vraiment envie de mourir déchiqueté à la mitrailleuse par Casimir : anecdotique, destiné à faire sourire le lecteur, pas obsessionnel.

Mauméjean aurait voulu avoir une tête d'éléphant : domaine de la métaphore, symbolisme, pas de passion obsessionnelle.

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Transhumain
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Re: De la littérature comme exutoire aux fantasmes des auteu

Message par Transhumain » mar. août 12, 2008 12:04 pm

Florent a écrit : Ce que je veux dire, c'est que la passion avec laquelle Nabokov parle de Lolita ne peut pas sortir de nulle part. Elle sonne bien trop personnelle, elle est trop insistante.

Et n'oublions pas Ada : Nabokov non seulement avait des fantasmes pédophiles (le père de Van finit avec une gamine de 10 ans), mais, en plus, incestueux. D'ailleurs, Ada ou l'ardeur est encore plus tordu que Lolita... Un vrai monstre, cet auteur.

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Re: De la littérature comme exutoire aux fantasmes des auteu

Message par k_tastrof » mar. août 12, 2008 12:26 pm

Florent a écrit :Or la première chose que sait un auteur, sait que pour écrire un roman, il faut aborder un sujet qui lui tient à coeur, parce que derrière, il a des centaines de pages à noircir.
tous les auteurs fantasment l'histoire qu'ils racontent.
Ça en fait des "comme chacun sait" et des vérités irréfutables ! :)
Et toi, Florent ?
Tu écris sur quoi ?
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Florent
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Message par Florent » mar. août 12, 2008 12:33 pm

Je n'écris plus. Et je fais bien, d'ailleurs, vu la construction de la phrase citée.

Cibylline

Message par Cibylline » mar. août 12, 2008 2:59 pm

Oh, le joli troll :shock:

Il faut qu'on l'alimente ou l'on doit juste préparer des pop corn ? Parce que, en fait, des pop corn, j'en ai des tout prêts...

systar
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Re: De la littérature comme exutoire aux fantasmes des auteu

Message par systar » mar. août 12, 2008 3:04 pm

Florent a écrit : Ce que je veux dire, c'est que la passion avec laquelle Nabokov parle de Lolita ne peut pas sortir de nulle part. Elle sonne bien trop personnelle, elle est trop insistante.
Comment te dire... ça s'appelle de la technique, ça.
Le mec est bon parce qu'il te fait ressentir ça comme ça.
Pense à Gaspar Noé qui se marre quand on le traite de pervers à cause de Seul contre tous ou à cause d'Irréversible. Lui, il est tout à fait normal, il n'a pas de problème avec ce qu'il raconte. Par contre, les réactions outrées des gens, ça c'est révélateur.
===> est-ce que finalement, ce n'est pas toi qui serais en train d'en apprendre sur tes propres fantasmes, mmh??? :lol: :lol:
Ce qui ne veut pas dire que Nabokov a vécu cette histoire, bien sûr, mais il l'a fantasmée, comme tous les auteurs fantasment l'histoire qu'ils racontent.
Ah Bon? T'as des preuves?
Et pour reprendre les exemples cités (vous allez voir c'est marrant, on peut le faire avec tous les livres) :

"Fabrice Colin a vraiment envie de mourir dans un crash d'avion" : un fantasme suicidaire ? Oui, peut-être.
Ou pas.
(et de se faire ***** par une ancienne militaire amnésique et cancéreuse) : fantasme sexuel ? Oui, peut-être.
Ou pas (bis).
David Calvo a vraiment envie de mourir déchiqueté à la mitrailleuse par Casimir : anecdotique, destiné à faire sourire le lecteur, pas obsessionnel.
Boudiou de scrogneugneu: qui t'a dit que Nabokov fonctionnait par obsessions? Je renvoie à l'exemple de Noé, là encore.
Mauméjean aurait voulu avoir une tête d'éléphant : domaine de la métaphore, symbolisme, pas de passion obsessionnelle.
Métaphore et symbolisme = terrains dangereux... 8)

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Florent
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Message par Florent » mar. août 12, 2008 3:52 pm

Gaspard Noé, il fait un film de 1h30 avec une scène de viol de 10 mn pour choquer le bourgeois.

