De quoi la fantasy est-elle le nom?
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La marche vers la métaphysique est inexorable.Lensman a écrit :Modérateur! TROIS fois le mot dans un seul post!!
Oncle Joe
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La fantasy est quelque part une littérature de l'identité. Nous avons besoins de mythe. Mais à l'époque du multiculturalisme et du déclin du religieux nous sommes obligés de nous tourner vers une mythologie nouvelle. Une mythologie qui dialogue avec la culture, qui dialogue avec nos origines, qui n'hésite pas à brasser les civilisations et les époques.
Si on regarde bien on se rend compte que la fantasy n'a eu un succès commercial qu'à partir du moment où la religion chrétienne s'est mise à décliner. Ce n'est à mon avis pas un hasard.
Si on regarde bien on se rend compte que la fantasy n'a eu un succès commercial qu'à partir du moment où la religion chrétienne s'est mise à décliner. Ce n'est à mon avis pas un hasard.
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Tout de même, je trouve qu'on l'avance bien souvent comme argument, ce "déclin du religieux". On le met à beaucoup de sauce. Les jeunes, aujourd'hui, lisent beaucoup de Fantasy, c'est entendu. Ils n'en lisaient pas auparavant, parce que, auparavant, le religieux (non déclinant) aurait rempli la place correspondante? Quels sont les éléments qui pourraient vraiment laisser penser ça, de manière un peu concrète? Rappelons nous aussi que nous parlons de fictions, qui ont un statut de fiction clairement défini, même pour les "jeunes"...Fabien Lyraud a écrit :La fantasy est quelque part une littérature de l'identité. Nous avons besoins de mythe. Mais à l'époque du multiculturalisme et du déclin du religieux nous sommes obligés de nous tourner vers une mythologie nouvelle. Une mythologie qui dialogue avec la culture, qui dialogue avec nos origines, qui n'hésite pas à brasser les civilisations et les époques.
Si on regarde bien on se rend compte que la fantasy n'a eu un succès commercial qu'à partir du moment où la religion chrétienne s'est mise à décliner. Ce n'est à mon avis pas un hasard.
Oncle Joe
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Ce qui est sûr, c'est que l'apparition de la Fantasy est bien plus récente que le déclin du christianisme comme norme sociale, qui remonte aux XVIIIe et XIXe siècles. Historiquement, la Fantasy n'a donc pas remplacé le religieux...Lensman a écrit :Tout de même, je trouve qu'on l'avance bien souvent comme argument, ce "déclin du religieux". On le met à beaucoup de sauce. Les jeunes, aujourd'hui, lisent beaucoup de Fantasy, c'est entendu. Ils n'en lisaient pas auparavant, parce que, auparavant, le religieux (non déclinant) aurait rempli la place correspondante? Quels sont les éléments qui pourraient vraiment laisser penser ça, de manière un peu concrète? Rappelons nous aussi que nous parlons de fictions, qui ont un statut de fiction clairement défini, même pour les "jeunes"...Fabien Lyraud a écrit :La fantasy est quelque part une littérature de l'identité. Nous avons besoins de mythe. Mais à l'époque du multiculturalisme et du déclin du religieux nous sommes obligés de nous tourner vers une mythologie nouvelle. Une mythologie qui dialogue avec la culture, qui dialogue avec nos origines, qui n'hésite pas à brasser les civilisations et les époques.
Si on regarde bien on se rend compte que la fantasy n'a eu un succès commercial qu'à partir du moment où la religion chrétienne s'est mise à décliner. Ce n'est à mon avis pas un hasard.
Oncle Joe
Cette idée de "monde secondaire", qui paraît très pertinente, prend peut-être sa source dans l'imaginaire chrétien, comme certains ont pu le montrer à partir du SdA ; mais considérer les monde secondaires comme autant d'"Au-delà", ou comme des objets de foi au sens strict, serait à coup sûr très réducteur. D'une manière générale, aborder la littérature sous l'angle du religieux revient à se priver de nombreux outils d'analyse... Par contre, la démarche inverse (aborder le religieux par la littérature) me semble plus fructueux. Le mythe n'est pas la religion...
