Faut-il réhabiliter le Dune de David Lynch (1984) ?
Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
Faut-il réhabiliter le Dune de David Lynch (1984) ?
À mesure que le projet de nouvelle adaptation du livre de Frank Herbert par Peter Berg se dévoile, et nous promet un blockbuster bien "musclé", bien des amis, jadis férocement critiques envers le "nanar" (culte !) de David Lynch, se prennent subitement à nuancer leur jugement et à faire un peu crédit à un film qu'ils ont longtemps adoré détester. L'éloignement du temps, la mode étrange pour le kitsch et le décadentisme fin de siècle ou un certain raz le bol de l'esthétique mainstream de SW expliquent sans doute ce revirement.
Peut-être le temps est-il venu de revoir un film qui reste dérangeant par son refus brouillon de suivre les règles de bases de linéarité et de didactisme qui ont fait le succès de tant d'autres ....Film incompris ou sublime ratage, sabotage du montage ou pari impossible, 25 ans après sa sortie dans les salles, le film de David Lynch continue de troubler, en bien comme en mal.
***
FAUT-IL RÉHABILITER LYNCH ?
Images fondatrices
À la charnière entre la parution des ultimes volumes du Cycle et le développement d'une nouvelle culture graphique au sein du lectorat dunien, le film dirigé par David Lynch en 1984 illustre l'étrange destin d'une oeuvre contestée en tant que tout cohérent, mais féconde par ses images riches d'une nombreuse postérité. Des scenarii de jeux de rôles à l'esthétique des jeux vidéo, un pan considérable de l'imaginaire dunien des jeunes générations, pour qui le film fut souvent le premier point d'accès à cet univers fictionnel, est redevable à la patte particulière de David Lynch. Ainsi, on peut constater, non sans ironie, que les tableaux quasi-statiques de Lynch furent le support involontaire d'une destructuration généralisée du statut des images au sein du fan labor. L'image animée accouchant du daguerréotype, si on me permet cette image...
Tout d'abord, un mot pour dire qu'il ne sera pas question ici de savoir si le scenario fut ou non fidèle à Dune. La question ne se pose même pas. C'est avec raison que beaucoup ont dénoncé la faillite d'une "adaptation" tellement amputée, par rapport à ses objectifs initiaux de 5 heures, qu'elle se perd en ellipses obscures et décousues, ce qui au final ne la différencie guère de l'épique creuse et manichéenne de certaines entreprises commerciales.
Oui, le film ne rend pas grâce au génie particulier du roman. Mais est-ce bien ce qu'on lui demande ? Un film doit-il "adapter", "illustrer", "traduire" un écrit ? Le littéralisme doit-il être l'aune de notre jugement sur la valeur d'un film ? Les miniséries télévisuelles, encensées par une large part du fandom, peuvent-elles se mesurer à l'oeuvre de Lynch au prétexte qu'elles seraient plus "fidèles" au livre de Frank Herbert ?
Mais de quelle fidélité parle-t-on ?Qu'on me permette de citer, une fois n'est pas coutume, Frank Herbert lui-même :
"De toute l'histoire [...] c'est l'un des rares films qui suive le livre si fidèlement que les gens vont sortir de la salle en cherchant ce qui a bien pu être oublié." La phrase, hors de son contexte, pourrait faire sourire. Mais souvenons-nous qu'elle fut prononcée avant le charcutage du montage imposée par la production (De Laurentiis), soit 2h30 en moins !!! Il n'en reste pas moins que l'imprimatur donnée au film par Frank Herbert devrait faire réfléchir certains de ses contempteurs.
Le débat tronqué du fidéisme
Ce dernier exemple devrait nous inciter à réfléchir sur la définition même à donner du fidéisme, dès lors qu'il s'agit d'une oeuvre littéraire. Reproche-t-on à Marlowe d'avoir tiré son Faust (1590) d'une oeuvre allemande publiée anonymement 3 ans plus tôt à Francfort (Volksbuch vom Doktor Faustus) ? Quel malheur pour l'histoire de la littérature s'il avait eu les scrupules de certains sci-fistes à adapter pour son public la Tragique Histoire du Docteur Faust ! Que dire alors de Goethe, Thomas Mann, Berlioz, Liszt, Gounod, Murnau ou Brian De Palma, qui tous, dans leurs arts respectifs, magnifièrent l'inspiration originelle du dramaturge élisabéthain...
On se doit donc de distinguer, en matière de "fidélité", le littéralisme de l'inspiration. Et, qu'on me pardonne d'être cruel, l'histoire des arts et de la pensée montre, à foison, qu'une oeuvre inspirée a bien plus de chance de rester dans la mémoire collective que de laborieuses et tâcheronnes décalques télévisées. C'est qu'il leur manque une dimension capitale de l'imagerie lynchéenne : le souffle, la vision originale et émouvante d'un grand maître du 7ème art.
