Du sense of wonder à la SF métaphysique

Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m

Lem

Message par Lem » mar. déc. 22, 2009 1:27 pm

marypop a écrit :On peut dire que la science-fiction moderne résulte de la fusion de deux courants, l'un créé dans les publications de Hugo Gernsback, à coloration scientifique, l'autre dans les Munsey Magazines, tirant sur le merveilleux et l'irrationnel.
"La SF est la fusion de deux courants. Le premier est américain. Le second est américain."
Sacré Sadoul !

Avatar du membre
bormandg
Messages : 11906
Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
Localisation : Vanves (300 m de Paris)
Contact :

Message par bormandg » mar. déc. 22, 2009 1:30 pm

Lem a écrit :
marypop a écrit :On peut dire que la science-fiction moderne résulte de la fusion de deux courants, l'un créé dans les publications de Hugo Gernsback, à coloration scientifique, l'autre dans les Munsey Magazines, tirant sur le merveilleux et l'irrationnel.
"La SF est la fusion de deux courants. Le premier est américain. Le second est américain."
Sacré Sadoul !
La SF est le produit américain auquel certains ont rattaché des produits nationaux (anticipation et roman scientifique en France, je ne connais pas les noms des proto- et para- SFs des autres pays, Russie, Allemagne, Italie, Espagne, Japon....)
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Avatar du membre
MF
Messages : 4466
Enregistré le : jeu. déc. 28, 2006 3:36 pm
Localisation : cactus-blockhaus

Message par MF » mar. déc. 22, 2009 1:33 pm

bormandg a écrit :La SF est le produit américain auquel certains ont rattaché des produits nationaux...
Same player shoot again !
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Avatar du membre
Poum Poum Pouloum
Messages : 595
Enregistré le : jeu. mars 19, 2009 10:25 pm
Localisation : Lille

Message par Poum Poum Pouloum » mar. déc. 22, 2009 1:38 pm

Virprudens a écrit :
Poum Poum Pouloum a écrit :
Matthieu a écrit :
Virprudens a écrit :Cher Eons, le temps est continu, pas discret.
Je ne me hazarderais pas à une telle affirmation.
Houhou, quantification de l'espace-temps...Ca va commencer à troller sur la gravité quantique à boucles :D
Manque encore un partisan de la théorie des cordes dans la salle, un ring, et quelques chips :D

(bon bon je sais, HS total)
Woups.
J'ai négligé Planck et tout le merdier. J'ai suis tombé en plein dans l'approximation anthropique du subjectif. Quel con, hein ?
Pas forcément, ça dépend : le temps de Planck est une limite en dessous de laquelle les lois physiques actuelles cessent d'être valables, mais le temps est toujours utilisé comme une variable réelle. Après, tout dépend si tu crois en la théorie de la gravité quantique à boucles ou pas...

Avatar du membre
marypop
Messages : 1180
Enregistré le : jeu. nov. 06, 2008 9:07 pm
Localisation : Burdigala

Message par marypop » mar. déc. 22, 2009 1:42 pm

Lem a écrit :
marypop a écrit :On peut dire que la science-fiction moderne résulte de la fusion de deux courants, l'un créé dans les publications de Hugo Gernsback, à coloration scientifique, l'autre dans les Munsey Magazines, tirant sur le merveilleux et l'irrationnel.
"La SF est la fusion de deux courants. Le premier est américain. Le second est américain."
Sacré Sadoul !
Hey !!!

T'étais pas en vacances toi :twisted: ?

Ceci dit son texte n'empêche pas que le courant Gernsback ait pris sa source ailleurs dans le passé.

reste toujours une bière à gagner ...
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
Dieu.

