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par Lem » jeu. nov. 26, 2009 4:18 pm
Mes camarades,
Le calendrier éditorial me presse ; j'ai moins de temps à consacrer à ce fil.
Il y a quelques mois, j'ai lancé chez Smith de chez Jules un fil sur les implications philosophiques de la mq ; il a fait peut-être une vingtaine de pages avant de tourner court. Indiscutablement, c'est un sujet intéressant mais qui ne concerne ce fil-ci que de loin.
L'origine de sa réémergence ici, c'est je crois ma réponse à MF sur sa perception de "variable cachée" et mon sentiment selon lequel, dans une société dont l'ambiance scientifique est toujours newtonienne, il était difficile d'anticiper qu'une telle métaphore pourrait être perçue comme renvoyant à des conceptions ambigues ou datées de la ligne de partage physique/métaphysique (et MF est d'ailleurs réintervenu après pour dire que ce n'était pas exactement ça qu'il signifiait, tout est si compliqué).
Et puis, Oncle a fait reset sur newtonien, j'ai réagi et c'est parti. Mais je ne suis pas disponible pour approfondir. Je suggère à ceux que ça intéresse de créer un autre fil (conséquences philosophiques de la mq – 2.0) où j'interviendrai si je le peux. En attendant, reprenons celui-ci où il reste pas mal de choses à faire.
Si je propose cette partition, c'est que beaucoup de choses ont été dites ces derniers jours qui mériteraient d'être développées. Fabien, par exemple, a fait des objections pour l'instant sans réponse, et c'est dommage (et je dis ça d'abord pour moi). Puisque Roland a finalement formulé une contre-hypothèse (le déni ne provient pas de la métaphysique mais plutôt de son contraire : des réponses non-métaphysiques que la sf produit), il serait normal d'en discuter. Il faudrait en fait relire les vingt ou trente dernières pages, pointer les arguments non traités et les classer : ça formerait l'ébauche d'un ordre du jour thématique et on déciderait alors comment avancer.
On a suggéré aussi d'emprunter un chemin de traverse : revenir aux origines, aux pulps, au sense of wonder, voire au premier Feuve Noir et essayer de mettre à jour dans ce matériel des éléments éventuellement constitutifs de la sf qui seraient inassimilables par le reste de la culture (participation intrinsèque au déni). Il y a un bon moment déjà, j'avais demandé à Oncle de m'expliquer pourquoi le futur lointain (effectivement constitutif de la sf et qu'on ne trouve jamais dans le transgenre, ce qui laisserait à penser qu'il est inassimilable), pourquoi le futur lointain était source de sense of wonder. Il y a eu des ébauches de réponse mais rien de décisif à mon sens. Pourtant, je sens que c'est un angle prometteur.
Bref. On fait comme vous voulez.
A titre personnel, je serais assez d'accord pour le chemin de traverse. D'abord parce que ça nous reposerait provisoirement de la métaphysique ("Parfois, je suis las de toutes ces grandeurs", Nietzsche, lettre à Peter Gast), même si je pressens que le terme reviendrait vite nous barrer la route. Ensuite, parce qu'il me semble que ce n'est qu'une autre manière de traiter le sujet et qu'on finirait par retomber sur nos pattes, avec l'avantage d'avoir dissipé pas mal de malentendus. Après tout, le titre du fil est Du sense of wonder à la SF métaphysique. On a beaucoup glosé sur le second terme ; on peut s'amuser un peu avec le premier.
J'ajoute un mot sur ce que j'attends de cette discussion.
Dans la préface de l'anthologie, comme dans celle d'Escales sur l'horizon en son temps, il y a des effets de com, des tentatives pour produire deux ou trois représentations-clés à l'aide desquelles les intercesseurs du grand public, les critiques, les journalistes, les écrivains non-spécialisés, etc. puissent amender leur perception de la sf dans un sens qui serait à la fois plus équilibré et plus favorable. Roland s'en fout mais, moi, ça m'intéresse. A terme, j'aimerais qu'on dispose d'élements fiables pour une histoire culturelle de la sf – c'est à dire une histoire qui intègre celle des instruments éditoriaux mais soit aussi capable de la dépasser et de s'inscrire dans le mouvement général de la culture occidentale des XIXème et XXème siècle. La sf entretient des relations compliquées avec la littérature blanche, avec la science et les pseudosciences ; je postule qu'elle entretient d'autres rapports, tout aussi compliqués, avec la philosophie, la métaphysique et la religion et que si c'est le cas, il est absurde de les ignorer sous prétexte que ça ne nous arrange pas. Reste à établir la nature de ces rapports. L'histoire de la sf, c'est quand même autre chose que celle des pulps et des collections dédiées.