Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Erion
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Message par Erion » dim. déc. 20, 2009 3:11 am

Lem a écrit :Pour être tout à fait clair sur ce sujet. Placer le sense of wonder au cœur de la SF, en faire un principe de défintion, ça permet au moins de dire : La guerre des mondes est de la SF. Par contre, La soupe aux choux n'en est pas. Comment je le sais ? Parce que je l'éprouve, parce que je le ressens. Parce que l'émerveillement est ici, mais pas là.
Toi, il te faut vraiment beaucoup pour t'émerveiller. Quand j'ai vu "la soupe aux choux" gamin, pour moi, c'était une histoire d'extra-terrestre, et de la SF (en plus, ça parle de faire revivre les morts. Si c'est pas métaphysique, ça...).
J'ai l'impression que ton "sense of wonder" est là comme critère non de définition, mais de qualité.
Ben, méthodologiquement, ça tient pas la route.

Mon cours débute toujours par demander à mes étudiants de me citer des oeuvres de SF, et on travaille ensemble à déterminer si ce qu'ils disent est de la SF ou pas (par exemple, le Seigneur des Anneaux, est-ce de la SF ? et Star Wars ?). Un jour, ils m'ont demandé si "les Visiteurs" était de la SF, vu qu'il y a voyage dans le temps. Ben, la réponse pour dire que c'est ou que ce n'est pas de la SF, elle n'est pas SI évidente que ça (après tout on a un "device" alchimique - et y'a un problème d'ingrédient - pour passer d'une époque à l'autre qui n'est pas moins scientifique que la plupart des machines à voyager dans le temps "existantes").

Si on commence à vouloir épurer le genre avant de le définir, je doute de la portée de l'ensemble. Sans compter que dans "Retour sur l'Horizon", y'a des textes où je n'ai pas eu de "sense of wonder" (s.o.w) et pourtant ce sont des textes de SF. Et ça ne m'a pas dérangé à la lecture (pour être plus précis, c'est pas vraiment la présence ou l'absence de s.o.w qui a pu me déranger à la lecture).
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Atv'
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Message par Atv' » dim. déc. 20, 2009 3:20 am

En tout cas, je viens de vérifier dans ma bibliothèque, La soupe aux choux est édité chez Folio, pas Folio SF.

C'est d'ailleurs un bouquin qu'il m'arrive de recommander, ce qui généralement provoque incompréhension et hilarité chez mon interlocuteur. N'empêche. C'est fun et bien écrit. Et je serais bien en peine de dire si c'est de la SF ou pas. Le bouquin lui-même a quelque chose d'extraterrestre…

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Sand
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Message par Sand » dim. déc. 20, 2009 3:23 am

Erion a écrit :
Lem a écrit :Pour être tout à fait clair sur ce sujet. Placer le sense of wonder au cœur de la SF, en faire un principe de défintion, ça permet au moins de dire : La guerre des mondes est de la SF. Par contre, La soupe aux choux n'en est pas. Comment je le sais ? Parce que je l'éprouve, parce que je le ressens. Parce que l'émerveillement est ici, mais pas là.
(...)
J'ai l'impression que ton "sense of wonder" est là comme critère non de définition, mais de qualité."
(...)
si j'ai bien suivi : d'esthétisme.

et ce qui est beau est bon, ce qui est bon est vrai (c'est bien connu)
et la beauté est dans l'oeil de celui qui regarde (c'est bien connu aussi)

Celui qui regarde un vague objet science-fictif flou, s'il le trouve beau, alors il est bon, et c'est de la vraie SF.

C'est bien fait quand même !

