Je donne un exemple concret de ce que j'appelle le déni.
En fouillant dans ma bibliothèque, je suis retombé hier soir sur Le roman français depuis 1900, de Dominique Rabaté. C'est un "Que sais-je" de 1998. On est donc loin des histoires élitistes de la littérature, c'est plutôt une sorte de récapitulation à vol d'oiseau, un point général qui recense les grands mouvements, les grandes tendances, un truc de base pour toute personne intéressée par le sujet (de base ne signifiant pas "objectif" évidemment).
Le plan du livre est historique :
Dans l'introduction, on trouve cette phrase au fond assez attendue :Introduction – Les ambitions du roman
Prologue – Un genre en crise (1900-1913)
PREMIÈRE PARTIE : D'une guerre l'autre (1914-1940)
Chapitre I – L'œuvre totale (temps et roman)
1. Du côté du roman-fleuve : Duhamel, Martin Du Gard, Romains. 2. La cathédrale proustienne.
Chapitre II – Le récit poétique
Alain-Fournier, Larbaud, Vialatte, Giraudoux, Aragon – Giono, Ramuz, Colette – Cocteau, Cendrars.
Chapitre III – Entre déterminisme et liberté
Gide, Mauriac, Greene, Bernanos – Malraux, Drieu
Chapitre IV – Traumatismes modernes
Barbusse et le roman prolétarien, Radiguet, Mac Orlan, Bove, Simenon – Guilloux, Céline
DEUXIÈME PARTIE : Renouvellements ? Contestations et explorations (1940-1968)
Chapitre I – Morale et formes romanesques
L'absurde : sartre, Camus – L'engagement : Sartre, Camus, Beauvoir, Aragon
Chapitre II – La crise de l'événement
1. Suspensions : Gracq, Gadenne, Giono, les Hussards, Bosco, Vian, Queneau – Limites du récit : Bataille, Genet, Blanchot, des Forêts, Cayrol, Pingaud – Beckett
Chapitre III – Le Nouveau Roman
Robbe-Grillet, Butor, Simon, Pinget – Sarraute, Duras – Tel Quel et le texte
Transition : Yourcenar, Cohen
TROISIÈME PARTIE : Le récit, mode d'emploi (1968-1997)
Chapitre I – Fables, quêtes, enquêtes
Tournier, Le Clézio, Modiano – Le roman historique, dire le social : Lainé, Pilhes – Manchette et le roman noir, Pennac, Belleto, Djian
Chapitre II – Espaces (auto)biographiques
L'après Tel Quel – Tentations autobiographiques : le Nouveau Roman, Perec, l'autofiction – Recherches d'identité : le féminisme, écrire en français, le francophonisme – Espaces biographiques : Puech, Michon, Rouault, Millet, Bergougnioux – Quignard, Macé
Chapitre III – Formalisme et invention
Les "impassibles" : Echenoz, Volodine, Deville, Toussaint – Gailly, Benozoglio, Chevillard – Salenave, Carrère, Ndiaye, Bon – Laurens, Camus, Rolin, Cadiot – Perec, Roubaud
Conclusion – Du lecteur
Pas de problème : l'auteur énonce ses critères de choix. Ce qui est amusant, c'est que dans le plan du texte (et dans le texte tout court), le roman policier et le roman historique ont quand même droit à leur passage, certes maigre (au chapitre I de la troisième partie), mais qu'il n'y a rien sur la SF. Absolument rien. Et c'est même d'autant plus étrange que dans son prologue, cette fois, récapitulant la crise du roman des années 1900, l'auteur écrit, après avoir parlé des Surréalistes, de Paul Valéry et de Teste, de Marcel Schwob et d'Alain-Fournier :Quelques mots sur certains partis pris nécessaires. Le premier tient au choix des œuvres : j'ai retenu, conformément à la critique scolaire et universitaire, les œuvres des "grands romanciers" – ce qui implique de facto de reléguer l'immense majorité des produits romanesques de consommation courante. Littérature facile, elle ne mérite pas le mépris mais il se trouve que c'est qui sombre le plus vite hors de la mémoire culturelle. Cest une sociologie de la lecture qui doit s'occuper d'elle. L'exceptionnelle vitalité du roman français de notre siècle imposait de faire des tris : certains genres sont ainsi sous-représentés comme la science-fiction, le roman historique ou le roman policier. L'éclairage historique que j'ai choisi privilégie les tendances plutôt que les sous-genres du roman.
Déni = rien.Du côté d'une littérature du divertissement, les frères Rosny trouvent la faveur d'un large public. Le livre le plus célèbre de Rosny aîné reste La guerre du feu(1911) qui réanime, dans une époque préhistorique, le monde fabuleux des cavernes. Il faut aussi mentionner dans une veine plus feuilletonnesque trois grandes créations mythiques : Arsène Lupin de Maurice Leblanc, apparu en 1907, et le perspicace détective Rouletabille de Gaston Leroux qui résoud les énigmes les plus difficiles dans Le mystère de la chambre jaune (1908). Génie du crime, Fantômas est le héros d'une suite d'aventures endiablées écrites par deux journalistes, Marcel Allain et Pierre Souvestre. Entre 1911 et 1913 paraissent ainsi les trente-deux volumes de ses méfaits. Les Surréalistes y verront une réussite de l'imagination moderne et populaire.