Du sense of wonder à la SF métaphysique
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Bon je l'ai fini, le pire ce n'est pas ça en fait ... c'est quand l'homme est abasourdi par la moindre chose que la femme fait (genre aller chercher de l'eau seule !!!!) en nous répétant bien à quel point elle est incroyable ^^
@Georges, malignement il y a un récit dans la même antho, juste derrière de ladite Francis Stevens
@Georges, malignement il y a un récit dans la même antho, juste derrière de ladite Francis Stevens
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
Dieu.
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- bormandg
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Ben oui, si l'antho que tu lis est "Les meilleurs récits de Famous Fantastic Mysteries", elle contient Île amie qui, jusqu'à ce que je demande à ce que soit traduit (pas très bien, hélas) Le Piège elfique" pour Phénix, était le seul texte de Francis Stevens disponible en français...marypop a écrit : @Georges, malignement il y a un récit dans la même antho, juste derrière de ladite Francis Stevens
Modifié en dernier par bormandg le mer. déc. 30, 2009 2:33 pm, modifié 1 fois.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
- dracosolis
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Quant à Yvonne Maillard, je connais bien.
Une annecdote tiens :
Alors qu'elle avait répondu à une interview sur la SF (pour une radio, je crois), le seul compliment "officiel" reçu fut : "Mais, voyons, Yvonne, ce n'est pas à vous de répondre ! Ce n'est pas vous l'agrégée !"
Certes, ce n'est qu'une anecdote, mais ajoutée à quelques centaines de levages de doigt mouillé, elle me fait penser que les femmes ne prennent effectivement pas tant de place qu'on le souhaiterait dans la SF.
Si l'enquête de rue est un bon système de drague pour les hommes, l'assiduité aux conventions de SF semble devoir encore faire ses preuves.
PS : Yvonne serait pas ravie que je balance cette anecdote, donc...
Une annecdote tiens :
Alors qu'elle avait répondu à une interview sur la SF (pour une radio, je crois), le seul compliment "officiel" reçu fut : "Mais, voyons, Yvonne, ce n'est pas à vous de répondre ! Ce n'est pas vous l'agrégée !"
Certes, ce n'est qu'une anecdote, mais ajoutée à quelques centaines de levages de doigt mouillé, elle me fait penser que les femmes ne prennent effectivement pas tant de place qu'on le souhaiterait dans la SF.
Si l'enquête de rue est un bon système de drague pour les hommes, l'assiduité aux conventions de SF semble devoir encore faire ses preuves.
PS : Yvonne serait pas ravie que je balance cette anecdote, donc...
- bormandg
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Ou, plus exactement, qu'on ne leur reconnait pas la place qu'elles prennent. Mais n'est-ce pas ce que je faisais remarquer? Merci .Aldaran a écrit : Certes, ce n'est qu'une anecdote, mais ajoutée à quelques centaines de levages de doigt mouillé, elle me fait penser que les femmes ne prennent effectivement pas tant de place qu'on le souhaiterait dans la SF.

"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
A condition qu'il faille considérer "les femmes" comme un ensemble pertinent de discussion. Il s'agit tout de même de lire ou d'écrire de la SF. Rien ne s'y oppose, que l'on soit une homme, une femme, ou n'importe quoi susceptible de lire ou d'écrire un texte. Les éditeurs (et éditrices) sont ravis de trouver des bons textes (quand bien même ils seraient écrits par des ratons laveurs) et de les vendre (quand bien même ce serait à des bornes kilométriques: sil elles sont capables de payer...).bormandg a écrit :Ou, plus exactement, qu'on ne leur reconnait pas la place qu'elles prennent. Mais n'est-ce pas ce que je faisais remarquer? Merci .Aldaran a écrit : Certes, ce n'est qu'une anecdote, mais ajoutée à quelques centaines de levages de doigt mouillé, elle me fait penser que les femmes ne prennent effectivement pas tant de place qu'on le souhaiterait dans la SF.
