De quoi la fantasy est-elle le nom?

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silramil
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Message par silramil » mer. nov. 25, 2009 11:44 pm

Lensman a écrit : Je n'arrive pas à me défaire de l'image (simplifiée) dans laquelle, pour le fantastique, on serait dans notre monde, mais où surgirait justement un "défaut", qui remet en cause la conception qu'en a le héros (et le déstabilise, et avec lui, souvent, le lecteur).
Pour la fantasy, le monde dans lequel évolue le héros n'est pas un "problème" (autre que les dangers et problèmes auxquels il est confronté, mais qui sont "normaux" dans son univers).
Oncle Joe
Parfaitement d'accord avec ça, mais cette différence dans la mise en scène (dramatisation dans un cas, neutralité dans l'autre) ne doit pas cacher que c'est le même type de monde, dans lequel la magie est possible. la remise en cause pour le personnage, c'est justement la découverte que, se croyant dans un monde équivalant au nôtre, il est en fait dans un monde de fantasy (avec tous les risques et pertes de points de repère que cela entraîne pour lui).
Dans un monde de fantasy, effectivement, il n'y a pas d'enjeu de ce genre, puisque c'est le propre du fantastique que de mettre en scène le contraste entre notre monde et un monde de fantasy.

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Mélanie
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Message par Mélanie » mer. nov. 25, 2009 11:57 pm

silramil a écrit :Parfaitement d'accord avec ça, mais cette différence dans la mise en scène (dramatisation dans un cas, neutralité dans l'autre) ne doit pas cacher que c'est le même type de monde, dans lequel la magie est possible. la remise en cause pour le personnage, c'est justement la découverte que, se croyant dans un monde équivalant au nôtre, il est en fait dans un monde de fantasy (avec tous les risques et pertes de points de repère que cela entraîne pour lui).
Dans un monde de fantasy, effectivement, il n'y a pas d'enjeu de ce genre, puisque c'est le propre du fantastique que de mettre en scène le contraste entre notre monde et un monde de fantasy.
Dans ta démonstration, le terme de "magie" me dérange à propos du fantastique. De mon point de vue, la magie, c'est une force surnaturelle sur laquelle on exerce un contrôle, voire qu'on apprend à maîtriser. L'élément surnaturel en fantastique, c'est une force interne ou externe mais qui est fondamentalement inquiétante et menaçante, et qu'on subit sans pouvoir la maîtriser.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. nov. 26, 2009 12:05 am

Mélanie a écrit :
Dans ta démonstration, le terme de "magie" me dérange à propos du fantastique. De mon point de vue, la magie, c'est une force surnaturelle sur laquelle on exerce un contrôle, voire qu'on apprend à maîtriser. L'élément surnaturel en fantastique, c'est une force interne ou externe mais qui est fondamentalement inquiétante et menaçante, et qu'on subit sans pouvoir la maîtriser.
De ce fait, j'ai l'impression que le fantastique, en principe (évidemment, on va trouver plein de contre-exemples...) se prête beaucoup moins aux "suites". C'est l'affaire d'un récit, d'une anomalie, d'une déstabilisation, interne ou externe. Prolonger cela, ce serait "normer" l'aspect anomalique.
Bon, je me rend compte que ma vision est tout de même vieillie... il y a plein de séries "fantastiques" de nos jours. Mais à la base, ce n'était pas comme ça que ça marchait, il me semble.
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Shalmaneser
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Message par Shalmaneser » jeu. nov. 26, 2009 12:15 am

Lensman a écrit : De ce fait, j'ai l'impression que le fantastique, en principe (évidemment, on va trouver plein de contre-exemples...) se prête beaucoup moins aux "suites". C'est l'affaire d'un récit, d'une anomalie, d'une déstabilisation, interne ou externe. Prolonger cela, ce serait "normer" l'aspect anomalique.
Bon, je me rend compte que ma vision est tout de même vieillie... il y a plein de séries "fantastiques" de nos jours. Mais à la base, ce n'était pas comme ça que ça marchait, il me semble.
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Poe y est certainement pour quelque chose...

