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par Goldeneyes » sam. janv. 09, 2010 2:07 pm
Mouais. Tout est virtuel dans ce film. L'avatar qu'occupe l'esprit de Jake Sully est un grand schtroumpf longiligne, une poupée en plastique bleue à laquelle on ne peut pas vraiment s’attacher puisqu’on sait que s’il meurt, pas grave : l’esprit de Jake réintégrera son vrai corps hémiplégique et se réveillera bien au chaud, dans la sécurité de son cube de transfert en forme de cercueil. La dichotomie est déjà présente à ce stade. Jake ne jouerait-il pas à un jeu vidéo super évolué ? Son avatar ne renverrait-il pas à ces babioles de pixels que se plaisent à incarner les geeks (ou pas) dans des MMO ou autre ? Vous savez, ces médias chronophages dont l’unique vertu est de nous détourner de la réalité afin de retarder notre frottement au réel ? L’environnement de Pandora ne serait-il pas un immense terrain de jeu dans lequel nous plonge le réalisateur ? Au vu de la cinématographie de James Cameron, on peut soupçonner qu’Avatar ne se contente pas d’être un film pop-corn prévalant uniquement par la prouesse technologique de sa réalisation et par la qualité – indéniable – de son rendu visuel final. La notion de « grand film » est toute relative. D’après le sens commun, Titanic était un grand film (sur-oscarisé, et qui a conquis un vaste public à travers le monde). Ce qui est intéressant avec l’art en général, c’est qu’on peut s’amuser à faire différentes lectures de l’œuvre que le créateur nous soumet. Au-delà de l’impressionnante reconstitution du Titanic à laquelle s’est livrée Cameron, la mise sur écran du naufrage de ce colosse peut aussi renvoyer à quelque chose de notre temps, à des préoccupations qui nous concernent : pourquoi pas illustrer le naufrage progressif et inéluctable de nos sociétés occidentales dont la crise économique systémique récente n’est peut-être que le prémisse ?
Tout cela n’est pas très joyeux ?
But don’t worry. WoW vous attend.
Alors. Quel est le ou les messages que le réalisateur a voulu nous transmettre dans son dernier film ? La conquête militaire, martiale et invasive des terriens de la planète Pandora pour exploiter un minerai précieux nous renvoie évidemment à des conflits anciens et contemporains : les diamants de la Sierra Leone, l’or en Amérique du Sud au XVIème siècle, et surtout le pétrole au Moyen-Orient… Ok. L’homme a toujours été un méchant envahisseur. Il a ça dans le sang. Dans ses gênes. S’il désire un truc, c’est par la force qu’il tente d’abord de l’obtenir. Il cogne. Il bombarde. Il décime. Ensuite, il réfléchit. On passera évidemment sur le stéréotype archétypal suranné qu’incarne la figure du colonel Quaritch et qui contribue à rappeler au public que les militaires sont vraiment bêtes comme leurs pieds et qu’ils ne savent pas communiquer avec des mots, comme tout le monde, mais seulement avec des salves de 45. Le manichéisme est souvent de mise dans l’œuvre de Cameron. Et si Jake est un gentil gentil, Quaritch est définitivement un méchant très méchant. Ce sont les ficelles de la narration. Elles sont énormes, grossières, mais elles tissent la trame des histoires, des mythes et des légendes depuis des siècles… Inscrites dans l’inconscient collectif, il faut croire que ces schémas universels, accessibles au plus grand nombre, font toujours recette…
Mais alors. Quel est le message profond d’Avatar ?
Au cas où vous ne l’auriez pas compris, il s’agit d’un message à caractère écolo. Le grand arbre qui crame au milieu du film, c’est notre planète qui brûle tranquillement mais sûrement sur le bûcher de notre société de consommation outrancière. Mais ça, tout le monde le sait aujourd’hui. Même les politiques. La prise de conscience a l’air d’être collective. Même si les actions pérennes tardent à se manifester. Le message de Cameron va même un peu plus loin, en fait : son film veut réinstaurer, dans la tête de ses spectateurs, cette notion de rapport qui lie l’homme à son écosystème. Nous ne sommes pas les rouages d’un système (l’humain mécanisé), mais les cellules d’un écosystème (l’homme biologique au sein de la nature). Au fil des décennies et de l’ère industrielle, nous nous sommes éloignés de la nature, nous avons rompu le lien qui nous unissait à la terre, à notre environnement, aux arbres, aux fleurs, aux oiseaux qui gazouillent et aux poissons qui font glouglou, ce lien précieux qui ne faisait pas de l’humain un cancer rongeant sa biosphère mais au contraire un élément intégré à une relation symbiotique. Le message du réalisateur est presque beau et attendrissant. Malheureusement, le fond de son film n’est absolument pas mis en valeur par sa forme, puisque les moyens et le média utilisés pour illustrer ce message sont tous virtuels… Il n’y a rien de réel ni d’authentique dans Avatar… Tout n’est que pure création de pixels. Tout n’est que virtualité… Comment, dès lors, tenter de rapprocher l’homme de son environnement en usant d’un média qui l’en éloigne ? Car pendant que nous sommes avachis dans la salle de ciné, dans nos sièges rembourrés, nous gavant de pop-corn, avec nos lunettes 3D juchées sur le nez, et que nous plongeons dans le film, nous retrouvons notre place égocentrique de nourrisson attardé du XXIème siècle lové dans sa confortable bulle hermétique de modernité technologique où tout est propre, où tout est tendre et lisse et doux, bloc mou de chair flasque et immobile gobant, béat, l’entertainment qui nous fait nous évader d’un monde que nous refusons de contempler en face, dans les yeux. Et nous pérennisons ainsi notre rôle babillant de bouche à consommer.
Sur la forme, il n’y a pas grand-chose à redire au film. Avatar est beau. A titre personnel, je n’ai pas été convaincu par le procédé de la 3D qui m’a plus apparu comme un gadget commercial (et peut-être une future mais à court terme sécurité contre le piratage) qu’autre chose. Je n’ai pas été immergé dans le film comme je m’y attendais. Les souvenirs que j’ai conservés de films 3D visionnés, il y a longtemps, au Futuroscope, étaient bien plus marquants. Les deux procédés sont-ils les mêmes ? Je ne suis pas assez spécialiste pour pouvoir le dire. Les scènes de combats aériens sont définitivement réussies, et, au sens propre comme figuré, vertigineuses. Le travail de création de Pandora est colossal et force le respect. Et Cameron n’oublie pas certaines scènes très fortes en émotion (j’ai personnellement été très touché par l’une des premières scènes du film : la première fois que Jake incarne son Avatar. Son premier réflexe est de désobéir aux ordres de l’équipe médicale qui l’encadre pour…courir et redécouvrir les sensations physiques de la marche puis de la course, sensations dont son corps brisé le prive dans la réalité.).
Voilà. Une notule rapide. Probablement pleine de paradoxes. J’avoue que si j’avais le temps, je retournerais voir le film. Et peut-être que cette première impression changerait du tout au tout…