Du sense of wonder à la SF métaphysique
Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
Allez, en pâture, ce qu'écrivait Robert Jonard, professeur de l'université de Montpellier, créateur du LHRV (laboratoire d’histophysiologie et radiobiologie végétales) et, entre autres, membre de l'académie des sciences de New-York.
Dans le cadre d'une conférence donnée en 1978 sur le thème "Science-fiction ou réalité : les fusions cellulaires in vitro", à la question "Les progrès récents de la biologie moderne peuvent-ils permettre à l’homme de modifier les êtres vivants et de créer des espèces nouvelles ?" il répondait "La réalité des faits expérimentaux est encore loin de l’imagination débridée des vulgarisations, mais les progrès de la biologie moléculaire, en particulier ceux possibles dans le domaine de la dédifférenciation font que la Science fiction peut devenir la réalité scientifique de demain."
En 1978, ça me semble un assez bon exemple de la reconnaissance de la SF comme réservoir d'expérience de pensée.
Dans le cadre d'une conférence donnée en 1978 sur le thème "Science-fiction ou réalité : les fusions cellulaires in vitro", à la question "Les progrès récents de la biologie moderne peuvent-ils permettre à l’homme de modifier les êtres vivants et de créer des espèces nouvelles ?" il répondait "La réalité des faits expérimentaux est encore loin de l’imagination débridée des vulgarisations, mais les progrès de la biologie moléculaire, en particulier ceux possibles dans le domaine de la dédifférenciation font que la Science fiction peut devenir la réalité scientifique de demain."
En 1978, ça me semble un assez bon exemple de la reconnaissance de la SF comme réservoir d'expérience de pensée.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.
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J'en dis que la bascule dans la modernité, cela veut dire parler du futur de manière décomplexée, et que c'est ça qui va faire la science-fiction moderne, qui se distingue de l'archaïque.Lem a écrit :Pour moi, comme je l'ai écrit, Renard et les puristes sont trop restrictifs sur Verne : certains des voyages extraordinaires sont indiscutablement de la SF (Voyage au centre de la Terre, le dyptique lunaire, Servadac, etc.). Et L'éternel Adam est une sorte de bascule finale, peut-être même posthume, dans la modernité. De la destruction finale de la merveille relevée par GK (dans Pour lire Verne ?) je déduis donc plutôt son pessimisme latent et peut-être, déjà, celui de la culture qui l'entoure, que sa position hors-genre. Qu'en dis-tu ?Lensman a écrit :Et tu as un certain Gérard Klein, qui dit que l'invention est détruite à la fin, et donc qu'elle n'a pas d'effet.Ton avis la dessus?
Qu'en dis-tu?
Oncle Joe
"Extravagant Fiction Today - Cold Facts Tomorrow"MF a écrit :(...)"La réalité des faits expérimentaux est encore loin de l’imagination débridée des vulgarisations, mais les progrès de la biologie moléculaire, en particulier ceux possibles dans le domaine de la dédifférenciation font que la Science fiction peut devenir la réalité scientifique de demain."
On en sort pas.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
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Tu as été plus rapide que moi!!!Erion a écrit :"Extravagant Fiction Today - Cold Facts Tomorrow"MF a écrit :(...)"La réalité des faits expérimentaux est encore loin de l’imagination débridée des vulgarisations, mais les progrès de la biologie moléculaire, en particulier ceux possibles dans le domaine de la dédifférenciation font que la Science fiction peut devenir la réalité scientifique de demain."
On en sort pas.
Oncle Joe
Je ne peux que relever une nouvelle fois la conclusion à laquelle cette manière de voir conduit inéluctablement : selon toi, La guerre des mondes, L'île du docteur Moreau, Les Xipéhuz, Un autre monde, La force mystérieuse, John Carter ne sont pas de la sience-fiction moderne. C'est un choix. Ce n'est pas le mien. Pas de problème.Lensman a écrit :J'en dis que la bascule dans la modernité, cela veut dire parler du futur de manière décomplexée, et que c'est ça qui va faire la science-fiction moderne, qui se distingue de l'archaïque.
