Lensman a écrit :Je suis tout à fait d'accord avec Jean-Claude
Il y a forcément des tas de défauts dans l'édition, mais il faudrait tout de même éviter de tomber dans la théorie du complot (sauf pour déconner, bien sûr!).
Amen, cher oncle ! Je suis de tout coeur avec toi sur ce point.
Lensman a écrit :Je dirais pour ma part que j'ai une impression (mais une simple impression, sur laquelle Jean-Claude et d'autres gens qui connaissent le monde de l'édition de l'intérieur, confirmeront, démentiront, ou affineront): celle que les directeurs de collection ont moins les coudées franches qu'à une certaine époque, sont davantage redevables de "résultats" financiers. J'ai (un peu) l'impression qu'il y a eu une époque où on scrutait moins en détail les résultats.
C'est une impression intéressante, qui mérite qu'on s'y attarde, à mon humble avis.
Je dirais que les résultats financiers ont toujours joué un rôle dans la gestion saine de n'importe quelle société (la survie étant une condition préliminaire à toute activité, il est normal qu'on s'y intéresse

. Ceci dit, j'ai l'impression qu'il y a eu effectivement divers changements depuis vingt ans. D'abord, la concentration et l'internationalisation des maisons d'édition a fait émerger ou a renforcé de "grands groupes" dans lesquels les règles financières ont évolué. Ensuite, la distribution de biens culturels et de livres a aussi évolué. Les grands points de ventes sont souvent des chaînes, Fn*c ou Virg*n ou Lecl*rc, avec qui la négociation est en partie globale et qui sont en premier lieu intéressés par des produits à rotation rapide, i.e. des bouquins qui se vendent vite et bien et qui n'encombreront pas les rayonnages. La vente en ligne type Amaz*n contribue aussi à faire évoluer la situation. Enfin, les moyens de pilotage "au jour le jour" sont apparus, avec la possibilité de savoir comment chaque produit (chaque livre) se vend, et où. Donc on peut scruter en détail les résultats, jouer avec ses tableaux Excel et faire du prévisionnel très court terme - qui n'a pas nécessairement de signification - et les services financiers ne s'en privent pas, chez les éditeurs, les distributeurs et les grands groupes de vente.
Pour être capable de soutenir une politique culturelle à moyen terme face à l'inertie du marché, il faut des reins solides et une absence de pression des actionnaires. Il y avait une époque où les éditeurs pouvaient croire qu'ils allaient façonner le goût du public en se donnant le temps et les moyens de le faire. Aujourd'hui, on a un retour immédiat sur la tendance du lectorat.
Lensman a écrit :Et ce n'est pas spécialement parce que les temps seraient plus durs, mais parce qu'il y aurait un certain changement de point de vue vis à vis de la "mission culturelle" de l'édition (je parle évidemment des "grandes" maisons d'édition, possédant de multiples sections, collections, etc., pas du "petit" éditeur qui disparaît vite fait quand il ne vend pas assez).
Ce qui est curieux, c'est que cette "mission culturelle" se retrouve aujourd'hui chez les "petits" éditeurs. Je n'ai jamais rencontré de "petit" éditeur qui se soit lancé dans le business du livre en disant "avant tout, je veux faire du fric et verser un dividende à deux chiffres à mes actionnaires". Je n'y ai croisé que des passionnés qui voulaient mieux faire connaître une catégorie de livres qu'ils considéraient comme négligés. Certains ont eu la chance de trouver un auteur "filon" et donc de continuer une politique culturelle exigeante grâce à un socle minimal de ventes (prenez Viviane Hamy avec Fred Vargas, par exemple), d'autres (c'est le cas de Bragelonne, désolé si ça hérisse le poil de certains) ont effectivement défriché une catégorie que le reste du milieu éditorial négligeait et que le public a apprécié. D'autres ont sombré corps et biens. C'est la vie.
Mais, à mon avis, tu as raison, Joe : les rapports entre le responsable littéraire et le responsable financier ont évolué depuis dix ans.