Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 3:18 pm

MF a écrit :Je te rappelle juste mon premier post sur cette enfilade, auquel tu n'as pas eu le temps de répondre
ma pomme, le 28 octobre, a écrit :Une question à Lem : à la lecture de la préface, j'ai crû comprendre que tu n'associais pas tant la métaphysique à la SF qu'au déni de son intégration par, ce que pour la beauté du geste j'appellerai, le mainstream. Ce ne serait donc pas alors tant les textes de SF qui relèveraient de la métaphysique, que l'image qu'ils ont en dehors de Votre Club ?
J'ai effectivement raté ce post et c'est dommage car il n'est pas loin de saisir le problème.

J'écarte pour l'instant le membre de phrase : "ce ne sont pas tant les textes de SF qui relèvent de la métaphysique" car cette proposition est en elle-même très compliquée et chaque mot doit en être analysé. Dans la mesure où j'ai moi-même précisé que, la plupart du temps, la SF transforme les problèmes métaphysiques en problèmes physiques, on peut très bien jouer sur les mots pour en déduire qu'"il n'y a donc pas de métaphysique dans la SF" ce qui abolit toute possibilité de débat.

Une fois écarté cette source de difficultés inutiles, il reste une idée : "Ce qui pose problème, c'est l'image de la SF que le mainstream s'en fait du dehors" qui est très proche de ce que j'essaie d'exprimer. Cette idée répond par exemple à l'insistance d'Erion qui ne comprend pas qu'on puisse dénier quelque chose sans le connaître à fond, comme si le déni, le procès en légitimité, s'effectuait toujours en pleine connaissance de cause, comme si la société ne produisait aucun préjugé.

On en reparlera d'ici peu.

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Message par systar » mer. déc. 02, 2009 3:21 pm

Lensman a écrit :
systar a écrit : Et puis, si Dantec ne l'avait pas cité abondamment dans Villa Vortex, personnellement, je ne le connaîtrais pas...
Je pense que c'est aussi uns des raisons pour lesquelles Dantec n'est plus guère perçu comme un auteur de SF, alors qu'il parle de futur, qu'il connait, apprécie et site la SF... L'esprit de la SF n'y est plus.
Oncle Joe
Mince, on dévie encore du coeur du fil...
Je te réponds tout de même:
- le fanboy moyen de Dantec l'aime à la fois pour le côté polar (Sirène Rouge, Racines du Mal, Villa Vortex, Comme le fantôme...), et pour le côté SF (re-Racines du Mal, Babylon Babies, Cosmos Inc, Grande Jonction, Artefact, re-Comme le fantôme...). Il est au croisement de plein de choses, dont la SF.
- mais le seul prix littéraire dont rêverait Dantec, d'après ce qu'il dit, est un prix de SF... (du reste, il n'avait pas eu le Rosny et le GPI, jadis, chez nous?)
- Je ne sais pas si l'esprit de la SF n'y est plus, chez lui. Je crois que ce qui fait écran et freine sa réception comme auteur de SF dans notre milieu notamment, c'est le côté "roman à thèse" qui transparaît nettement, et qui prend la forme "catho de droite, anti-islamiste militant".

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mer. déc. 02, 2009 3:26 pm

Lem a écrit :Dans la mesure où j'ai moi-même précisé que, la plupart du temps, la SF transforme les problèmes métaphysiques en problèmes physiques,
:shock:

T'es gonflé, quand même.
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Message par Lensman » mer. déc. 02, 2009 3:28 pm

systar a écrit : - mais le seul prix littéraire dont rêverait Dantec, d'après ce qu'il dit, est un prix de SF... (du reste, il n'avait pas eu le Rosny et le GPI, jadis, chez nous?)
- Je ne sais pas si l'esprit de la SF n'y est plus, chez lui. Je crois que ce qui fait écran et freine sa réception comme auteur de SF dans notre milieu notamment, c'est le côté "roman à thèse" qui transparaît nettement, et qui prend la forme "catho de droite, anti-islamiste militant".
Oui, il a eu le Rosny, pour un très chouette roman, déjà au croisement de plusieurs genres (SF, polar, thriller, populaire "à l'ancienne"). Mais effectivement , le côté romans "à thèse" (... sur des idées qui passionnent, comme tu l'imagines, les amateurs de SF...) l'a éloigné du genre. Ce qui ne l'a pas empêché de trouver son public et de remplir visiblement une attente... qui n'est pas la mienne.
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 3:30 pm