Qu'en dis-tu?
2 points de détails dans ma lecture personnelle de Radieux :Lem a écrit :Il y a au moins une histoire où quelque chose de strictement non-humain se manifeste : Radieux. Le monde mathématique sert d'interface avec "eux". Il est donc posé (au moins dans cette histoire) comme une sorte d'universel qui transcende les subjectivités locales. Je ne sais pas si on peut en déduire un aménagement de la position sur l'absurde que tu décris mais c'est au minimum une idée métaphysique.Camus rejette à la fois métaphysique et religion. C'était peut-être nécessaire à l'époque. Maintenant, au 21e, nous voyons un retour de la métaphysique sans la religion. (Il y a aussi un come-back rétrograde de la religion, mais c'est un autre sujet). Greg Egan fait partie de ceux qui réinvestissent la métaphysique. Pourtant, même s'il postule que l'homme peut comprendre le monde, sa conclusion est proche de celle de Camus. Egan aussi est "persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est humain" (citation de la fin du Mythe de Sisyphe).
- on ne sait rien d'"eux" ; ils sont peut-être, voire sans doute, non-humains ; mais Egan (sauf erreur de ma part) ne le dit pas ; le fait que l'on ne puisse pas communiquer avec "eux" n'en fait pas, de facto, des "non-humains" ; il y a des tas d'humains avec lesquels je ne peux pas communiquer
- le "monde mathématique" (ou plus exactement l'ensemble des axiomes -et pour être encore plus précis des propositions démontrables-) n'est pas un interface entre "eux" et "nous"; c'est un territoire de rencontre qui va être partagé sans se transformer en champ de bataille ; la coopération et le partage plutôt que la guerre et l'appropriation ; seule la ligne de partage mériterait le nom d'interface ; tu enlève l'élément scientifique et tu obtiens une fable morale sur la conquête de territoires vierges par des explorateurs de nationalités différentes (Afrique centrale par exemple) ; le territoire de rencontre ne me donne pas le sentiment d'être un universel transcendant les subjectivités locales...
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Je te rappelle que l'on parle de Verne. Est-ce que tu considères (ton avis) que c'est de la science-fiction moderne?Lem a écrit :Je ne peux que relever une nouvelle fois la conclusion à laquelle cette manière de voir conduit inéluctablement : selon toi, La guerre des mondes, L'île du docteur Moreau, Les Xipéhuz, Un autre monde, La force mystérieuse, John Carter ne sont pas de la sience-fiction moderne. C'est un choix. Ce n'est pas le mien. Pas de problème.Lensman a écrit :J'en dis que la bascule dans la modernité, cela veut dire parler du futur de manière décomplexée, et que c'est ça qui va faire la science-fiction moderne, qui se distingue de l'archaïque.
Qu'en dis-tu?
Oncle Joe
Yep.Erion a écrit :"Extravagant Fiction Today - Cold Facts Tomorrow"MF a écrit :(...)"La réalité des faits expérimentaux est encore loin de l’imagination débridée des vulgarisations, mais les progrès de la biologie moléculaire, en particulier ceux possibles dans le domaine de la dédifférenciation font que la Science fiction peut devenir la réalité scientifique de demain."
On en sort pas.
Mais quand c'est exprimé par les meilleurs scientifiques lors de conférences elles aussi scientifiques, ça me conduit à penser que le déni (qui a bien existé de la part des scientifiques) était (en 1978) dépassé.
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Egan prend soin de dire qu'on ne saura jamais qui est "eux". Mais il y a cette conversation (p. 121 du recueil, toutes les italiques sont d'Egan) :MF a écrit :- on ne sait rien d'"eux" ; ils sont peut-être, voire sans doute, non-humains ; mais Egan (sauf erreur de ma part) ne le dit pas ; le fait que l'on ne puisse pas communiquer avec "eux" n'en fait pas, de facto, des "non-humains" ; il y a des tas d'humains avec lesquels je ne peux pas communiquer
Suivi un peu plus tard de"Nous réécrivons les règles de haut niveau qui régissent le comportement d'un ensemble ésotérique de systèmes complexes. N'incluant pas le cerveau humain, je l'espère."