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » dim. déc. 20, 2009 4:56 am

Lem a écrit :
Lensman a écrit :
Lem a écrit :des choses comme La soupe aux choux
Mais cet exemple ne marche pas bien. Il est d'ailleurs très frappant. Justement, il faut tenir compte des autres aspects de la SF: "La soupe aux choux" ne sera pas publié dans une collection de SF. Là, l'étiquette sera une sorte de label de garantie.
Je parle d'un texte raté de SF, pas d'un texte où il y a un élément SF qui sert à tout autre chose. Label de garantie SF, hélas pas forcément de qualité.
Là, on voit resurgir l'aspect éditorial, lié au sociologique, etc. Si on s'accroche à un seul aspect, on passe à côté du phénomène.
Allons au bout de cette question, si tu veux. Tu comprendras peut-être mieux ma position. La soupe aux choux est une histoire d'extraterrestre échoué sur Terre en pleine campagne, comme Simak en a écrit. C'est quoi selon toi ? De la très mauvaise SF ou pas de la SF ?
Les visiteurs est une histoire d'hommes du moyen-âge déplacés dans le temps. Comme High Crusade d'Anderson. SF ou pas ?
Et selon quels critères ?
Profondément désolé, mais "La Soupe aux choux", admirable chef d'œuvre de Notre Cinéma, est un film de cuisinier pétomane.

Cela étant, si je pouvais publier l'original dans une de mes collections, cela pourrait peut-être leur éviter de sombrer.

NB: apparemment, c'est fait, et chez Gallimard. Je renonce et je m'incline.
Mon immortalité est provisoire.

Christopher

Message par Christopher » dim. déc. 20, 2009 5:59 am

Gérard Klein a écrit :Profondément désolé, mais "La Soupe aux choux", admirable chef d'œuvre de Notre Cinéma, est un film de cuisinier pétomane.

Cela étant, si je pouvais publier l'original dans une de mes collections, cela pourrait peut-être leur éviter de sombrer.

NB: apparemment, c'est fait, et chez Gallimard. Je renonce et je m'incline.
Dommage. Pour une fois, une illustration de Jackie Paternoster aurait parfaitement convenu au livre.

JDB
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Message par JDB » dim. déc. 20, 2009 9:15 am

S'en remettre à une émotion (l'émerveillement) pour asseoir la définition d'un genre, c'est se condamner à une absence de réflexion. Voir les errements dans le milieu du fantastique moderne anglo-saxon à l'époque (les années 80 essentiellement) où on a cherché à tout résumer avec le seul vocable "horror" (j'y étais) ; le célèbre texte de Todorov et, après lui, l'essai de Malrieu sur le fantastique étaient bien plus riches que ce seul recours à l'horrifique.

Buté comme un âne, je persiste à dire que "conjecture romanesque rationnelle" est à mes yeux la meilleure définition de la SF.
Conjecture : une hypothèse qui nous sort du monde tel que communément admis par l'auteur et ses lecteurs;
Romanesque : une oeuvre de fiction au sens large (roman, nouvelle, scénario);
Rationelle : pas de recours à la magie.

Puisqu'on reparle de Wells, je crois me souvenir (je pourrais relire l'ouvrage d'Oncle Joe) qu'à l'époque où il concevait La Guerre des mondes, la communauté scientifique se posait beaucoup de questions sur Mars, où une interprétation des observations avec les outils alors disponibles permettait de s'interroger sur la présence de la vie -- conjecture rationnelle.
Et puisqu'on parle des Visiteurs, je rappelle que ce film a été conçu une centaine d'années après l'oeuvre de Wells (à une décennie près) et que son scénariste -- notre contemporain, donc -- ne pouvait pas envisager rationnellement qu'une potion magique puisse vous transformer en bouse et vous envoyer dans une autre époque.

Quant au Don (devenu Glamour) de Christopher Priest, il me semble relever de la catégorie 1 de ma taxinomie. Priest lui-même a dit, lors d'un débat semblable à celui-ci, "it's all metaphor anyway" (je cite de mémoire), en parlant de la SF en général.
Etonnant, non ?
(Je précise qu'à mes yeux cela n'enlève rien à son immense talent.)

Et puisqu'on parle de Poul Anderson, je rappelle que l'évolution de sa SF a tendu vers un resserrement : il a fini par ne plus traiter dans ce cadre que de ce qu'il estimait possible. Conjecture rationnelle. Fini le voyage transluminique, fini le space opera.

Tout évolue, d'où la nécessité d'une démarche historique.

JDB

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Lensman
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Message par Lensman » dim. déc. 20, 2009 11:09 am

JDB a écrit :
Et puisqu'on parle de Poul Anderson, je rappelle que l'évolution de sa SF a tendu vers un resserrement : il a fini par ne plus traiter dans ce cadre que de ce qu'il estimait possible. Conjecture rationnelle. Fini le voyage transluminique, fini le space opera.