François - http://malioutine.overblog.com/
[Edit : Je répondais à Lensman.]
C'est assez simple. Le religieux participait à une représentation enchantée du monde : la mort n'est qu'une étape, il existe une après-vie, il existe des créatures supérieures (Dieu, les anges, les démons), et l'Eglise a très longtemps considéré que la magie était avérée, même si diabolisée.
Déchristianisation, désenchantement : succès collatéral de la fantasy, avec sa dimension "consolatrice". (Personnellement, j'ajouterais aussi aux facteurs de désenchantement la fin des grandes idéologies.)
Il est intéressant de noter que la fantasy est initialement apparue en Angleterre, la première société à avoir mis en application l'empirisme, le libéralisme, la révolution industrielle.
C'est assez simple. Le religieux participait à une représentation enchantée du monde : la mort n'est qu'une étape, il existe une après-vie, il existe des créatures supérieures (Dieu, les anges, les démons), et l'Eglise a très longtemps considéré que la magie était avérée, même si diabolisée.
Déchristianisation, désenchantement : succès collatéral de la fantasy, avec sa dimension "consolatrice". (Personnellement, j'ajouterais aussi aux facteurs de désenchantement la fin des grandes idéologies.)
Il est intéressant de noter que la fantasy est initialement apparue en Angleterre, la première société à avoir mis en application l'empirisme, le libéralisme, la révolution industrielle.
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Tout ça est très vrai, bien sûr. Mais il me semble qu'il s'agit là, en fait, du folklore religieux, de l'imagerie religieuse ; de la mythologie gravitant autour du christianisme, en somme, qui a longtemps fourni un support plus concret à la foi, mais qui ne la recoupe pas exactement.Sarmate a écrit :[Edit : Je répondais à Lensman.]
C'est assez simple. Le religieux participait à une représentation enchantée du monde : la mort n'est qu'une étape, il existe une après-vie, il existe des créatures supérieures (Dieu, les anges, les démons), et l'Eglise a très longtemps considéré que la magie était avérée, même si diabolisée.
Déchristianisation, désenchantement : succès collatéral de la fantasy, avec sa dimension "consolatrice". (Personnellement, j'ajouterais aussi aux facteurs de désenchantement la fin des grandes idéologies.)
Il est intéressant de noter que la fantasy est initialement apparue en Angleterre, la première société à avoir mis en application l'empirisme, le libéralisme, la révolution industrielle.
Modifié en dernier par Shalmaneser le sam. nov. 28, 2009 2:04 pm, modifié 1 fois.
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C'est discutable. Les remises en question du christianisme par une élite philosophique, scientifique et littéraire commencent même un peu plus tôt, avec l'éclosion du libertinage et de l'empirisme au XVIIème siècle ; toutefois, la déchristianisation en tant que phénomène social, et non mouvement intellectuel, est beaucoup plus tardive. N'oublions pas que la terrible guerre de Vendée, sous la révolution, est un mouvement de résistance religieux, que le XIXème siècle français, malgré la montée en puissance du scientisme, est profondément chrétien et riche en bondieuseries… En France, les églises ont été bien remplies jusque dans les années 1960. (Je vous renvoie aux études d'Emmanuel Todd, comme Après la Démocratie) Si le XIXème et le XXème siècle ont connu un anticléricalisme marqué, il était porté par les milieux de gauche, animés par des utopies socialiste ou communiste qui se sont effondrées au cours des dernières décennies.Shalmaneser a écrit :
Ce qui est sûr, c'est que l'apparition de la Fantasy est bien plus récente que le déclin du christianisme comme norme sociale, qui remonte aux XVIIIe et XIXe siècles.
Or la progression de la fantasy se fait justement sur un territoire où religion et utopies politiques ont reculé.