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marypop
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Message par marypop » jeu. nov. 26, 2009 12:16 am

il y a plein de séries fantastiques et sf à la télé, et peu de fantasy tiens.

Je sais j'y pense juste mais c'est étrange que ce soit le contraire des livres.

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silramil
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Message par silramil » jeu. nov. 26, 2009 12:16 am

Oui, assez d'accord avec toi oncle Joe. Mais justement, le fait qu'il existe des séries "fantastiques" va dans mon sens : une série fantastique, c'est en fait de la fantasy - les éléments surnaturels deviennent une norme acceptée et repérée par les personnages, et non plus une forme de transgression d'un ordre naturel supposé.

Mélanie : je ne vois pas pourquoi restreindre l'emploi du terme "magie". Pour moi, il est l'équivalent de "surnaturel", dans une discussion générale.
Le fantastique est magique, au sens où il est surnaturel. Quand les personnages commencent à maîtriser la magie qui faisait peur dans un récit fantastique, on bascule dans la fantasy, mais la nature de la magie ne change pas.

Encore une fois, ce n'est qu'une question de choix narratifs. Si l'auteur fournit les moyens à ses personnages de maîtriser la magie, ils sont en paix avec leur monde, même quand ils luttent pour leur vie. S'il leur refuse ces moyens, ainsi que la possibilité de comprendre avec certitude ce qui leur arrive, ils risquent de devenir fous ou de crever de peur.

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marypop
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Message par marypop » jeu. nov. 26, 2009 12:17 am

silramil a écrit :Oui, assez d'accord avec toi oncle Joe. Mais justement, le fait qu'il existe des séries "fantastiques" va dans mon sens : une série fantastique, c'est en fait de la fantasy - les éléments surnaturels deviennent une norme acceptée et repérée par les personnages, et non plus une forme de transgression d'un ordre naturel supposé.
X-Files par exemple :)
ou pas ^^

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. nov. 26, 2009 12:18 am

marypop a écrit :il y a plein de séries fantastiques et sf à la télé, et peu de fantasy tiens.

Je sais j'y pense juste mais c'est étrange que ce soit le contraire des livres.
Oui... il s'est passé quelque chose, un glissement qui a fait de l'anomalie un élément normatif. C'est un phénomène curieux et très intéressant. Le personnage du "monstre" a acquis une importance cruciale, il est devenu le vrai héros.
Oncle Joe

Nicky
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Message par Nicky » jeu. nov. 26, 2009 2:22 am

Y a une différence très fondamentale entre le fantastique "traditionnel" et la fantasy "classique", mais il y a plein de cas où cet élément va se retrouver dans un genre ou dans un autre.

C'est tout simplement l'"explication".

Dans le fantastique "traditionnel", le surnaturel n'aura pas d'explication d'origine, ou alors en tout cas elle aura une limite métaphysique. L'émotion qui naît est "oh crap, y a un truc que notre raison, notre science (depuis le 20e siècle, au 19e c'était juste la "raison") ne peut pas expliquer, et ça me fout les boules paske je ne sais pas à quoi m'attendre". Parfois, ça remettra en question le paradigme tout entier, mais c'est rare paske l'idée c'est justement que la source de cette "anomalie" est sans explication.

Dans la fantasy, l'héritage des mythologies est d'avoir, au contraire, une explication fondamentale à tout ce qui se passe. Les dieux créateurs, les démons traîtres, l'origine de tel peuple, la source des énergies "magiques".

Pour moi à ce niveau, la fantasy rejoint beaucoup plus la SF : il peut y avoir une création d'une métaphysique qui se tient, certains ont même parlé de "hard fantasy" où tout a un sens, tout ou presque est "scientifiquement" (raisonnablement ?) justifié. Mais une science qui ne s'applique pas à notre monde.


