Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » dim. nov. 22, 2009 5:37 pm

C'est du Duncan, c'est métaphysique et surtout c'est beau !

systar
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Message par systar » dim. nov. 22, 2009 5:38 pm

Fabien Lyraud a écrit :
L'héritage intellectuel du tournant linguistique, c'est la philo analytique, opposée souvent à la "continentale".
Hin ! C'est pas la plutôt la sémiotique (Greimas, Courtés, Fontanille) qui est l'héritière du "tournant linguistique". Et bien sûr le structuralisme qui est passé de la linguistique à l'anthropologie, à l'histoire, à la sociologie. Je connais pas la philosophie analytique. C'est une philosophie structuraliste ?
Le "tournant linguistique" ne consiste pas à se mettre à s'interroger sur l'histoire des langues et les structures du langage alors qu'avant, soi-disant, on ne l'aurait pas fait.

C'est un changement de méthode dans la philosophie qui a consisté à laisser de côté la question de l'adéquation entre le réel et ce qu'on en dit, pour limiter les questions à: "les énoncés que nous disons sont-ils logiquement acceptables? sont-ils logiquement bien formés?"
C'est un mode de pensée qui laisse de côté la question du référent, et estime que les grands problèmes posés par la philo sont essentiellement affaire d'abus ou d'erreurs de langage.
La philo analytique, littéralement, "analyse" les énoncés pour en tester la validité logique.
Bien sûr, elle a des applications concrètes, mais sa méthode est, disons, exclusivement "intra-linguistique".

Un mot pour compléter, sur l'idéal de rigueur qu'elle véhicule, cette philo.
En France, notre norme de pensée, en philo, c'était la "clarté" et la "distinction", héritées de Descartes. Descartes nourrissait même un idéal de "terminologisation" du langage (l'épurer de toutes les métaphores imprécises et non conceptuelles qui le nourrissent, pour qu'il ne reste plus que des concepts dans le langage philosophique, et qu'on parvienne à la clarté totale).
Mais chez Descartes, il y avait aussi, bien sûr, une métaphysique implicite à tout cela: l'idée qu'on pouvait toujours décomposer par la pensée un objet, ou une idée complexes, pour parvenir à des éléments premiers indécomposables et en eux-mêmes parfaitement clairs: les "natures simples" (je simplifie un peu).
Il me semble que la philo analytique ne présente aucun supposé fort comme ces natures simples cartésiennes. Parce que les natures simples sont des entités extra-linguistiques. La philo analytique ne s'intéresse pas à cette question d'entités extra-linguistiques qui fixeraient la norme d'une pensée recevable, acceptable.

systar
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Message par systar » dim. nov. 22, 2009 5:39 pm

Lem a écrit :C'est du Duncan, c'est métaphysique et surtout c'est beau !
Si tu veux, j'en mets une autre: celle où Joey chute dans le temps, dans une faille de temps, et en même temps se regarde atterrir...

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Lensman
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Message par Lensman » dim. nov. 22, 2009 5:41 pm

Eons a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :Y a pas un bouquin d'Asimov intitulé The Gods Themselves ?
Oui, mais ce titre n'est qu'un extrait d'une citation de Goethe : « Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes ne peuvent rien. »
Excellente citation, qui a l'avantage de pouvoir être mise à toutes les sauces et être bien ou mal comprise (et prise…), et par ceux qui la formulent, et par ceux à qui elle est destinée... La métaphysique comme je l'aime!
Oncle Joe

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Message par Lensman » dim. nov. 22, 2009 5:43 pm

Lem a écrit :C'est du Duncan, c'est métaphysique et surtout c'est beau !
C'est du Duncan, surtout. Pour le reste...
oncle Joe

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Message par systar » dim. nov. 22, 2009 5:45 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :C'est du Duncan, c'est métaphysique et surtout c'est beau !
C'est du Duncan, surtout. Pour le reste...
oncle Joe
Du Sense of wonder encore plus brut de décoffrage, en bas de la même page:

"Le réel ne suit pas vos règles, bande d'enculés. Il suit les miennes."

(magnifique résumé du fantasme démiurgique de l'auteur de SF, ici mis en abime dans le roman par la voix de Joey :wink: )

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Message par Lensman » dim. nov. 22, 2009 5:47 pm

systar a écrit :
Lensman a écrit :
Lem a écrit :C'est du Duncan, c'est métaphysique et surtout c'est beau !
C'est du Duncan, surtout. Pour le reste...
oncle Joe
Du Sense of wonder encore plus brut de décoffrage, en bas de la même page:

"Le réel ne suit pas vos règles, bande d'enculés. Il suit les miennes."