Papageno
Messages : 2270
Enregistré le : dim. sept. 10, 2006 10:28 am
Localisation : Auxerre (Yonne)

Message par Papageno » mar. déc. 22, 2009 1:54 pm

Bormandg, ça, c’est une bonne question !
Comment peut-on intégrer dans ce processus, la science–fiction (?) des pays de L’est (entre autres) - d’avant 1940 (disons)? A première vue, c'est très semblable à ce qui se passe en France à la même époque, non ?!
J’ai quelques noms qui semblent important (enfin, peut-etre ), Zamiatine, Capek, J Wiess (pour La maison aux mille étages - 1929 je crois).. etc…etc.. (il y en a d'autres !)

Avatar du membre
bormandg
Messages : 11906
Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
Localisation : Vanves (300 m de Paris)
Contact :

Message par bormandg » mar. déc. 22, 2009 2:10 pm

Papageno a écrit :Bormandg, ça, c’est une bonne question !
Comment peut-on intégrer dans ce processus, la science–fiction (?) des pays de L’est (entre autres) - d’avant 1940 (disons)? A première vue, c'est très semblable à ce qui se passe en France à la même époque, non ?!
J’ai quelques noms qui semblent important (enfin, peut-etre ), Zamiatine, Capek, J Wiess (pour La maison aux mille étages - 1929 je crois).. etc…etc.. (il y en a d'autres !)
Comme je l'ai dit à Dieu lors de sa conférence à Sèvres, je ne maîtrise pas l'histoire littéraire russe, en revanche Khristo Poshtakov m'a envoyé une histoire de la "pré-SF" bulgare, d'autres des histoires de la "pré-SF" brésilienne, de la "pré-SF" japonaise, etc....
Donc prétendre limiter le débat aux auteurs franco-anglo-saxons serait ridicule.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Avatar du membre
Eons
Messages : 6338
Enregistré le : sam. févr. 17, 2007 6:49 pm
Localisation : Le cœur de Flandre
Contact :

Message par Eons » mar. déc. 22, 2009 6:53 pm

Virprudens a écrit :
Eons a écrit :
Lem a écrit :… Et ça tombe très bien ; je me mets en pause de mon côté.
On se retrouve dans le futur, pour la suite.
Sachant que le futur commence dès la seconde d'après. :wink:
Cher Eons, le temps est continu, pas discret. C'est une erreur terrible que de faire commencer le futur dans 'une seconde' .
L'art de compliquer les choses simples. T'es capable de poster plus d'un message à la seconde, toi ? Image
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

Avatar du membre
marypop
Messages : 1180
Enregistré le : jeu. nov. 06, 2008 9:07 pm
Localisation : Burdigala

Message par marypop » mar. déc. 22, 2009 6:56 pm

Eons a écrit :
Virprudens a écrit :
Eons a écrit :
Lem a écrit :… Et ça tombe très bien ; je me mets en pause de mon côté.
On se retrouve dans le futur, pour la suite.
Sachant que le futur commence dès la seconde d'après. :wink:
Cher Eons, le temps est continu, pas discret. C'est une erreur terrible que de faire commencer le futur dans 'une seconde' .
L'art de compliquer les choses simples. T'es capable de poster plus d'un message à la seconde, toi ? Image
le forum m'empêche de le faire !

Je le sais j'ai essayé d'éditer directement mes propres messages pour corriger de la coquille orthographique.

Mais sinon Roland en est capable.
Il a deux touches en plus spéciales sur son clavier : un "Oui" et un "Non".
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
Dieu.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. déc. 22, 2009 7:27 pm

Papageno a écrit :Bormandg, ça, c’est une bonne question !
Comment peut-on intégrer dans ce processus, la science–fiction (?) des pays de L’est (entre autres) - d’avant 1940 (disons)? A première vue, c'est très semblable à ce qui se passe en France à la même époque, non ?!
J’ai quelques noms qui semblent important (enfin, peut-etre ), Zamiatine, Capek, J Wiess (pour La maison aux mille étages - 1929 je crois).. etc…etc.. (il y en a d'autres !)
La structuration en tant que genre se fait aux Etats-Unis, comme le rappelle justement Sadoul et comme tout le monde l'a compris, au fil du fil. En effet, il y a des textes de cora, en Russie, en Pologne, etc... comme en France, en Angleterre, en Allemagne,etc. On peut les intégrer sans complexe, si, comme on le fait souvent, on veut dire cora lorsque l'on dit science-fiction.
Oncle Joe

