Du sense of wonder à la SF métaphysique
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pour les mundanes métaphysiciens.jlavadou a écrit :Bah de toute façon, cet article, il est pour les mundanes, non ? Je croyais qu'on ne devait pas se préoccuper d'eux ?
Bruno - http://systar.hautetfort.com
Exact! Mais, je le répète : "Je ne dis pas que ce n'est pas injuste, je dis que ça soulage!" et "J'ai tort!". Et les fans de SF sont de vrais gosses, n'oublie pas!jlavadou a écrit :Bah de toute façon, cet article, il est pour les mundanes, non ? Je croyais qu'on ne devait pas se préoccuper d'eux ?
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le ven. déc. 11, 2009 3:44 pm, modifié 1 fois.
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Ad majorem Danteci gloriam.Lem a écrit :Pour les métamundanes.
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pur: de pyros, le feu.Lem a écrit :Jamais l'humour de Notre Club n'a été aussi pur, aussi spécifique. C'est très beau.
Encore un thème d'hétéroclite, ça. (alchimie et compagnie, hein, ne fais pas l'innocent!)
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- Roland C. Wagner
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Et ça, c'est métaphysique ?

Eh oui, la censure des modérateurs frappe à toute heure et interdit tout débat lorsqu'on n'abonde pas dans le sens qui leur plaît.
C'est dommage, il était sympa, ce forum.

Eh oui, la censure des modérateurs frappe à toute heure et interdit tout débat lorsqu'on n'abonde pas dans le sens qui leur plaît.
C'est dommage, il était sympa, ce forum.
Modifié en dernier par Roland C. Wagner le sam. janv. 23, 2010 1:03 am, modifié 1 fois.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)
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Pour ma part, j'ai tout de même essayé de comprendre quels éléments pouvaient pousser à faire ce choix méthodologique problématique qui ne me serait pas venu à l'idée. L'impossibilité pour moi de clarifier ce que l'on entendait par métaphysique et surtout la confusion permanente qui fait que l'on n'arrive pas à savoir si c'est un outil constitué (accepté par qui et pourquoi, parmi les intervenants) ou un sujet d'étude a rendu (pour moi encore) au bout d'un moment le débat sans objet quand à la question précisément posée au départ, hors, fort heureusement, les nombreuses digressions parfois passionnantes qui en ont découlé.systar a écrit :[
En tout cas, le point important est là: est-ce que la métaphysique n'est qu'une discipline qui reflète son temps, son époque, ou est-ce que, de façon sous-jacente, elle influence aussi les événements historiques, les époques, les mentalités...?
Ce fut un des points d'incertitude et d'inconfort dans notre discussion, je pense.
Pour trancher, il faut prendre une décision de méthode.
Soit on fait jouer la pensée métaphysique comme explication valable, entre autres, de faits culturels (comme la SF et son déni français chez les élites), soit on ne le fait pas.
La décision de méthode ne s'argumente pas à l'infini, elle s'évalue à ses effets, c'est-à-dire en fonction de la pertinence des textes d'histoire du genre qu'elle permet d'écrire.
C'était la nouveauté de la préface de Serge: ajouter une décision méthodologique supplémentaire possible (et à vérifier) à celles dont on disposait déjà (sociologique, politique, économique, etc.).
Oncle Joe
Bon. Récapitulation pénultième (car il manque la fin du feuilleton de Gérard et je ne suis que scient). Mais cette fois, je ne pars pas de l'hypothèse M mais du cadre général dans lequel elle s'intègre à mes yeux – les fameux "buts" sur lesquels on m'a régulièrement interrogé et dont j'ai livré des bribes ici et là. Comme d'habitude, c'est schématique, transdisciplinaire, partiel et joyeux – peut-être par réaction à la photo postée ci-avant.
