Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 6:31 pm

Allez, je risque une comparaison qui, je le sens, va me couter cher:
Il y a des amateurs de SF comme il y a des sportifs...
Oncle Joe

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MF
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Message par MF » mer. nov. 04, 2009 6:37 pm

Lensman a écrit :Il y a des amateurs de SF comme il y a des sportifs...
Tu veux dire... tous dopés ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 6:41 pm

MF a écrit :
Lensman a écrit :Il y a des amateurs de SF comme il y a des sportifs...
Tu veux dire... tous dopés ?
Je savais que je pouvais compter sur vous tous! La SF, on l'aime aussi pour ça!
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 6:43 pm

Fabien Lyraud a écrit :Parce que la rupture de référence avec la réalité consensuelle est associée par la société au rêve. Le rêveur c'est l'individu mal adapté à la société productive et aussi l'adolescent.
Schopenhaeur n'hésite pas à définir comme le signe de l'aptitude philosophique la faculté pour certains de se représenter parfois les hommes, et toutes les choses, comme de purs fantômes, ou des images de rêve. Eh bien l'homme doué d'une sensibilité artistique se comporte à l'égard de la réalité du rêve de la même manière que le philosophe en face de la réalité de l'existence ; il l'examine soigneusement et volontiers. Car, de ces images, il tire une interprétation de la vie. Ce ne sont pas seulement, comme on pourrait croire, les images agréables et plaisantes qu'il retrouve en lui-même car ces scènes, il les vit, il les souffre, sans ceser de produire cette impression fugitive qu'elles ne sont qu'une apparence. Et peut-être plus d'un se souviendra comme moi s'être écrié, en se rassurant à coup sûr au milieu des périls et des terreurs d'un rêve : "c'est un rêve ! Je veux continuer à rêver !"

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 6:43 pm

(Nietzsche, Naissance de la tragédie, 1872)

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 6:49 pm

Je dirais plutôt "renaissance de la tragédie", mais enfin, la SF en a vu d'autres...
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 6:59 pm

Pourquoi dis-tu ça, oncle ?

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 7:01 pm

Parce que j'espérais qu'on en avait fini avec l'éternel retour. Mais toujours l'inattendu arrive...
Oncle Joe

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Le_navire
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Message par Le_navire » mer. nov. 04, 2009 7:03 pm

Lem a écrit : Il y a donc de la métaphysique dans la littérature, y compris au XXème siècle. Mais, comme je l'ai écrit dans la préface de Retour, uniquement sous l'angle de la linguistique ou, en ce qui concerne les exemples ci-dessus, de la psychologie. La métaphysique disparaît en tant que science, en tant qu'ambition de saisir "les choses premières et dernières" pour ne subsister que comme émotion biographique, expérience de l'intériorité intensément subjectives.
Je crois que c'est là le point nodal de divergence... (hum, je sais, je sais ^^)

De mon point de vue, en littérature générale, l'ambition est généraliste même lorsqu'elle est traitée à travers l'individu : on est pas dans la psychologie, mais dans la micro-sociologie, la plupart du temps. C'est d'ailleurs ce qui éloignait mes proches de la Sf pour qui en se consacrant à la blanche, on pouvait faire les mêmes analyses en évitant ce qui leur paraissait clinquant et fabriqué dans la SF, un moyen d'émerveillement qu'ils associaient au besoin d'enfance. D'où, etc...

Quand Caligula dit "Si je dors, qui me donnera la lune ?" (Camus) il s'éloigne de la psychologie pour tomber dans la métaphysique à laquelle tu fais référence, celle qui veut "saisir les choses premières et dernières".

Non, si aujourd'hui, je reconnais que la métaphysique est plus souvent dans la SF que dans la blanche parce que celle-ci se fourvoie lamentablement sur les pistes de l'égocentrisme, je crois que mon père avait raison : c'est l'émerveillement de l'enfance qu'on cherche dans la SF, même lorsqu'on se laisse bercer par la physique quantique...

Sauf qu'aujourd'hui, je n'aurais pas de mal à répondre que la blanche manque tellement de poésie que...

Et ? Et si c'était ça, finalement ? Si ce n'était pas la métaphysique, mais la poésie, dont on cherche la clef ?

Normalement, c'est là que tout le monde me hurle dessus en me vouant aux gémonies...
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Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » mer. nov. 04, 2009 7:05 pm

Lensman a écrit :
Fabien Lyraud a écrit :. Autant d'éléments qui permettent de dire que la lecture de l'oeuvre de SF demande un véritable effort.
Je suis assez d'accord avec ce que tu as fait remarquer, Fabien, sauf sur un point: pour le lecteur de SF, ce n'est PAS un effort... ça lui plait, il fait ça naturellement, il le recherche même, c'est un état d'esprit.
J'ai de plus en plus l'impression que l'explication du phénomène de la SF est beaucoup plus à chercher chez ses lecteurs que dans le corpus de la SF. Ce lectorat partagerait une psychologie commune. Après, évidemment, il y a des tas de phénomènes (contexte), mais la clé principale serait dans la psychologie du lecteur de SF. Cela ne contredit pas ce que tu dis, mais je supprime la notion d'"effort".
Oncle Joe
Cet état d'esprit serait l'acceptation de l'altérité qui rend plus facile le Devoir Croire.
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Message par Virprudens » mer. nov. 04, 2009 7:07 pm

Le_navire a écrit : c'est l'émerveillement de l'enfance qu'on cherche dans la SF, même lorsqu'on se laisse bercer par la physique quantique...
[...]
Et ? Et si c'était ça, finalement ? Si ce n'était pas la métaphysique, mais la poésie, dont on cherche la clef ?
A fond.
- Please, be polite.
- Go fuck yourself.