Tout évolue, d'où la nécessité d'une démarche historique.

JDB
Il y a des thèmes puissants, qu'on a tendance à appeler des thème de science-fiction (tout le monde les comprend comme ça, il me semble), comme le voyage intersidéral. Malgré l'impasse où mènent les équation de la bonne vieille physique einsteinienne, qui semble le condamner à un très,très long voyage d'exil, la SF se l'est approprié, et les auteurs (parfois certains scientifiques exaltés) essaient parfois de le sauver, d'une manière ou d'une autre. Cela peut être un procédé, un leurre. Mais bon, on ne lâche pas ses rêves si facilement. Et qui sait… C'est tout de même le privilège de l'écrivain, il y a une part de rêve dans toute une SF, lâchons le mot (rires appuyés dans le fond). Le voyage dans le temps, c'est encore plus frappant. Les pouvoirs psi, n'en parlons pas, ce sont même des sujets (ou c'étaient, j'ai l'impression qu'on est dans un gros creux dans le vrai monde), des sujets de polémiques. La part de procédé, de conviction, d'interrogation, d'amusement, de métaphore, etc est variable, d'un auteur à l'autre, d'un lecteur à l'autre.
Cependant, la science-fiction, en tant que genre, qui a évolué et s'est structuré (j'y tiens) réussit assez bien à placer des limites qui font que son public et ses auteurs ne passent pas leur temps à se sauter à la gorge pour se convaincre de ceci ou de cela (Campbell s'est bien fait chambrer dans son milieu). On est dans le domaine de la FICTION, On fait attention à ne pas basculer dans la propagande maladroite qui fait fuir le lecteur et dont tu parles en (3). C'est un jeu, qu'il faut accepter comme tel. Il n'exclut ni la réflection prospective la plus sérieuse, ni le délire un peu exalté, ni l'exaltation esthétique (qui oserait imaginer le contraire!!!): mais c'est un jeu. Grand privilège de la fiction.
Oncle Joe

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Lensman
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Message par Lensman » dim. déc. 20, 2009 11:22 am

JDB a écrit :
Tout évolue, d'où la nécessité d'une démarche historique.

JDB
Depuis pas mal de temps (au moins, depuis les années 70 du siècle dernier), il y a le phénomène "pastiche", para-machin (par exemple steampunk), exploitation du riche "fonds" du genre pour récupérer des images, des bout de courant, des morceaux d'esthétique, etc. C'est un phénomène on ne peut plus classique, que l'on rencontre dans tous les domaines de la création (tiens, si je vous parlais de musique savante... mais bon...). C'est une tendance très intéressante, qui peut être exaltante, qui peut être un peu piégée aussi (on aime bien se dire que tout est "fini", qu'on ne peut plus "inventer", qu'on ne peut que "recycler", etc... un joli piège, bien fascinant pour les créateurs angoissés…). Mais là, c'est le problème de l'artiste, qu'il a à gérer lui-même avec sa créativité.
Oncle Joe

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. déc. 20, 2009 2:46 pm

Atv' a écrit :En tout cas, je viens de vérifier dans ma bibliothèque, La soupe aux choux est édité chez Folio, pas Folio SF.

C'est d'ailleurs un bouquin qu'il m'arrive de recommander, ce qui généralement provoque incompréhension et hilarité chez mon interlocuteur. N'empêche. C'est fun et bien écrit. Et je serais bien en peine de dire si c'est de la SF ou pas. Le bouquin lui-même a quelque chose d'extraterrestre…
René Fallet a aussi écrit une uchronie, Ersatz, dans laquelle Hitler vit dans un hospice de vieux.

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silramil
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Message par silramil » dim. déc. 20, 2009 3:22 pm

Je suis assez d'accord avec JDB pour se baser sur "conjecture romanesque rationnelle"... mais c'est trop large à mon sens pour la science-fiction, puisque la science-fiction est à mes yeux une littérature collective ayant commencé à prendre forme dans les années 20 aux EU, puis qui a repris forme en France à partir des années 50.