On pourra épiloguer ad nauseamsur les insuffisances scénaristiques du film ou le ridicule de son générique de fin. Mais on ne pourra lui contester son fabuleux talent d'imagier. Si Frank Herbert est le maître d'oeuvre de l'univers cathédrale de Dune, qui pourrait néanmoins nier que Lynch en fut à la fois le maître-vitrier (et quels vitraux !) et l'organiste en chef ! Car c'est cela l'héritage lynchéen. Un onirisme sans égal. Une vaste réserve d'icônes et de musiques séraphiques propre à ravir la fibre poétique et ésotérique de ce jungien de Frank Herbert .Et de ses lecteurs ! Qu'il ait pathétiquement raté le rythme de ce film (et encore sous la contrainte de sa production !) chacun en convient, mais il restera l'artiste, le technicien hors pair qui osa se mesurer au monument pharaonique de Dune.
un droit d'inventaire expressioniste
On l'aura compris, ce n'est pas la rythmique mais l'iconographie (y compris musicale) de l'oeuvre qui m'a séduit .Oublions donc le jeu, et dans un légitime droit d'inventaire ne gardons plus que la poésie. La forme ici surclasse le fond.
Ma réaction témoigne sans doute d'une sensibilité moins attentive au jeu dramatique mais d'avantage attachée aux ambiances, aux couleurs ou paysage sonore...Voilà pourquoi les grands films expressionnistes me plaisent autant. Je ne recherche pas des histoires, mais un esprit. Il ne faut pas, à mon sens, VISIONNER le film mais le VOIR et l'ENTENDRE. Le RESSENTIR plus que chercher à en dénouer l'écheveau scénaristique. C'est une phénoménologie particulière de l'acte cinéphilique, je le concède. Mais c'est peut-être le seul moyen d'échapper à l'écueil de la rythmique, pour n'en conserver que l'expression.
Plus généralement, je crois que la divergence de ressenti devant ce film renvoye à ce que nous attendons du 7ème art.
Je suis un fanatique de l'expressionnisme d'entre-deux-guerres, de Fritz Lang à Murnau, en passant par Eisenstein, Abel Gance ou Dreyer, sans oublier les outrances néo-pompiéristes à la Cecil B.De Mille ...
C'est une vision du cinéma - encore représentée naguère par Annaud, Chéreau, Bertolucci ou Coppola voire Tarantino - où ce qui est narré a moins d'importance que ce qui est MONTRÉ (Legenda est) . Je comprends qu'il puisse exister en parallèle une tradition - mainstream - qui recherche dans le cinéma une littéralité qui fasse lien avec l'art dramatique. Mais, pour ma part, tant qu'à admirer un jeu scénique, j'ai toujours préféré les comédiens aux acteurs.....
David Lynch, imagier incomparable
Pour donner un exemple de ce génie incompris, je voudrais évoquer 2 plans illustratifs de la puissance évocatrice de son travail.
L'une des impressions les plus mémorables laissées par le film restera la maestria avec laquelle Lynch a su donner corps à de monumentales perspectives dignes d'un Cecil B. De Mille ou de John Ford. De l'architectonique raffinée de Kaitain à l'angoissante Metropolis industrielle de Giedi Prime, de la nuit obscure d'une marine caladanienne à la saturation ocre et empoussiérée d'Arrakeen, le jeu des paysages y est subtilement pensé en harmonie avec le "décor" musical orchestré par Martin Paich (groupe Toto),dont le moins qu'on puisse dire est qu'il redouble les images d'une troublante "hypertextualité".
J'encourage ceux qui en ont la possibilité à (re-)découvrir les esquisses préparatoires du film. On y apprendra avec intérêt que les prises de vue eurent pour directeur artistique un autre grand technicien du cinéma, Tony Masters, qu'on ne présente plus après sa poétique vision du 2001 dirigé par Kubrick.
Mais ce souci du détail qui caractérise la scénographie lynchéenne (et on sent à cela la marque de son passage aux Beaux Arts ), loin de se limiter aux vastes perspectives, se retrouve jusqu'aux plus infimes détails des décors intérieurs et des costumes. Que n'a-t-on pas dit sur le ridicule des crinolines ou l'omniprésence agressive des "soldats de plombs"...Et cela se comprend tant les esprits ont été conditionnés par l'imagerie néo-médiévisante des héros en cape et sabre laser, et des princesses à chignon...Mais pour ceux dont le regard a été façonné à la lumière de la grande peinture classique, comment ne pas deviner dans les mauresques chryséléphantins de la Cour de Kaitain l'envers parodique des portraits de cour de Velasquez ? Un Velasquez qui aurait l'acidité ironique d'un Goya . Et qu'on y regarde de près, rien n'y manque : dans un décor nouveau riche d'Alhambra de pacotille, une princesse dûment chaperonnée d'austères duègnes à mantille, des Grands tout gonflés de leur gloire et ici et là une escouade de nains, vestiges d'un despotisme décadent. Vous pensez avoir lu ici la description des Ménines? Non,non, je parlais bien de Kaitain, centre gangrené d'un Imperium où l'ethos aristocratique et la passion délirante du décorum militaire ont perdu jusqu'à l'innocente Caladan.