Et une nouvelle source de confusion, une !
MF a parlé d'ésotérisme comme catégorie du SNE, le nom d'Abellio est cité, Oncle répond que l'ésotérisme n'a pas grand chose à voir avec la SF et préfèrerait parler des pseudosciences… Trois posts et plus personne ne parle de la même chose, c'est terrible.

Posons la question autrement.
Imaginons que sous l'effet d'un nouveau directeur excentrique, la Fnac décide de classer toute la littérature par thème, sans distinguer entre fiction et essai.
Le roman historique se trouve mélangé avec l'histoire.
Le roman policier avec la criminologie.
Le roman érotique avec l'érotisme
La fantasy avec la mythologie.
etc.
Avec quelle autre catégorie se trouverait mélangée la SF, à votre avis ?
Science, comme il semble que ce soit naturel ?
ou…
Esotérisme (au sens du SNE, c'est à dire le rayon où on trouve les ovnis, les Atlantes, la parapsychologie, les conspirations…)
Modifié en dernier par Lem le mer. déc. 02, 2009 4:08 pm, modifié 1 fois.

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Message par gutboy » mer. déc. 02, 2009 3:33 pm

[HS]
systar a écrit : anti-islamiste militant".
C'est totalement HS, mais j'imagine que tu as voulu dire "anti-islam militant"? L'islamisme étant la partie qui considère l'islam comme un projet politique avec le cortège d'us et coutumes en vigueur chez les amateurs de lutte politique armée. Dantec, du peu que j'en ai lu, me fait plus l'effet d'attaquer l'islam "tous azimuths" plutot que seulement l'islamisme.
[/HS]
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Message par Lensman » mer. déc. 02, 2009 3:33 pm

Lem a écrit :Et une nouvelle source de confusion, une !
MF a parlé d'ésotérisme comme catégorie du SNE, le nom d'Abellio est cité, Oncle répond que l'ésotérisme n'a pas grand chose à voir avec la SF et préfèrerait parler des pseudosciences… Trois posts et plus personne ne parle de la même chose, c'est terrible.

Posons la question autrement.
Imaginons que sous l'effet d'un nouveau directeur excentrique, la Fnac décide de classer toute la littérature par thème, sans distinguer entre fiction et essai.
Le roman historique se trouve mélangé avec l'histoire.
Le roman policier avec la criminologie.
Le roman érotique avec l'érotisme
La fantasy avec la mythologie.
etc.
Avec quel autre catégorie se trouverait mélangée la SF, à votre avis.
Science, comme il semble que ce soit naturel ?
ou…
Esotérisme (au sens du SNE, c'est à dire le rayon où on trouve les ovnis, les Atlantes, la parapsychologie, les conspirations…)
Et qu'est-ce qu'on mélangera avec le rayon Religion/spiritualité? Tant qu'on y est, on peut mettre le rayon Religion avec le rayon Science, ça ne me paraît pas si insensé...
Oncle Joe
PS: bon, on va mettre la SF dans le rayon "Philosophie"...

Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 3:38 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Lem a écrit :Dans la mesure où j'ai moi-même précisé que, la plupart du temps, la SF transforme les problèmes métaphysiques en problèmes physiques,
T'es gonflé, quand même.
Ça se confirme : tu ne m'as vraiment pas lu.
Lem, dans la fameuse préface a écrit :Car eux [les lecteurs, les auteurs de SF] n'ont jamais cru à la fin de la métaphysique. Il leur a toujours paru évident que les questions ultimes finiraient par être reposées en termes concrets : par la technique. Et c'est bien ce qui est en train d'arriver. Que l'univers ait commencé et doive finir, que d'autres formes de vie soient possibles ailleurs, que l'homme ait les moyens de s'autodépasser génétiquement ou de créer des mondes artificiels – ces perspectives ne pouvaient pas ne pas réactiver un jour les problèmes classiques de la destination, du propre de l'homme, de l'immortalité et de la nature du réel. La SF a trouvé ces problèmes là où la haute culture les avait laissés : au carrefour désert de la philosophie, de la religion, de la science et de l'art. Elle les a maintenus en vie clandestinement tout au long du XXème siècle derrière l'écran de son panthéon baroque et graduellement réaménagés avant de les transmettre dans les termes où le monde les affronte aujourd'hui : Singularité, aliens, posthumains, cybermonde
Autrement dit : la SF a pris des problèmes métaphysiques décrétés nuls et les a transformés en problèmes physiques (nature du réel => cybermonde ; immortalité => posthumanité, etc.). C'est dans la préface, Roland.

Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 3:47 pm

Lensman a écrit :Et qu'est-ce qu'on mélangera avec le rayon Religion/spiritualité?
Si le directeur excentrique va jusqu'au bout de sa démarche, il mettra (au jugé, sans les connaître dans le détail, en exploitant les indices transmis par le titre, la quatrième de couverture, l'illustration, etc.) certains titres SF avec la science (la hard science), certains avec l'histoire (l'uchronie), l'informatique (le cyberpunk) certains avec la politique (les dystopies), etc.
Combien dans le fond classique iront avec les trucs sur l'Atlantide, les pouvoirs psy et les ovnis ?

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Message par Lensman » mer. déc. 02, 2009 3:55 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Et qu'est-ce qu'on mélangera avec le rayon Religion/spiritualité?
Si le directeur excentrique va jusqu'au bout de sa démarche, il mettra (au jugé, sans les connaître dans le détail, en exploitant les indices transmis par le titre, la quatrième de couverture, l'illustration, etc.) certains titres SF avec la science (la hard science), certains avec l'histoire (l'uchronie), l'informatique (le cyberpunk) certains avec la politique (les dystopies), etc.
Combien dans le fond classique iront avec les trucs sur l'Atlantide, les pouvoirs psy et les ovnis ?
La question est en plus compliquée par le fait que pas mal de bouquins de SF sont tout de même estampillés SF, d'une manière ou d'une autre. Le directeur excentrique doit déjà avoir une idée à lui de ce qu'est la SF (on fonctionne souvent comme ça...). Cela va peser sur sa décision... Il ne va sûrement pas se casser les pieds à regarder titre par titre, il va prendre une décision globale. Si ce directeur apprécie un peu la SF, la probabilité qu'il mette ça avec l'ésotrérisme ou les soucoupes volantes est faible (je ne dis pas absolument nulle...). S'il est vraiment complètement ignorant, il voit marqué "science-fiction", il met ça avec "Sciences" . Après, on peut imaginer des variantes...
Mais là, on dérive encore plus... si c'est possible...
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 4:04 pm

Lensman a écrit :La question est en plus compliquée par le fait que pas mal de bouquins de SF sont tout de même estampillés SF, d'une manière ou d'une autre. Le directeur excentrique doit déjà avoir une idée à lui de ce qu'est la SF (on fonctionne souvent comme ça...). Cela va peser sur sa décision...
Ceci est exactement le problème.
"L'idée à lui" que le directeur a de la SF – comment s'est-elle formée ?
Où est-elle née ? Comment s'est-elle transmise ?

Réponse d'Erion : l'idée s'est formée après une lecture complète et objective du corpus. Les prescripteurs (= "le directeur" métaphorique) a bien compris que c'était une littérature pour ados qui adorent jouer avec des fusées et des robots et a calmement rangé le corpus dans un coin obscur de son magasin parce que "ça ne l'intéresse pas".

