Lensman a écrit :En passant, ces discussions entre gens relativement cultivés me confirment dans mon grand scepticisme quand à la valeur de la vulgarisation, y compris quand elle est faite par des vrais physiciens. Ceux-ci raisonnent avec des sous-entendus qu'ils partagent avec leurs pairs et dont ils ne se rendent plus compte à quel point ils sont difficiles à faire comprendre aux non professionnels, y compris intelligents et cultivés
Bon, Joe, rien que pour toi, je vais essayer de faire un effort. Les autres, fermez les yeux.
Tout d'abord, pour une explication pédagogique faite dans les règles de l'art, je ne peux que recommander le cours inaugural que délivre le professeur Marc Himbert, directeur de l'
Institut National de Métrologie et titulaire de la chaire de métrologie. L'accès
(à ce cours inaugural) est, à ma connaissance, libre mais très prisé ; Marc est un excellent pédagogue et un vulgarisateur -au sens noble du terme- hors pair. Si tu n'arrives pas à obtenir une invitation, MP.
Je suis TRES simplificateur et je m'en excuse par avance.
Pouf, pouf...
En même temps que la théorie de la relativité, sont apparues la notion de "vitesse de la lumière dans le vide" et son aspect de "limite".
On a donc commencé à essayer de mesurer cette vitesse et de déterminer cette limite.
Avec, parfois, comme arrière pensée l'idée de montrer que ce n'était pas une limite et donc d'invalider la théorie.
Petit à petit, ces mesures se sont affinées, la théorie a gagné en reconnaissance et on est arrivé, dans les années 70 à être confronté à une situation assez ubuesque dans le monde scientifique.
Lorsque l'on tient compte des corrections relativistes, on arrive à une estimation expérimentale de la "vitesse de la lumière dans le vide" réalisée avec une incertitude inférieure à celle que l'on obtenait en
(grossièrement) divisant la distance parcourue par le temps de parcours. Tout ça à cause de l'incertitude sur la définition du mètre. Les incertitudes sur les estimations de vitesse étaient, expérimentalement grâce aux lasers, devenues inférieures aux incertitudes sur les estimations de distance.
Alors, qu'en, est-il de cette notion de "vitesse de la lumière dans le vide".
Comme l'indique Georges, c'est une notion idéale, celle où la "lumière" se déplacerait dans un espace-temps "vide".
Et quand je dis "vide", c'est "vide". Ni matière, ni lumière, ni énergie
(il n'y a pas de paradoxe à un déplacement de la lumière dans un espace "vide de lumière", sinon apparent et purement sémantique).
Un univers où la métrique est idéalement non déformée par la présence de quelque perturbation que ce soit.
En gros, un univers purement mathématique et pas physique.
Chacun finissait donc
(comme croit encore le faire Eons aujourd'hui -ce n'est pas un coup de pied de l'âne, juste un constat) par définir sa propre "vitesse de la lumière dans le vide". Les expérimentateurs étaient fort marris de cette situation, et plus encore les théoriciens.
Mais, heureusement, dans le même temps, la compréhension de ce qu'est cette foutue "VDLLDLV" avait avancé à grands pas et tous les gars du monde, pardon, tous les scientifiques se sont donnés la main pour sortir de l'impasse.
Puisque cette "VDLLDLV" était un invariant, constante inchangée par une transformation de Lorentz
(en gros les lois de la physique sont préservées par ce type de transformation), il devenait inutile de chercher à connaître sa valeur. Il suffisait de la reconnaître comme une des constantes fondamentales de la physique.
Or donc, l'ensemble des scientifiques sont tombés d'accord (après moult congrès, engueulades, beuveries et autres billevesées dont sont coutumiers ces chenapans) pour dire que, une bonne fois pour toute, on arrêtait de vouloir mesurer la "VDLLDLV", et on disait qu'elle s"exprimait sous la forme
c.
c, "vitesse de la lumière dans le vide" est donc une constante universelle
exacte. Par convention. Elle n'a pas de valeur quantitative associée et, partant, pas d'incertitude associée. C'est ce qui a été acté par le BIPM en 1983.
Lorsque l'on voit, souvent, écrit
(ou exprimé oralement) c=299 792 458 m/s, il faut bien être conscient que c'est une erreur. Ou plus exactement une simplification, un raccourci. L'acceptation de
c en tant que constante universelle a conduit à devoir changer la définition du mètre. On ne devrait pas écrire
c=299 792 458 m/s, ce qui n'a pas de sens, mais de manière plus complexe, soit "le mètre est la distance parcourue par la lumière dans le vide en 1/299 792 458 seconde", soit 1 m =
c/299 792 458 * 1 s.
Reconnaissons toutefois que cette définition est peu manipulable lorsque je vais acheter 3 mètre de ce délicieux tissu écossais dans lequel j'envisage de me tailler un kilt.
Vouloir quantifier
c , par une mesure expérimentale ou par tout autre procédé, a autant de sens que de vouloir mesurer 2, puis encore 2 (le même ou pas d'ailleurs?), puis 4 pour vérifier que 2+2=4.