Ma peau se hérissa. "Ne pensez vous pas que c'est… improbable ?
– Je plaisantais." Il hésita. "Improbable pour les humains, ajouta-t-il sobrement, mais peut-être quelqu'un s'appuie-t-il sur cela, quelque part. Peut-être sommes-nous en train de détruire la base même de son existence ?"
Après quoi, il y a bien un bref affrontement à tâtons qui transforme le monde mathématique en théâtre d'opérations et au terme duquel une frontière est identifiée :Peut-être a-t-il raison, dis-je. Peut-être devrions-nous nous retirer et regarder ce qui se passe. Si les changements pouvaient se propager plus vite que la lumière… combien de civilisations lointaines auraient alors perçu les effets de notre action ? Notre premier contact avec la vie extraterrestre pourrait s'avérer être une tentative d'anéantissement des mathématiques qu'ils estiment… quoi ? Une ressource précieuse ? Une relique sacrée ? Une composante essentielle de leur vision du monde ?
Interface me paraît approprié. Et puis, il y a cette belle fin où le métaphysicien parle :Peut-être ont-ils raison de défendre le statu quo. Peut-être dépendent-ils de la frontière elle-même autant que du côté opposé ?
Nous demeurâmes un moment debout dans la rue, observant silencieusement les cyclistes qui passaient, en tentant d'imaginer comment le monde changerait quand il essaierait d'embrasser cette nouvelle contradiction entre l'étrange et l'ordinaire, le pragmatique et le platonicien, le visible et l'invisible.
Joli raccourci.Lem a écrit :J'explique ma position : pourquoi je ne crois pas possible de partir des objets pour définir, pourquoi je trouve intéressant de scruter l'effet, le sow. Là-dessus, Sand intervient pour dire : "ne le fais pas, l'effet n'est pas une définition". C'est asséné sans argument, sans preuve ; c'est un ordre appuyé sur une affirmation, comme si je n'avais pas réfléchi au sujet. Un peu las, je lui ai demandé non de se taire mais de respecter un travail qui dure depuis un certain temps déjà, qui s'appuie sur une bonne connaissance du genre et de ses problèmes théoriques :Sand a écrit :Etudie l'effet alors, ne t'en sers pas pour faire une définition. Ce sont deux choses différentes.

Je maintiens : une conséquence n'est pas une définition (satisfaisante, du moins. On peut toujours dire que l'oxygène c'est ce qui a pour effet de permettre à l'humain de respirer et vivre, mais ça n'en apprend pas beaucoup sur l'oxygène...) Tu peux le prendre comme une affirmation sans preuve ni argument, je le mets comme deux mots qui ne sont pas synonymes, forcément l'un n'est pas l'autre.
Ca n'enlève rien à l'intérêt d'étudier ladite conséquence.
tout ceci me fait penser à la lumière, qui (selon mes maigres connaissances sur le sujet) ne peut être entièrement définie par les photons, ni par les ondes, ni par ses effets sur ce qu'elle rencontre sur son chemin (oul'inverse, l'effet des trucs croisés sur la lumière).
Ce qui n'empêche pas d'étudier les uns et les autres et d'en tirer des connaissances très intéressantes.
Sauf qu'on sait toujours pas ce que c'est que la lumière, en totalité.
(la SF comme lumière littéraire, si c'est pas beau !

Ah et pour que ce soit clair : Je t'aime bien, je respecte ton travail de recherche de toutes ses années. C'est uniquement la conclusion tirée à laquelle je n'arrive pas à adhérer. Ca arrive, c'est pas très grave ^^
Répondre honnêtement est difficile pour moi car j'ai tellement aimé Voyage au centre de la terre, j'ai tellement associé la lecture de ce roman à la découverte de la SF que je ne suis pas vraiment capable de l'évaluer selon des critères objectifs : pour moi, il est la forme même du sense of wonder. Mais je crois que je comprends ce que tu veux dire, alors… En forçant un peu ma nature, je dirais que seul L'Eternel Adam me paraît vraiment "moderne" (en ce sens que le sow y repose sur autre chose que du merveilleux-géographique). Mais cet adjectif ne signifie pas pour moi "Gernsback". Il signifie "Rosny-Wells". Encore une fois, c'est un choix. C'est celui de Bleiler, par exemple. Tu peux n'être pas d'accord mais je ne crois pas que tu puisses dire que c'est une erreur.Lensman a écrit :Je te rappelle que l'on parle de Verne. Est-ce que tu considères (ton avis) que c'est de la science-fiction moderne?