Nabokov, lui, écrit un roman de 500 pages dont le personnage principal est un pédophile, sur le thème de la pédophilie, et il en écrira un autre en reprenant le même élément. De plus, dans SEUL CONTRE TOUS, le violeur n'est pas le personnage principal, on ne sait rien de lui ni de son passé ni de ses motivations, il est juste là pour sortir sa .... 10 minutes. Donc la comparaison me semble hors de propos. De même, George Miller ne fantasme sans doute pas sur les hommes en cuir, c'est juste une fantaisie visuelle de MAD MAX II. Seulement là, on parle de littérature, et d'écrivains qui restent des mois seuls dans une pièce en exploitant ce qu'ils ont dans leur tête pour raconter une longue histoire, bien plus profonde que n'importe quel scénario. La démarche d'un réalisateur est donc éloignée de celle d'un romancier qui, lui, assure de A à Z la conception de son oeuvre : personne ne vient lui proposer le sujet, et il a l'obligation de développer la psychologie et les motivations de ses personnages au risque d'écrire un livre plat et superficiel.

La technique, en écriture, elle te permet d'organiser ce que tu as envie de raconter, pas de le faire apparaître comme par magie. Et quand tu t'apprêtes à noircir des centaines de pages, si tu abordes un thème qui ne t'intéresse pas et sur lequel tu n'as rien à dire, tu es mal parti. Nabokov ne choisit donc pas son thème par hasard, il a quelque chose à exprimer qui ne demande qu'à sortir. Si Gaspard Noé éprouvait une quelconque fascination pour le viol ou les violeurs, son film aurait été raconté du point de vue du violeur, et depuis son enfance. Or son film s'intéresse plus au destin brisé d'un couple qu'à celui d'un pervers, donc rien à voir. Ca n'est pas une étude psychologique.

Mais quand Nabokov s'étend sur les motivations et les actes immoraux de son narrateur, en frôlant parfois leur justification, et en critiquant les normes de la société qui lui interdisent de passer à l'acte, on peut légitimement se poser des questions sur le raisonnement personnel de l'auteur (et non, ça ne révèle pas mes propres fantasmes :roll: ). Certes, il le fait derrière le masque de son personnage, mais c'est parfois bien pratique.

Sur les arguments du "t'as des preuves ?" ; "ou pas", non je n'ai pas de preuves, on n'est pas à un procès. Mais si Nabokov a vécu ce qu'il raconte c'est encore pire, ça ne fait que confirmer ce qu'il laisse à penser.

Sur les fantasmes sexuels ou suicidaires des auteurs cités je m'en fous, je ne les ai même pas lus. Or pour parler d'un livre et des intentions supposées de son auteur mieux vaut l'avoir lu (et j'ai l'impression que ce n'est pas ton cas concernant LOLITA).

Enfin, la plupart des auteurs (enfin, les bons) écrivent en exprimant leurs obsessions, ce qui explique la résurgence des mêmes thèmes (et Nabokov en est un exemple puisqu'on retrouve ce thème dans au moins 2 de ses livres). Cela dit, je suis intimement persuadé que Marc Levy n'utilise pas ses obsessions dans le processus d'écriture. Ou alors elles sont bien plates.

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Virprudens
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Message par Virprudens » mar. août 12, 2008 3:57 pm

On parle de fascination là, ou de fantasme ?
- Please, be polite.
- Go fuck yourself.

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Message par Florent » mar. août 12, 2008 3:59 pm

La frontière est tenue. D'ailleurs, la fascination du narrateur pour les petites filles finit par tourner au fantasme, et comme il est difficile de faire la part entre l'auteur et le narrateur...