Intuition 1, fondée sur une multitude d'indices disparates en science, en littérature, en philosophie, etc. que tout le monde ici connaît et que je ne réexpose pas : la culture française en général, et la littérature en particulier, sont prêtes à s'approprier la SF comme elles l'ont fait avec le roman historique, le roman policier, la bande dessinée… L'ambiguité, c'est qu'elles ne le savent pas encore, qu'elles n'en ont pas encore parfaitement conscience. Le terme SF a cessé d'être employé comme un synonyme systématique de "ridicule" ; la voie est libre. Mais la grande représentation conciliatrice n'est pas encore disponible, on est encore dans le domaine de l'empirique, de l'impensé.
conséquence 1 : si on ne met pas en place, de l'intérieur, une représentation globale et cohérente (un mythe, quoi), cette appropriation se fera dans des termes que nous n'aurons pas choisis et sur lesquels nous n'aurons aucune prise – des termes qui risquent d'éliminer de l'équation finale des choses qui nous semblent indispensables au bon fonctionnement du genre ou à l'intégrité de son histoire. Le roman policier français, par exemple, a peut-être été blessé à mort par la façon dont l'université l'a ajusté à ses propres critères de légitimité dans les années 80-90 ("nouvelle littérature prolétarienne"). Personne n'aimerait qu'une telle chose arrive ; il nous revient donc de dire ce que nous sommes avant qu'on nous l'apprenne.
Intuition 2, fondée sur l'expérience personnelle : pour nommer et étudier les choses qui l'intéressent, l'institution – au sens le plus large – commence par les tuer ("si on ne les voit pas, comment voulez-vous qu'on leur tire dessus ?" – J. Brunner). Il faut donc introduire dans l'équation un élément in-tuable, non-objectivable, un facteur qu'on ne puisse jamais complètement cerner ni paralyser. Si la SF se laisse définir sous la forme d'un rapport univoque à la science, alors toute la SF non-strictement-scientifique sera disqualifiée et le prix à payer sera énorme (adieu Jack Vance, Philippe Curval, Philip K. Dick, Harlan Ellison… adieu) . Si elle se laisse définir par le même type de rapport au futur, alors toute la SF non-futuriste, etc… (adieu H.-P. Lovecraft, C. Simak, J. Spitz, R. A. Lafferty…) Même chose pour la relation au label : qui aurait envie d'une SF dont seraient exclus Thévenin, Huxley, Kapek, Borgès, Stapledon, Orwell, Merle, l'actuel Aldiss, l'actuel Gibson, l'actuel Bordage & alii ? Et encore même chose pour la chronologie et la nationalité : dans quel état nous retrouverions-nous si nous acceptions que tout ce qui n'est pas américain et/ou postérieur à 1926 nous soit ôté (adieu Rosny, Wells, Renard, Conan Doyle, Burroughs… adieu Stanislas Lem, Wolfgang Jeschke, les frères Strougatski…). Nous n'avons aucun intérêt à nous laisser décrire en termes d'objets ou de listes d'objets – d'autant que nous ne sommes en général pas d'accord entre nous pour dire ce qui, dans ces listes, revient à la sf et ce qui lui échappe. Par contre, tout le monde convient à peu près que la sf "se reconnaît", qu'elle déclenche une "émotion spécifique", qu'elle est "un état d'esprit" etc.
Conséquence 2 : le plus petit dénominateur commun, ce qui fait qu'un texte appartient à la science-fiction, c'est donc un certain émerveillement, le sense of wonder qu'on éprouve quand on le lit. Cette définition "en acte" a l'avantage de ne pas prescrire par avance qui est dans la liste et qui n'y est pas et d'obliger le critique à entrer dans le genre et à l'éprouver plutôt que de le désigner froidement du dehors, à connaître un peu son histoire et son évolution, à accepter que certains de ses classiques soient des textes qui n'ont qu'un très très lointain rapport avec ce qu'on considère ordinairement comme "de la littérature" – parce que dans leurs pages, l'émerveillement s'est raffiné, a gagné un degré d'intensité inédit qui s'est avéré par la suite décisif dans l'évolution du genre (AEVV par exemple).
