Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » mar. nov. 24, 2009 3:51 pm

jlavadou a écrit :Ailleurs qu'en SF, cette phrase pourrait être de l'ordre de la pure métaphore (l'idée que la vie est un chemin qu'on parcourt à pied), par exemple. Mais pour moi, elle procure un vertige similaire quel que soit le contexte dans lequel elle est utilisée, une sensation d'émerveillement, quelque chose de profond et que j'aurais bien du mal à définir aujourd'hui...
La polysémie ?
Tant que la phrase sur les mille kilomètres n'est pas développée, on sent palpiter autour d'elle un nuage flou de possibilités. Elle peut signifier une multitude de choses, cette phrase, amorcer une multitude de mondes où elle trouvera des significations différentes. L'esprit du lecteur n'examine pas ses possibilités une à une ; il les enregistre inconsciemment et c'est là, je crois, l'origine de ce sentiment de profondeur que tu décris. Cette phrase montre que le langage est profond. Au sens propre : poétique.
Ce qui est remarquable avec la sf, c'est que la réification n'éteint pas ce sentiment. Au contraire, il le maintient en vie. C'est une sorte de paradoxe qui ne cesse de m'étonner : dans l'opération qui consiste in fine à justifier cette phrase, non comme métaphore mais comme description objective d'un fait concret, quelque chose se passe qui prolonge l'émerveillement au lieu de l'éteindre.
On pourrait très bien imaginer, par exemple, que s'ouvre ainsi un roman sur le monde des routiers. Entre eux, via la cb, les hommes de la route ont leurs usages, leurs codes, leur langage. Quand un nouveau chauffeur prend le volant pour la première fois, on lui dit : "quand tu seras vieux de mille kilomètres, tu seras des nôtres". Et c'est pourquoi la narration commence ainsi : "j'avais atteint l'âge de mille kilomètres et au Relais des routiers, la veille, les copains m'avaient attendu pour fêter ça autour d'une bière." La phrase resterait belle mais il me semble que quelque chose en nous serait déçu…
Il est difficile, évidemment, d'éviter l'anachronisme : je spécule sur une autre version de cette phrase après avoir éprouvé l'émerveillement de la version Priest ; j'imagine ce que serait la privation de cet émerveillement. N'empêche : dans Le monde inverti, quand se déploie la première vision de la ville mobile avec ses câbleurs et ses poseurs de rails, quand on comprend que l'incipit n'est pas un simple effet de langage mais une réalité massive, c'est comme si l'auteur réalisait un vœu informulé.

Lem

Message par Lem » mar. nov. 24, 2009 4:04 pm

Roland a écrit :Tu me suis ?…
Oui.
C'est une objection intéressante, je vais y réfléchir.
On a peut-être intérêt à déblayer le terrain pour ne pas se perdre. Les groupes en question parlaient-ils, dans leurs textes, de la deuxième guerre mondiale et de l'extermination (dans un sens ou dans l'autre) ? Car il existe aussi, si je ne m'abuse, des groupes qui arborent ces symboles sans les détourner ni les vider de leur sens – des groupes néonazis dont les morceaux sont nazis.

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jlavadou
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Message par jlavadou » mar. nov. 24, 2009 4:08 pm

Lem a écrit :Cette phrase montre que le langage est profond.
Exactement.
Ce qui est remarquable avec la sf, c'est que la réification n'éteint pas ce sentiment. Au contraire, il le maintient en vie. C'est une sorte de paradoxe qui ne cesse de m'étonner : dans l'opération qui consiste in fine à justifier cette phrase, non comme métaphore mais comme description objective d'un fait concret, quelque chose se passe qui prolonge l'émerveillement au lieu de l'éteindre.
Je ne peux qu'être d'accord, mais je pense que la SF n'a pas le monopole de ce prolongement. Enfin, je n'ai pas encore assez lu de "hors SF" pour en être moi-même convaincu, mais certaines de mes lectures récentes ont tendance à confirmer cela.
"j'avais atteint l'âge de mille kilomètres et au Relais des routiers, la veille, les copains m'avaient attendu pour fêter ça autour d'une bière." La phrase resterait belle mais il me semble que quelque chose en nous serait déçu…
Tu viens d'inventer le truckerpunk :) Cela dit, on pourrait très bien continuer l'histoire, où l'on se rendrait compte que le routier vieillit vraiment plus que la normale au fur et à mesure que son kilométrage augmente...