Gérard Klein
Messages : 1595
Enregistré le : ven. oct. 06, 2006 6:06 pm
Localisation : En face de la Fac Jussieu

Message par Gérard Klein » mar. déc. 22, 2009 7:54 pm

À l'intention de Silramil et de l'Oncle Joe, j'ai relu juste avant de partir pour la Bretagne, les éditoriaux de Gernsback dans le premier numéro d'Amazing (1926) et de Wonder Stories (1929). Je suis maintenant coupé de ma bibliothèque (mais pas de toute), donc je cite de mémoire.
Dans le premier, Gernsback se situe clairement dans la tradition de Wells, de Poe et de Verne, dont il va du reste reprendre des œuvres dans les premiers numéros d'Amazing. (Pour Verne, il s'agit du Voyage au centre de la Terre).
G. , luxembourgeois, comme mes arrière-grands-parents maternels et ma grand-mère, connaissait certainement l'allemand et probablement le français, outre évidemment l'anglais. Il avait donc presque certainement lu ces romans dans le texte.
Dans le second éditorial, G. indique qu'il "inventé en Amérique la science-fiction en 1908.¨
Le terme "invented" est sujet à caution. Il veut probablement dire introduit, et même alors, sa référence appuyée à Poe indique qu'il ne se considère pas comme le premier sur ce continent.
1908, science-fiction, le terme exact. Pourquoi se montrer plus royaliste que le pape en faisant tout démarrer en 1926?
Dans l'éditorial de Wonder stories, G. insiste, comme il l'avait déjà fait auparavant sur sa volonté vulgarisatrice de la science et de la technique, vulgarisation à laquelle il accorde une large part à la fiction. Un de ses correspondants dans un des numéros suivants demande d'ailleurs qu'on ne publie pas d'articles scientifiques dans Wonder mais seulement de la fiction, au motif que d'autres périodiques le font très bien.
On pense évidemment au Scientific American, créé vers 1850 ou même avant.
G. en était très certainement lecteur. D'où peut-être le premier état du terme Scientifiction
créé sur le modèle scientific+fiction avec une contraction plaisante à l'esprit mais pas à l'oreille.
Mon immortalité est provisoire.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. déc. 22, 2009 8:18 pm

L'illustration de couverture du 1er Amazing Stories est d'ailleurs une scène tirée d'"Hector Servadac" de Jules Verne.
Gernsback publie des textes de Merritt, que Bergier goûtait tant. Il est intéressant de voir qu'il tient à expliquer, dans ses présentations ou éditoriaux, qu'il les publie parce qu'il y voit dedans des spéculations scientifiques, un poil aventurées, certes, mais des spéculations scientifiques tout de même.... il avait l'esprit large.
Un autre élément intéressant. Quand on lit les vieux articles de Bergier, au moment de l'arrivée de la SF américaine en France, on s'aperçoit vite que ses écrivains préférés sont Lovecraft, Merritt, C.A. Smith,… En fait, des auteurs qui écrivent des textes conjecturaux qui spéculent beaucoup sur le passé lointain, voire contenant des éléments merveilleux. Il a d'ailleurs tendance à distinguer assez nettement ces textes de la science-fiction proprement dite, dans laquelle on parle de l'avenir, de technologie, de vaisseaux spatiaux…
On retrouve assez dans son discours les deux courants évoqués par Sadoul (l'influence de Bergier sur Sadoul est tout à fait assumée par ce dernier, d'ailleurs).
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le mar. déc. 22, 2009 8:20 pm, modifié 1 fois.