Cette conclusion a un autre avantage, très précieux à mon sens : dans la mesure où a) Renard a insisté dès son papier fondateur sur l'émerveillement (l'action du merveilleux-scientifique sur le psychisme du lecteur, sur ce qu'il appelle "l'intelligence du progrès" et qui signifie en fait "la capacité spéculative") et b) les premiers fans des années 20 ont défini eux-même le sense of wonder comme leur lieu identitaire, imposer cette norme subjective comme la norme centrale de la sf, c'est imposer toute la sf en même temps, exactement telle qu'elle s'est constituée avec son histoire, son système de valeurs, sa longue querelle avec la littérature blanche, etc. C'est imposer tout ce que nous sommes au lieu de laisser un autre système de valeurs trier et renommer ce qui lui convient.
Intuition 3, là encore fondée sur l'expérience personnelle : la culture française étant ce qu'elle est, elle ne saura que faire de cette norme subjective, insubstantielle par essence, si on ne lui adjoint pas un référent plus solide susceptible de l'incarner. Une "émotion", un "émerveillement", c'est aussi joli que c'est flou. Et dans le domaine littéraire en particulier, si ça ne débouche pas sur un mouvement ou une formation un peu substantielle, ça ne constitue pas un lieu digne de ce nom. Or – regardez comme ça tombe bien – il y a un autre plus petit dénominateur commun spontanément cité par tous ceux qui se sont prononcés ici sur la nature de la sf : c'est qu'elle a été, et qu'elle est encore, un vécu collectif. Qu'elle a produit "une subculture" comme dit Gérard Klein. Ce trait a souvent été présenté comme l'essence même de l'inassimilable. Mais il existe, il a existé toutes sortes de subcultures, en France, qui n'ont eu nul besoin de se renier ou de se dissoudre pour gagner leur droit à l'existence ; les Surréalistes par exemple. L'erreur, à mon sens, est de chercher à importer le mot américain, "le fandom" qui a lui quelque chose, effectivement, d'impossible à métaboliser ici.
D'où l'idée de Notre Club. Ces deux mots ont suscité de telles réactions épidermiques – de la part même de ceux qui ne cessent de répéter : "Nous ne sommes pas comme Eux !" que nul n'a songé à signaler qu'ils sont justifiés dès le début de la préface, dans ce paragraphe qui conclut le signalement des cent ans du papier de Renard :
Conséquence 3 : l'avantage de Notre Club, c'est qu'il est par essence multidisciplinaire. On y trouve dès l'origine des graphistes (Robida, Lanos, Pellos, Forest, la liste est inouie), des scientifiques (Flammarion, Esnault-Pelterie, le théoricien français de la conquête spatiale pour qui Rosny inventa le terme "astronautique"), des inventeurs (Cros), des philosophes qui passent en voisin (Caillois, qui fut le découvreur de Borgès), des fous (Jarry), des cinéastes (Gance, Kast, Caro), des jeunes gens enthousiastes qui deviendront éditeurs (Bergier, Gallet), des idoles (Vian), des mathématiciens joueurs d'échecs (Le Lyonnais), des encyclopédistes déments (la longue tradition qui va de Queneau et Versins à Oncle), des intersctions avec d'autres Clubs tout aussi bizarres (le Collège de Pataphysique (qui a failli élire Philip K. Dick un de ses membres), les Surréalistes à nouveau (Breton proposa à Ruellan d'en faire partie), l'Oulipo, le Club des Savanturiers, le Club des Amateurs de Bande Dessinée…) Personne n'est tenu d'être de Notre Club. Personne n'est tenu de ne pas y être. Y est celui qui dit "Notre Club" – le temps où il le dit. C'est un objet flou, une société secrète à la Chesterton, une métaphore en cours de réification, une histoire de science-fiction en somme – ce qui correspond à l'idée que je me fais de la théorie comme acte. Il y a même dedans la petite dimension "intrinsèquement ridicule" chère à certains ici. Bref, c'est un jeu littéraire et à ce titre, il s'inscrit totalement dans la contre-culture française (c'est à dire dans la culture) sans se renier en rien.