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- bormandg
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LES éditeurs? Tu généralises un peu, Tonton. Certains éditeurs, ceux qui savent lire et qui font passer la qualité du texte avant les dictats du banquier, du distributeur et de l'Académie.Lensman a écrit :A condition qu'il faille considérer "les femmes" comme un ensemble pertinent de discussion. Il s'agit tout de même de lire ou d'écrire de la SF. Rien ne s'y oppose, que l'on soit une homme, une femme, ou n'importe quoi susceptible de lire ou d'écrire un texte. Les éditeurs (et éditrices) sont ravis de trouver des bons textes (quand bien même ils seraient écrits pas des ratons laveurs) et de les vendre (quand bien même ce serait à des bornes kilométriques: sil elles sont capables de payer...).bormandg a écrit :Ou, plus exactement, qu'on ne leur reconnait pas la place qu'elles prennent. Mais n'est-ce pas ce que je faisais remarquer? Merci .Aldaran a écrit : Certes, ce n'est qu'une anecdote, mais ajoutée à quelques centaines de levages de doigt mouillé, elle me fait penser que les femmes ne prennent effectivement pas tant de place qu'on le souhaiterait dans la SF.
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"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Rien à voir avec des considérations sur les femmes. Ce qui compte, c'est que ce qui est publié soit acheté. De préférence, les éditeurs essaient de proposer des choses qui se vendent un peu, sinon, c'est assez problématique, pour vivre, pour faire marcher la maison d'édition.bormandg a écrit : LES éditeurs? Tu généralises un peu, Tonton. Certains éditeurs, ceux qui savent lire et qui font passer la qualité du texte avant les dictats du banquier, du distributeur et de l'Académie.
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A un détail prês: les éditeurs publieront Gavalda, Marie M ou de la bit-lit féminine parce qu'ils sont convaincus que ce genre de livres écrits par des femmes va se vendre; et ils refuseront les livres écrits ar des femmes desquels ils ont décidé a priori: pas vendable. Par exemple les auteurs de SF féminins. Même après que Ursula Kroeber (Le Guin), Marion Zimmer (Bradley) ou Loïs McMaster (Bujold) aient fait des succès remarqués....Lensman a écrit :Rien à voir avec des considérations sur les femmes. Ce qui compte, c'est que ce qui est publié soit acheté. De préférence, les éditeurs essaient de proposer des choses qui se vendent un peu, sinon, c'est assez problématique, pour vivre, pour faire marcher la maison d'édition.bormandg a écrit : LES éditeurs? Tu généralises un peu, Tonton. Certains éditeurs, ceux qui savent lire et qui font passer la qualité du texte avant les dictats du banquier, du distributeur et de l'Académie.
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La plupart des éditeurs publient ce qu'ils estiment devoir se vendre. Et, avec assez de pub et de vente quasi-forcée (vous ne voulez pas mon Gavalda? dommage, je n'ai que ça à vous proposer), ça marche une fois sur deux; et ce qu'ils n'ont pas publié ou pas distribué, là, ils ont raison: ça ne se vend pas.

Modifié en dernier par bormandg le jeu. déc. 31, 2009 12:48 am, modifié 1 fois.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
J'ai plutôt l'impression que les éditeurs essaient de publier de tout, en espérant vendre. Le nombre de romans publié en France est d'ailleurs absolument effarant.bormandg a écrit : A un détail prêt: les éditeurs publieront Gavalda, Marie M ou de la bit-lit féminine parce qu'ils sont convaincus que ce genre de livres écrits par des femmes va se vendre; et ils refuseront les livres écrits ar des femmes desquels ils ont décidé a priori: pas vendable. Par exemple les auteurs de SF féminins. Même après que Ursula Kroeber (Le Guin), Marion Zimmer (Bradley) ou Loïs McMaster (Bujold) aient fait des succès remarqués....
La plupart des éditeurs publient ce qu'ils estiment devoir se vendre. Et, avec assez de pub et de vente quasi-forcée (vous ne voulez pas mon Gavalda? dommage, je n'ai que ça à vous proposer), ça marche une fois sur deux; et ce qu'ils n'ont pas publié ou pas distribué, là, ils ont raison: ça ne se vend pas.
Mais qui est ce Gavalda?
