Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. nov. 19, 2009 2:31 am

Bull a écrit :
Lensman a écrit :
Comment fait-on pour distinguer les questions qui resteront métaphysiques, de celles qui changeront de statut, et auront des réponses physiques?
Oncle Joe
Ben, pour moi et mon petit avis, à terme toute question aura sa réponse.


Shalmaneser a écrit :le sens de l'Histoire, la conscience, le langage...)
L'origine de la conscience et du langage, sont des thématiques déjà largement abordés par la science. Je ne vois pas trop ce que tu appelles le "sens de l'Histoire".
Hum... je te sens en train de réduire assez drastiquement le champ de la métaphysique...
Oncle Joe

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Bull
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Message par Bull » jeu. nov. 19, 2009 2:34 am

J'ai bien dit que c'était un avis purement personnel.

Mais avec cette vision, je suis assez proche du sentiment de Lem, car pour moi seule la SF a les outils pour aborder ces thématiques.

systar
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Message par systar » jeu. nov. 19, 2009 2:36 am

Shalmaneser a écrit :Tout à fait d'accord avec l'oncle Joe.
J'ajoute que si l'on part du principe que la démarche scientifique est universellement applicable et répondra un jour à toutes les questions que nous nous posons, la métaphysique peut effectivement être conçue comme "tout ce qui n'est pas encore susceptible d'être résolu par la science".
En revanche, si l'on considère que des pans entiers de notre pensée (le sens de l'Histoire, la conscience, le langage...) échappent, par leur nature, à la démarche scientifique en tant que processus d'objectivation (mais ni à la philosophie, ni à la littérature), la métaphysique devient un concept à part entière qu'on ne peut réduire, et dont on ne peut faire abstraction.
Tout est une question de présupposés... Et une coexistence de ces deux définitions n'est pas forcément à exclure. Mais Systar saura certainement expliquer tout cela mieux que moi, qui ne suis pas philosophe.
Tonton a tout bon, c'est un fait acquis, n'y revenons plus. :)
Sa définition me semble bonne.


Pour la coexistence des deux définitions, ensuite:
ça dépend si on considère que la métaphysique est un bon vivier où les scientifiques peuvent aller chercher des concepts adéquats pour formuler leurs hypothèses et théories;
ou si on considère que ça n'a rien à voir.
ça dépend des auteurs, également.

Rendons-nous compte:
- la SF a un siècle, on est incapable d'en livrer une définition unifiée
- la métaphysique a 2 millénaires et demi, je vous laisse imaginer la difficulté à la définir autrement qu'en en reparcourant l'histoire.

Alors: la métaphysique comme labo d'idées de la science: oui, et il y a des cas où on retourne voir chez Aristote si des modèles ne pourraient pas aider à penser des choses en sciences.
Mais certains répondront: non, elle a sa légitimité en son ordre propre, et il y aurait encore de la métaphysique après la résolution par la science de tout ce qui peut être résolu. (expérience de pensée elle-même vertigineuse, métaphysique, et typiquement SF...)
Modifié en dernier par systar le jeu. nov. 19, 2009 2:37 am, modifié 1 fois.

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Transhumain
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Message par Transhumain » jeu. nov. 19, 2009 2:37 am

Bull a écrit :L'origine de la conscience et du langage, sont des thématiques déjà largement abordés par la science.
L'origine, vraiment ?...
Mais Shalmy a déjà fort bien répondu.

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Bull
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Message par Bull » jeu. nov. 19, 2009 2:42 am

Transhumain a écrit :
Bull a écrit :L'origine de la conscience et du langage, sont des thématiques déjà largement abordés par la science.
L'origine, vraiment ?...
Mais Shalmy a déjà fort bien répondu.
Ben oui. Pas encore de réponse définitive, mais l'origine de la vie, la complexification du cerveau etc... (gros résumé qui tâche basé de mots clefs. Je sais)

