Thomas Day - La Cité des crânes
Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
Thomas Day - La Cité des crânes
Salut,
Voilà un livre qui n'est pas banal. Publié chez un éditeur de l'imaginaire (Le Belial'), il n'en contient pourtant quasiment pas une once (du moins de l'imaginaire tel qu'on le conçoit ici). Du coup l'emballage déçoit: les "autres magies du Sud-Est asiatique" annoncées n'existent pas, et en quatrième de couverture le flot de références données ne sert à rien. J'en retire l'intime conviction que commercialement parlant, il aurait sans doute eu plus sa place chez L'Olivier ou un autre éditeur de ce genre Passons.
La Cité des crânes, c'est avant tout l'histoire d'un pauvre mec, qui applique bien volontiers la triste phrase "la France tu l'aimes ou tu la quittes". Lui, il la quitte, et sans regret. Bandard fou, qui pourtant a bien du mal à trouver fourreau à son engin, Thomas est au début un personnage détestable, une sorte de paumé qui n'a pas achevé son adolescence, qui cultive sa rebellitude minable. La Thaïlande et ses innombrables bordels est donc une destination de choix.
Et cette Thaïlande, Thomas Day nous la fait vivre, dans toute son intimité, sa crudité.
Il y est bien aidé, à vrai dire, par son héros qui ne pense qu'au cul. Mais ce héros va grandir, subir un parcours à la foi aventureux et mystique, une initiation qu'il rejettera, le faisant totalement et définitivement s'assagir.
La Cité des crânes n'est pas sans défauts, notamment au niveau de sa logique interne: la République invisible, qui sert de prétexte au voyage, n'est justement que cela: un prétexte. Le roman lui-même pouvait très bien s'en passer. De même qu'il pouvait se passer de la digression sur Noir Désir, qui est intéressante en soit, mais qui, à mes yeux, n'a pas vraiment sa place dans la narration.
Mais le style, quel style! Absence de style, disent certains. Au contraire dirais-je: l'écriture est remarquablement efficace. Bien sûr si l'on est pas un prude que le "duculduculducul" ferait fuir (il y en a encore, si si), on s'immerge aisément dans ce récit, qui n'est en fait qu'un carnet de bord, ponctué de divers souvenirs de lectures, d'anecdotes plus ou moins crues. Le personnage est vivant, le pays (imaginaire?) est vivant. On suit ce voyage comme si on y était.
A+
Patrice
PS: C'est marrant, mais l'avis d'AK chez Jules de chez Smith en Face, est exactement contraire au mien:
"AK : Si si je viens de vérifier, c’est mou. Hormis le passage « Noir Désir » ce roman m’a laissé indifférent donc déçu. J’aime qu’un auteur m’emmène quelque part et que je retire quelque chose du voyage - en bien ou en mal. Mais là j’ai plus eu l’impression de lire une carte postale que de partir en voyage. "
Voilà un livre qui n'est pas banal. Publié chez un éditeur de l'imaginaire (Le Belial'), il n'en contient pourtant quasiment pas une once (du moins de l'imaginaire tel qu'on le conçoit ici). Du coup l'emballage déçoit: les "autres magies du Sud-Est asiatique" annoncées n'existent pas, et en quatrième de couverture le flot de références données ne sert à rien. J'en retire l'intime conviction que commercialement parlant, il aurait sans doute eu plus sa place chez L'Olivier ou un autre éditeur de ce genre Passons.
La Cité des crânes, c'est avant tout l'histoire d'un pauvre mec, qui applique bien volontiers la triste phrase "la France tu l'aimes ou tu la quittes". Lui, il la quitte, et sans regret. Bandard fou, qui pourtant a bien du mal à trouver fourreau à son engin, Thomas est au début un personnage détestable, une sorte de paumé qui n'a pas achevé son adolescence, qui cultive sa rebellitude minable. La Thaïlande et ses innombrables bordels est donc une destination de choix.
Et cette Thaïlande, Thomas Day nous la fait vivre, dans toute son intimité, sa crudité.