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- bormandg
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certains éditeursLensman a écrit :J'ai plutôt l'impression que les éditeurs essaient de publier de tout, en espérant vendre. Le nombre de romans publié en France est d'ailleurs absolument effarant.bormandg a écrit : A un détail prêt: les éditeurs publieront Gavalda, Marie M ou de la bit-lit féminine parce qu'ils sont convaincus que ce genre de livres écrits par des femmes va se vendre; et ils refuseront les livres écrits ar des femmes desquels ils ont décidé a priori: pas vendable. Par exemple les auteurs de SF féminins. Même après que Ursula Kroeber (Le Guin), Marion Zimmer (Bradley) ou Loïs McMaster (Bujold) aient fait des succès remarqués....
La plupart des éditeurs publient ce qu'ils estiment devoir se vendre. Et, avec assez de pub et de vente quasi-forcée (vous ne voulez pas mon Gavalda? dommage, je n'ai que ça à vous proposer), ça marche une fois sur deux; et ce qu'ils n'ont pas publié ou pas distribué, là, ils ont raison: ça ne se vend pas.
Mais qui est ce Gavalda?
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Bienheureux hommmes qui pose cette question. Pourvu que personne ne te réponde.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Anna_Gavaldabormandg a écrit :Bienheureux homme qui pose cette question. Pourvu que personne ne te réponde.Lensman a écrit :Mais qui est ce Gavalda?
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Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr
Une admiratrice du grand Dario Moreno, ce qui est plutôt rassurant. Je ne vois pas ce qu'il y a d'effroyable...Eons a écrit :http://fr.wikipedia.org/wiki/Anna_Gavaldabormandg a écrit :Bienheureux homme qui pose cette question. Pourvu que personne ne te réponde.Lensman a écrit :Mais qui est ce Gavalda?
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[quote="Par une de ces coïncidences qui font le charme de l'existence, Patrice Bollon, dans un article intitulé "Le grand retour de la métaphysique" paru dans le Magazine Littéraire de ce mois"]Pourquoi et comment la "science des présupposés ultimes" qu'on disait morte, ressurgit avec une grande vigueur dans le débat philosophique.
La métaphysique ? Il y a une dizaine d'années encore, la "science des présupposés ultimes" – selon une de ses définitions les plus condensées donnée par l'historien des idées britannique Robin G. Collingwood – semblait une vieille lune, une discipline morte, suite de "sophismes et d'illusions", pour rappeler le jugement sévère du grand empiriste David Hume. Elle paraissait même à ce point dépassée, ringarde, qu'on n'hésitait pas à utiliser le terme de façon décalée, ironique, comme dans le titre du roman d'Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes où, s'il était bien question de tubes (digestifs), la philosophie première ainsi qu'on l'appelle également était en revanche totalement absente.
Même chose à l'université, où très peu d'étudiants osaient déclarer leur flamme pour cette forme hautement spéculative de la pensée. Certes, la métaphysique y était encore enseignée mais en tant "qu'histoire des doctrines", soit matière du passé, sans espoir, un jour, d'être ranimée. Ceux qui, parmi les auteurs, y restaient fidèles le cachaient ; mis à part Gilles Deleuze, aucun des grands noms de la french theory ne se référait à elle, sinon pour la flétrir. C'est seulement quelques années avant sa mort que Jean Baudrillard reconnut en privé qu'il avait été au fond toute sa vie un métaphysicien, y compris à travers son intérêt de jeunesse pour la pataphysique d'Alfred Jarry, "un métaphysicien honteux".
Quel contraste avec aujourd'hui ! Il serait certes abusif de parler de nouveau règne de la métaphysique mais les indices de son retour prolifèrent.
(…)
Et la vague ne se limite pas à la France. Si, contrairement à ce qui s'est passé chez nous, la métaphysique n'a jamais disparu dans les pays anglo-saxons, là aussi on note une montée d'intérêt — ce dont témoigne le succès d'un ouvrage appartenant à une série grand public, Arguing about métaphysics. Publié en début d'année, le livre, composé d'extraits des grandes doctrines, a déjà dû être réédité. Un chassé-croisé qui pose d'ailleurs la question de savoir pourquoi la métaphysique a été oubliée chez nous. De fait, la réponse est simple : c'est l'influence de Heidegger, après celle de Hegel au début du XXème siècle, qui a rendu chez nous la métaphysique plus ou moins obsolète. Rappelons que Hegel pensait avoir "achevé" (au sens de conclu) la métaphysique occidentale et qu'Heidegger voyait en elle, car elle traitait de "l'être de l'étant", et non de l'être, un frein à la vraie pensée, présentée (…) comme proche de la parole poétique. A quoi il convient d'ajouter les influences de la tradition positiviste issue de Conte (voyant dans la métaphysique un "état" un peu primitif de la pensée, succédant à l'âge religieux mais précédant celui de la pensée positive et du marxisme.) La prééminence des sciences humaines (Foucault) est enfin loin d'être étrangère à cette désaffection.