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 7:09 pm

Lensman a écrit :Parce que j'espérais qu'on en avait fini avec l'éternel retour…
… des citations et références hors-SF ? Des détours par l'histoire de la philosophie ? Je voudrais comprendre en quoi c'est un problème (surtout dans un fil comme celui-ci, dont c'est le sujet).

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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 7:14 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Parce que j'espérais qu'on en avait fini avec l'éternel retour…
… des citations et références hors-SF ? Des détours par l'histoire de la philosophie ? Je voudrais comprendre en quoi c'est un problème (surtout dans un fil comme celui-ci, dont c'est le sujet).
Le fait est que je ne trouve aucun intérêt à la lecture de Nietzsche, donc je n'arriverai sans doute jamais à comprendre ton approche.
Oncle Joe

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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 7:16 pm

Virprudens a écrit :
Le_navire a écrit : c'est l'émerveillement de l'enfance qu'on cherche dans la SF, même lorsqu'on se laisse bercer par la physique quantique...
[...]
Et ? Et si c'était ça, finalement ? Si ce n'était pas la métaphysique, mais la poésie, dont on cherche la clef ?
A fond.
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Erion
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Message par Erion » mer. nov. 04, 2009 7:17 pm

Lem a écrit : Il y a donc de la métaphysique dans la littérature, y compris au XXème siècle. Mais, comme je l'ai écrit dans la préface de Retour, uniquement sous l'angle de la linguistique ou, en ce qui concerne les exemples ci-dessus, de la psychologie. La métaphysique disparaît en tant que science, en tant qu'ambition de saisir "les choses premières et dernières" pour ne subsister que comme émotion biographique, expérience de l'intériorité intensément subjectives.
Hm.
J'avais cité, mais ca a été perdu dans la bataille, le fameux discours d'Ivan et Aliocha dans les Frères Karamazov qui correspond exactement à la nouvelle de Le Guin "Ceux qui partent d'Omelas".
Dans le recueil des nouvelles de Le Guin qui reprend Omelas, Le Guin signale qu'on lui a parlé du dialogue (qui a dû jouer au niveau inconscient) mais sa nouvelle était plutôt une évocation de "The Moral Philosopher and the Moral Life" de William James.

Mais bon, les romans russes sont souvent des expériences philosophiques. Tout ça pour dire que la différence entre Le Guin et Dostoïevski est particulièrement ténue. En plus, le passage de Dosto est un dialogue (il ne s'agit donc pas d'un essai déguisé sous un roman).

Dans "Train de nuit de la voie lactée" Kenji Miyazawa met en scène deux écoliers (Giovanni et... Campanella) qui prennent un train spatial, jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il s'agit du train qui mène vers la mort pour l'un des deux. C'est ce texte (non SF) qui sera reprit par Leiji Matsumoto pour créer la série "Galaxy Express 999" qui reprend le même principe.

Bref, ce que je soupçonne, c'est qu'une telle dichotomie soit trop occidento-centrée sur la littérature générale.

Je vais citer intégralement les propos du critique japonais Uchida Fuchian en 1885 qui a publié "L'essence du roman". C'est un ouvrage fondamental car il a engendré toute l'évolution de la littérature japonaise à partir de cette date. Sa conséquence première a été la condamnation de la littérature de Science-Fiction qui naissait à l'époque et avait une tonalité propre au profit d'une vision littéraire plus occidentale puis japonaise du roman (on y a perdu une SF japonaise autochtone, on y a gagné une des littératures les plus créatives du monde). Le discours est intéressant parce qu'il est totalement explicite quant au problème qui nous préoccupe :
"Il est possible d'écrire un roman moderne qui reflète et examine le présent, et il est possible d'écrire un roman historique qui reflète et examine le passé, en se basant sur des sources. Mais puisqu'il est impossible d'examiner directement le futur, il est impossible d'écrire un roman sur le futur. Des gens ont écrit des romans sur le futur en ne se fondant pas sur l'observation mais sur le pouvoir de leur imagination. Puisqu'il est imaginatif, et une méthode d'analogie se fondant sur un raisonnement inductif à partir d'une vision du présent, il est, quand on le réduit, une prouesse des capacités intellectuelles. L'Art, cependant, est quelque chose qui perçoit la vérité à travers les émotions. Par conséquent, il ne peut y rien avoir de considéré comme art qui soit fondé sur l'imagination"
On voit assez bien que ce qui est mis en cause, c'est bien le fait d'examiner le futur, d'imaginer de manière intellectuelle plutôt que de manière émotionnelle la vérité. Alors j'imagine que tu interpréteras cela sous l'angle de la métaphysique ("méthode d'analogie se fondant sur un raisonnement inductif") mais je persiste à penser que la notion de futur n'est pas du tout à négliger.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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