Là aussi, dans un décor vieux-saxon/viking qui n'aurait pas déplu aux réunions champêtres de l'élite prussienne, on voit s'agiter des soldats tout cravatés de noirs. Rien n'y manque, pas même un bouton. Et ce bel ordonnancement de soldats de plomb, s'active, charge et décharge dans l'harmonie d'une fanfare militaire. Et puis, dans cet étrange revival du XIXe en crinoline, surgissent brusquement des traits de sauvagerie et de paranoïa qu'on attendrait plutôt de je ne sais quel péplum oriental narrant les complots de harem d'Istanbul ou les bains de sang de Gengis Khan...Détail peut-être, mais il faut voir avec quelle vivacité, dans une scène d'embarquement au spacodrome, Gurney défend à Liet de toucher le fils de SON Duc. Avec quelle étrangeté la sophistication d'une uchronie futuriste se trouve ponctuée de proclamations répétées d'allégeance qu'on attendrait plutôt d'un film en costumes.
Mais Lynch, contrairement aux jeunes amateurs de sabres galactiques, et en bon lecteur d'Herbert, sait combien les apparences de la modernité sont trompeuses. Sciemment il viole les clichés exotiques d'un futur irénique à la Star Trek pour nous introduire dans un dérangeant futur antérieur où le spectateur se trouve brutalement questionné quant à ses petites mythologies inconscientes du "progrès". Non, ici le futur n'est pas dépeint avec les couleurs chatoyantes de l'étrange, ni avec le pseudo-romantisme de la Fantasy ; non, chez Lynch les uniformes prussiens prennent une valeur symbolique, celle de l'actualité brûlante d'une machinerie criminelle qui sous les ors surannés du IIe Reich Wilhelmien prépare toujours les crimes de demain. Herbert l'avait noté subtilement, en orwellien sceptique qu'il était.
Ce n'est donc pas le moindre des mérites de la mise en scène de Lynch d'avoir osé s'attaquer avec autant de franchise à l'imagerie d'épinale de la science-fiction, avec ses surhommes phallocentrés et ses fantasmes cuirs d'éjaculations militaires à coup de sabres galactiques. Pour avoir brisé les attentes faciles d'un public souvent infantilisé, Lynch n'est-il pas le digne imagier d'Herbert ?
Peut-être le temps est-il venu de revoir un film qui reste dérangeant par son refus brouillon de suivre les règles de bases de linéarité et de didactisme qui ont fait le succès de tant d'autres ....Film incompris ou sublime ratage, sabotage du montage ou pari impossible, 25 ans après sa sortie dans les salles, le film de David Lynch continue de troubler, en bien comme en mal.
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FAUT-IL RÉHABILITER LYNCH ?
Images fondatrices
À la charnière entre la parution des ultimes volumes du Cycle et le développement d'une nouvelle culture graphique au sein du lectorat dunien, le film dirigé par David Lynch en 1984 illustre l'étrange destin d'une oeuvre contestée en tant que tout cohérent, mais féconde par ses images riches d'une nombreuse postérité. Des scenarii de jeux de rôles à l'esthétique des jeux vidéo, un pan considérable de l'imaginaire dunien des jeunes générations, pour qui le film fut souvent le premier point d'accès à cet univers fictionnel, est redevable à la patte particulière de David Lynch. Ainsi, on peut constater, non sans ironie, que les tableaux quasi-statiques de Lynch furent le support involontaire d'une destructuration généralisée du statut des images au sein du fan labor. L'image animée accouchant du daguerréotype, si on me permet cette image...
Tout d'abord, un mot pour dire qu'il ne sera pas question ici de savoir si le scenario fut ou non fidèle à Dune. La question ne se pose même pas. C'est avec raison que beaucoup ont dénoncé la faillite d'une "adaptation" tellement amputée, par rapport à ses objectifs initiaux de 5 heures, qu'elle se perd en ellipses obscures et décousues, ce qui au final ne la différencie guère de l'épique creuse et manichéenne de certaines entreprises commerciales.
Oui, le film ne rend pas grâce au génie particulier du roman. Mais est-ce bien ce qu'on lui demande ? Un film doit-il "adapter", "illustrer", "traduire" un écrit ? Le littéralisme doit-il être l'aune de notre jugement sur la valeur d'un film ? Les miniséries télévisuelles, encensées par une large part du fandom, peuvent-elles se mesurer à l'oeuvre de Lynch au prétexte qu'elles seraient plus "fidèles" au livre de Frank Herbert ?
Mais de quelle fidélité parle-t-on ?Qu'on me permette de citer, une fois n'est pas coutume, Frank Herbert lui-même :
"De toute l'histoire [...] c'est l'un des rares films qui suive le livre si fidèlement que les gens vont sortir de la salle en cherchant ce qui a bien pu être oublié." La phrase, hors de son contexte, pourrait faire sourire. Mais souvenons-nous qu'elle fut prononcée avant le charcutage du montage imposée par la production (De Laurentiis), soit 2h30 en moins !!! Il n'en reste pas moins que l'imprimatur donnée au film par Frank Herbert devrait faire réfléchir certains de ses contempteurs.
Le débat tronqué du fidéisme
Ce dernier exemple devrait nous inciter à réfléchir sur la définition même à donner du fidéisme, dès lors qu'il s'agit d'une oeuvre littéraire. Reproche-t-on à Marlowe d'avoir tiré son Faust (1590) d'une oeuvre allemande publiée anonymement 3 ans plus tôt à Francfort (Volksbuch vom Doktor Faustus) ? Quel malheur pour l'histoire de la littérature s'il avait eu les scrupules de certains sci-fistes à adapter pour son public la Tragique Histoire du Docteur Faust ! Que dire alors de Goethe, Thomas Mann, Berlioz, Liszt, Gounod, Murnau ou Brian De Palma, qui tous, dans leurs arts respectifs, magnifièrent l'inspiration originelle du dramaturge élisabéthain...