Intuition 4 : ne reste qu'une chose à élucider dans ce dispositif : comment un Club aussi extraordinaire, constitué autour d'une émotion esthétique et cognitive théorisée dès 1909, a-t-il pu être à ce point invisible pendant tout le XXème siècle ?
Et là, nous retombons sur nos pieds.
Intuition 1, fondée sur une multitude d'indices disparates en science, en littérature, en philosophie, etc. que tout le monde ici connaît et que je ne réexpose pas : la culture française en général, et la littérature en particulier, sont prêtes à s'approprier la SF comme elles l'ont fait avec le roman historique, le roman policier, la bande dessinée… L'ambiguité, c'est qu'elles ne le savent pas encore, qu'elles n'en ont pas encore parfaitement conscience. Le terme SF a cessé d'être employé comme un synonyme systématique de "ridicule" ; la voie est libre. Mais la grande représentation conciliatrice n'est pas encore disponible, on est encore dans le domaine de l'empirique, de l'impensé.
conséquence 1 : si on ne met pas en place, de l'intérieur, une représentation globale et cohérente (un mythe, quoi), cette appropriation se fera dans des termes que nous n'aurons pas choisis et sur lesquels nous n'aurons aucune prise – des termes qui risquent d'éliminer de l'équation finale des choses qui nous semblent indispensables au bon fonctionnement du genre ou à l'intégrité de son histoire. Le roman policier français, par exemple, a peut-être été blessé à mort par la façon dont l'université l'a ajusté à ses propres critères de légitimité dans les années 80-90 ("nouvelle littérature prolétarienne"). Personne n'aimerait qu'une telle chose arrive ; il nous revient donc de dire ce que nous sommes avant qu'on nous l'apprenne.
Intuition 2, fondée sur l'expérience personnelle : pour nommer et étudier les choses qui l'intéressent, l'institution – au sens le plus large – commence par les tuer ("si on ne les voit pas, comment voulez-vous qu'on leur tire dessus ?" – J. Brunner). Il faut donc introduire dans l'équation un élément in-tuable, non-objectivable, un facteur qu'on ne puisse jamais complètement cerner ni paralyser. Si la SF se laisse définir sous la forme d'un rapport univoque à la science, alors toute la SF non-strictement-scientifique sera disqualifiée et le prix à payer sera énorme (adieu Jack Vance, Philippe Curval, Philip K. Dick, Harlan Ellison… adieu) . Si elle se laisse définir par le même type de rapport au futur, alors toute la SF non-futuriste, etc… (adieu H.-P. Lovecraft, C. Simak, J. Spitz, R. A. Lafferty…) Même chose pour la relation au label : qui aurait envie d'une SF dont seraient exclus Thévenin, Huxley, Kapek, Borgès, Stapledon, Orwell, Merle, l'actuel Aldiss, l'actuel Gibson, l'actuel Bordage & alii ? Et encore même chose pour la chronologie et la nationalité : dans quel état nous retrouverions-nous si nous acceptions que tout ce qui n'est pas américain et/ou postérieur à 1926 nous soit ôté (adieu Rosny, Wells, Renard, Conan Doyle, Burroughs… adieu Stanislas Lem, Wolfgang Jeschke, les frères Strougatski…). Nous n'avons aucun intérêt à nous laisser décrire en termes d'objets ou de listes d'objets – d'autant que nous ne sommes en général pas d'accord entre nous pour dire ce qui, dans ces listes, revient à la sf et ce qui lui échappe. Par contre, tout le monde convient à peu près que la sf "se reconnaît", qu'elle déclenche une "émotion spécifique", qu'elle est "un état d'esprit" etc.