L'avantage d'avoir les sources plutôt que de travailler de mémoireLem a écrit :Egan prend soin de dire qu'on ne saura jamais qui est "eux". Mais il y a cette conversation (p. 121 du recueil, toutes les italiques sont d'Egan)...

Du coup, je suis content d'avoir pris les précautions oratoires qui allaient bien en précisant ma lecture.
Si tu peux approfondir un peu (en terme compréhensible pour moi... ou Joe, par exemple) ce que tu entends par métaphysique dans cette phrase, je suis preneur.Lem a écrit :Et puis, il y a cette belle fin où le métaphysicien parle :Nous demeurâmes un moment debout dans la rue, observant silencieusement les cyclistes qui passaient, en tentant d'imaginer comment le monde changerait quand il essaierait d'embrasser cette nouvelle contradiction entre l'étrange et l'ordinaire, le pragmatique et le platonicien, le visible et l'invisible.
Je finis par me dire qu'il faut se concentrer sur quelques exemples précis pour réussir à nous comprendre.
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Qu'est-ce que la musique ? La structure mathématique des gammes et de l'harmonie ou le son perçu par l'oreille humaine ?Sand a écrit :Je maintiens : une conséquence n'est pas une définition.
Les deux.
J'étudie le son perçu. J'étudie la forme subjective, esthétique (et non objective, l'inventaire des contenus) du phénomène. C'est ma définition de "musique" quand je parle de "musique". Je ne dis pas que c'est la seule. Je ne dis pas qu'elle épuise le sujet. Je dis que c'est une définition possible et je ne vois pas au nom de quoi elle serait inférieure aux autres. La SF est une forme d'art. Elle se définit aussi par la spécificité des émotions qu'elle procure au lecteur. Je la définis comme ça parce qu'après dix ans de travail critique sur "l'objectif", c'est cet aspect qui a fini par m'intéresser. Comprends-tu mieux ?
Aucun problème.Ah et pour que ce soit clair : Je t'aime bien, je respecte ton travail de recherche de toutes ses années. C'est uniquement la conclusion tirée à laquelle je n'arrive pas à adhérer. Ca arrive, c'est pas très grave ^^
Je ne comprends bien ce que tu veux dire. En quoi répondre sans état d'âme: "Bien sûr que Verne c'est de la science-fiction moderne" TE pose problème?Lem a écrit :Répondre honnêtement est difficile pour moi car j'ai tellement aimé Voyage au centre de la terre, j'ai tellement associé la lecture de ce roman à la découverte de la SF que je ne suis pas vraiment capable de l'évaluer selon des critères objectifs : pour moi, il est la forme même du sense of wonder. Mais je crois que je comprends ce que tu veux dire, alors… En forçant un peu ma nature, je dirais que seul L'Eternel Adam me paraît vraiment "moderne" (en ce sens que le sow y repose sur autre chose que du merveilleux-géographique). Mais cet adjectif ne signifie pas pour moi "Gernsback". Il signifie "Rosny-Wells". Encore une fois, c'est un choix. C'est celui de Bleiler, par exemple. Tu peux n'être pas d'accord mais je ne crois pas que tu puisses dire que c'est une erreur.Lensman a écrit :Je te rappelle que l'on parle de Verne. Est-ce que tu considères (ton avis) que c'est de la science-fiction moderne?
Par ailleurs, je ne vois pas clairement ce qu'il y a de spécialement "moderne" dans "L'éternel Adam", surtout que là, tu hésites moins...
Qu'entends-tu par "moderne", en fin de compte?
Oncle Joe
- Roland C. Wagner
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