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. nov. 19, 2009 2:58 am

On revient donc au sujet, par la remarque de Systar.
La science trouve dans la métaphysique des idées qu'elle transforme (ou essaie, en tout cas) en vérités scientifiques (en se souvenant, bien sûr, que les vérités scientifiques ne sont pas absolues, ce ne sont que des théories qui décrivent "bien" les choses, compte tenu des résultats expérimentaux d'une époque donnée).
Par contre, la SF (qui relève de la fiction, ne l'oublions pas) met en scène ce qui se passerait (peut-être) dans le monde (à différent niveau) si telle ou telle hypothèse était vérifiée, ou à pousser les conséquences de telle ou telle hypothèse. Quand elle le fait, c'est en présupposant justement que l'hypothèse en question n'est plus métaphysique, mais est une vérité scientifique.
Il reste que j'ai toujours une grande difficulté à distinguer une idées métaphysique d'une idée scientifique, sauf à poser des présupposés (dont parle Shalmaneser), c'est-à-dire à poser a priori que tel problème ne peut pas avoir de solution scientifique.
Systar, j'aimerais savoir si des questions sans objet du genre "Dieu existe-t-il?" sont aujourd'hui dans le champ de la métaphysique? Ou font-elles juste partie de l'histoire de la métaphysique, et ont-elles cessé d'être traitées (hormis, évidemment, la curiosité de voir ce qu'on en pensait dans le passé, pour faire de l'histoire des mentalités?)
Une autre question: la métaphysique avance-t-elle (comme la science), ou bien le tour de toutes ses questions (toujours pas si claires pour moi...) a-t-il été fait? Existe-t-il, par exemple, de "nouvelles" questions métaphysqiue? (auxquelles on n'avait pas pensé du temps des Grecs, par exemple).
Oncle Joe

systar
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Message par systar » jeu. nov. 19, 2009 3:03 am

Bull a écrit :

"dis-moi Papa, qu'est-ce que c'est ces points lumineux qui brillent la nuit ?
Dis-moi, où va le soleil quand la Lune se lève
etc..."

Questions qui furent métaphysiques mais qui ne le sont plus au 21ème siècle.
Questions liées à une perception mythologique et magique de l'espace.

En fait, sur l'intérêt de la métaphysique, on risque de tourner en rond, dans la discussion, en fonction des questions qui intéressent ou non chacun.

Je reviens à la remarque de Joseph, sur le fait que les romans de SF sont la seule branche de la littérature qui accepte si humblement d'être un jour périmés.
Mais en fait je ne sais pas si c'est tellement le cas, cette péremption, ou cette patine de suranné qui se répandrait comme par magie (noire) sur les oeuvres de SF.
Je ne crois pas, s'il y a une péremption, ou un "coup de vieux" pris éventuellement par les oeuvres de SF, que ce soit dû au fait qu'elles contiendraient des futurs qui, dans notre histoire, ne sont pas advenus.
Ce vieillissement, quand il a lieu, me semble plus d'ordre esthétique que réellement lié au caractère anticipateur.
On ricane des fusées, des pistolasers, et des pyjamas de Star Trek parce qu'on en a beaucoup (trop) vu. Pas parce qu'ils se trompent sur le futur.

Et typiquement, la propriété des chefs d'oeuvre SF (Tous à Zanzibar, on y revient), c'est de ne se périmer ni sur le plan esthétique (ce n'est pas devenu kitsch ou has been), ni sur le plan de l'anticipation du futur, précisément parce qu'on n'en a sans doute pas attendu sérieusement une description exacte.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. nov. 19, 2009 3:07 am

systar a écrit : Et typiquement, la propriété des chefs d'oeuvre SF (Tous à Zanzibar, on y revient), c'est de ne se périmer ni sur le plan esthétique (ce n'est pas devenu kitsch ou has been), ni sur le plan de l'anticipation du futur, précisément parce qu'on n'en a sans doute pas attendu sérieusement une description exacte.
C'est bien comme ça que je prends les choses, mais j'ai bien peur que nous soyons assez minoritaires, même dans le milieu des amateurs de SF. Hors du milieu, tu peux laisser toute espérance, je pense..
Oncle Joe

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Message par systar » jeu. nov. 19, 2009 3:31 am

Lensman a écrit :On revient donc au sujet, par la remarque de Systar.
La science trouve dans la métaphysique des idées qu'elle transforme (ou essaie, en tout cas) en vérités scientifiques (en se souvenant, bien sûr, que les vérités scientifiques ne sont pas absolues, ce ne sont que des théories qui décrivent "bien" les choses, compte tenu des résultats expérimentaux d'une époque donnée).
Que, d'ailleurs, les scientifiques les plus inventifs aillent chercher dans des discours non scientifiques des idées, des concepts, transposables dans leur domaine, montre aussi leur conscience accrue de l'historicité de la science, du caractère provisoire de ses résultats.