On se doit donc de distinguer, en matière de "fidélité", le littéralisme de l'inspiration. Et, qu'on me pardonne d'être cruel, l'histoire des arts et de la pensée montre, à foison, qu'une oeuvre inspirée a bien plus de chance de rester dans la mémoire collective que de laborieuses et tâcheronnes décalques télévisées. C'est qu'il leur manque une dimension capitale de l'imagerie lynchéenne : le souffle, la vision originale et émouvante d'un grand maître du 7ème art.
On pourra épiloguer ad nauseamsur les insuffisances scénaristiques du film ou le ridicule de son générique de fin. Mais on ne pourra lui contester son fabuleux talent d'imagier. Si Frank Herbert est le maître d'oeuvre de l'univers cathédrale de Dune, qui pourrait néanmoins nier que Lynch en fut à la fois le maître-vitrier (et quels vitraux !) et l'organiste en chef ! Car c'est cela l'héritage lynchéen. Un onirisme sans égal. Une vaste réserve d'icônes et de musiques séraphiques propre à ravir la fibre poétique et ésotérique de ce jungien de Frank Herbert .Et de ses lecteurs ! Qu'il ait pathétiquement raté le rythme de ce film (et encore sous la contrainte de sa production !) chacun en convient, mais il restera l'artiste, le technicien hors pair qui osa se mesurer au monument pharaonique de Dune.
un droit d'inventaire expressioniste
On l'aura compris, ce n'est pas la rythmique mais l'iconographie (y compris musicale) de l'oeuvre qui m'a séduit .Oublions donc le jeu, et dans un légitime droit d'inventaire ne gardons plus que la poésie. La forme ici surclasse le fond.
Ma réaction témoigne sans doute d'une sensibilité moins attentive au jeu dramatique mais d'avantage attachée aux ambiances, aux couleurs ou paysage sonore...Voilà pourquoi les grands films expressionnistes me plaisent autant. Je ne recherche pas des histoires, mais un esprit. Il ne faut pas, à mon sens, VISIONNER le film mais le VOIR et l'ENTENDRE. Le RESSENTIR plus que chercher à en dénouer l'écheveau scénaristique. C'est une phénoménologie particulière de l'acte cinéphilique, je le concède. Mais c'est peut-être le seul moyen d'échapper à l'écueil de la rythmique, pour n'en conserver que l'expression.
Plus généralement, je crois que la divergence de ressenti devant ce film renvoye à ce que nous attendons du 7ème art.
Je suis un fanatique de l'expressionnisme d'entre-deux-guerres, de Fritz Lang à Murnau, en passant par Eisenstein, Abel Gance ou Dreyer, sans oublier les outrances néo-pompiéristes à la Cecil B.De Mille ...
C'est une vision du cinéma - encore représentée naguère par Annaud, Chéreau, Bertolucci ou Coppola voire Tarantino - où ce qui est narré a moins d'importance que ce qui est MONTRÉ (Legenda est) . Je comprends qu'il puisse exister en parallèle une tradition - mainstream - qui recherche dans le cinéma une littéralité qui fasse lien avec l'art dramatique. Mais, pour ma part, tant qu'à admirer un jeu scénique, j'ai toujours préféré les comédiens aux acteurs.....
David Lynch, imagier incomparable
Pour donner un exemple de ce génie incompris, je voudrais évoquer 2 plans illustratifs de la puissance évocatrice de son travail.
L'une des impressions les plus mémorables laissées par le film restera la maestria avec laquelle Lynch a su donner corps à de monumentales perspectives dignes d'un Cecil B. De Mille ou de John Ford. De l'architectonique raffinée de Kaitain à l'angoissante Metropolis industrielle de Giedi Prime, de la nuit obscure d'une marine caladanienne à la saturation ocre et empoussiérée d'Arrakeen, le jeu des paysages y est subtilement pensé en harmonie avec le "décor" musical orchestré par Martin Paich (groupe Toto),dont le moins qu'on puisse dire est qu'il redouble les images d'une troublante "hypertextualité".
J'encourage ceux qui en ont la possibilité à (re-)découvrir les esquisses préparatoires du film. On y apprendra avec intérêt que les prises de vue eurent pour directeur artistique un autre grand technicien du cinéma, Tony Masters, qu'on ne présente plus après sa poétique vision du 2001 dirigé par Kubrick.