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Bull
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Message par Bull » mar. août 12, 2008 4:02 pm

Pas lu le livre.
Dommage car je ne trouve pas que ce sujet soit un "Troll" mais au contraire un sujet intéressant. Surtout que le "lobbying" pédophile dans certains milieux intellectuels n'est pas une légende urbaine.

L'amour rose, non, c'est pas ça son petit nom ?

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Florent
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Message par Florent » mar. août 12, 2008 4:03 pm

Je crois que le "troll" concernait la réponse de K-tastrof, et pas le sujet.

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Message par systar » mar. août 12, 2008 4:03 pm

Moi j'arrête là.
Pas le goût pour me répéter, aujourd'hui.

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Message par Florent » mar. août 12, 2008 4:11 pm

Je peux le faire pour toi :

- T'as des preuves ?
- Ou pas ?
- Ou pas ?
- Ca serait pas toi qui a des fantasmes pervers ?
- Nabokov n'est pas plus fasciné par la pédophilie que Gaspard Noé ne l'est par le viol.

(Mes réponses restent les mêmes).

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Message par systar » mar. août 12, 2008 4:27 pm

Ce que je suggérais, c'est que la lecture symptomale des oeuvres n'est jamais la plus intéressante. On se fout de savoir ce qu'un auteur avait dans la tête quand il a écrit. Franchement. Les analyses d'auteur du style "la vie + l'oeuvre", c'était bon dans les années 50. On a un peu changé depuis.
Par ailleurs, là, quand je te demande "t'étais là? t'as des preuves", c'est pour te signifier que c'est toi qui reconstruis l'hypothèse d'un auteur hanté par certains désirs. Elle ne s'impose jamais comme une évidence.

Un auteur, c'est pas un type qui passe des centaines d'heures enfermé dans sa piaule.
Parfois il ouvre la fenêtre (pour aérer un peu), et là magie il voit... le monde. C'est pas un moine cloîtré. Peut-être même que c'est qqn de parfaitement normal.
Et accrochez-vous bien: peut-être bien qu'il est pertinent et qu'il écrit des choses belles SURTOUT quand il ne ressent pas, lui, le type d'émotion qu'il veut faire passer. Surtout quand il n'a pas vécu ce qu'il raconte, et quand cela lui demeure à lui-même tout à fait étranger. C'est ça que j'appelais la "technique".

Et les réalisateurs qui ne seraient que les exécutants d'idées, de scénarios qu'on leur apporte... Pour Noé c'est pas le cas.

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Message par Florent » mar. août 12, 2008 4:38 pm

Moi, je ne sais pas ce que c'est que quelqu'un de "normal". Il est ici question d'obsessions, de choses cachées, et en somme de l'"unheimlich" de Freud. En ce sens personne n'est normal, tout le monde a ses obsessions, ses démons, ses peurs irraisonées, ses fantasmes... En général on les enterre au fond de notre esprit. Les écrivains, eux, ils les utilisent, et ils les jettent sur le papier. Aujourd'hui comme il y a 50 ans.

L'écrivain qui écrit des choses qui lui sont étrangères, qui ne le touchent pas, qu'il ne ressent pas, il ne m'intéresse pas. Sa technique, elle ne sert à rien, sinon à épater la galerie. Il lui manque tout simplement du vécu et des tripes, et il appauvrit la littérature. Moi j'aime Bukowski, Céline et Baudelaire parce qu'on a l'impression qu'ils mettaient leur coeur et leurs tripes dans leur livre. C'est un peu comme dans Le Magicien d'Oz : il faut de l'intelligence, du coeur et du courage pour pondre un livre.

Moi, je ne m'en fous pas de savoir ce qu'un auteur a dans la tête quand il écrit. Ca m'intéresse de savoir que Frank Herbert a voyagé dans le désert et rencontré des touaregs, que Robert Howard pratiquait la boxe et l'équitation. Ca fait une grande part de l'intérêt de la littérature : on à affaire à des auteurs, et non des faiseurs qui agissent sur commande. Et de ce fait, leur vie est inextricablement liée à leurs livres. Ou alors ils racontent des histoires impersonnelles, technique ou pas.

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