J'avais eu l'occasion dernièrement de vous assomer avec ma chronique de C'était le soir des dieux de Jean Dorsenne. Cette fois, après l'émule, je découvre le maïtre, Victor Segalen.
Bien que n'étant pas un anlalyste de style, la différence entre ces romans m'a frappé.
Paru en 1925, le roman de Dorsenne patit de son fort aspect d'épopée romantique du XIXème siècle façon Théophile Gautier, avec son style pastichant Homère et non la langue sacrée polynésienne, ses références déplacées à une civilisation occidentale absente de ce monde intemporel (bon, j'ai reperé qu'une seule allusion aux "yeux bleus des filles nordiques", mais ça m'a marqué).
En comparaison, le romna de Segalen, bien plus ancien (1907) est d'une modernité insolente. C'est que le monsieur a fait un immense travail de prosateur (on pourrait dire poéte) afin de faire vivre son but ô combien visionnaire quand on le rapporte à l'histoire de l'ethnologie : donner la parole aux polynésiens à travers leurs mythes.
Et c'est en effet par le point de vue des polynésiens que vous pouvez voir revivre la Tahiti païenne et guerrière, décrire l'arrivée des occidentaux, la nouvelle Tahiti christiannisée et soumise.
L'oeuvre définitive est d'une grande beauté formelle autant que profonde, recéle des passages d'une poésie stupéfiante (notamment la deuxième partie, plus courte que les deux autres, récit d'un voyage à la recherche d'une écriture destinée à preserver les traditions maories).
Si vous devez lire une édition, je vous conseille le Livre de poche classiques, et boycottez Point, vendre un texte aussi ardu sans aucun paratexte c'est tout simplement scandaleux
