Autre hypothèse, un peu audacieuse, inférée de nos winnicotteries : dans la théorie du psychanalyste, intervient un élément essentiel, la "mère suffisamment bonne", c'est-à-dire la mère qui n'est plus dans une relation fusionnelle primaire, qui parce qu'elle n'assouvit plus systématiquement les désir de l'enfant, n'est plus absolument bonne, mais suffisamment. Cette théorie s'inspire des travaux de Mélanie Klein (je vous passe les détails du vrai et du faux self). Pour Mélanie Klein, dans les tout premiers temps de l'enfance, le sein maternel peut être "bon" ou "mauvais" objet. On parle alors de clivage de l'objet. L'anneau du SdA, l'épée d'Elric, jouent incontestablement un rôle similaire. L'exemple de l'Anneau est probant, puisque les enjeux politiques du roman tournent tous autour de cet objet, selon qu'il est jugé bon ou mauvais. Y aurait-il un lien entre la dimension politique en fantasy, et cette apparent dualisme qu'on lui reproche parfois, et le clivage kleinien ?systar a écrit :Mon hypothèse forte: quand l'histoire est comprise, à la manière chrétienne, comme l'exténuation de l'Absolu, ou de l'idée d'un Absolu dans les représentations collectives, là émergent des enjeux politiques. L'avantage des deux romans cités est qu'ils montrent tous deux une articulation de la magie et de la politique...
De quoi la fantasy est-elle le nom?
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J'ai peut-être une vision négative du genre, mais la prophétie ne me parait être qu'une facilité d'écriture pour démarrer une intrigue, du même niveau que la scène de l'auberge où les héros se rencontrent.kemar a écrit :Et cela se retrouve aussi dans une autre thématique récurrente en fantasy : "la prophétie"
Après des années de cérémonie du Thé, il n’y a rien de meilleur que de vomir de la Bière.
Cela peut l'être, sauf quand celle ci joue un rôle charnière dans l'ouvrage.
Dans "le livre des mots" par exemple, chacun des protagonistes interprète la prophétie de départ à sa façon, et agit en conséquence selon ses intérêts propres, en se croyant chacun l'élu.
On pourrait citer également "la Belgariade" pour le coup manichéenne où les différents "camps" s'affrontent en jouant sur les événements décrits par la prophétie de départ.
Dans "L'épée de vérité" (que je n'ai pas plus apprécié que cela) La prophétie est le mécanisme de base de l'intrigue, elle semble à chaque fois prédire des événements horribles, et le livre consiste juste à expliquer à chaque tome comment elle se réalise effectivement sans que le "héros" n'en souffre.
Etc, etc...
Dans "le livre des mots" par exemple, chacun des protagonistes interprète la prophétie de départ à sa façon, et agit en conséquence selon ses intérêts propres, en se croyant chacun l'élu.
On pourrait citer également "la Belgariade" pour le coup manichéenne où les différents "camps" s'affrontent en jouant sur les événements décrits par la prophétie de départ.
Dans "L'épée de vérité" (que je n'ai pas plus apprécié que cela) La prophétie est le mécanisme de base de l'intrigue, elle semble à chaque fois prédire des événements horribles, et le livre consiste juste à expliquer à chaque tome comment elle se réalise effectivement sans que le "héros" n'en souffre.
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Je suis loin d'avoir tout lu de ce qui précède, mais d'ores et déjà, quand on se pose la question de savoir si un roman appartient à la SF ou à la fantasy, certains problèmes de frontières m'interpellent. Surtout si on prend en compte le fait qu'il faut déjà dire si on lit SF comme fiction scientifique ou comme fiction spéculative, ambiguité qui ne facilite pas le débat.
Quid de cycles comme celui de Darwath, où dans un futur lointain la technologie a cédé le pas aux forces psychiques (magiques?) Ou chez Vance, dans Un monde magique, dans les aventures de Cugel, Rhialto? Ou dans L'Aube du soleil noir, de C S Friedman, qui se passe sur une planète si lointaine que la technologie n'y fonctionne plus? Est-ce de la SF? Est-ce de la fantasy? suivant les critères qu'on défint comme essentiels, la réponse peut varier.