Par contre, la SF (qui relève de la fiction, ne l'oublions pas) met en scène ce qui se passerait (peut-être) dans le monde (à différent niveau) si telle ou telle hypothèse était vérifiée, ou à pousser les conséquences de telle ou telle hypothèse. Quand elle le fait, c'est en présupposant justement que l'hypothèse en question n'est plus métaphysique, mais est une vérité scientifique.
On peut valider ça, oui.
Ou affirmer l'idée d'une persistance/diffusion de la métaphysique dans les énoncés scientifiques proposés dans le roman de SF.
Mais ça revient au même.
En réalité, je ressens souvent une émotion très similaire quand je lis de la philo métaphysique assez technique, et quand je lis Egan, par exemple.

Systar, j'aimerais savoir si des questions sans objet du genre "Dieu existe-t-il?" sont aujourd'hui dans le champ de la métaphysique? Ou font-elles juste partie de l'histoire de la métaphysique, et ont-elles cessé d'être traitées (hormis, évidemment, la curiosité de voir ce qu'on en pensait dans le passé, pour faire de l'histoire des mentalités?)
Aujourd'hui, non. Cette question a appartenu à un domaine de la métaphysique: la théologie rationnelle. On en a retenu les différentes preuves de l'existence de Dieu (la forme la plus célèbre étant celle d'Anselme).
Kant est passé par là, pour dire que les seuls énoncés à validité scientifique, désormais, seraient les énoncés portant sur le sensible, sur la nature, le concret.
La Critique de la raison pure raconte comment on renonce, désormais, à prouver l'existence de Dieu, l'existence de l'âme, et à envisager le monde comme totalité des étants.
C'est un interdit, posé par Kant, si fort qu'on a souvent parlé, avec et après lui, de "fin de la métaphysique".
Aujourd'hui, aucun philosophe sérieux ne démontrerait l'existence de Dieu. Il y a des philosophies qui posent qu'un dieu existe (voir Le Dieu des philosophes, de Pierre Magnard), mais on n'assiste plus à des argumentations à prétention "scientifique" sur le sujet.
Ces questions relèvent donc de l'histoire de la métaphysique, donc.
Là où, par contre, la métaphysique ne se périme pas, c'est quand on se propose de relire les traditions de pensée en retenant surtout les gestes de pensée, les théories qui se sont développées en marge des grandes questions.
Un exemple: au Moyen-Âge, il y avait l'angélologie, il y avait des questions insolubles posées sur un tas de domaines de la foi, comme: comment Jésus a-t-il pu sortir du tombeau après sa mort, etc. Les types qui ont répondu à ces questions ont dû élaborer des théories fascinantes du corps, de la chair, du temps, de l'autre, de l'intentionnalité, etc., pour pouvoir répondre à des questions religieuses. Aujourd'hui, on laisse de côté l'enjeu religieux, et on garde ces théories très actuelles de la chair (expérience du soi, du touchant-touché, etc.)
Donc, si tu veux, il y a plein de lectures différentes de l'histoire de la métaphysique:
- certains disent qu'ils ne font que de la dissection de cadavres.
- d'autres (très minoritaires) reprennent tels quels les textes; ou alors ce sont les théologiens, les hommes de foi
- enfin, dernier courant, le plus fructueux: certains se décrivent comme des abeilles: on va chercher dans les textes le pollen, pour le transformer en qqch d'utile et de bénéfique pour nous. (Emmanuel Falque, par exemple, dont le Dieu, la Chair et l'Autre me vient spontanément à l'esprit, il faudrait que je relise son explication sur sa méthode de lecture des textes médiévaux).