Shalmaneser
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Message par Shalmaneser » mar. nov. 24, 2009 4:53 pm

jlavadou a écrit :
Lem a écrit :"j'avais atteint l'âge de mille kilomètres et au Relais des routiers, la veille, les copains m'avaient attendu pour fêter ça autour d'une bière." La phrase resterait belle mais il me semble que quelque chose en nous serait déçu…
Tu viens d'inventer le truckerpunk :) Cela dit, on pourrait très bien continuer l'histoire, où l'on se rendrait compte que le routier vieillit vraiment plus que la normale au fur et à mesure que son kilométrage augmente...
Et on débouche sur l'idée d'un taux de chômage incompressible parmi les routiers, puisque ceux qui ne roulent pas ne vieillissent pas.

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Atv'
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Message par Atv' » mar. nov. 24, 2009 4:54 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Atv' a écrit :À quoi bon justifier ce qui est supposé exister, à part à révéler que cela pourrait être factice ?
Parce que la science-fiction ne pose pas des univers arbitraires, mais réalise des constructions d'univers.

C'est l'univers de Neuromancien — univers qui je le rappelle, est quand même un brin "justifié" — qui rend crédible le boîtier à deux balles.
Je n'ai pas parlé d'arbitraire. La cohérence est importante, l'univers se doit effectivement d'être construit, plausible et éventuellement justifiable (cf. mon exemple de 2001 plus haut, version ciné). Mais je pense qu'on peut se passer de justifications explicites. Neuromancien ne regorge pas d'exposés scientifiques. La science est partout, implicitement. L'univers se tient très bien sans ces exposés car il est par ailleurs totalement cohérent.

Je me demande si on n'est pas d'accord, dans le fond.

Encore une fois, c'est là un reproche que je ne fais qu'à certaines œuvres de SF et non la critique d'une tendance générale. Et purement lié à mes goûts.
Roland C. Wagner a écrit :
Atv' a écrit :À part à faire entendre la voix de l'écrivain penché sur son feuillet ?
L'écrivain penché sur son feuillet qui veut faire entendre sa voix, il a intérêt à faire dans le style plutôt que dans la justification des gadgets.
Quiproquo : par "faire entendre la voix", je voulais dire faire remarquer au lecteur qu'il y a un écrivain derrière le texte. Avoir un narrateur trop présent. En faire involontairement un personnage, le dieu de son mini-univers qui s'adresserait à nous directement, plutôt que nous laisser découvrir son univers par nous-mêmes. Est-ce que j'ai envie de savoir que le vol régulier Lune-Mars fonctionne avec des moteurs ioniques : a) parce que le narrateur me l'apprend directement lors d'une tirade sur l'histoire des voyages vers Mars dans son univers, b) parce qu'un des personnages évoque le fait, c) parce que le narrateur me fait la description d'une pub affichée en 4x3 porte de Bagnolet, "ActuSF Travel - propulsion ionique - plus fiable, plus rapide, plus propre" ? Surtout c), éventuellement b), peu probablement a). Est-ce que j'ai envie d'un exposé sur les principes de la propulsion ionique ? Non, surtout pas. Si ça joue un rôle dans l'histoire, j'aime mieux l'apprendre par les faits plutôt qu'en avance de phase, gratuitement. En attendant le moment où ça aura son importance, je suis disposé à croire. Et si c'était juste pour le décor, je suis disposé à croire de bout en bout. L'univers ainsi créé m'émerveillera.

Mais encore une fois, les goûts et les couleurs...

Lem

Message par Lem » mar. nov. 24, 2009 5:13 pm

Roland >
Sans attendre ta réponse sur Joy Division et les punks à croix gammée car si tu les cites comme contre-exemple, j'imagine qu'il n'y a pas d'ambiguité.

J'ai l'impression que ta comparaison ne tient pas. Les symboles sont utilisés ici de manière purement décorative (volonté de provoquer ou non, peu importe). Transposé dans le domaine de la littérature, ça donnerait ceci : un auteur de blanche dont les livres aboreraient systématiquement en couverture des symboles religieux(crucifixion, main de Dieu michelangelienne, vierge à l'enfant, etc) de façon totalement indépendante de leur contenu. Quand on lui demanderait de justifier ce choix, l'auteur répondrait : "oh, vous savez, ce sont juste des vieilles images qui m'énervent, je pense qu'il est temps de les vider de leur sens. C'est juste de la provoc."

Là, oui : tu serais en droit d'examiner tout discours critique qui verrait dans ces couvertures un indice de l'intérêt religieux de l'auteur et tu pourrais dire : attendez, lisez les textes : ils ne contiennent rien qui puisse soutenir cette hypothèse. Ce découplage entre l'imagerie et le contenu, c'est la forme de la provocation. On pourrait soutenir l'hypothèse inverse mais enfin, ça aurait un sens.