Il ne s'agit pas de remplacer, mais de compenser.Shalmaneser a écrit :Historiquement, la Fantasy n'a donc pas remplacé le religieux...
Modifié en dernier par Sarmate le sam. nov. 28, 2009 5:34 pm, modifié 1 fois.
Le roman gothique, puis plus généralement le récit fantastique, est la réponse fin XVIIIe à cet effacement du religieux, ou plus exactement à la remise en cause des superstitions par le primat de la raison et de la science.
La fantasy apparaît dans une société déjà largement débarrassée de ses superstitions, donc pas vraiment en réaction à l'effacement du sentiment religieux.
Il s'agit plutôt de représenter des mondes où la volonté trouve à s'accomplir sans trop se heurter à la dure réalité, tout en maintenant une apparence générale de matérialité conforme aux représentations dominantes.
je ne vois pas de dimension consolatrice dans la fantasy, juste des histoires distrayantes. Je n'ai pas observé qu'un lecteur de fantasy aborde avec plus de sérénité la question de la vie et de la mort.
La fantasy apparaît dans une société déjà largement débarrassée de ses superstitions, donc pas vraiment en réaction à l'effacement du sentiment religieux.
Il s'agit plutôt de représenter des mondes où la volonté trouve à s'accomplir sans trop se heurter à la dure réalité, tout en maintenant une apparence générale de matérialité conforme aux représentations dominantes.
je ne vois pas de dimension consolatrice dans la fantasy, juste des histoires distrayantes. Je n'ai pas observé qu'un lecteur de fantasy aborde avec plus de sérénité la question de la vie et de la mort.
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Possible. Il y a forcément un lien, oui, de compensation - c'est en tout cas une hypothèse séduisante, et qui peut certainement se confirmer sans trop de difficultés. Mais la Fantasy se définit-elle uniquement par cette compensation ? Ou, si ce n'est pas le cas, quel surplus, quelle nouveauté apporte-t-elle par rapport au folklore religieux ?Sarmate a écrit :C'est discutable. Les remises en question du christianisme par une élite philosophique, scientifique et littéraire commencent même un peu plus tôt, avec l'éclosion du libertinage et de l'empirisme au XVIIème siècle ; toutefois, la déchristianisation en tant que phénomène social, et non mouvement intellectuel, est beaucoup plus tardive. N'oublions pas que la terrible guerre de Vendée, sous la révolution, est un mouvement de résistance religieux, que le XIXème siècle français, malgré la montée en puissance du scientisme, est profondément chrétien et riche en bondieuseries… En France, les églises ont été bien remplies jusque dans les années 1960. (Je vous renvoie aux études d'Emmanuel Todd, comme Le déclin de la Démocratie) Si le XIXème et le XXème siècle ont connu un anticléricalisme marqué, il était porté par les milieux de gauche, animés par des utopies socialiste ou communiste qui se sont effondrées au cours des dernières décennies.Shalmaneser a écrit :
Ce qui est sûr, c'est que l'apparition de la Fantasy est bien plus récente que le déclin du christianisme comme norme sociale, qui remonte aux XVIIIe et XIXe siècles.
Or la progression de la fantasy se fait justement sur un territoire où religion et utopies politiques ont reculé.
EDIT :
/HS
Au sujet de cette question de l'abandon du folklore religieux au profit d'un rationalisme éclairé, j'avais fait il y a quelques années un petit travail universitaire autour de Théophile de Viau, qui fut l'un des emblèmes du "libertinage érudit" (l'expression est de Robert Pintard) du XVIIe siècle. Justement, je pense que le libertinage de Théophile ne consistait pas à abandonner totalement la religion (l'une de ses oeuvres majeures est une traduction en prosimètre du Phédon, le Traité de l'Immortalité de l'âme, à la sauce Marsile Ficin), mais à la débarrasser des superstitions qui parasitaient la foi en posant l'existence, dans le monde, d'incarnations divines ou démoniaques. Sa démarche est assez proche, en ce sens, de celle de son compatriote Gascon, Montaigne, et rejoint les arguments des Huguenots... Bref, tout ça pour signaler que ce libertinage-là a surtout consisté à faire la part des choses entre la religion, conçue comme un lien individuel avec la transcendance divine, et sa "sécularisation", si j'ose dire... Bref, si ça intéresse quelqu'un, j'ai refondu tout ça en plusieurs articles ici.