Conséquence 2 : le plus petit dénominateur commun, ce qui fait qu'un texte appartient à la science-fiction, c'est donc un certain émerveillement, le sense of wonder qu'on éprouve quand on le lit. Cette définition "en acte" a l'avantage de ne pas prescrire par avance qui est dans la liste et qui n'y est pas et d'obliger le critique à entrer dans le genre et à l'éprouver plutôt que de le désigner froidement du dehors, à connaître un peu son histoire et son évolution, à accepter que certains de ses classiques soient des textes qui n'ont qu'un très très lointain rapport avec ce qu'on considère ordinairement comme "de la littérature" – parce que dans leurs pages, l'émerveillement s'est raffiné, a gagné un degré d'intensité inédit qui s'est avéré par la suite décisif dans l'évolution du genre (AEVV par exemple).
Cette conclusion a un autre avantage, très précieux à mon sens : dans la mesure où a) Renard a insisté dès son papier fondateur sur l'émerveillement (l'action du merveilleux-scientifique sur le psychisme du lecteur, sur ce qu'il appelle "l'intelligence du progrès" et qui signifie en fait "la capacité spéculative") et b) les premiers fans des années 20 ont défini eux-même le sense of wonder comme leur lieu identitaire, imposer cette norme subjective comme la norme centrale de la sf, c'est imposer toute la sf en même temps, exactement telle qu'elle s'est constituée avec son histoire, son système de valeurs, sa longue querelle avec la littérature blanche, etc. C'est imposer tout ce que nous sommes au lieu de laisser un autre système de valeurs trier et renommer ce qui lui convient.
Intuition 3, là encore fondée sur l'expérience personnelle : la culture française étant ce qu'elle est, elle ne saura que faire de cette norme subjective, insubstantielle par essence, si on ne lui adjoint pas un référent plus solide susceptible de l'incarner. Une "émotion", un "émerveillement", c'est aussi joli que c'est flou. Et dans le domaine littéraire en particulier, si ça ne débouche pas sur un mouvement ou une formation un peu substantielle, ça ne constitue pas un lieu digne de ce nom. Or – regardez comme ça tombe bien – il y a un autre plus petit dénominateur commun spontanément cité par tous ceux qui se sont prononcés ici sur la nature de la sf : c'est qu'elle a été, et qu'elle est encore, un vécu collectif. Qu'elle a produit "une subculture" comme dit Gérard Klein. Ce trait a souvent été présenté comme l'essence même de l'inassimilable. Mais il existe, il a existé toutes sortes de subcultures, en France, qui n'ont eu nul besoin de se renier ou de se dissoudre pour gagner leur droit à l'existence ; les Surréalistes par exemple. L'erreur, à mon sens, est de chercher à importer le mot américain, "le fandom" qui a lui quelque chose, effectivement, d'impossible à métaboliser ici.
