gutboy a écrit :Il y a toujours des abus. Il faut toujours les combattre. De là à en deduire qu'on vit dans une dictature ou qu'il y a menace sur la démocratie, ma foi, j'appelle ça des fantasmes.
Je m’appelle Patrick Mohr.
Je suis né le 18 septembre 1962 à Genève.
Je suis acteur, conteur, metteur en scène et auteur.
A Genève je dirige une compagnie, le théâtre Spirale, je co-dirige le théâtre de la Parfumerie et m’occupe également du festival « De bouche à oreille. »
Dans le cadre de mes activités artistiques, je viens régulièrement au festival d’Avignon pour y découvrir des spectacles du « in » et du « off ». Notre compagnie s’y est d’ailleurs produite à trois reprises. Cette année, je suis arrivé dans la région depuis le 10 juillet et j’ai assisté à de nombreux spectacles.
Le Lundi 21 juillet, je sors avec mon amie d’une représentation d’une pièce très dure sur la guerre en ex-Yougoslavie et nous prenons le frais à l’ombre du Palais des Papes ou nous avons donné rendez-vous à ma fille et 3 de ses amis. Il y a foule sur la place, nous assistons avec plaisir à un spectacle donné par un couple d’acrobates.
A la fin de leur numéro, je m’avance pour mettre une pièce dans leur chapeau lorsque j’entends le son d’un Djembé (tambour africain) derrière moi. Etant passionné par la culture africaine. (J’y ai monté plusieurs spectacles et ai eu l’occasion d’y faire des tournées.)
Je m’apprête à écouter les musiciens. Le percussionniste est accompagné par un joueur de Kamele Ngoni. (Sorte de contrebasse surtout utilisée par les chasseurs en Afrique de l’Ouest.)
A peine commencent-ils à jouer qu’un groupe de 5 C.R.S se dirige vers eux pour les interrompre et contrôler leur identité. Contrarié, je me décide à intervenir. Je me suis dit que l’on se trouvait dans un haut lieu culturel et touristique, dans une démocratie et que j’avais le droit de m’exprimer face à ce qui me semblait une injustice. Il s’agissait pour moi d’un acte citoyen. J’ai donc abordé un des C.R.S et lui ai demandé :
« Pourquoi contrôlez vous ces artistes en particulier et pas tous ceux qui se trouvent sur la place? »
Réponse immédiate.
« Ta gueule, mêle-toi de ce qui te regardes! »
J’ai poursuivis : « Justement ça me regarde. Je trouve votre attitude discriminatoire. »
« Tes papiers ! »
« Je ne les ai pas sur moi, mais on peut aller les chercher dans la voiture. »
« Mets-lui les menottes ! »
« Mais vous n’avez pas le droit de… »
Ces mots semblent avoir mis le feu aux poudres.
« Tu vas voir si on n’a pas le droit.»
Et brusquement la scène a dérapé.
Ils se sont jetés sur moi avec une sauvagerie inouïe. Mon amie, ma fille, ses camarades et les curieux qui assistaient à la scène ont reculés, choqués alors qu’ils me projetaient au sol, me plaquaient la tête contre les pavés, me tiraient de toutes leurs forces les bras en arrière et m’enfilaient des menottes. Les bras dans le dos, ils m’ont relevé et m’ont jeté en avant en me retenant par la chaîne. La menotte gauche m’a tordu le poignet et a pénétré profondément mes chairs. J’ai hurlé :
« Vous n’avez pas le droit, arrêtez, vous me cassez le bras ! »
« Tu vas voir ce que tu vas voir espèce de tapette. Sur le dos ! Sur le ventre ! Sur le dos je te dis, plus vite, arrête de gémir ! »
Et ils me frottent la tête contre les pavés me tordent et me frappent, me traînent, me re-plaquent à terre.
La foule horrifiée s’écarte sur notre passage. Mon amie essaie de me venir en aide et se fait violemment repousser. Des gens s’indignent, sifflent, mais personne n’ose interrompre cette interpellation d’une violence hallucinante.
Je suis traîné au sol et malmené jusqu’à leur fourgonnette qui se trouve à la place de l’horloge 500 mètres plus bas. Là. Ils me jettent dans le véhicule, je tente de m’asseoir et le plus grand de mes agresseurs, (je ne peux pas les appeler autrement), me donne un coup pour me faire tomber entre les sièges, face contre terre, il me plaque un pied sur les côtes et l’autre sur la cheville il appuie de tout son poids contre une barre de fer.
« S’il vous plait, n’appuyez pas comme ça, vous me coupez la circulation. »
« C’est pour ma sécurité. »
Et toute leur compagnie de rire de ce bon mot.
Jusqu’au commissariat de St Roch le trajet est court mais il me semble interminable.
Tout mon corps est meurtri, j’ai l’impression d’avoir le poignet brisé, les épaules démises, je mange la poussière.