Il y a aussi des vieux problèmes métaphysiques qui se reprennent tels quels: le principe d'individuation de Duns Scot, par exemple, est très discuté, notamment par Simondon, et l'individuation est une question qui date au moins d'Aristote, et traverse toute l'histoire de la pensée, et est encore d'actualité.
Une autre question: la métaphysique avance-t-elle (comme la science), ou bien le tour de toutes ses questions (toujours pas si claires pour moi...) a-t-il été fait? Existe-t-il, par exemple, de "nouvelles" questions métaphysqiue? (auxquelles on n'avait pas pensé du temps des Grecs, par exemple).
Oncle Joe
Elle n'avance pas au sens d'un progrès cumulatif des résultats. Platon n'a pas plus tort à nos yeux qu'à ceux de ses contemporains.
On peut avancer dans l'intelligence de problèmes bien posés par le passé, oui, sur la compréhension du sens de certains textes difficiles, mais ce progrès, qui justifie la recherche philologique en philo, est justement doxographique.
Il faudrait que je fasse une réponse très longue, notamment pour expliquer la mutation historique des formes du discours philo, pourquoi après Hegel, la métaphysique ne s'expose plus en un système prétendant expliquer la totalité de ce qui est, pourquoi malgré tout il y a encore des systèmes de métaphysique qui s'écrivent au XXème.
On gagne de la diversité, c'est-à-dire du désaccord entre les auteurs. C'est lié à la pratique philosophique même: elle ne corrige pas des erreurs définitivement, elle argumente, questionne, pour produire des réponses qui appelleront à leur tour des polémiques, etc.

Sur la question de nouvelles interrogations que les Grecs n'avaient pas: oui, bien sûr.
La théorie des réseaux, le questionnement sur l' "essence" de la technique, sur la mondialisation des réseaux technologiques, sur l'évolution technique de l'humanité, tout cela relève d'un questionnement métaphysique inédit.
En cela, on accompagne le progrès technologique.
Pour le reste: on redéfinit les domaines d'intérêt d'une discipline, mais est-ce qu'on formule des questions radicalement neuves, je ne sais pas.

Ah, si: sur le mal, par exemple. La philo du mal, après le XXème, pose des questions neuves (la Shoah comme règne de l'identité absolue, comme dévoiement de la rationalité, etc.), mais parce qu'elles sont liées à des événements dont on considère qu'ils interdisent à tout jamais de faire de la philo, et de la métaphysique, "comme avant".

Lem

Message par Lem » jeu. nov. 19, 2009 3:43 am

Juste avant d'aller dormir : spécial dédicace pour Oncle qui pose de bonnes questions sur la migration métaphysique —> science (mais on aurait tort d'oublier que certains sujets ont effectué le mouvement inverse au XXème siècle)
Egan, encore lui, se demande les mêmes choses que nous dans [i]Singleton[/i] et en spéculant sur la théorie des univers multiples d'Everett' a écrit :Cette nuit-là, alors que nous étions couchés ensemble, je n'arrivais pas à extirper l'expérience de Delft de ma tête.
"Penses-tu qu'il existe d'autres versions de nous-mêmes ? demandai-je à Francine.
– Je suppose qu'il doit bien y en avoir." Elle admit cela comme s'il s'agissait de quelque chose d'abstrait et de métaphysique, dont la simple évocation relevait du pinaillage. Les gens qui déclaraient croire en la théorie des mondes multiples ne semblaient jamais vouloir vraiment prendre la chose au sérieux et encore moins à titre personnel.
"Et ça ne te dérange pas ?
– Non. Comme je n'ai aucun moyen de changer la situation, ça servirait à quoi d'être troublée ?"
"Quelque chose d'abstrait et de métaphysique."
"Du pinaillage."
N'y a-t-il pas là comme une récapitualtion foudroyante de la réputation de "ridicule ado" que traîne éternellement la sf ?

Shalmaneser
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Message par Shalmaneser » jeu. nov. 19, 2009 10:09 am

C'est bien possible ! Et cette réputation peut être étendue, je pense, à toute la "littérature de l'imaginaire", justement parce qu'elle se démarque clairement de la connaissance objective du monde, ne serait-ce que par son usage bien particulier de l'onomastique. (Oui, je dévie sur des questions formelles, considérez ça comme une parenthèse).
Mine de rien, ces sonorités fantaisistes marquent la singularité de la SF, d'abord parce qu'elle signalent son indépendance à l'égard des conventions de la vraisemblance, et ensuite parce qu'elles signalent l'utilisation d'autres systèmes de références que ceux du monde. Certains jouent d'ailleurs de cette tendance de la SF à produire des objets, des lieux et des personnages aux noms farfelus, comme Iain M. Banks (Cheradenine Zakalwe, Skaffen-Amtiskaw, et j'en passe...). Il y a peut-être là une piste de réflexion spécifiquement littéraire...