Il y est bien aidé, à vrai dire, par son héros qui ne pense qu'au cul. Mais ce héros va grandir, subir un parcours à la foi aventureux et mystique, une initiation qu'il rejettera, le faisant totalement et définitivement s'assagir.
La Cité des crânes n'est pas sans défauts, notamment au niveau de sa logique interne: la République invisible, qui sert de prétexte au voyage, n'est justement que cela: un prétexte. Le roman lui-même pouvait très bien s'en passer. De même qu'il pouvait se passer de la digression sur Noir Désir, qui est intéressante en soit, mais qui, à mes yeux, n'a pas vraiment sa place dans la narration.
Mais le style, quel style! Absence de style, disent certains. Au contraire dirais-je: l'écriture est remarquablement efficace. Bien sûr si l'on est pas un prude que le "duculduculducul" ferait fuir (il y en a encore, si si), on s'immerge aisément dans ce récit, qui n'est en fait qu'un carnet de bord, ponctué de divers souvenirs de lectures, d'anecdotes plus ou moins crues. Le personnage est vivant, le pays (imaginaire?) est vivant. On suit ce voyage comme si on y était.
A+
Patrice
PS: C'est marrant, mais l'avis d'AK chez Jules de chez Smith en Face, est exactement contraire au mien:
"AK : Si si je viens de vérifier, c’est mou. Hormis le passage « Noir Désir » ce roman m’a laissé indifférent donc déçu. J’aime qu’un auteur m’emmène quelque part et que je retire quelque chose du voyage - en bien ou en mal. Mais là j’ai plus eu l’impression de lire une carte postale que de partir en voyage. "
Pour moi , c'est le plus gros ratage de T.D. , à la fois inspiré d'Au coeur des ténèbres de Conrad et du Livre des crânes de Silverberg , il n'arrive à la cheville ni de l'un ni de l'autre . La société secrète à laquelle est censé appartenir le héros ne tient finalement aucun rôle dans l'histoire , lui-même paraît finalement peu crédible , les scènes de cul (on ne peut que les appeler comme ça) ne dégagent aucun érotisme mais bien une vulgaire pornographie . Il vaut beaucoup mieux s'attacher à ses recueils de nouvelles , Musashi au à la Maison aux fenêtres de papier .
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"
On enlève les descriptions avec sexe (inutile) et violence (idem) et on a une introspection vraiment intéressante et sensible.
C'est incroyable le nombre de choses qui sont gâchées en littérature par les descriptions (je parle des descriptions) de sexe et de violence, nettement plus efficaces en sous-entendu.
Oncle Joe
C'est incroyable le nombre de choses qui sont gâchées en littérature par les descriptions (je parle des descriptions) de sexe et de violence, nettement plus efficaces en sous-entendu.
Oncle Joe
Pour rebondir, je viens juste de tomber sur une ellipse de ce genre, qui rend la chose finalement comique :
(nouvelle Le foetus, in L'homme sans idées, p.156, T. Disch)Elle leva les yeux vers lui. Il tenait à la main un couteau."Ne faites aucun bruit, murmura-t-il. Si vous résistez je vous tue."
Agnes ne résista pas.
Après l'avoir violée le prêtre se leva du banc de bois, rajusta sa soutane et, d'un geste adroit et rapide, se trancha la gorge de part en part.
On offre de face la vérité à son égal : on la laisse entrevoir de profil à son maître.
(Chamfort, Eloge de La Fontaine)
(Chamfort, Eloge de La Fontaine)
Comique... je ne sais pas trop si c'est le terme..Tétard a écrit :Pour rebondir, je viens juste de tomber sur une ellipse de ce genre, qui rend la chose finalement comique :
(nouvelle Le foetus, in L'homme sans idées, p.156, T. Disch)Elle leva les yeux vers lui. Il tenait à la main un couteau."Ne faites aucun bruit, murmura-t-il. Si vous résistez je vous tue."
Agnes ne résista pas.
Après l'avoir violée le prêtre se leva du banc de bois, rajusta sa soutane et, d'un geste adroit et rapide, se trancha la gorge de part en part.
Oncle Joe