Mon angle d'approche à l'égard de la conjecture romanesque rationnellle consiste à me concentrer sur la nature du monde, c'est-à-dire l'ontologie fictionnelle, comme évoqué à plusieurs reprises dans d'autres fils de ce forum, et évoqué dans un petit article sur générations science-fiction.
Une des caractéristiques de la science-fiction (qui ne résume pas tout ce qu'est la SF) est de mettre en place des univers à la fois nettement extrapolés et essentiellement rationnels, qui sont en quelque sorte des univers visiblement divergents d'avec notre univers de référence (divergents, c'est-à-dire qu'ils ont un point de jonction quelque part).
Cette caractéristique est commune, selon moi, à la SF et au roman scientifique qui l'a précédée, ce qui explique que certains chercheurs puissent considérer comme équivalentes ces deux variantes littéraires. Ce qui distingue SF et Roman S est la dimension collective de la première, à laquelle répond la poétique de l'anomalie du second.

Lem

Message par Lem » dim. déc. 20, 2009 3:57 pm

JDB a écrit :S'en remettre à une émotion (l'émerveillement) pour asseoir la définition d'un genre, c'est se condamner à une absence de réflexion.
Ecoute. Je n'ai pas l'impression que ma production critique depuis dix ans soit dépourvue de réflexion mais je me trompe peut-être…
Considérer la SF comme phénomène esthétique est un choix. Il y en a d'autres mais en fin de compte, c'est celui que je fais. On verra bien où il mène.
[Buté comme un âne, je persiste à dire que "conjecture romanesque rationnelle" est à mes yeux la meilleure définition de la SF.
Conjecture : une hypothèse qui nous sort du monde tel que communément admis par l'auteur et ses lecteurs;
Romanesque : une oeuvre de fiction au sens large (roman, nouvelle, scénario);
Rationelle : pas de recours à la magie.
Silramil est ok avec ça aussi.
Alors, je vous pose la question : John Carter levant les bras vers Mars et transporté là-bas sans explication, SF ? Je veux dire : conjecture romanesque rationnelle ?
(L'un des avantages de la définition esthétique, c'est qu'elle ne pose pas le problème comme ça.)

Lem

Message par Lem » dim. déc. 20, 2009 4:20 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :Pour être tout à fait clair sur ce sujet. Placer le sense of wonder au cœur de la SF, en faire un principe de défintion, ça permet au moins de dire : La guerre des mondes est de la SF. Par contre, La soupe aux choux n'en est pas. Comment je le sais ? Parce que je l'éprouve, parce que je le ressens. Parce que l'émerveillement est ici, mais pas là. Ça ne permet pas d'éliminer les mauvais space-operas répétitifs du corpus (et je ne le voudrais pas d'ailleurs, car il y a toujours l'empreinte du sow en eux) mais ça écarte tout ce qui n'est pas sincère, tout ce qui utilise la SF comme un décor pour parler d'autre chose à mots couverts. La question de savoir comment l'émerveillement est produit par le texte, c'est une autre affaire. Mais devant le corpus, c'est une très bonne clé de tri.
Ce que tu décris ressemble bien plus à une démarche de critique qu'à une recherche de définition. Il y a les mauvais space opera répétitifs, et il y a les bons space opera.
Tu voudrais que la SF soit un genre idéal, où il n'y aurait que des textes qui ont quelque chose à dire? Là, c'est au critique de faire le tri, et je l'écouterai s'il a une sensibilité proche de la mienne.
Tu m'as mal lu (©). J'ai mis en gras ce qui t'a échappé.
Je ne rêve pas du tout de limiter la SF aux bonnes œuvres ou quoi que ce soit de ce genre, dans l'espoir d'être respectable ou de faire joli. Je pose une clé de tri qui permet de dire : dans la SF, il y a Les Xipéhuz, La guerre des mondes, John Carter, Ralph 124C41+, Les premiers et les derniers et L'appel de Cthulhu. (Et par extension tout le corpus sur lequel on sera, toi et moi, d'accord à 99,9 % – donc pourquoi t'inquiéter ?) Un critique malveillant viendra regarder avec sa loupe et dira : "Dites donc, John Carter, c'est pas plutôt de la science-fantasy vu que…" "Mais les Xipéhuz se passe dans le passé ! La SF, c'est le futur donc…" "Cthulhu, franchement, c'est de la dark fantasy. Y voir de la SF…" Et je lui répondrai : "Merci. Je connais cette analyse mais elle ne m'intéresse pas dans le cadre de ce projet. Tous ces textes sont de la SF parce que je le sais, parce que tout lecteur de SF le sait. Et c'est un critère suffisant."
A chacun ensuite de voir s'il est confortable ou non avec ça, quel crédit il peut accorder à une entreprise critique fondée sur ce critère. A moi, il ne pose aucun problème.