Mais ce souci du détail qui caractérise la scénographie lynchéenne (et on sent à cela la marque de son passage aux Beaux Arts ), loin de se limiter aux vastes perspectives, se retrouve jusqu'aux plus infimes détails des décors intérieurs et des costumes. Que n'a-t-on pas dit sur le ridicule des crinolines ou l'omniprésence agressive des "soldats de plombs"...Et cela se comprend tant les esprits ont été conditionnés par l'imagerie néo-médiévisante des héros en cape et sabre laser, et des princesses à chignon...Mais pour ceux dont le regard a été façonné à la lumière de la grande peinture classique, comment ne pas deviner dans les mauresques chryséléphantins de la Cour de Kaitain l'envers parodique des portraits de cour de Velasquez ? Un Velasquez qui aurait l'acidité ironique d'un Goya . Et qu'on y regarde de près, rien n'y manque : dans un décor nouveau riche d'Alhambra de pacotille, une princesse dûment chaperonnée d'austères duègnes à mantille, des Grands tout gonflés de leur gloire et ici et là une escouade de nains, vestiges d'un despotisme décadent. Vous pensez avoir lu ici la description des Ménines? Non,non, je parlais bien de Kaitain, centre gangrené d'un Imperium où l'ethos aristocratique et la passion délirante du décorum militaire ont perdu jusqu'à l'innocente Caladan.
Là aussi, dans un décor vieux-saxon/viking qui n'aurait pas déplu aux réunions champêtres de l'élite prussienne, on voit s'agiter des soldats tout cravatés de noirs. Rien n'y manque, pas même un bouton. Et ce bel ordonnancement de soldats de plomb, s'active, charge et décharge dans l'harmonie d'une fanfare militaire. Et puis, dans cet étrange revival du XIXe en crinoline, surgissent brusquement des traits de sauvagerie et de paranoïa qu'on attendrait plutôt de je ne sais quel péplum oriental narrant les complots de harem d'Istanbul ou les bains de sang de Gengis Khan...Détail peut-être, mais il faut voir avec quelle vivacité, dans une scène d'embarquement au spacodrome, Gurney défend à Liet de toucher le fils de SON Duc. Avec quelle étrangeté la sophistication d'une uchronie futuriste se trouve ponctuée de proclamations répétées d'allégeance qu'on attendrait plutôt d'un film en costumes.
Mais Lynch, contrairement aux jeunes amateurs de sabres galactiques, et en bon lecteur d'Herbert, sait combien les apparences de la modernité sont trompeuses. Sciemment il viole les clichés exotiques d'un futur irénique à la Star Trek pour nous introduire dans un dérangeant futur antérieur où le spectateur se trouve brutalement questionné quant à ses petites mythologies inconscientes du "progrès". Non, ici le futur n'est pas dépeint avec les couleurs chatoyantes de l'étrange, ni avec le pseudo-romantisme de la Fantasy ; non, chez Lynch les uniformes prussiens prennent une valeur symbolique, celle de l'actualité brûlante d'une machinerie criminelle qui sous les ors surannés du IIe Reich Wilhelmien prépare toujours les crimes de demain. Herbert l'avait noté subtilement, en orwellien sceptique qu'il était.
Ce n'est donc pas le moindre des mérites de la mise en scène de Lynch d'avoir osé s'attaquer avec autant de franchise à l'imagerie d'épinale de la science-fiction, avec ses surhommes phallocentrés et ses fantasmes cuirs d'éjaculations militaires à coup de sabres galactiques. Pour avoir brisé les attentes faciles d'un public souvent infantilisé, Lynch n'est-il pas le digne imagier d'Herbert ?
- orcusnf
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J'ai toujours adoré la version lynch, malgré ses lacunes, alors la question ne se pose pas. Il est beaucoup plus compréhensible qu'un 2001 de Kubrick censé suivre la trame de l'histoire...
http://www.fantastinet.com l'actualité de la littérature de l'imaginaire
- Stéphane
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Mon avis : adaptation de merde.
La présentation finale des personnages, dont certains ne font que de la figuration dans le film, montre clairement que Lynch n'a pas eu les moyens de ses ambitions, mais qu'il a quand même préféré faire quelque chose de pourri que rien du tout, ce qui est un manque de respect pour l'œuvre de Herbert.
La présentation finale des personnages, dont certains ne font que de la figuration dans le film, montre clairement que Lynch n'a pas eu les moyens de ses ambitions, mais qu'il a quand même préféré faire quelque chose de pourri que rien du tout, ce qui est un manque de respect pour l'œuvre de Herbert.
Avec tout le respect que je te dois, c'est dommage Stéphane que tu raisonnes en terme de "respect pour l'oeuvre de Herbert" au lieu de critiquer le film pour ce qu'il est, c'est-à-dire un film, et non une "illustration" ou une "adaptation".Stéphane a écrit :Mon avis : adaptation de merde.
La présentation finale des personnages, dont certains ne font que de la figuration dans le film, montre clairement que Lynch n'a pas eu les moyens de ses ambitions, mais qu'il a quand même préféré faire quelque chose de pourri que rien du tout, ce qui est un manque de respect pour l'œuvre de Herbert.
Je ne te le reproche pas, puisque ton avis est largement majoritaire au sein du fandom comme du grand public. Mais si tu me le permets, ton avis pose 2 problèmes.
1 . Parler de non respect pour l'oeuvre d'Herbert est cocasse si l'on en juge par l'avis personnel d'Herbert (exprimé en introduction de son recueil Eye et de diverses interviews, dont une longue interview audio conjointe avec Lynch). Herbert ne s'est pas senti trahi par Lynch et l'a même félicité...