(magnifique résumé du fantasme démiurgique de l'auteur de SF, ici mis en abime dans le roman par la voix de Joey :wink: )
Personnellement, je préfère "Celui qui n'est parti de rien pour arriver nulle-part, n'a de merci à dire à personne".
Oncle Joe

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Message par Erion » dim. nov. 22, 2009 5:54 pm

systar a écrit : Du Sense of wonder encore plus brut de décoffrage, en bas de la même page:

"Le réel ne suit pas vos règles, bande d'enculés. Il suit les miennes."

(magnifique résumé du fantasme démiurgique de l'auteur de SF, ici mis en abime dans le roman par la voix de Joey :wink: )
Sauf que ça, c'est la définition de la Fantasy, ce n'est pas la SF. Sauf à ranger Harry Potter dans la SF.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

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Message par Lem » dim. nov. 22, 2009 5:56 pm

(monde provoc on)
Oncle Joe vient de revendiquer une position philosophique claire : il est nihiliste/bouddhiste.
(mode provoc off)

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Message par Lensman » dim. nov. 22, 2009 5:59 pm

Lem a écrit :(monde provoc on)
Oncle Joe vient de revendiquer une position philosophique claire : il est nihiliste/bouddhiste.
(mode provoc off)
Et ni pour, ni contre, bien au contraire!
Oncle Joe

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Message par systar » dim. nov. 22, 2009 6:00 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :(monde provoc on)
Oncle Joe vient de revendiquer une position philosophique claire : il est nihiliste/bouddhiste.
(mode provoc off)
Et ni pour, ni contre, bien au contraire!
Oncle Joe
Je t'aurais vu: pour tout ce qui est contre, contre tout ce qui est pour.

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Message par Lensman » dim. nov. 22, 2009 6:02 pm

systar a écrit :
Lensman a écrit :
Lem a écrit :(monde provoc on)
Oncle Joe vient de revendiquer une position philosophique claire : il est nihiliste/bouddhiste.
(mode provoc off)
Et ni pour, ni contre, bien au contraire!
Oncle Joe
Je t'aurais vu: pour tout ce qui est contre, contre tout ce qui est pour.
Si tu regardes bien, ce sont deux attitudes assez proches...
Oncle Joe
PS: cela dit, les citations de Duncan...je croyais qu'on parlait de science-fiction, et que pour le reste (les anges et les elfes, par exemple), on allait ouvrir un fil spécifique...

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Message par MF » dim. nov. 22, 2009 6:06 pm

Lem a écrit :
Sont-ils universels ? En particulier, le "tournant linguistique" me semble être un fait culturel très français (la rigueur du langage mathématique via bourbaki)
Systar a répondu : ce n'est pas spécifiquement français et même plutôt anglosaxon.
Et – oui, ces tournants sont universels si tu entends par là : universellement reconnus comme des faits structurants de l'histoire des sciences et des idées au XXème siècle.
Alors ce n'est pas le tournant linguistique lié à la prise de conscience de la "rigueur" du seul langage mathématique qui est à mettre en avant, mais comme le dit Systar, l'émergence de la philosophie analytique. Et là, ça dépasse très largement mes compétences et ma compréhension.
2°) il me semble que ton affirmation relative à la physique quantique est extrêmement réductrice.
Je n'en suis pas l'auteur : c'est la substance de l'interprétation de Copenhague, la plus prudente de toutes. Et c'est délibérément que je l'utilise – pour me servir de garde-fou et éviter d'embarquer tout arrière-plan métaphysique. Quand tu écris :
Je l'aurais inversée : le monde est une question scientifique, puisque composé d'observateurs agissant sur le monde en question.
tu prends déjà parti. Comme le dit l'article Wikipédia : "Il existe de nombreuses interprétations des effets de la mécanique quantique, certaines étant en contradiction totale avec d'autres. Faute de conséquences observables de ces interprétations, il n'est pas possible de trancher en faveur de l'une ou de l'autre de ces interprétations. Seule exception, l'école de Copenhague dont le principe est justement de refuser toute interprétation des phénomènes."
Tu n'es pas l'auteur de l'assertion, mais tu l'interprètes.
Lorsque tu écris "le monde n'est pas une question scientifique ; tout ce qu'on peut faire, c'est des prédictions sur le comportement des instruments" qui est ce "on" ?
N'est-ce pas la désignation implicite d'un [ensemble d']observateur[s] ? (un observateur étant, accessoirement, un être mathématique)
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par systar » dim. nov. 22, 2009 6:09 pm

Lensman a écrit : cela dit, les citations de Duncan...je croyais qu'on parlait de science-fiction, et que pour le reste (les anges et les elfes, par exemple), on allait ouvrir un fil spécifique...
Duncan, est-ce que c'est seulement de la fantasy?
Le passage que j'ai cité, moi je lui trouve un goût très prononcé de SF...