Quid de cycles comme celui de Darwath, où dans un futur lointain la technologie a cédé le pas aux forces psychiques (magiques?) Ou chez Vance, dans Un monde magique, dans les aventures de Cugel, Rhialto? Ou dans L'Aube du soleil noir, de C S Friedman, qui se passe sur une planète si lointaine que la technologie n'y fonctionne plus? Est-ce de la SF? Est-ce de la fantasy? suivant les critères qu'on défint comme essentiels, la réponse peut varier.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
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l'anneau qui rend invisible, et donc omnipotent, et la tentation grandissante du Mal (Sauron qui rappelle à lui le détenteur de l'Anneau), c'est aussi vieux que Platon (sinon plus!)Transhumain a écrit :Pour Mélanie Klein, dans les tout premiers temps de l'enfance, le sein maternel peut être "bon" ou "mauvais" objet. On parle alors de clivage de l'objet. L'anneau du SdA, l'épée d'Elric, jouent incontestablement un rôle similaire. L'exemple de l'Anneau est probant, puisque les enjeux politiques du roman tournent tous autour de cet objet, selon qu'il est jugé bon ou mauvais. Y aurait-il un lien entre la dimension politique en fantasy, et cette apparent dualisme qu'on lui reproche parfois, et le clivage kleinien ?
L'anneau de Gygès servait à poser le problème de la morale, une fois que les limitations pratiques sont levées.
Tu peux expliquer quel lien tu verrais entre l'objet clivé entre deux valeurs morales possibles, et la politique? Je vois pas bien le lien...
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Elle peut n'être que cela. Elle peut aussi jouer un rôle majeur dans l'histoire, ou même un rôle accessoire dans une sous-histoire.rmd a écrit :J'ai peut-être une vision négative du genre, mais la prophétie ne me parait être qu'une facilité d'écriture pour démarrer une intrigue, du même niveau que la scène de l'auberge où les héros se rencontrent.kemar a écrit :Et cela se retrouve aussi dans une autre thématique récurrente en fantasy : "la prophétie"
Je citerai deux exemples: la trilogie de Merlin de Mary Stewart (dans laquelle l'art de prophète est en fait le seul trait "magique" de Merlin; et la série des Epées de Jennifer Roberson, non traduite, où une prophétie influe de manière importante sur les réactions des personnages.
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Je rebondis là encore sur le problème des limites et des définitions; il est évident que, là, celui qui propose cette affirmation lit SF comme fiction spéculative, et rattache donc les romans spéculatifs de fantasy (il y en a)... Il est clair que si on adopte la définition SF=fiction spéculative, la fantasy se trouve privée de ses éléments de réflexion.Célia a écrit :Euh... en gros, quand la fantasy est intéressante, c'est parce que c'est de la SF ?Roland C. Wagner a écrit :Si la fantasy est très bien outillée pour mettre en scène des mythes et des archétypes, elle l'est fort mal dès lors qu'il s'agit de prendre un certain recul analytique. Parce que la psychanalyse des contes de fées (exemple pris au hasard, il y en a plein d'autres), ça passe difficilement dans un univers à basse technologie (et éventuellement avec de la magie) où ni Freud, ni Jung, ni Bettelheim ne font partie de la culture locale. (Sauf potentiellement chez Pratchett, bien sûr.)

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Je ne suis pas sûr, ce n'est qu'une piste encore broussailleuse, et peut-être fausse. Tu as donc l'anneau, ou l'épée, qui est objet transitionnel, qui relie et qui sépare en même temps le moi de l'objet, le héros de son monde. Et non seulement il relie et sépare, mais il est clivé : chez Tolkien comme chez Moorcock, le héros a un rapport extrêmement ambivalent à cet objet, il peut être source de satisfaction ou de frustration, de pouvoir, de puissance (invisibilité, force, etc.) mais aussi de morbidité (l'appel de Sauron, le démon sanguinaire). A l'évidence, en fantasy, ce clivage s'étend au monde, qui peut être merveilleux ou terrible, parfois simultanément (dans le SdA, l'objet, l'Autre, est d'abord menaçant avant de se révéler bon, ou inversement, on oscille sans cesse ; mais peu à peu le phénomène s'éteint, pour laisser place au jugement logique que permet la connaissance du monde). Et peu à peu, tandis que le héros s'affranchit du pouvoir de l'objet clivé, à mesure que son univers s'ordonne autour de lui, le clivage s'efface : au temps de la guerre, du conflit, succède celui de l'ordre et de la gouvernance. Mais ce n'est qu'une hypothèse un peu grossière.systar a écrit :Tu peux expliquer quel lien tu verrais entre l'objet clivé entre deux valeurs morales possibles, et la politique? Je vois pas bien le lien...