Mais l'immortalité chez Egan, ou le sentiment mystique, ou la partition entre moi et non-moi, ce ne sont pas des symboles décoratifs. Ce sont des contenus objectifs. Et encore une fois : je n'en déduis pas que l'auteur s'intéresse à eux parce qu'ils sont des productions de la pensée métaphysique ou religieuse ; je rappelle juste qu'ils le sont.

(Pour prendre un autre exemple familier : il est évident que Spinrad était conscient de ses arrière-plans politiques quand il a écrit Rêve de fer. Dans son roman, la référence au nazisme n'est pas décorative, mais centrale, procédurale et active. C'est ce dont il parle. Je peux l'écrire dans une critique sans postuler automatiquement que Norman est un nazi, ni même quelqu'un d'obsédé par le nazisme. Ce que je ne peux pas écrire, c'est : le sujet de ce roman n'a rien à voir avec le nazisme.)
Modifié en dernier par Lem le mar. nov. 24, 2009 5:19 pm, modifié 2 fois.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 24, 2009 5:16 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Lem a écrit :De la même manière, une forme culturelle qui irait répétant : "C'est vrai, nous nous intéressons beaucoup à l'origine et à la fin du monde, à la nature du réel, à l'être qui succèdera à l'homme, aux pouvoirs de l'esprit, à l'immortalité, nous utilisons souvent le vocabulaire du divin mais ne vous y trompez pas : nous n'avons rien à voir avec la métaphysique et la religion"… aurait peut-être un léger problème critique.
En suivant cette même logique, les punks anglais, et certains de leurs cousins new wave ou indus auraient pu dire : "C'est vrai, nous portons des croix gammées et des croix de fer, nos noms de groupes ou nos titres de chansons font allusion à des trucs comme le zyklon B ou la Joy Division, mais nous n'avons rien à voir avec des nazis."

Ce qui était en gros exact.

L'un des trucs qui m'a frappé, à l'époque, c'était cette volonté de s'emparer de symboles pour les vider de leur sens.

Tu me suis ?…
Non, je ne peux pas te suivre.
Les punks voulaient choquer le bourgeois. Mais leur provocation imbécile demeurait ignoble.
Je ne pense pas qu'elle aurait amusé Marceline Loridan-Ivans qui n'a pourtant jamais manqué d'humour, et d'autres mes amis qui ont été déportés ou dont toute la famille ont disparu dans les fours.
Au demeurant, à y réfléchir un tant soit peu, il s'agit bien d'un retour du refoulé. Une façon de dire, nous nous réclamons de ce qui vous a fait peur parce que nous voulons faire peur aussi.
Et d'une dénégation comme celle qu'évoquait Lem, voire d'un pur et simple déni.
Il y a là une esthétique qui est bien celle des nazis, de l'insigne à tête de mort jusqu'au manteau de cuir noir. Prétendre qu'une esthétique est sans contenu moral et social, même s'il est inconscient, c'est être bien naïf ou bien ignorant.
No future, c'est pratiquement un slogan nazi.
Modifié en dernier par Gérard Klein le mar. nov. 24, 2009 5:52 pm, modifié 1 fois.
Mon immortalité est provisoire.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 24, 2009 5:28 pm

Le_navire a écrit :
L'adorable Maurice Pons. Aux dernières nouvelles, il y vit toujours (mais je n'y suis guère retournée depuis mon mariage).
C'est en effet Maurice Pons et je ne sais pas pourquoi je l'ai confondu avec Michel Bernard car Pons n'est pas spécialement un écrivain érotique. Peut-être parce que nous avons eu l'occasion de parler de ce dernier. Il y a des décennies. Je n'y suis pas retourné depuis 1975 ou 1980 environ.
Pons habitait une immense chambre, dans une maison un peu à l'écart, dans la propriété du Moulin. Je la revois comme s'y j'y étais.
Je me souviens aussi de la patronne propriétaire du Moulin qui était charmante et qui couvait Maurice Pons.
J'espère qu'ils sont tous toujours en vie.
Mon immortalité est provisoire.