On peut apporter plusieurs nuances à cette distinction que je fais un peu à l'arrache.
Déjà la plus simple, c'est en effet le fantastique que j'ai tendance à appeler "fantasy urbaine" même si c'est pas la même chose, où les éléments surnaturels trouvent une explication mythologico-raisonnable. Ca reste des trucs "surnaturels" car qui n'existent pas dans le vrai monde (ou, pour ménager les susceptibilités et croyances, n'ont pas été prouvées par l'expérimentation et l'observation). Cela dit, la différence entre un esprit formé d'énergie et une forme de vie alien de SF n'est pas évidente pour moi, et à partir du moment où l'on sait l'origine des vampires chez Anne Rice, ça peut être aussi bien interprété avec un paradigme scientifique que fantasy.
A l'inverse, il existe aussi souvent de la fantasy où, qu'il y ait ou pas des éléments "surnaturels" qui paraît normal aux personnages, il existe AUSSI des éléments incompréhensibles ou parfaitement irrationnels. Du "fantastique" dans un monde imaginaire, pour moi.

Autre nuance, comme on l'a dit plus tôt, la perception des personnages : dans un paradigme fantastique, l'auteur peut avoir réfléchi et développé toute sa mythologie de façon "raisonnable", avec sa "science alternative" (comme j'appelle ça).... mais les personnages peuvent être absolument pas au courant de tout ça, et pour eux, tout apparaîtra comme une anomalie irrationnelle.
Lovecraft en est un prime offender. Une part une, ses histoires semblent n'avoir souvent aucune rationnalité, et puis au fond, une mythologie se développe qui rejoint la SF via une mythologie extra-terrestre.


Mais toutes ces différenciations me font plutôt rigoler.
Là où la "hard fantasy" peut se construire avec une grande rigueur que certains ne prêtent qu'à la SF (qui a, on va dire, l'argument de devoir se tenir aussi avec la réalité que l'on connaît de tous les jours, une contrainte pas évidente à suivre.... et pas forcément suivie en fait), pour moi le fantastique est beaucoup plus proche de la réalité de la science et de notre existence.

Là où la fantasy peut donner des réponses assez absolues au "pourquoi/comment", le fantastique a les mêmes racines que toute notre métaphysique : il nous rappelle qu'on ne sait pas Pourquoi, qu'on ne sait pas Comment.
La science nous a permis de remonter le temps via la théorie du Big Bang, et les théoriciens bossent sur des modèles qui ont pour beaucoup un point commun : il y a de bonnes chances que jamais l'humanité ne puisse savoir pourquoi l'univers est.
Ignorance fondamentale qui est la base d'irrationnalité sur laquelle toute notre science est basée.

Là, pour moi, la source de l'"irrationnel" est fondamentalement différente. Mais comme pour tous les courants, chaque texte va avoir un peu de ci et un peu de ça. Et on en retrouve en fantasy, en fantastique, et aussi bien sûr en SF.
Tous avec moi pour fonder le fan club de Kevin J Anderson et du communisme, le meilleur auteur de SF de tous les temps et le meilleur système social jamais appliqué de tous les temps ! \o/

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Atv'
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Message par Atv' » jeu. nov. 26, 2009 2:44 am

La définition que donnaient mes profs de français du fantastique était plus générale que ce que j'ai pu lire ici. L'élément fantastique qui surgit dans le réel est inexpliqué mais n'est pas condamné à le rester. Il n'est pas nécessairement surnaturel, métaphysique (sic) ou que sais-je.