On m’extrait du fourgon toujours avec autant de délicatesse.
Je vous passe les détails de l’interrogatoire que j’ai subi dans un état lamentable.
Je me souviens seulement du maquillage bleu sur les paupières de la femme qui posait les questions.
« Vous êtes de quelle nationalité ? » « Suisse. »
« Vous êtes un sacré fouteur de merde »
« Vous n’avez pas le droit de m’insulter »
« C’est pas une insulte, la merde » (Petit rire.)
C’est fou comme la mémoire fonctionne bien quand on subit de pareilles agressions.
Toutes les paroles, tout les détails de cette arrestation et de ma garde à vue resterons gravés à vie dans mes souvenirs, comme la douleur des coups subits dans ma chair.
Je remarque que l’on me vouvoie depuis que je ne suis plus entre les griffes des CRS.
Mais la violence physique a seulement fait place au mépris et à une forme d’inhumanité plus sournoise. Je demande que l’on m’ôte les menottes qui m’ont douloureusement entaillé les poignets et que l’on appelle un docteur. On me dit de cesser de pleurnicher et que j’aurais mieux fait de réfléchir avant de faire un scandale. Je tente de protester, on me coupe immédiatement la parole. Je comprends qu’ici on ne peut pas s’exprimer librement. Ils font volontairement traîner avant de m’enlever les menottes font semblant de ne pas trouver les clés. Je ne sens plus ma main droite.
Fouille intégrale. On me retire ce que j’ai, bref inventaire, le tout est mis dans une petite boîte.
« Enlevez vos vêtements ! » J’ai tellement mal que je n’y arrive presque pas.
« Dépêchez-vous, on n'a pas que ça à faire. La boucle d’oreille ! »
J’essaye de l’ôter sans y parvenir.
« Je ne l’ai pas enlevée depuis des années. Elle n’a plus de fermoir. »
« Ma patience à des limites vous vous débrouillez pour l’enlever, c’est tout ! »
Je force en tirant sur le lob de l’oreille, la boucle lâche.
« Baissez la culotte ! »
Je m’exécute.
Après la fouille ils m’amènent dans une petite cellule de garde à vue.
4m de long par 2m de large. Une petite couchette beige vissée au mur.
Les parois sont taguées, grattées par les inscriptions griffonnées à la hâte par les détenus de passage, au briquet ou gravée avec les ongles dans le crépi.
Momo de Monclar, Ibrahim, Rachid…… chacun laisse sa marque.
L’attente commence. Pas d’eau, pas de nourriture. Je réclame en vain de la glace pour faire désenfler mon bras. Les murs et le sol sont souillés de tâches de sang coagulé et d’urine. Un méchant néon est allumé en permanence. Le temps s’étire. Rien ici qui permette de distinguer le jour de la nuit. La douleur lancinante m’empêche de dormir.
J’ai l’impression d’avoir le cœur qui pulse dans ma main enflée. D’ailleurs alors que j’écris péniblement ces lignes une semaine plus tard, je ne parviens toujours pas à dormir normalement. Des douleurs lancinantes me vrillent les cervicales et les dorsales en permanence.
Je n’écris pas tout cela en détails pour me lamenter sur mon sort.
Je suis malheureusement bien conscient que ce qui m’est arrivé est tristement banal, que plusieurs fois par jours et par nuits dans chaque ville de France des dizaines de personnes subissent des traitements bien pires que ce que j’ai enduré. Je sais aussi que si j’étais noir ou arabe je me serais fait cogner avec encore moins de retenue.
C’est pour cela que j’ai décidé d’écrire et de porter plainte. Car j’estime que dans la police française et dans les CRS en particulier il existe de dangereux individus qui, sous le couvert de l’uniforme laissent libre cour à leurs plus bas instincts.(Evidement il y a aussi des arrestations justifiées, et la police ne fait pas que des interventions abusives, mais je parle des dérapages intolérables qui me semblent beaucoup trop fréquents.) Que ses dangers publics sévissent en toute impunité au sein d’un service public qui serait censé protéger les citoyens est inadmissible dans un état de droit.
J’ai un casier judiciaire vierge et suis quelqu’un de profondément non violent, par conviction, ce type de mésaventure me renforce encore dans mes convictions, mais si je ne disposais pas des outils pour analyser la situation je pourrais aisément basculer dans la violence et l’envie de vengeance.
Je suis persuadé que ce type d’action de la police nationale visant à instaurer la peur ne fait qu’augmenter l’insécurité en France et stimuler la suspicion et la haine d’une partie de la population ,des jeunes en particulier, face à la Police.
En polarisant ainsi la population on crée une tension perpétuelle extrêmement perverse.
Comme je suis un homme de culture et de communication je réponds à cette violence avec mes armes. L’écriture et la parole.
Durant les 16h qu’a duré ma détention. (Avec les nouvelles lois, on aurait même pu me garder 48h en garde à vue.) Je n’ai vu dans les cellules que des gens d’origine africaine et des gitans. Nous étions tous traité avec un mépris hallucinant.