Ma réponse : l'idée s'est formée sur une perception partielle, incomplète, non basée sur des lectures mais sur la saisie d'indices externes et de préjugés dans lesquels le discrédit de la métaphysique dans le champ intellectuel au XXème siècle a joué un rôle.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mer. déc. 02, 2009 4:16 pm

Lem a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :
Lem a écrit :Dans la mesure où j'ai moi-même précisé que, la plupart du temps, la SF transforme les problèmes métaphysiques en problèmes physiques,
T'es gonflé, quand même.
Ça se confirme : tu ne m'as vraiment pas lu.
Ce qui m'étonne, c'est que tu aies éprouvé le besoin de créer une enfilade pour répondre à une critique aussi peu documentée et à côté de la plaque que la mienne.
Lem a écrit :Autrement dit : la SF a pris des problèmes métaphysiques décrétés nuls et les a transformés en problèmes physiques (nature du réel => cybermonde ; immortalité => posthumanité, etc.). C'est dans la préface, Roland.
Et ça, c'est dans ma critique et tu l'as contesté :
Même chez les plus « mystiques » des écrivains de science-fiction, la métaphysique est réductible à la physique.
Si tu voulais faire passer cette idée, peut-être eût-il fallu choisir d'autres exemples dans ta préface, et/ou présenter certains de tes exemples d'une manière moins ambiguë. Désolé, mais Lovecraft qui "invoque" les Grands Anciens, la SF et son "panthéon" baroque, Maurice "ad majorem dei gloriam" Dantec sans contre-exemple alors que ta thèse en appelait un, ton choix d'exemples d'une manière générale… Ben tout ça m'amène à écrire ça :
Seulement, Lehman lui-même ne semble pas vraiment convaincu par sa propre thèse. Et lorsqu’il prophétise au conditionnel la mort prochaine de la science-fiction, c’est avec plusieurs paires de gants bien épais, au cas où.
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Message par systar » mer. déc. 02, 2009 4:17 pm

Lem a écrit : préjugés dans lesquels le discrédit de la métaphysique dans le champ intellectuel au XXème siècle a joué un rôle.
Ce discrédit, à partir de quand te semble-t-il patent?
(on n'est pas à l'année près, hein, mais à peu près)

(en fonction de cela, je donnerai quelques infos à peu près pertinentes sur la place de la métaphysique non pas dans le champ intellectuel en général, mais dans le champ de la philosophie universitaire et professionnelle, si je peux, parce qu'il y a beaucoup de choses à dire, qui vont compliquer la discussion, mais aller dans ton sens au final, je pense)

(mais il est vrai que pour l'instant, nous attendons de savoir comment et pourquoi Dieu est passé de la "métaphysique" au vocable plus vaste de "philosophie". Il y a peut-être une raison précise?)

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Message par MF » mer. déc. 02, 2009 4:18 pm

Lensman a écrit :La question est en plus compliquée par le fait que pas mal de bouquins de SF sont tout de même estampillés SF, d'une manière ou d'une autre. Le directeur excentrique doit déjà avoir une idée à lui de ce qu'est la SF (on fonctionne souvent comme ça...). Cela va peser sur sa décision... Il ne va sûrement pas se casser les pieds à regarder titre par titre, il va prendre une décision globale. Si ce directeur apprécie un peu la SF, la probabilité qu'il mette ça avec l'ésotrérisme ou les soucoupes volantes est faible (je ne dis pas absolument nulle...). S'il est vraiment complètement ignorant, il voit marqué "science-fiction", il met ça avec "Sciences" . Après, on peut imaginer des variantes...
Joe, t'a pas compris les règles du jeu. Les seuls choix possibles sont ceux de la classification proposée. Hors celle-ci, point de salut.
Tu as donc le choix entre : Livres scolaires ; Parascolaires/Pédagogie, formation des enseignants ; Sciences et techniques, médecine, gestion ; Sciences humaines et sociales (dont Droit) ; Religion ; Ésotérisme ; Dictionnaires et encyclopédies ; Romans ; Théâtre, poésie ; Documents, actualité, essais ; Jeunesse ; Albums de bandes dessinées ; Mangas, comics ; Beaux arts ;Loisirs, vie pratique, tourisme, régionalisme ; Cartes géographiques, atlas ; Ouvrages de documentation