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » jeu. nov. 19, 2009 11:08 am

Shalmaneser a écrit :Mine de rien, ces sonorités fantaisistes marquent la singularité de la SF, d'abord parce qu'elle signalent son indépendance à l'égard des conventions de la vraisemblance, et ensuite parce qu'elles signalent l'utilisation d'autres systèmes de références que ceux du monde. Certains jouent d'ailleurs de cette tendance de la SF à produire des objets, des lieux et des personnages aux noms farfelus, comme Iain M. Banks (Cheradenine Zakalwe, Skaffen-Amtiskaw, et j'en passe...).
Héhé.
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Message par Shalmaneser » jeu. nov. 19, 2009 11:11 am

systar a écrit : Et typiquement, la propriété des chefs d'oeuvre SF (Tous à Zanzibar, on y revient), c'est de ne se périmer ni sur le plan esthétique (ce n'est pas devenu kitsch ou has been), ni sur le plan de l'anticipation du futur, précisément parce qu'on n'en a sans doute pas attendu sérieusement une description exacte.
Mais si, voyons. Regarde, Brunner ne s'est trompé que de peu sur le paysage politique actuel : la preuve, le président (du Béninia) s'appelle Obomi... Pas Barack, mais presque. N'allez pas me dire que c'est une coïncidence, hein. Par contre, cet exemple montre aussi qu'il n'était pas très bon pour la divination vocalique. Il faut bien avoir un point faible. :mrgreen:

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. nov. 19, 2009 11:17 am

Lem a écrit :Juste avant d'aller dormir : spécial dédicace pour Oncle qui pose de bonnes questions sur la migration métaphysique —> science (mais on aurait tort d'oublier que certains sujets ont effectué le mouvement inverse au XXème siècle)
Egan, encore lui, se demande les mêmes choses que nous dans[i]Singleton[/i] et en spéculant sur la théorie des univers multiples d'Everett' a écrit :Cette nuit-là, alors que nous étions couchés ensemble, je n'arrivais pas à extirper l'expérience de Delft de ma tête.
"Penses-tu qu'il existe d'autres versions de nous-mêmes ? demandai-je à Francine.
– Je suppose qu'il doit bien y en avoir." Elle admit cela comme s'il s'agissait de quelque chose d'abstrait et de métaphysique, dont la simple évocation relevait du pinaillage. Les gens qui déclaraient croire en la théorie des mondes multiples ne semblaient jamais vouloir vraiment prendre la chose au sérieux et encore moins à titre personnel.
"Et ça ne te dérange pas ?
– Non. Comme je n'ai aucun moyen de changer la situation, ça servirait à quoi d'être troublée ?"
"Quelque chose d'abstrait et de métaphysique."
"Du pinaillage."
N'y a-t-il pas là comme une récapitualtion foudroyante de la réputation de "ridicule ado" que traîne éternellement la sf ?
Bel exemple Lem, de ma théorie: la SF fait comme si certains problèmes de "vrai" ou de "faux" étaient résolus, et s'amuse à voir (fiction) ce qui se passerait. Mais elle ne réfléchit pas vraiment sur la résolution des problèmes (même si elle réfléchit sur les conséquences de la résolution): ça, c'est le travail de la science (sous toutes leurs formes, et je veux bien y mettre la métaphysique).
C'est ce que font les personnages d'Egan: ils nous disent que ce qui semblait fumeux et sans objet est désormais "vrai" et a des conséquence sociale, économique, tout ce qu'on veut. ils le disent dans le texte de fiction, Egan tient à ce que les choses soient claires (je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire pour sa narration - il dévoile un peu trop son truc, il nous met un peu trop dans sa tête d'écrivain en train de réfléchir à ses procédés, à mon sens (ce n'est qu'une critique bien modeste de ma part...) - mais c'est un type qui aime bavarder).