Un exemple, mon voisin de cellule avait besoin d’aller aux toilettes. Il appelait sans relâche depuis près d’une demi heure, personne ne venait. Il s’est mit à taper contre la porte pour se faire entendre, personne. Il cognait de plus en plus fort, finalement un gardien exaspéré surgit. « Qu’est ce qu’il y a ? » « J’ai besoin d’aller aux chiottes. » « Y a une coupure d’eau. » « Mais j’ai besoin. » « Y a pas d’eau dans tout le commissariat, alors tu te la coince pigé. » Mon voisin qui n’était pas seul dans sa cellule continue de se plaindre, disant qu’il est malade, qu’il va faire ses besoins dans la cellule. « Si tu fais ça on te fait essuyer avec ton t-shirt. »
Les coups redoublent. Une voix féminine lance d’un air moqueur.
« Vas-y avec la tête pendant que tu y es. Ca nous en fera un de moins. »
Eclats de rire dans le couloir comme si elle avait fait une bonne plaisanterie.
Après une nuit blanche vers 9h du matin on vient me chercher pour prendre mes empreintes et faire ma photo. Face, profil, avec un petit écriteau, comme dans les films.
La dame qui s’occupe de cela est la première personne qui me parle avec humanité et un peu de compassion depuis le début de ce cauchemar.
« Hee bien, ils vous ont pas raté. C’est les CRS, haa bien sur. Faut dire qu’on a aussi des sacrés cas sociaux chez nous. Mais ils sont pas tous comme ça. »
J’aimerais la croire.
Un officier vient me chercher pour que je dépose ma version des faits et me faire connaître celle de ceux qui m’ont interpellés.
J’apprends que je suis poursuivi pour : outrage, incitation à l’émeute et violence envers des dépositaires de l’autorité publique. C’est vraiment le comble. Je les aurais soi disant agressés verbalement et physiquement.
Comment ces fonctionnaires assermentés peuvent ils mentir aussi éhontement ?
Je raconte ma version des faits à l’officier. Je sens que sans vouloir l’admettre devant moi, il se rend compte qu’ils ont commis une gaffe. Ma déposition est transmise au procureur et vers midi je suis finalement libéré. J’erre dans la ville comme un boxeur sonné. Je marche péniblement. Un mistral à décorner les bœufs souffle sur la ville. Je trouve un avocat qui me dit d’aller tout de suite à l’hôpital faire un constat médical. Je marche longuement pour parvenir aux urgences ou je patiente plus de 4 heures pour recevoir des soins hâtifs.
Ad lib. C'est ce qu'on appelle un *outrage* sans gravité. Des comme ça, j'en ai plein ma musette. Pour info, le procès est le 3 mars au TGI d'Avignon.
Que celui ou celle à qui ça n'est jamais arrivé lève le doigt. Même à ma mère, la police a fait le coup. Et pourtant, elle est encore plus à droite que Gutty, ma mère.
Ce n'est pas pour rien qu'Amnesty aligne la France chaque année pour actes de torture dans les commissariats. Le problème est que ça s'aggrave (+ 54 % de gardes à vue en 9 ans, + 80 % de délit d'outrage en 11 ans.) notamment depuis la nomination de Sarkozy au ministère de l'intérieur. Notez que le délit d'outrage est une exception française qui favorise les violences en leur assurant l'impunité systématique (sauf quand ils vont jusqu'au meurtre).
Tu sais quelle sera la différence si alternance il y a? Ceux qui hurlent très fort aujourd'hui contre les abus (et ils ont raison de le faire) auront plus d'argent de l'état et hurleront moins fort, c'est tout.
Que l'alternance vers la gauche coupe la chique des militants de gauche sans amener les améliorations souhaitées est un problème qu'on connait depuis 1981, et qui explique l'échec du PS, notamment. Et sans un rond de l'état.
On peut par contre parler à loisir des qualités des textes d'Appel "je joue à me faire peur ouh le grand frisson de la menace de dictature" d'Air, certains sont excellents.
Quand ta voiture sera esquintée par un petit con en scoot qui te fait un bras d'honneur et que tu recevras des menaces anonymes avant d'être condamné à 2000 euros de DI pour procédure abusive juste parce que tu n'es pas de la famille, on te verra frissonner davantage.
J'ai voté pour un mec qui a décidé de gérer cette situation où TOUTES les décisions sont forcément mauvaises du point de vue humain
La politique, bon sang, *n'est pas* affaire de sensibilité particulière, mais d'enjeux généraux. Empêcher l'immigration de jeunes dans un pays vieillissant, c'est somplètement son.
Et j'ai gagné. Jusqu'en 2012. Le peuple tranchera de nouveau.
Le
peuple ? Celui que tu te traites de feignasse non méritante dès qu'il se retrouve en galère ? Tss.