2 . C'est que Herbert était plus qu'un auteur : prof, journaliste, essayiste, consultant, un pied dans l'univers de la télé, l'autre dans le cinéma...Il savait combien le passage du livre au film ne pouvait se résumer à un simple décalque et l'échec de son scénario de 1978 lui avait enseigné qu'un bon auteur n'est pas nécessairement un bon scénariste.
Il savait donc que le cinéma développe une autre grammaire de l'action, une autre manière de s'adresser à nos sentiments comme à notre intellect. Bref, un langage à part qui ne pouvait se résumer à une simple "traduction" (et encore chacun sait l'adage "traduttore-traditore").
C'est ce que Jodorowsky après ses entretiens de 1976 avec Herbert (lors d'une visite privée à Paris) résumait quelques années plus tard ainsi :
« Je ne voulais pas respecter le roman, je voulais le recréer. Pour moi Dune n'appartenait pas à Herbert ainsi que Don Juan n'appartenait pas à Cervantes ni Edipo à Esquilo. Il y a un artiste, un seul au milieu de millions d'autres artistes, qui une seule fois dans sa vie, par une espèce de grâce divine, reçoit un thème immortel, un MYTHE...Je dis "reçoit" et non "crée" parce que les oeuvres d'art sont reçues dans un état de médiumnité directement de l'inconscient collectif...» (in Metal Hurlant, n°107, 1985)
- Stéphane
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Sauf que quand un réalisateur adapte (j'insiste sur ce terme) un livre, on s'attend - j'entends ceux qui ont lu le livre - à ce qu'il lui fasse honneur.
Peut-être Herbert était-il content du travail de Lynch, mais cela n'empêche pas que ce soit mauvais. Lynch aurait du comprendre qu'il faisait un truc pourri et s'arrêter.
[troll on]
J'ai l'impression que Herbert était quelqu'un d'indulgent. Il est content de Lynch, il laisse son fils devenir "écrivain"...
[troll off]
Quand à la citation de Jodorowsky, malgré tout le respect que je dois à ce grand scénariste, c'est de la foutaise mystique, amha. Mais sur une partie de citation, c'est difficile de juger du contenu exact du discours de Jodorowsky.
Sauf qu'on retiendra cette contradiction dans le raisonnement :
Peut-être Herbert était-il content du travail de Lynch, mais cela n'empêche pas que ce soit mauvais. Lynch aurait du comprendre qu'il faisait un truc pourri et s'arrêter.
[troll on]
J'ai l'impression que Herbert était quelqu'un d'indulgent. Il est content de Lynch, il laisse son fils devenir "écrivain"...
[troll off]
Quand à la citation de Jodorowsky, malgré tout le respect que je dois à ce grand scénariste, c'est de la foutaise mystique, amha. Mais sur une partie de citation, c'est difficile de juger du contenu exact du discours de Jodorowsky.
Sauf qu'on retiendra cette contradiction dans le raisonnement :
Dune n'appartenant pas à Herbert, on peut penser, même si lui en est content, que Dune de Lynch est mauvais. Car Dune est une œuvre mythique, qui appartient à l'humanité, au collectif. Lynch, s'il n'a pas manqué de respect à Herbert, en a manqué au mythe. C'est pire !Pour moi Dune n'appartenait pas à Herbert ainsi que Don Juan n'appartenait pas à Cervantes ni Edipo à Esquilo. [...] les oeuvres d'art sont reçues dans un état de médiumnité directement de l'inconscient collectif...
Ton raisonnement se tient et je ne chercherai pas à t'en détourner. Mais je profite de ta réponse pour aller un peu plus loin dans mon argumentaire.Stéphane a écrit :Sauf que quand un réalisateur adapte (j'insiste sur ce terme) un livre, on s'attend - j'entends ceux qui ont lu le livre - à ce qu'il lui fasse honneur.
Peut-être Herbert était-il content du travail de Lynch, mais cela n'empêche pas que ce soit mauvais. Lynch aurait du comprendre qu'il faisait un truc pourri et s'arrêter.
[troll on]
J'ai l'impression que Herbert était quelqu'un d'indulgent. Il est content de Lynch, il laisse son fils devenir "écrivain"...
[troll off]
Quand à la citation de Jodorowsky, malgré tout le respect que je dois à ce grand scénariste, c'est de la foutaise mystique, amha. Mais sur une partie de citation, c'est difficile de juger du contenu exact du discours de Jodorowsky.
Sauf qu'on retiendra cette contradiction dans le raisonnement :Dune n'appartenant pas à Herbert, on peut penser, même si lui en est content, que Dune de Lynch est mauvais. Car Dune est une œuvre mythique, qui appartient à l'humanité, au collectif. Lynch, s'il n'a pas manqué de respect à Herbert, en a manqué au mythe. C'est pire !Pour moi Dune n'appartenait pas à Herbert ainsi que Don Juan n'appartenait pas à Cervantes ni Edipo à Esquilo. [...] les oeuvres d'art sont reçues dans un état de médiumnité directement de l'inconscient collectif...
Que reproche-t-on fondamentalement à "l'adaptation" de Lynch ?
On lui reproche son caractère elliptique, son obscurité, son manque de didactisme à l'égard de ceux qui n'ont pas lu le livre, ou a contrario son manque de fidélité à la trame narrative du même livre.