/HS
Modifié en dernier par Shalmaneser le sam. nov. 28, 2009 3:15 pm, modifié 2 fois.
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Par ailleurs il a toujours existé un imaginaire populaire plein de dragons, de chevaliers et de princesses. On le trouvait dans la tradition orale, dans les légendes et les contes que l'on racontait à la veillée. Certes le conte avait souvent une valeur morale. Mais dans ces histoires on y trouvait surement cette vision consolatrice dont parle Sarmate.
Cette notion au contraire relève du blasphème. Dieu est le seul capable de créer. La création d'un monde, même d'un monde de papier par un auteur, est franchement blasphématoire. C'est vrai que Tolkien était catholique et qu'il a beaucoup puisé dans les légendes chrétiennes. Et c'est un assez gros paradoxe.Cette idée de "monde secondaire", qui paraît très pertinente, prend peut-être sa source dans l'imaginaire chrétien, comme certains ont pu le montrer à partir du SdA ;
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Oui, c'est pour ça qu'on peut effectivement dire qu'au moins en partie, la Fantasy a repris le flambeau de la mythologie religieuse, sur le mode du blasphème, en faisant concurrence à la Création. Elle ne se substitue donc pas au religieux, elle compense partiellement le vide laissé par le religieux, mais autrement.Fabien Lyraud a écrit :Cette notion au contraire relève du blasphème. Dieu est le seul capable de créer. La création d'un monde, même d'un monde de papier par un auteur, est franchement blasphématoire. C'est vrai que Tolkien était catholique et qu'il a beaucoup puisé dans les légendes chrétiennes. Et c'est un assez gros paradoxe.Cette idée de "monde secondaire", qui paraît très pertinente, prend peut-être sa source dans l'imaginaire chrétien, comme certains ont pu le montrer à partir du SdA ;
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L'idée, en fait, est assez ancienne. D'après Tzvetan Todorov, elle apparaît dès la Renaissance, quand l'art commence à s'affranchir de sa fonction de support du message religieux pour devenir finalité en soi. Todorov relève par exemple chez le cardinal Nicolas de Cues, philosophe et théologien du XVème siècle, la remarque suivante : "L'homme est un autre Dieu (…) en tant que créateur de la pensée et des œuvres d'art."Fabien Lyraud a écrit :Cette notion au contraire relève du blasphème. Dieu est le seul capable de créer. La création d'un monde, même d'un monde de papier par un auteur, est franchement blasphématoire. C'est vrai que Tolkien était catholique et qu'il a beaucoup puisé dans les légendes chrétiennes. Et c'est un assez gros paradoxe.Cette idée de "monde secondaire", qui paraît très pertinente, prend peut-être sa source dans l'imaginaire chrétien, comme certains ont pu le montrer à partir du SdA ;
La remarque est osée mais je ne suis pas sûr qu'elle soit blasphématoire, dans la mesure où le christianisme considère l'homme créé à l'image de Dieu. En tout cas, la démarche de Tolkien ne dérange nullement certains prêtres du renouveau charismatique : je connais des oratoriens qui s'appuient (malheureusement…) sur le SdA comme sur un support évangélisateur…
OK pour le deuxième point, mais je ne vois pas ce que cette capacité à "consoler" aurait de spécifique à la fantasy. N'importe quoi de distrayant serait consolateur?Sarmate a écrit :Mais tout est là : c'est du divertissement, dans un monde sans dieu.silramil a écrit : je ne vois pas de dimension consolatrice dans la fantasy, juste des histoires distrayantes.
Et la thématique merveilleuse de la fantasy sert de déplacement à notre propension à la pensée magique.