(…)
S'extraire de ces influences conjointes s'est fait, en réalité, assez naturellement. Comme l'explique Frédéric Nef, dans les sciences "dures", la conscience – provoquée par l'apparition de certaines théories – que nous avons besoin d'une nouvelle cosmologie a été centrale. "L'imagination scientifique n'est finalement pas si éloignée que cela de l'imagination métaphysique" remarque-t-il en prenant l'exemple de la théorie des cordes (…) Dans les sciences humaines – histoire, sociologie, psychologie, etc – l'interrogation épistémologique a aussi conduit à se demander sur quels partis pris nos réflexions étaient fondées (…) Enfin, le retour de la métaphysique profite de ce vaste mouvement d'introspection critique de l'Occident sur ses présuposés venu – c'est un paradoxe – en partie de Heidegger, telle l'entreprise de "penser d'en dehors" de François Jullien. "La métaphysique revient, explique David Rabouin, du fait de l'épuisement des critiques de la métaphysique et de la crise dans tous les domaines des positivismes.
(…)
Toutes ces réflexions, qui peuvent paraître, comme les arguties scolastiques du moyen-âge, un peu fumeuses ou délirantes, non seulement entrent en résonance avec certaines théories scientifiques contemporaines, mais permettent d'entrevoir différemment des enjeux face auxquels notre philosophie éprouve de la difficulté à apporter des réponses. Là réside sans doute la raison profonde de ce renouveau de la métaphysique, après tant d'années de repli, voire de négation. (…)[/quote]
[quote="Dans un bref entretien joint à l'article, Frédéric Nef, à la question "pourquoi ce retour maintenant ?""]Il a fallu se rendre à l'évidence : en dehors du village d'Astérix, il y avait encore des métaphysiciens, nombreux, actifs et créatifs, notamment dans les pays anglo-saxons, menant des débats intenses sur le nominalisme et le platonisme, le statut des objets particuliers et abstraits, la connexion, etc. Ce développement s'explique aussi par l'apparition de formalismes physiques (tels que la théorie des cordes) en passe de proposer une unification. Les concepts de "monde" et "d'univers" sont devenus extrêmement problématiques et la cosmologie théorique fait office de pont entre la physique et la métaphysique. Il faut ajouter à cela l'essor des sciences cognitives et de l'information, qui ont conduit à s'interroger sur les catégories de base, les présupposés ultimes de l'explication de l'intelligence, naturele ou artificielle.[/quote]
Bonne année, tous.
La métaphysique ? Il y a une dizaine d'années encore, la "science des présupposés ultimes" – selon une de ses définitions les plus condensées donnée par l'historien des idées britannique Robin G. Collingwood – semblait une vieille lune, une discipline morte, suite de "sophismes et d'illusions", pour rappeler le jugement sévère du grand empiriste David Hume. Elle paraissait même à ce point dépassée, ringarde, qu'on n'hésitait pas à utiliser le terme de façon décalée, ironique, comme dans le titre du roman d'Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes où, s'il était bien question de tubes (digestifs), la philosophie première ainsi qu'on l'appelle également était en revanche totalement absente.
Même chose à l'université, où très peu d'étudiants osaient déclarer leur flamme pour cette forme hautement spéculative de la pensée. Certes, la métaphysique y était encore enseignée mais en tant "qu'histoire des doctrines", soit matière du passé, sans espoir, un jour, d'être ranimée. Ceux qui, parmi les auteurs, y restaient fidèles le cachaient ; mis à part Gilles Deleuze, aucun des grands noms de la french theory ne se référait à elle, sinon pour la flétrir. C'est seulement quelques années avant sa mort que Jean Baudrillard reconnut en privé qu'il avait été au fond toute sa vie un métaphysicien, y compris à travers son intérêt de jeunesse pour la pataphysique d'Alfred Jarry, "un métaphysicien honteux".