Ce qui coince d'après moi auprès d'une partie du public, que ça inquiète, ce n'est pas la réflexion sur des grands problèmes, mais la mise en scène (généralement future, assez naturellement) des conséquences que la résolution (s'il y en a une) de certaines questions, pourraient entrainer.

Et là, Systar va peut-être nous annoncer qu'il y a là à la base une nouvelle branche de la métaphysique (à moins que ça n'existe déjà):
imaginer les conséquences de la résolution de problèmes "de savoir" (ça fait plus large que "scientifiques", et ces savoirs ne sont pas forcément à être étiquetés "métaphysiques") sur le monde.

Mis en scène sous forme de fiction, on aurait là une des activités de la SF, et pour moi une de ses fonctions les plus difficiles à avaler.
C'est là que serait une des grandes raisons du rejet.
Pour le rejet du "ludique" par une certaine critique, c'est un rejet qui pour moi reflète d'abord une incompréhension de la SF, qui est à relier fortement à l'emploi de l'expression "quincaillerie de la SF".
Dans ma vision, non seulement la "quincaillerie de la SF", n'est pas quelque chose de superflu et qui pourrait s'avérer gênant, mais au contraire un aspect absolument indispensable, sans lequel la mise en scène dont je parle n'a plus aucun sens, aucune séduction (c'est pire) . Si on dit que le vocabulaire "mécanique quantique" de Egan, c'est de la quincaillerie, et que au fond, Egan pourrait s'en passer et faire "direct" de la métaphysique, quel intérêt? Ces discussions métaphysiques ont déjà eu lieu. C'est la mise en scène, avec son réalisme (si j'ose dire) qui est importante, qui fait que ça "marche". Il y a des "vrai" conséquences (fictives), on est sorti de la discussion (en imagination...).

Oncle Joe

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Message par Lensman » jeu. nov. 19, 2009 11:46 am

systar a écrit :
Sur la question de nouvelles interrogations que les Grecs n'avaient pas: oui, bien sûr.
La théorie des réseaux, le questionnement sur l' "essence" de la technique, sur la mondialisation des réseaux technologiques, sur l'évolution technique de l'humanité, tout cela relève d'un questionnement métaphysique inédit.
En cela, on accompagne le progrès technologique.
Pour le reste: on redéfinit les domaines d'intérêt d'une discipline, mais est-ce qu'on formule des questions radicalement neuves, je ne sais pas.

Ah, si: sur le mal, par exemple. La philo du mal, après le XXème, pose des questions neuves (la Shoah comme règne de l'identité absolue, comme dévoiement de la rationalité, etc.), mais parce qu'elles sont liées à des événements dont on considère qu'ils interdisent à tout jamais de faire de la philo, et de la métaphysique, "comme avant".
Déjà, merci pour tes réponses assez développées et très claires (tu ne l'est pas TOUJOURS autant...) (les copains et copines qui ne suivent pas ce fil ne savent pas ce qu'ils perdent...).
En revanche, je ne suis pas très convaincu par les problèmes "métaphysiques nouveaux" que tu cites. Je les perçois, pour ma part, comme des problème très concrets et très matériels, avec des composantes philosophiques, c'est certain (des choix sont à faire). Mais justement, des choix, des décisions sont à faire, au sens concret du terme.
Ce n'est sans doute pas le lieu d'en parler, mais j'avoue ne pas du tout comprendre ceux qui veulent plaquer ces histoires de "mal" absolu sur la Shoah. Là, ils sont dans une vision surnaturelle du monde (c'est leur droit, mais que peuvent faire leurs interlocuteurs comme moi de leur discours?), avec le Bien, le Mal, posés comme ça, "à l'ancienne". Je ne vois pas ce que ça vient faire avec la métaphysique, au sens où nous l'entendons dans la présente discussion, évidemment.
Bref, tes exemples de nouveaux problèmes métaphysiques ne me semblent ni nouveaux, ni tellement métaphysiques (sauf dans le dernier cas, mais dans son sens archaïque de "bien" et de "mal". Mais là, je ne sens pas l'intérêt, sauf à s'arracher les cheveux à poignées : le bien et le mal, je classe le problème dans la philosophie, avec de l'action à la clé, pas du tout dans la métaphysique.)

Oncle Joe

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