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Erion
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Message par Erion » dim. déc. 20, 2009 4:28 pm

Mouais, "sense of wonder".

Je me souviens très bien d'un vrai moment d'émerveillement de lecture, c'était la description de l'arrivée d'un dragon sur le palais royal dans "le vent d'ailleurs" d'Ursula Le Guin. Tout y est, les couleurs orangées du soleil couchant, le bruit des ailes, etc... Sense of wonder à fond.

Donc, c'est de la SF ?

(Le truc, c'est que le livre PEUT être assimilé à de la SF, particulièrement celui-là, mais parce qu'il y a une conjecture, pas à cause du "sense of wonder")
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Message par silramil » dim. déc. 20, 2009 4:34 pm

Je précise incidemment que je ne suis pas opposé à la démarche de Lem, partant du "sense of wonder". c'est un peu risqué parce que c'est basé sur un effet de lecture (d'où les critiques relativistes précédentes), mais ça fait partie du phénomène - il est donc nécessaire d'en tenir compte même si on privilégie une autre approché.

En ce qui concerne John Carter... à mes yeux, il ne s'agit pas de science-fiction, car c'est écrit avant l'étiquette (mais ça a été publié ensuite sous étiquette, donc cela fait partie du fonds collectif de la SF). Indépendamment de ce problème de terminologie, ce récit me paraît faire partie de la scientific romance, de l'imagination scientifique, parce que :

1) L'action se déroule dans un univers divergent, donc ayant un point de contact avec le nôtre (Mars est censée être notre Mars) en dépit de ses différences ; et il n'existe pas de magie, ni de surnaturel. La question du transfert mystérieux de John Carter rend le texte ambigu, mais l'ambiguïté ne correspond qu'à une suspension du jugement, pas à une invalidation massive : si le texte disait "une cérémonie mystique permet la téléportation de John Carter", nous serions enclins à considérer que le monde mis en place est fantastique/fantaisiste. Si le texte disait "Un faisceau téléporteur d'une civilisation avancée frappa par hasard John Carter", nous serions à peu près sûr d'être face à un monde spéculatif. En l'absence d'info, nous ne pouvons nous baser que sur le reste du texte, en laissant dans le flou le début de l'histoire.

2) Le texte suit la poétique de l'anomalie : John Carter est un être étranger, dont les caractéristiques tranchent nettement sur son environnement. L'essentiel des péripéties, dans mon souvenir, naissent de son statut d'anomalie. Cela dit, il s'assimile très bien et perd son statut d'anomalie au fil des bouquins, ce qui est pour moi significatif du glissement en train de s'opérer de l'imagination scientifique à la dimension collective de la science-fiction. Il reste quand même que les aventures de John carter sont sans conséquence aucune pour son monde d'origine, contrairement à ce qui peut se passer dans n'importe quel bouquin de SF supposant une exploration de Mars.

Ce que je suggère n'épuise pas toutes les lectures possibles, ni même les plus intéressantes, mais c'est une grille d'analyse qui n'a pas besoin de reposer sur la perception du texte, me semble-t-il.

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silramil
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Message par silramil » dim. déc. 20, 2009 4:41 pm

Lem a écrit : A chacun ensuite de voir s'il est confortable ou non avec ça, quel crédit il peut accorder à une entreprise critique fondée sur ce critère. A moi, il ne pose aucun problème.
L'idée de la "science-fiction" (au sens large, il faudrait trouver un terme plus englobant...) comme littérature de la "merveille scientifique" (Renard, quand tu nous tiens...), me paraît défendable. Pourquoi utiliser le "sense", et pas partir des objets eux-mêmes (en élargissant à la situation) ?

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