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » dim. nov. 22, 2009 6:11 pm

Pas le temps de répondre aux dernières pages comme je voudrais. Plus tard peut-être.
Qq notes:

La physique quantique, quand elle philosophe ce qui est assez rare mais en même temps tentant voire inévitable, dit depuis une vingtaine d'années: "le Réel (et non le monde, terme trop ambigu) n'est pas accessible à l'expérience sauf quand il dit non à telle proposition que vous faites." Bien entendu, des expériences donnent des résultats et même les plus puissants et les plus précis que la physique aient jamais obtenus. Ces résultats permettent de constituer des théories. Mais ces théories ne pourront jamais épuiser le Réel pour des raisons qui sont intrinsèques à la physique quantique.
Là-dessus, des physiciens ou épistémologues comme D'Espagnat, Bitbol et Bricmont sont d'accord quelles que soient leurs divergences par ailleurs. Je ne cite que des Français pour faire simple.
La réalité des instruments fournit des mesures; le Réel est ce qui dit non.
Toute prétention au réalisme doit désormais, soit faire l'impasse sur la physique quantique ce qui serait réactionnaire et pour le moins difficile, soit apporter des résultats et une théorie qui dépassent radicalement la physique quantique, ce qui n'est même pas pensable aujourd'hui.

S'agissant de Gödel (merci, Oncle Joe, de votre question ou suggestion), qui n'est pas si difficile que ça à comprendre (il y a quelques très bons livres assez accessibles), ses théorèmes disent que, parce qu'elle emploie une logique rigoureuse, la mathématique ne peut avoir de fondement axiomatique absolu, au contraire de ce qu'espérait Hilbert. Les théorèmes ne concernent techniquement que l'arithmétique mais son extension est telle qu'il est généralement admis qu'ils valent pour toutes les mathématiques. Les mathématiques ne peuvent donc pas prétendre "dire" de vérité absolue et, pire encore, le sens de chaque proposition formelle locale change lorsqu'on change d'axiomes, ce que les mathématiciens savaient intuitivement depuis longtemps mais qui n'était pas démontré.
Ou encore: aucun système formel n'est absolument vrai; il a toujours une base conventionnelle. On peut toujours construire pour tout système formel une proposition telle qu'elle ne soit ni vraie ni fausse dans ce système, sauf à lui ajouter des axiomes qui permettent d'en décider, et cela de façon telle qu'une même proposition peut être vraie dans un système d'axiomes et fausse dans un autre. Cas démontré pour l'hypothèse du Continu dans les années 1960 par un élève de Gödel dont le nom m'échappe provisoirement, Paul qq chose.

Si ça ne te donne pas le vertige, Oncle Joe, de savoir après des siècles de conviction du contraire, de découvrir qu'on ne saura jamais le fond des choses physiques et que notre langage le plus rigoureux est sans fondement, tu as le cœur bien accroché.

Tout ça n'a rien à voir avec les fumisteries de Cordoue et cie.

Alors la sf et la littérature.
La littérature en général, d'Harlequin à Proust ou Joyce, traite de l'expression de l'humain, de la lamentation pubertaire à l'élégie en jouant éventuellement sur des variations langagières plus ou moins intéressantes.

La science-fiction traite du rapport de l'humain à l'inhumain, le dernier terme devant être entendu dans les deux sens, de non humain et de ce qui est insupportable à l'humain. Ce en quoi elle se distingue radicalement du reste de la littérature, et ce qui est un vrai scandale.
Ce en quoi elle se rapproche de la science dont c'est l'objet, et en quoi elle est fascinée par elle.

Pour le reste, on verra plus tard, quand je repasserai à proximité de votre dérisoire petite planète.

Quand même la question théologique fondamentale, variante du fameux "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?", demeure: "Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde, puisqu'il est parfait et complet?"
Il s'ennuyait?
Modifié en dernier par Gérard Klein le dim. nov. 22, 2009 6:15 pm, modifié 1 fois.

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