J'avoue que cet argumentaire me gêne dans la mesure où je me refuse à faire du cinéma ou de tout autre art la "servante" de la matière littéraire.
Pourquoi ? Parce que le principe d'antériorité me semble assez discutable comme fondement d'un argumentaire. Ainsi, fallait-il que Molière inféode son Don Juan au moule hispano-napolitain qui l'avait vu naître un siècle plus tôt ? Fallait-il qu'Anouilh s'inquiète des tragiques grecs ?Goethe devait-il faire attention à ne pas "trahir" Marlowe ? Et nous parlons là d'oeuvres relevant du même média (littéraire) et du même genre. Mais que penser de ces poèmes qui reprennent la matière de textes en prose et vice et versa ? Que penser de ces textes qui naissent tragiques, sont adaptés puis finissent dans le vaudeville ? Et que dire alors de ces livres qui deviennent films, de ces films qui deviennent images, de ces images qui finissent poèmes ?
L'art doit-il se conformer aux attentes "mimétiques" du public ? J'en ai déjà parlé ailleurs, à propos de la liberté des créateurs vis à vis du fandom. Autant le public est légitime à influer sur la vie de l'art, autant l'artiste est libre de ne pas en tenir compte.Finalement personne n'est propriétaire d'une idée, et les travers du copyright auraient, sans nul doute, tué dans l'oeuf les "créations" des siècles passés qui ne vivaient que de géniaux réemplois, jamais fidèles, toujours traîtres aux "modèles" hérités.
Non, les idées n'appartiennent à personne, et chacun devrait être libre de retravailler un univers fictionnel sans se croire obligé d'être "fidèle" à l'inspiration d'origine. Mais si les idées n'appartiennent à personne, le style, lui, est inimitable. Et c'est bien à l'aune du style (et non de la "fidélité") qu'il faudrait juger la valeur des uns et des autres. Dune appartient à beaucoup de monde, mais le style de Frank Herbert reste unique.
Voilà comment je perçois les enjeux des "univers partagés", et je pense que notre discussion pourrait, à peu de choses près, reprendre le même canevas quel que soit la formulation choisie (de la BD au film, du film au livre, du livre à la BD, du film au jeu, du jeu ...)
Modifié en dernier par Askaris le sam. août 08, 2009 2:20 pm, modifié 4 fois.
Fais-tu allusion au fait que Lynch a considéré bien après la sortie de son film qu'il n'avait pas eu les mains libres (final cut) et qu'à ce titre Dune restait à part de sa filmographie ?oomu a écrit :il ne faut pas être plus royaliste que le roi
Ce à quoi je te répondrais qu'il a accordé une longue interview à Chris Rodley (un livre d'entretiens) où il revenait sur l'importance esthétique de cette oeuvre et les regrets qu'il avait de ne pas avoir pu s'exprimer avec toute la latitude qu'il aurait souhaitée. Film compliqué, bilan mitigé.
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Tel qu'écrit, Dune est très difficile à adapter au cinéma.
À preuve, la version de 1999, beaucoup plus fidèle au livre, est beaucoup plus soporifique. Je continue à préférer la version de Lynch... et sa superbe musique.
À preuve, la version de 1999, beaucoup plus fidèle au livre, est beaucoup plus soporifique. Je continue à préférer la version de Lynch... et sa superbe musique.

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Askaris, je t'aime ! C'est exactement ce que je pensais, le cinéma est une réécriture de l'idée, pas une adaptation.L'art doit-il se conformer aux attentes "mimétiques" du public ? J'en ai déjà parlé ailleurs, à propos de la liberté des créateurs vis à vis du fandom. Autant le public est légitime à influer sur la vie de l'art, autant l'artiste est libre de ne pas en tenir compte.Finalement personne n'est propriétaire d'une idée, et les travers du copyright auraient, sans nul doute, tué dans l'oeuf les "créations" des siècles passés qui ne vivaient que de géniaux réemplois, jamais fidèles, toujours traîtres aux "modèles" hérités.
D'ailleurs, est ce qu'il est possible de se procureur quelque part la version totale du lynch ?
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Je t'approuve totalement. Ce qu'il y a de "fidèle" dans les miniséries est aussi très dévitalisé.Eons a écrit :Tel qu'écrit, Dune est très difficile à adapter au cinéma.
À preuve, la version de 1999, beaucoup plus fidèle au livre, est beaucoup plus soporifique. Je continue à préférer la version de Lynch... et sa superbe musique.
Quant à la musique de Toto, Brian Eno et Martin Paich (sur des indications de Lynch s'inspirant de Shostakovich)...c'est un rêve éveillé ! Et je crois bien que l'une des choses qui me touche le plus dans beaucoup de films est le paysage sonore (le final de Blade Runer par Vangelis !!!).
Connaissais-tu la version "longue" de 30 plages du soundtrack de Dune ? J'ai eu du mal à la trouver, mais c'est assez original.

[Sur YouTube, j'ai un compte "lascarisvintimille" où j'ai une petite playlist "anticipations" de musique électronique et de film.]