Tu vas donc, si je te suis et si tu ne la mets pas dans "Esotérisme", mettre la SF dans "Science et techniques, médecine, gestion". Et pas dans "Roman" comme, si je suis bien Lem, il souhaiterai qu'elle se trouve.
Mais là, on dérive encore plus... si c'est possible...
Je ne crois pas. Je crois qu'on est même au cœur de ce qui te tiens...à cœur : l'étiquette.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 4:48 pm

Roland C. Wagner a écrit :Ce qui m'étonne, c'est que tu aies éprouvé le besoin de créer une enfilade pour répondre à une critique aussi peu documentée et à côté de la plaque que la mienne.
Tu es un auteur et un critique respecté du domaine. J'ai pensé que ton papier, presque intégralement consacré à ma soi-disant tentation hétéroclite, allait tellement déformer la réception de la préface et empêcher d'évaluer correctement l'hypothèse qui y est formulée que j'ai jugé bon de clarifier les choses. Les soixante première pages de ce fil prouvent que j'ai eu raison. Si j'avais laissé les choses en l'état, il y aurait dans l'air l'idée wagnérienne (volontaire ou juste pour rire, peu importe) que "ouais, c'est bon, Lehman croit aux ovnis, pas la peine de prendre ce qu'il écrit au sérieux c'est n'importe quoi".
Roland a écrit :
Lem a écrit :Autrement dit : la SF a pris des problèmes métaphysiques décrétés nuls et les a transformés en problèmes physiques (nature du réel => cybermonde ; immortalité => posthumanité, etc.). C'est dans la préface, Roland.
Et ça, c'est dans ma critique et tu l'as contesté :
Même chez les plus « mystiques » des écrivains de science-fiction, la métaphysique est réductible à la physique.
J'ai contesté cette phrase parce qu'elle est fausse. Je ne sais pas si C.S. Lewis, Dick et Dantec sont les plus mystiques de tous les écrivains de SF mais chez eux, il y a de la métaphysique pure, non-réifiée. "J'appelle cette entité Christ. Autrefois, je l'ai appelée Ubik" (Dick). Voir la trilogie chrétienne de Lewis (Cette hideuse puissance & co). Quant à Dantec, inutile d'y revenir n'est-ce pas ?. La phrase est fausse, toute la métaphysique dans la SF n'est pas réductible à la physique. Cela ne change rien au fait que dans la plupart des cas, la SF réifie les problèmes métaphysiques en situations physiques. Et c'est en toute lettres dans la préface.
Si tu voulais faire passer cette idée, peut-être eût-il fallu choisir d'autres exemples dans ta préface, et/ou présenter certains de tes exemples d'une manière moins ambiguë. Désolé, mais Lovecraft qui "invoque" les Grands Anciens, la SF et son "panthéon" baroque, Maurice "ad majorem dei gloriam" Dantec sans contre-exemple alors que ta thèse en appelait un, ton choix d'exemples d'une manière générale…
Je soutiens une hypothèse. Je choisis des exemples qui vont dans ce sens, rien de plus normal. Ce n'est pas parce que tu as consacré la moitié de ton papier à Lovecraft qu'il a dans ma préface la même importance. Le texte complet du passage est ci-dessous. Pourquoi n'as-tu pas parlé des autres noms cités et évalué la valeur de l'argument ?
Eternel retour de la préface où Lem a écrit :« A bien y regarder, c’était là une rencontre inévitable. La science-fiction n’a jamais hésité à s’emparer des concepts de la métaphysique : ses bornes ordinaires qu’elle transgresse joyeusement sont celles du cosmos, et le début et la fin des temps ; son ressort dramatique est toujours plus ou moins la théorie, et son ambition première l’explication finale. La SF confine volontiers au délire d’interprétation, et n’était son caractère affirmé de fiction, elle y sombrerait tout à fait. Or, quel domaine offre plus que la théologie un champ vaste et définitif à l’interrogation, à la spéculation et à l’interprétation ? (…) Il peut être fait une place dans bien des romans classiques à la religion, au mysticisme ou même (rarement) à la métaphysique. Mais le personnage de Dieu, ou d’un dieu, n’y apparaît jamais. » (Gérard Klein)
