systar a écrit :Là, je crois qu'il est temps que Roland himself vienne nous en dire un peu plus.Florent a écrit :Si Wagner décrit une scène où son narrateur se masturbe secrètement, assis sur un canapé à côté d'un cochon transgénique et mystique, alors je me poserai pareillement la question.Transhumain a écrit :Ouais, et Roland Wagner a d'étranges penchants pour les cochons transgéniques et mystiques. Brr, ça fait froid dans le dos. Et ne parlons pas de Beatrix Potter...Florent a écrit :Le livre est surtout dérangeant quand on se demande si le personnage de Nabokov n'est pas un alibi à ses propres fantasmes, tant il déploie de passion quand il parle de ses "nymphettes".
Parce que ça devient carrément inquiétant, cette histoire.
Mais ça m'ouvre des perspectives, tout ça. D'une profondeur inégalée, d'ailleurs.
Fabrice Colin a vraiment envie de mourir dans un crash d'avion. (et de se faire ***** par une ancienne militaire amnésique et cancéreuse).
David Calvo a vraiment envie de mourir déchiqueté à la mitrailleuse par Casimir.
Mauméjean aurait voulu avoir une tête d'éléphant.
Etc.
Bon, j'ouvre un sujet, pour ne pas dévier sur le topic des derniers livres lus.
Je lis donc LOLITA, un roman où l'auteur, Vladimir Nabokov, raconte l'histoire d'un pervers pédophile (qui est également le narrateur). La psychologie du personnage est extrêmement fouillée, certainement pas simpliste, et Nabokov s'applique à décortiquer le long mécanisme aboutissant au passage à l'acte chez le pédophile, en partant de l'adolescence du narrateur.
A l'occasion, le livre recèle des scènes très audacieuses et dérangeantes, avec beaucoup d'insinuations, mais on comprend assez facilement que le narrateur "mate" les petites filles dans les parcs publics, qu'elles provoquent chez lui des érections, et il va beaucoup plus loin avec Lolita, qu'il rêve de "posséder". On me répond donc, si j'ai bien compris l'ironie, qu'en partant de ce principe, Wagner fantasme sur les cochons transgéniques, etc.
Or la première chose que sait un auteur, sait que pour écrire un roman, il faut aborder un sujet qui lui tient à coeur, parce que derrière, il a des centaines de pages à noircir. Thomas Harris se fantasme-t-il en cannibale ? Anne Rice en vampire ? Peut-être, parce qu'on ne créé pas des personnages et on ne développe pas méticuleusement leur personnalité sans s'identifier, sans se projeter en eux. Le thème central d'un récit est donc forcément proche des préoccupations de l'auteur, sans quoi, il n'aurait rien à dire !
Je n'essaye pas de démontrer que Nabokov était un pédophile en puissance. Ce que je pense, c'est qu'il souhaitait écrire un roman dérangeant, et qu'il est allé puiser en lui les désirs les plus secrets, les plus inavouables (ça aurait pu être un fantasme homosexuel, ou autre, encore tabou à l'époque : je ne fais bien sûr pas de parallèle avec la pédophilie, mais avec le tabou lié aux pratiques rejetées par la société).
Ce que je veux dire, c'est que la passion avec laquelle Nabokov parle de Lolita ne peut pas sortir de nulle part. Elle sonne bien trop personnelle, elle est trop insistante. Ce qui ne veut pas dire que Nabokov a vécu cette histoire, bien sûr, mais il l'a fantasmée, comme tous les auteurs fantasment l'histoire qu'ils racontent.
Et pour reprendre les exemples cités (vous allez voir c'est marrant, on peut le faire avec tous les livres) :
"Fabrice Colin a vraiment envie de mourir dans un crash d'avion" : un fantasme suicidaire ? Oui, peut-être.
(et de se faire ***** par une ancienne militaire amnésique et cancéreuse) : fantasme sexuel ? Oui, peut-être.
David Calvo a vraiment envie de mourir déchiqueté à la mitrailleuse par Casimir : anecdotique, destiné à faire sourire le lecteur, pas obsessionnel.
Mauméjean aurait voulu avoir une tête d'éléphant : domaine de la métaphore, symbolisme, pas de passion obsessionnelle.