Quel contraste avec aujourd'hui ! Il serait certes abusif de parler de nouveau règne de la métaphysique mais les indices de son retour prolifèrent.
(…)
Et la vague ne se limite pas à la France. Si, contrairement à ce qui s'est passé chez nous, la métaphysique n'a jamais disparu dans les pays anglo-saxons, là aussi on note une montée d'intérêt — ce dont témoigne le succès d'un ouvrage appartenant à une série grand public, Arguing about métaphysics. Publié en début d'année, le livre, composé d'extraits des grandes doctrines, a déjà dû être réédité. Un chassé-croisé qui pose d'ailleurs la question de savoir pourquoi la métaphysique a été oubliée chez nous. De fait, la réponse est simple : c'est l'influence de Heidegger, après celle de Hegel au début du XXème siècle, qui a rendu chez nous la métaphysique plus ou moins obsolète. Rappelons que Hegel pensait avoir "achevé" (au sens de conclu) la métaphysique occidentale et qu'Heidegger voyait en elle, car elle traitait de "l'être de l'étant", et non de l'être, un frein à la vraie pensée, présentée (…) comme proche de la parole poétique. A quoi il convient d'ajouter les influences de la tradition positiviste issue de Conte (voyant dans la métaphysique un "état" un peu primitif de la pensée, succédant à l'âge religieux mais précédant celui de la pensée positive et du marxisme.) La prééminence des sciences humaines (Foucault) est enfin loin d'être étrangère à cette désaffection.
(…)
S'extraire de ces influences conjointes s'est fait, en réalité, assez naturellement. Comme l'explique Frédéric Nef, dans les sciences "dures", la conscience – provoquée par l'apparition de certaines théories – que nous avons besoin d'une nouvelle cosmologie a été centrale. "L'imagination scientifique n'est finalement pas si éloignée que cela de l'imagination métaphysique" remarque-t-il en prenant l'exemple de la théorie des cordes (…) Dans les sciences humaines – histoire, sociologie, psychologie, etc – l'interrogation épistémologique a aussi conduit à se demander sur quels partis pris nos réflexions étaient fondées (…) Enfin, le retour de la métaphysique profite de ce vaste mouvement d'introspection critique de l'Occident sur ses présuposés venu – c'est un paradoxe – en partie de Heidegger, telle l'entreprise de "penser d'en dehors" de François Jullien. "La métaphysique revient, explique David Rabouin, du fait de l'épuisement des critiques de la métaphysique et de la crise dans tous les domaines des positivismes.
(…)
Toutes ces réflexions, qui peuvent paraître, comme les arguties scolastiques du moyen-âge, un peu fumeuses ou délirantes, non seulement entrent en résonance avec certaines théories scientifiques contemporaines, mais permettent d'entrevoir différemment des enjeux face auxquels notre philosophie éprouve de la difficulté à apporter des réponses. Là réside sans doute la raison profonde de ce renouveau de la métaphysique, après tant d'années de repli, voire de négation. (…)[/quote]
[quote="Dans un bref entretien joint à l'article, Frédéric Nef, à la question "pourquoi ce retour maintenant ?""]Il a fallu se rendre à l'évidence : en dehors du village d'Astérix, il y avait encore des métaphysiciens, nombreux, actifs et créatifs, notamment dans les pays anglo-saxons, menant des débats intenses sur le nominalisme et le platonisme, le statut des objets particuliers et abstraits, la connexion, etc. Ce développement s'explique aussi par l'apparition de formalismes physiques (tels que la théorie des cordes) en passe de proposer une unification. Les concepts de "monde" et "d'univers" sont devenus extrêmement problématiques et la cosmologie théorique fait office de pont entre la physique et la métaphysique. Il faut ajouter à cela l'essor des sciences cognitives et de l'information, qui ont conduit à s'interroger sur les catégories de base, les présupposés ultimes de l'explication de l'intelligence, naturele ou artificielle.[/quote]
Bonne année, tous.