Au fond, la fantasy ne serait-elle pas le nom du lien ?
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Christopher a écrit :Attention, une épée et un anneau, ce n'est pas pareil. L'épée est un symbole phallique. L'anneau, un symbole vaginal. Et comme l'épée n'entre pas dans l'anneau, il y a frustration. Voilà ce que sont les héros en fantasy : des frustrés.Transhumain a écrit :Tu as donc l'anneau, ou l'épée
==> [ ]

Bien vu. Dans l'exemple que je citais, un autre ressort central de l'intrigue est justement une référence à une prophétie passée - et l'auteur, pour le coup, détourne aussi cet élément et réussit à en faire autre chose qu'une simple facilité d'écriture.kemar a écrit :Et cela se retrouve aussi dans une autre thématique récurrente en fantasy : "la prophétie"Mélanie a écrit :Un autre développement intéressant dans le cycle d'ailleurs, c'est la peur de la liberté absolue et du libre-arbitre qui peut pousser à trouver un certain confort dans ce pouvoir non démocratique. Dans le monde sans dieux décrit ici, les humains ont malgré tout besoin de croire en une puissance supérieure qui les guide et leur dise comment agir. La thématique religieuse est assez présente alors qu'il n'y a pas de véritables dieux dans le récit - mais il est beaucoup question à travers elle de ce rapport au pouvoir.
(Ce n'est pas que je sois monomaniaque au sujet de cette série, hein, c'est juste que ça fait quelques mois que je suis plongée dedans pour la traduire.)
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Je rebondis sur le mot, sans répondre directement à ton explication.Transhumain a écrit :
Au fond, la fantasy ne serait-elle pas le nom du lien ?
Dans un entretien à paraître dans Europe, A. Damasio rappelle que la grande question de La Horde était: "qu'est-ce qu'être en vie? être vivant? qu'est-ce que la vie?"
Et que sa réponse était: "c'est être lié, c'est le lien (aux autres)".
=>>> Quels que soient ses avatars, la fantasy me semble l'expression d'un vitalisme diffus.
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"Etre, c'est être relié ", c'est une formule de sémantique générale... si, si...systar a écrit :Je rebondis sur le mot, sans répondre directement à ton explication.Transhumain a écrit :
Au fond, la fantasy ne serait-elle pas le nom du lien ?
Dans un entretien à paraître dans Europe, A. Damasio rappelle que la grande question de La Horde était: "qu'est-ce qu'être en vie? être vivant? qu'est-ce que la vie?"
Et que sa réponse était: "c'est être lié, c'est le lien (aux autres)".
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Demeure métaphysicien, tonton: être, est-ce vivre? les deux termes s'équivalent-ils strictement?Lensman a écrit :"Etre, c'est être relié ", c'est une formule de sémantique générale... si, si...systar a écrit :Je rebondis sur le mot, sans répondre directement à ton explication.Transhumain a écrit :
Au fond, la fantasy ne serait-elle pas le nom du lien ?
Dans un entretien à paraître dans Europe, A. Damasio rappelle que la grande question de La Horde était: "qu'est-ce qu'être en vie? être vivant? qu'est-ce que la vie?"
Et que sa réponse était: "c'est être lié, c'est le lien (aux autres)".
=>>> Quels que soient ses avatars, la fantasy me semble l'expression d'un vitalisme diffus.
Oncle Joe
(il y a de belles oppositions dans l'histoire de la métaphysique entre des métaphysiques de la vie et des métaphysiques de l'être, et des tentatives de conciliation parfois encore plus belles...)
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