Bien content qu'on se retrouve sur cette idée simple : le concept d'adaptation ne veut rien dire (et comme dirait l'autre "much ado about nothing"). Murnau faisant son Dracula n'avait pas à se demander si Bram Stoker l'approuverait...C'est un non-sens que de vouloir contraindre une oeuvre à se mouler dans le lit de Procuste d'une autre. Comme il était dit ailleurs faut pas "être plus royaliste que le roi"...orcusnf a écrit :Askaris, je t'aime ! C'est exactement ce que je pensais, le cinéma est une réécriture de l'idée, pas une adaptation.L'art doit-il se conformer aux attentes "mimétiques" du public ? J'en ai déjà parlé ailleurs, à propos de la liberté des créateurs vis à vis du fandom. Autant le public est légitime à influer sur la vie de l'art, autant l'artiste est libre de ne pas en tenir compte.Finalement personne n'est propriétaire d'une idée, et les travers du copyright auraient, sans nul doute, tué dans l'oeuf les "créations" des siècles passés qui ne vivaient que de géniaux réemplois, jamais fidèles, toujours traîtres aux "modèles" hérités.
D'ailleurs, est ce qu'il est possible de se procureur quelque part la version totale du lynch ?
Sinon, je ne connais pas de version commerciale du film tel qu'il aurait du exister. Sur le DVD français il existe un bonus où est présentée la version télé du film (désapprouvée par Lynch) qui apporte quelques scènes en plus ainsi qu'un long prologue. La version DVD américaine offre également en bonus quelques autres scènes absentes du film (dont une très évocatrice apparition de S.Mangano).
En absence d'une version qui incorporerait toutes ces additions et d'autres morceaux inédits, je ne puis que te conseiller de t'intéresser à quelques fanedits -sous le manteau- dont certains peuvent espérer nous donner un aperçu modeste de ce que le film aurait du être sans les ciseaux de De Laurentiis.
J'aime aussi le film et je n'ai jamais compris pourquoi il était autant rejeté. Évidemment, si on fait des comparaisons avec le boulot d'Herbert... Mais pourquoi comparer deux œuvres aussi dissemblables ? Le film est bon.
Et pour ne pas perdre l'habitude du changement de sujet : existe-il un film qui respecte exactement l'œuvre écrite dont il s'inspire ?
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Non, mais tu m'intéresses.Askaris a écrit :Quant à la musique de Toto, Brian Eno et Martin Paich (sur des indications de Lynch s'inspirant de Shostakovich)...c'est un rêve éveillé ! Et je crois bien que l'une des choses qui me touche le plus dans beaucoup de films est le paysage sonore (le final de Blade Runer par Vangelis !!!).
Connaissais-tu la version "longue" de 30 plages du soundtrack de Dune ? J'ai eu du mal à la trouver, mais c'est assez original.![]()
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Les contes du Disque-Monde, passé l'hiver dernier à la TV, est une étonnamment fidèle – et bonne ! – adaptation du Père Porcher.Aldaran a écrit :Et pour ne pas perdre l'habitude du changement de sujet : existe-il un film qui respecte exactement l'œuvre écrite dont il s'inspire ?
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr
J'irais même plus loin : faut-il souhaiter qu'un film reprenne exactement le canevas d'une oeuvre écrite ? Les "adaptations" blockbusters de Marvel, malgré leurs évidentes lacunes, ont donné des choses qui se laissent voir même si elles ne respectent pas du tout les BD originelles. Le cinéma est obligé d'inventer son propre rythme, son propre kaléidoscope d'images, de sons et de jeu. Et je ne pense pas que l'expérience de la lecture puisse jamais trouver son équivalent dans l'image animée. Même les dessins animés ne sont pas les décalques des planches statiques !Aldaran a écrit :J'aime aussi le film et je n'ai jamais compris pourquoi il était autant rejeté. Évidemment, si on fait des comparaisons avec le boulot d'Herbert... Mais pourquoi comparer deux œuvres aussi dissemblables ? Le film est bon.
Et pour ne pas perdre l'habitude du changement de sujet : existe-il un film qui respecte exactement l'œuvre écrite dont il s'inspire ?
Je pense comme Éons que le format d'une série télévisée peut donner de meilleurs résultats qu'un film. Même une trilogie comme celle de LOTR a trouvé plein de détracteurs, et je ne te parle pas de Harry Potter...
Le format sériel a donné naissance à quelques bijoux qui n'ont pas à rougir devant le 7° Art (Six Feet Under, Sopranos, Rome...). Mais la SF n'est visiblement pas assez porteuse pour qu'un producteur accepte de prendre le pari de s'y lancer avec un budget effets spéciaux convaincant. Le décor de carton pate des miniséries de Dune est emblématique de l'indigence de la SF télévisuelle. Je dis ça sous réserves car on m'a dit le plus grand bien de Battlestar Galactica (qui n'est pas tirée d'un livre à ce que je sais).
[petite parenthèse : j'ai remarqué que dans plusieurs fandoms le fait d'approuver ou non une "adaptation" cinématographique dégénérait parfois en constitution de sous-groupes plus attachés à tel ou tel média : exemple, on trouve des fans exclusifs de Peter Jackson ou des fans de Tolkien qui s'ignorent les uns les autres !!!]