Gérard Klein
Messages : 1595
Enregistré le : ven. oct. 06, 2006 6:06 pm
Localisation : En face de la Fac Jussieu

Message par Gérard Klein » mar. déc. 22, 2009 8:19 pm

Plus spécialement à l'intention d'Oncle Joe:
Le moment de la distinction entre science-fiction archaïque et science-fiction moderne est évidemment difficile à définir et nécessairement flottant.
Comme du reste celui de la distinction entre proto sf et science-fiction archaïque selon les divisions que j'ai proposées, il y a longtemps et dans plusieurs dictionnaires, dont celui, récent, de l'utopie, chez Larousse, sans soulever de polémique ni même de contestation..
Pour ma part, j'ai toujours retenu Wells et sa Machine à explorer le temps (1895) comme point de départ, certes approximatif et problématique, de la science-fiction moderne parce que Wells réunit anticipation et réflexion sociale, à savoir l'effet sur la société de la science et de la technologie. Je ne me battrai pas sur cette date et cette œuvre.
Verne me semble, de ce point de vue, relever clairement de la science-fiction archaïque. Il extrapole peu ou pas et se livre en somme dans la tradition de ses Voyages extraordinaires à des voyages au pays de la science.
Pour Renard, on peut discuter, quoique la discussion me semble assez vaine. Je ne vois aucun inconvénient à situer Maurice Renard dans la tradition de la science-fiction archaïque, comme bien des textes ultérieurs dont beaucoup de ceux publiés dans Sciences et voyages et dans Amazing. Pas ou peu d'anticipation et peu de réflexions sur les effets de la science sur la société.
Maurice Renard, meilleur nouvelliste à mes yeux que romancier, a aussi écrit beaucoup de nouvelles fantastiques, ou plus précisément étranges.
J'ai proposé en effet, il y a déjà longtemps, de réserver l'expression de fantastique classique aux textes dans lesquels intervenait la surnature, généralement chrétienne.
Et d'appliquer celui d'étrange à d'autres textes, ordinairement qualifiés de fantastiques de façon vague: un exemple, La Vénus d'Ille de Mérimée me semble relever du fantastique classique (quoique son surnaturel soit mythologique et non chrétien), tandis que Lokis relèverait de l'étrange.
Beaucoup de textes de Jean Ray (ainsi La ruelle ténébreuse) et certains de Lovecraft relèvent ainsi de l'étrange et non à proprement parler du fantastique classique. C'est pourquoi j'avais situé Lovecraft Entre le fantastique et la science-fiction, indiquant qu'il y avait des différences structurales entre sa façon de composer ses histoires et celle prédominant dans la science-fiction moderne.
Modifié en dernier par Gérard Klein le mar. déc. 22, 2009 10:00 pm, modifié 3 fois.
Mon immortalité est provisoire.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. déc. 22, 2009 8:31 pm