D'où l'idée de Notre Club. Ces deux mots ont suscité de telles réactions épidermiques – de la part même de ceux qui ne cessent de répéter : "Nous ne sommes pas comme Eux !" que nul n'a songé à signaler qu'ils sont justifiés dès le début de la préface, dans ce paragraphe qui conclut le signalement des cent ans du papier de Renard :
J'ai écrit beaucoup plus haut sur le fil que la préface était une quasi-uchronie. Le mot important, ici, c'est "quasi" : pour créer rétrospectivement l'histoire de Notre Club, il n'y a besoin de rien ajouter, de rien modifier : il suffit simplement de s'appuyer sur tout le connu (la collection des Voyages Imaginaires de Garnier avant la Révolution française, les premiers proto-classiques du XIXème siècle, Grainville, Balzac, Nodier, De Fontenay, la traduction de Poe par Beaudelaire, Verne, tout le cercle étrange Cros-Villiers-Flammarion avec des satellites comme Maupassant, Rosny, l'arrivée de Wells et l'impact sur Jarry (qui invente la pataphysique) et Renard (qui théorise le merveilleux-scientifique), la longue chaîne d'auteurs qui mène à Messac à la création des Hypermondes, matrice de la critique à la "Fiction" après guerre avec en arrière-plan Queneau, Daumal et les Surréalistes dissidents… et puis l'arrivée de la SF américaine, non pas comme un corps étranger mais comme une mutation prodigieuse du vieux roman scientifique, prodigieuse et pourtant familière – Gernsback avait proposé à Messac de diriger un pulp en 1930 et celui-ci a nommé son fils Ralph en hommage à Ralph 124C41+, je vous jure que je n'invente rien !)… Cette histoire est la nôtre, mais racontée en fonction de nos intérêts propres au lieu de ceux du Grand Larousse Encyclopédique. Elle est déjà pratiquement là ; il suffit de l'écrire.Qu'un pays comme le nôtre, aussi amoureux de son histoire et de ses gestes fondateurs, ignore encore son rôle dans l'une des rares créations originales du XXème siècle est un paradoxe dont je dis un mot plus loin. En attendant, la science-fiction française fête ses cent ans d'existence consciente ce qui en fait peut-être le plus ancien club littéraire en activité. Et cet anniversaire plaide pour une préface en forme d'état des lieux.
Conséquence 3 : l'avantage de Notre Club, c'est qu'il est par essence multidisciplinaire. On y trouve dès l'origine des graphistes (Robida, Lanos, Pellos, Forest, la liste est inouie), des scientifiques (Flammarion, Esnault-Pelterie, le théoricien français de la conquête spatiale pour qui Rosny inventa le terme "astronautique"), des inventeurs (Cros), des philosophes qui passent en voisin (Caillois, qui fut le découvreur de Borgès), des fous (Jarry), des cinéastes (Gance, Kast, Caro), des jeunes gens enthousiastes qui deviendront éditeurs (Bergier, Gallet), des idoles (Vian), des mathématiciens joueurs d'échecs (Le Lyonnais), des encyclopédistes déments (la longue tradition qui va de Queneau et Versins à Oncle), des intersctions avec d'autres Clubs tout aussi bizarres (le Collège de Pataphysique (qui a failli élire Philip K. Dick un de ses membres), les Surréalistes à nouveau (Breton proposa à Ruellan d'en faire partie), l'Oulipo, le Club des Savanturiers, le Club des Amateurs de Bande Dessinée…) Personne n'est tenu d'être de Notre Club. Personne n'est tenu de ne pas y être. Y est celui qui dit "Notre Club" – le temps où il le dit. C'est un objet flou, une société secrète à la Chesterton, une métaphore en cours de réification, une histoire de science-fiction en somme – ce qui correspond à l'idée que je me fais de la théorie comme acte. Il y a même dedans la petite dimension "intrinsèquement ridicule" chère à certains ici. Bref, c'est un jeu littéraire et à ce titre, il s'inscrit totalement dans la contre-culture française (c'est à dire dans la culture) sans se renier en rien.
Intuition 4 : ne reste qu'une chose à élucider dans ce dispositif : comment un Club aussi extraordinaire, constitué autour d'une émotion esthétique et cognitive théorisée dès 1909, a-t-il pu être à ce point invisible pendant tout le XXème siècle ?
Et là, nous retombons sur nos pieds.
- Roland C. Wagner
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Je ne réponds qu'à un point de ta montagne de bullshit, pour rectifier une erreur factuelle bien dans ta manière.
Pour moi, cette discussion est close.
Non.Lem a écrit :le plus petit dénominateur commun, ce qui fait qu'un texte appartient à la science-fiction, c'est donc un certain émerveillement, le sense of wonder qu'on éprouve quand on le lit.
Pour moi, cette discussion est close.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)
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