Je me souviens de l'illustration de la chose par la nouvelle de Maupassant (je crois) où une famille se trouve assiégée dans sa maison, un soir d'hiver, par une chose qui gratte à la porte. L'atmosphère est résolument fantastique et on se prend, comme les protagonistes de l'histoire, à imaginer des créatures monstrueuses. Le père sort avec son fusil, tire, et s'aperçoit le lendemain qu'il a abattu son chien. Retour au réel. L'irruption du fantastique est due au fait que l'élément est inexplicable lorsqu'il survient. Il est parfaitement expliqué par la suite mais le retour au réel n'est pas rétroactif sur la sensation produite par ce qui précédait. On a été dans du fantastique.

Je ne distinguerais donc pas fantastique et fantasy selon l'existence ou non d'une explication.

À moins que ma définition ne soit vieillotte…

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Message par JDB » jeu. nov. 26, 2009 9:23 am

Je ne possède pas les outils théoriques pour participer à cette discussion avec la rigueur nécessaire. Cela dit, j'ai eu il y a quelques années une intuition que mes lectures ultérieures n'ont jamais contredite.
Fantastique, fantasy et science-fiction sont les expressions en termes de récit de trois pulsions fondamentales de l'humain : croire (fantastique), pouvoir (fantasy) et savoir (SF).
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Message par Mélanie » jeu. nov. 26, 2009 9:49 am

JDB a écrit :Je ne possède pas les outils théoriques pour participer à cette discussion avec la rigueur nécessaire. Cela dit, j'ai eu il y a quelques années une intuition que mes lectures ultérieures n'ont jamais contredite.
Fantastique, fantasy et science-fiction sont les expressions en termes de récit de trois pulsions fondamentales de l'humain : croire (fantastique), pouvoir (fantasy) et savoir (SF).
JDB
Intéressant. A creuser.

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Message par Eons » jeu. nov. 26, 2009 11:00 am

Mélanie a écrit :
JDB a écrit :JFantastique, fantasy et science-fiction sont les expressions en termes de récit de trois pulsions fondamentales de l'humain : croire (fantastique), pouvoir (fantasy) et savoir (SF).
JDB
Intéressant. A creuser.
J'abonde. :)
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

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Message par silramil » jeu. nov. 26, 2009 11:01 am

Nicky : il me semble qu'il ne faut pas confondre la formulation d'hypothèses scientifiques non vérifiables de manière expérimentale et l'irrationnalité. La théorie du Big Bang, pour autant qu'elle puisse être criticable et amendable, n'est pas irrationnelle : elle touche simplement aux limites de la connaissance humaine.
Les questions métaphysiques sont justement ces problèmes qui se situent à la limite de la compréhension humaine et pour lesquels on cherche des réponses rationnelles, même si les sujets paraissent, par nature, incompatibles avec la raison.

L'irrationnalité de la fantasy et du fantastique est consubstantielle à leurs univers. Quelles que soient les réussites apparentes de la raison et de la science dans ces univers, leur défaite finale est programmée.

Quant à l'explication fournie par les mythologies de fantasy, c'est toujours un dispositif narratif de justification dissimulant l'irrationalité fondamentale du monde. Si des dieux ont créé le monde et ses habitants, ils sont responsables des conventions physiques : en priant ces dieux, on peut obtenir des miracles, c'est-à-dire de s'affranchir de ces conventions, ce qui signifie que ce n'est que de manière temporaire et arbitraire que ce qu'on prend de prime abord pour des lois physiques s'appliquent en général. Une intervention divine n'implique pas de revoir tout le système des lois - ce n'est que la manifestation du fait que tout l'édifice physique repose sur le bon vouloir d'entités surnaturelles.

JDB et Mélanie :
Dans La Peau de chagrin, c'est "vouloir, pouvoir, savoir". Quel type de récit correspondrait à "vouloir"?

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MF
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Message par MF » jeu. nov. 26, 2009 11:09 am

silramil a écrit :Dans La Peau de chagrin, c'est "vouloir, pouvoir, savoir". Quel type de récit correspondrait à "vouloir"?
Quelle différence fais-tu entre "vouloir" et "croire" ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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