Gérard Klein a écrit :Plus spécialement à l'intention d'Oncle Joe:
Le moment de la distinction entre science-fiction archaïque et science-fiction moderne est évidemment difficile à définir et nécessairement flottant.
Comme du reste celui de la distinction entre proto sf et science-fiction archaïque selon les divisions que j'ai proposées, il y a longtemps et dans plusieurs dictionnaires, dont celui, récent, de l'utopie, chez Larousse, sans soulever de plémique ni même de contestation..
Pour ma part, j'ai toujours retenu Wells et sa Machine à explorer le temps (1895) comme point de départ, certes approximatif et problématique, de la science-fiction moderne parce que Wells réunit anticipation et réflexion sociale, à savoir l'effet sur la société de la science et de la technologie. Je ne me battrai pas sur cette date et cette œuvre.
Verne me semble, de ce point de vue, relever clairement de la science-fiction archaïque. Il extrapole peu ou pas et se livre en somme dans la tradition de ses Voyages extraordinaires à des voyages au pays de la science.
Pour Renard, on peut discuter, quoique la discussion me semble assez vaine. Je ne vois aucun inconvénient à situer Maurice Renard dans la tradition de la science-fiction archaïque, comme beaucoup de textes ultérieurs dont beaucoup de ceux publiés dans Sciences et voyages et dans Amazing. Pas ou peu d'anticipation et peu de réflexsions sur les effets de la science sur la société.
Maurice Renard, meilleur nouvelliste à mes yeux que romancier, a aussi écrit beaucoup de nouvelles fantastiques, ou plus précisément étranges.
J'ai proposé en effet, il y a déjà longtemps, de réserver l'expression de fantastique classique aux textes dans lesquels intervenait la surnature, généralement chrétienne.
Et d'appliquer celui d'étrange à d'autres textes, ordinairement qualifiés de fantastiques de façon vague: un exemple, La Vénus d'Ille de Mérimée me semble relever du fantastique classique (quoique son surnaturel soit mythologique et non chrétien), tandis que Lokis relèverait de l'étrange.
Beaucoup de textes de Jean Ray (ainsi La ruelle ténébreuse) et certains de Lovecraft relèvent ainsi de l'étrange et non à proprement parler du fantastique classique. C'est pourquoi j'avais situé Lovecraft Entre le fantastique et la science-fiction, indiquant qu'il y avait des différences structurales entre sa façon de composer ses histoires et celle prédominant dans la science-fiction moderne.
Je dois dire que je vois largement les choses comme toi. Les frontières sont forcément flottantes, et il n'y a pas de raison de faire des affaires de date une question obsessionnelle. La distinction "science-fiction archaïque" et "science-fiction moderne" me semble très pertinente.
Si ces question de date ont été discutées ici, c'est du fait de l'idée de Lem de donner à Renard une place à mon sens démesurée dans l'histoire et le développement de la science-fiction, et dont les textes théoriques ne me semblent guère décisifs, même s'ils sont passionnants. La science-fiction est bien loin d'y être décrite. D'ailleurs si un jour, on met la main sur un texte "théorique" ressemblant à ceux Renard, antérieur de quelques années, mais allemand, on ne se mettra pas à dire pour autant que la science-fiction a été théorisée (pour ne pas dire inventée...) par un Allemand.
Oncle Joe

Gérard Klein
Messages : 1595
Enregistré le : ven. oct. 06, 2006 6:06 pm
Localisation : En face de la Fac Jussieu

Message par Gérard Klein » mar. déc. 22, 2009 9:56 pm

Il me semble néanmoins que les textes de Renard, signalés et cités par Lem, sont importants parce qu'ils montrent qu'il y a, à cette époque, et bien avant sans doute, une réflexion sur les particularités de cette espèce littéraire, sa singularité et sur son importance. Il ne faut pas sousestimer leurs effets. Ils indiquent d'autre part, comme bien d'autres, dont les accusations de plagiats, qu'il y a bien, dès lors et dès avant, une intertextualité, que les auteurs se lisent, s'inspirent les uns des autres et se disputent l'originalité d'une idée, voire d'un thème.
Il serait extrêmement utile, et je l'ai déjà souligné dans des conversations privées et peut-être des textes, de publier un recueil de ces textes fondateurs, en commençant par celui de Bodin et peut-être par d'autres plus anciens. En n'oubliant pas Flammarion. Beaucoup de textes aujourd'hui oubliés ont participé de ce dialogue infini.