Lem

Message par Lem » mar. nov. 24, 2009 5:29 pm

Bah. Je suis sûr que Roland, même dans ses grandes heures de provoc, n'a jamais arboré d'insigne nazi, lui. Il le sait, que l'esthétique n'est jamais complètement décorative.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mar. nov. 24, 2009 5:57 pm

Lem a écrit :
Roland a écrit :Tu me suis ?…
Oui.
C'est une objection intéressante, je vais y réfléchir.
On a peut-être intérêt à déblayer le terrain pour ne pas se perdre. Les groupes en question parlaient-ils, dans leurs textes, de la deuxième guerre mondiale et de l'extermination (dans un sens ou dans l'autre) ? Car il existe aussi, si je ne m'abuse, des groupes qui arborent ces symboles sans les détourner ni les vider de leur sens – des groupes néonazis dont les morceaux sont nazis.
Voici ce que dit Wikipédia de Throbbing Gristle :
… les prestations live de Throbbing Gristle utilisaient fréquemment une imagerie troublante, telles que des vidéos pornographiques mêlées à des clichés des camps de concentration nazis, ce qui contribua à lui conférer une réputation sordide. Le groupe justifiait l'emploi de cette iconographie, non par une adhésion aux idéologies totalitaires, que ses membres rejetaient fermement, mais par la mission qu'il s'était donnée d'explorer les facettes les plus sombres et irraisonnées de l'âme humaine.
La face B de leur premier single s'intitule "Zyklon B Zombies", mais impossible de mettre la main sur les paroles et je n'ai pas le temps de les retranscrire d'oreille.

Sinon, il y a Joy Division, merci Wikipédia :
Le nom Joy Division, référence mortifère s'il en est, adhère bien au style post-punk et coldwave du groupe, c'est-à-dire froid, désespéré, torturé. Ce choix provient en effet de la lecture par Ian du roman The House of Dolls, écrite par Yehiel De-Nur (ou Dinur, plus connu aussi sous le nom de Freiner), ancien déporté, publiée en 1956 et traduite en anglais par Karol Cetinsky (publié à Paris en 1960). Selon une traduction littérale, Division de la joie est l'expression donnée par les nazis au système qui autorisait, au sein des camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale, l'exploitation des jeunes femmes juives déportées comme esclaves sexuelles et destinées à certains membres de l'armée allemande et personnels affectés à la surveillance des camps. L'expression allemande originale est : Freuden-Abteilung.

À cause de ce nom quelque peu provocateur, le groupe fut accusé un temps de sympathies néonazies. Plusieurs éléments alimentèrent cette idée fausse : la pochette intérieure du maxi-single An Ideal for Living montre une photo du ghetto de Varsovie, l'introduction de la chanson Warsaw énumère le numéro matricule de Rudolf Hess (31G-350125) - criminel de guerre nazi emprisonné à Spandau -, enfin la mention de ce même Rudolf Hess au début de la version de At a Later Date, enregistrée lors du concert à l'Electric Circus. Joy Division dénonce au contraire le danger de l'oubli, l'horreur des atrocités, viols et exterminations, s'inscrivant là dans une démarche typiquement "punk".
Bon, la dernière phrase me semble assez audacieuse, ou plus exactement un brin trop lyrique. Si je peux me permettre une généralité, être punk, c'était constater plutôt que dénoncer.

Côté paroles, je pense à cette chanson des Ramones :
"Today Your Love, Tomorrow The World"

I'm a shock trooper in a stupor
Yes I am.
I'm a Nazi schatze
Y'know I fight for fatherland
Little German boy
Being pushed around
Little German boy
In a German town
Today your love, tomorrow the world
Pas vraiment l'apologie de l'idéologie nazie, hein ?

Dans Please kill me, tu as l'un des Stooges qui se pointe à une teuf fringué en nazi et il ne comprend pas, mais alors, carrément pas, pourquoi ça choque. C'est juste des fringues qui lui plaisent.

Cela dit, le discours comme quoi porter des croix gammées et autres machins du même acabit c'était par rejet de ce qu'elles signifiaient, ben je l'ai entendu plein de fois à l'époque, et dans la bouche de gens qui portaient aussi des jeans troués et des cheveux en pétard. Et si j'ai croisé des gens qui avaient des sympathies pour le nazisme, ben ils étaient plutôt sapés propre sur eux, militaient au GUD pour casser du gauchiste et évitaient les symboles trop voyants.
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Message par Roland C. Wagner » mar. nov. 24, 2009 6:14 pm

Gérard Klein a écrit :Les punks voulaient choquer le bourgeois. Mais leur provocation imbécile demeurait ignoble.
Gérard, tu ne parlerais pas comme ça si tu avais eu dix-sept ans en 1977.

Les premiers punks français voulaient choquer le bourgeois parce qu'ils étaient des gamins de bourgeois.

Chez les punks US de la première moitié des années 70, ben c'est pas pareil, on a plutôt affaire à des lumpens, quand même.