Cette observation fera sans doute sourire beaucoup de lecteurs. Le personnage de Dieu ? D’un dieu ? La théologie ? Que viennent faire ces objets dans un texte sur l’état de la science-fiction en France ? Mais il suffit de se reporter aux sources pour saisir la portée de cette remarque. Ici même, bien avant la rupture de 1914, les premiers classiques ont pour titres L’Eve future, Le cataclysme, La fin du monde, L’horloge des siècles, L’éternel Adam. Le roman qui lance Maurice Renard sur la scène littéraire en 1908 s’intitule Le docteur Lerne, sous-dieu. De l’autre côté de la Manche, le très rationnel H. G. Wells écrit (sans même mentionner les « Elois » de Time machine) L’homme qui pouvait accomplir des miracles, Un rêve d’Armageddon, M. Barnstaple chez les hommes-dieux. Vingt ans plus tard, son successeur Olaf Stapledon publie Créateurs d’étoiles et Les premiers et les derniers tandis qu’aux Etats-Unis, H.-P. Lovecraft achève une carrière littéraire presque entièrement dévolue à l’invocation des Grands Anciens dans le Mythe de Cthulhu.
Cette inscription métaphysique et religieuse traverse le siècle. Elle n’est pas systématique mais on la retrouve dans beaucoup d’œuvres de science-fiction importantes : le cycle du Non-A, celui de Dune, la Trilogie chronolytique, les Cantos d’Hypérion. Elle donne leur profondeur à des titres aussi divers que Demain les chiens et Solaris. Elle est le sujet même – le seul sujet – de Philip K. Dick. Si on écarte un instant la littérature pour scruter les objets connus du très grand public, elle devient aveuglante : King Kong, Superman, le monolithe noir de 2001, la Matrice, sont les figures d’un mythocosme peuplé de surhommes et de dieux. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pas d’une déviation américaine. L’œil du purgatoire (Spitz), La mort vivante (Wul), Les yeux géants (Jeury), Portrait du diable en chapeau melon (Brussolo) trahissent la même emprise en France, comme le prouvent aujourd’hui Pierre Bordage et Maurice G. Dantec.
Explorer en détail un tel sujet m’entraînerait hors des limites de cette préface. Je devrais au minimum poser le problème des fausses sciences et des phénomènes para-religieux dans lesquels la SF joue un rôle. J’aborderais une question d’esthétique, l’opposition du Beau et du Sublime, qui me ramènerait au XVIIème siècle, me pousserait à parler de philosophie et finalement à considérer mon objet moins comme une sensibilité née avec la révolution industrielle que comme un fait cognitif de grande envergure, remontant à l’antiquité et relevant pour partie du sacré. Pour ne pas sombrer à mon tour dans le délire d’interprétation, je serais contraint de renoncer à la critique et d’écrire de la science-fiction sur la science-fiction.
Ces subtilités n’ayant pas leur place ici, je me contente de formuler une hypothèse sur le déni, et les raisons pour lesquelles il s’achève…
Il y avait de quoi faire. Que tu aies choisi de placer Ad Majorem en tête de ton papier comme exemple et substance de mon point de vue, comme de lire "invoquer les Grands Anciens" au premier degré est plutôt… ton problème que le mien.

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