Il est évident que la science-fiction archaïque et moderne ne commence pas, tout nationalisme mis à part, avec Amazing, et Gernsback serait le premier à le reconnaître, voire à le soutenir. Du reste, s'il était le premier et l'unique pionnier, on voit mal où il aurait trouvé les auteurs américains qu'il publie très vite dans ses revues. G. cristallise quelque chose qui existait déjà en Amérique et bien entendu ailleurs.
Qu'il y ait eu de la science-fiction en Bulgarie et pourquoi pas en Corée, je ne le discute évidemment pas. Ce qui serait intéressant serait de savoir quand cela apparaît dans ces pays et à partir de quelles influences, probablement étrangères et notamment françaises à partir de Verne. Le fait me semble demeurer que le courant international part de trois pays, France, Grande-Bretagne et ensuite États-Unis, qu'entre ces pays l'intertextualité est précoce, pour ainsi dire immédiate, aux intervalles des guerres près et encore, alors qu'ailleurs elle est à sens pour ainsi dire unique et pas seulement pour des raisons linguistiques. Capek est très vite traduit.
La question que je me pose depuis très longtemps et à laquelle je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante est de comprendre pourquoi d'autres grands pays industrialisés et dotés d'une tradition scientifique, je pense évidemment d'abord à l'Allemagne et ensuite à l'Italie, ne semblent pas avoir développé depuis le dix-neuvième, de telle tradition. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de textes mais qu'on en trouve peu et qu'ils ne sont pas majeurs.
La littérature allemande est très bien connue et admirée en France au moins depuis le dix-huitième siècle et s'il y avait eu par la suite des textes significatifs relevant de la la science-fiction archaïque, ils auraient sans doute été traduits. Il y en a peut-être mais marginaux ou tardifs. Voir à ce sujet mes préfaces au Werfel, L'étoile de ceux qui ne sont pas nés, où je reviens sur le fait qu'en dix ans environ paraissent des textes fondamentaux, Hesse, Werfel, Jünger. Avant, et après, pas grand chose.

Je voudrais enfin revenir, au risque de dire des banalités, sur la question des définitions que je trouve en général stupides, du niveau de la discussion sur le sexe des anges.
On distingue classiquement entre définitions exhaustives et définitions compréhensives.
Il serait absurde ici de prétendre, comme en général en sciences humaines, à des définitions exhaustives, bien rares en dehors des mathématiques. Même en biologie, ce n'est souvent pas simple comme le montre l'histoire de la systématique.

Plutôt qu'à des définitions compréhensives, déjà beaucoup plus floues, je préfère le recours à des définitions centrales fondées sur des collections de textes caractéristiques et intégrant l'idée que sur les bords les choses deviennent complexes et qu'il y a des recouvrements et superpositions entre genres. Les frontières sont des lieux de rencontre, d'oppositions et donc de redéfinitions. C'est souvent l'étude des cas problématiques qui est intéressante à la fois d'un point de vue historique et réflexif. C'est ce qui m'est arrivé à propos de Lovecraft et cela m'a personnellement beaucoup appris.

Tout cela ne voulant pas dire qu'il n'y a pas lieu de s'embarrasser de définitions centrales du tout, et que tout est dans tout et réciproquement, comme semblent le penser certains intervenants. La distinction est le début de l'intelligence.

Je voudrais insister aussi sur le fait que les "experts", moi y compris, n'ont pas reçu de révélations du ciel et que leurs textes ne sont pas à interroger sans fin sur des points de doctrine. Chacun a sa culture propre, plus ou moins étendue, et souvent un programme sous-jacent, voire parfois des intérêts, à défendre. Je suis très loin de partager toutes les opinions de Jacques Sadoul, de Versins, de Van Herp et de Jacques Bergier, opinions souvent antagonistes qu'il faudrait chaque fois replacer dans leur contexte, qui sont parfois présentées ici comme paroles d'évangile. Les travaux de Darko Suvin avec qui j'ai eu de longues discussions intéressantes sur nos points de désaccord sont à mettre en relation avec son étude de Berthold Brecht et des écrits théoriques de ce dernier que j'ignore hélas à peu près complètement mais qui ont fortement coloré sa pensée sur le novum.

La science-fiction est allée se loger dans les endroits les plus inattendus. La publication pour enfants Mon Journal, remontant au tout début du 20° siècle a publié au moins une nouvelle illustrée sur l'histoire de l'arrivée sur Terre d'un extraterrestre monstrueux (Jupitérien?) que j'ai lue quand j'avais environ cinq ans et que je n'ai jamais retrouvée malgré de longues recherches dans des volumes familiaux dépenaillés et sans doute incomplets mais dont je suis absolument certain de l'existence.
Si quelqu'un…
Mon immortalité est provisoire.

Répondre

Retourner vers « Vos dernières lectures »