Quant au punk anglais, il ne se résume pas à Johnny Rotten.

De plus, j'ai bien spécifié que je ne parlais pas seulement des punks, mais aussi d'autres mouvements à base musicale contemporaine. Throbbing Gristle, par exemple, est issu d'une tradition (?) artistique qui ne recule pas devant les performances extrêmes : leurs provocations ont un sens. Et pareil à un degré moindre pour Joy Division.

On n'est pas dans l'amusement, ni dans le déni ou que sais-je encore ? On est dans l'expression de quelque chose ressenti comme infiniment malsain par celui ou ceux qui l'expriment. Et il y a sans doute une dimension d'exorcisme.
Gérard Klein a écrit :No future, c'est pratiquement un slogan nazi.
Tout dépend no future pour qui.

Je rappelle la citation d'origine : "No future in England for you".

Sinon, tu soulèves un point intéressant qui m'amène à m'interroger. Peut-on être attiré par une esthétique sans pour autant adhérer au contenu moral et social qui va avec, voire en étant révulsé par le contenu en question ?
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Message par Lem » mar. nov. 24, 2009 6:22 pm

Il faut que j'aille sur Radio Libertaire avec les autres horizontaux.
Please : essayons de séparer le bon graie de l'ivraie tout de suite. Un débat sur les punks et toutes les nuances de leurs positions par rapport au nazisme n'a pas vraiment sa place ici. Revenons au point de départ qui est : les items favoris d'Egan et par-delà, de la sf, sont-ils d'origine métaphysique et/ou religieuse et est-ce une question importante ?

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Message par Roland C. Wagner » mar. nov. 24, 2009 6:28 pm

Lem a écrit :(Pour prendre un autre exemple familier : il est évident que Spinrad était conscient de ses arrière-plans politiques quand il a écrit Rêve de fer. Dans son roman, la référence au nazisme n'est pas décorative, mais centrale, procédurale et active. C'est ce dont il parle. Je peux l'écrire dans une critique sans postuler automatiquement que Norman est un nazi, ni même quelqu'un d'obsédé par le nazisme. Ce que je ne peux pas écrire, c'est : le sujet de ce roman n'a rien à voir avec le nazisme.)
Ben c'est tout aussi valable pour Throbbing Gristle, me semble-t-il.

Maintenant, il ne faut pas oublier que sur de tels sujets d'aucuns trouvent bon de flirter avec l'ambiguïté, comme tu le fais dans ta préface avec l'emploi du terme métaphysique.

Après relecture de la phrase ci-dessus, je précise que je ne l'écris pas dans le sens qui me vaudrait d'atteindre le point G.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Message par Erion » mar. nov. 24, 2009 6:48 pm

Roland C. Wagner a écrit : Sinon, tu soulèves un point intéressant qui m'amène à m'interroger. Peut-on être attiré par une esthétique sans pour autant adhérer au contenu moral et social qui va avec, voire en étant révulsé par le contenu en question ?
Je pourrais linker des images avec des svastikas, des uniformes nazis et des personnages à gros yeux, manifestement pas nés dans le Massif Central, mais si je le fais, ce thread sera locké par les admins.

Mais la réponse est oui.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par JFS » mar. nov. 24, 2009 6:53 pm

Lem a écrit :Transposé dans le domaine de la littérature, ça donnerait ceci : un auteur de blanche dont les livres aboreraient systématiquement en couverture des symboles religieux (...) de façon totalement indépendante de leur contenu. (...)
Là, oui : tu serais en droit d'examiner tout discours critique qui verrait dans ces couvertures un indice de l'intérêt religieux de l'auteur et tu pourrais dire : attendez, lisez les textes : ils ne contiennent rien qui puisse soutenir cette hypothèse. Ce découplage entre l'imagerie et le contenu, c'est la forme de la provocation. On pourrait soutenir l'hypothèse inverse mais enfin, ça aurait un sens.
N'est-ce pas un peu le cas dans le cycle des Inhibiteurs de Reynolds ? Les titres de ses romans sont religieusement connotés : L'espace de la révélation, l'arche de la rédemption, le gouffre de l'absolution. Et pourtant, dans le texte, il n'y a pratiquement rien sur la religion. Celle-ci n'existe que comme un virus, une maladie qu'on attraperait lors d'une transfusion sanguine réalisée dans des conditions d'hygiènes douteuses.

Lorsqu'il était venu aux Utopiales, Reynolds avait expliqué qu'il avait choisi ces titres parce qu'ils sonnaient bien, mais que lui-même ne s'intéressait pas du tout à leur sous-entendu métaphysique...
Jean-François.

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