MF a écrit :Ton hypothèse étant posée, il me semble assez vain de continuer à recueillir des informations sur les origines de cette intuition ou sur ce qui peut permettre de la transformer en hypothèse étayée. Il me semblerait bien préférable de commencer à examiner sa robustesse. Mais je finis par me demander si c'est bien l'objet.
Pourquoi en douter ? Quel serait l'intérêt ?
Dans la récapitulation de ce que j'ai postée ces trois derniers jours, il y a plusieurs lignes de recherche possibles. La principale est celle-ci : aux tout débuts du XXème siècle, "l'espace" est au moins autant perçu par le public, sous l'effet de Flammarion essentiellement, comme un sujet physique autant que métaphysique. Renard souligne cette caractéristique. Il y a un film tourné sous l'occupation d'André Swoboda (
Croisière sidérale) au cours duquel les planètes du système solaire sont représentées autant comme mondes physiques que comme mondes symboliques (Vénus, planète de l'amour, Mars, planète de la guerre,etc.) L'essai de 1960 sur
Les terres du ciel prend soin, dans son avant-propos, e préciser que l'ère Flammarion est terminée, que l'espace et la vie extraterrestres ne sont plus des sujets métaphysiques mais des sujets pleinement scientifiques. Si cette précaution oratoire est posée, c'est sans doute parce que l'auteur du texte estime le public français perçoit le thème de manière encore trop "flammarionnienne". Et encore aujourd'hui, on trouve dans la réception générale de la conquête spatiale par le grand public des procès en inutilité, perte de temps, éloignement des problèmes concrets, etc.
Question : de l'intérieur de la sf, il nous a toujours paru évident que "l'espace" était l'espace de l'astronomie, l'espace physique. Y compris dans les space operas les plus échevelés. Mais du dehors, comment le sujet a-t-il été perçu ? Dans une société où les représentations de la fin du XIXème siècle sont, apparemment, restées longtemps prégnantes, et ne se sont mises à jour qu'avec lenteur, voire retard, comment ont pu être perçus des livres comme
La curée des astres ou
Les rois des étoiles – et par la suite, tous les récits spatiaux par principe ? Le déni sur le mode "pas sérieux" peut-il s'expliquer par une réception biaisée, non des textes, mais du thème lui-même (et nul ne nie que l'espace est structurant pour la sf) ?
C'est un sujet d'enquête et une possibilité de mise à l'épreuve. Elément à verser au dossier : le soin jaloux avec lequel à la même époque Hergé a rappelé que
Objectif lune + On a marché sur la Lune n'était pas de la science-fiction ; que c'était scientifique, documenté, plausible. Que toutes les trajectoires avaient été calculées, le décor lunaire reconstitué aussi près que possible des données scientifiques. Cette mise à distance vis à vis de la SF ne désigne-t-elle pas
à contrario celle-ci comme la littérature du pas sérieux, du n'importe quoi, où l'espace n'est pas celui de l'astronomie mais autre chose, un vaste fourre-tout où on trouve des royaumes, des monstres, etc… ?