Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Erion
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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 3:51 pm

Lem a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :C'est méga-léger, comme argument.
Oui. Mais on ne peut pas dire que vos contre-analyses soient en acier trempé, non plus. Je m'adapte.
C'est surtout que la hard-science, ca fout en l'air tes idées, alors tu te raccroches au premier truc qui vient.

Parce que si on prend les titres, on a "De la Terre à la Lune", "20 000 lieues sous les mer" "Voyage au centre de la Terre".

Ok, y'a des images (mais autant que "Le Désert des Tartares"), mais la métaphore réifiée....

Et tu passes sous silence tout l'ensemble du fantastique, qui se sert beaucoup de la métaphore réifiée.

Et on a même pas abordé la symbolique, Freud, Jung.

Où sont les contes là-dedans ?

Bref, c'est un large flou.

Que tu trouves des métaphores réifiées dans la SF, ok. Que tu trouves de la métaphysique dans la SF, ok. Mais que tu affirmes que les métaphores réifiées, le sense of wonder et la métaphysique DEFINISSENT la science-fiction, non.

Y'a pas de transitivité.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 3:51 pm

Fabien Lyraud a écrit :Le langage et pas uniquement en tant qu'entité verbale est à mon avis une des clés de l'affaire.
A partir du moment où on parle d'une forme littéraire, ça me paraît évident.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 3:53 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :
Lem a écrit :En remorquant Jehovah.
C'est un exemple intéressant. Pour ma part, il ne m'est pas venu à l'idée de voir ce texte comme de la SF. Qu'y a-t-il de SF, là dedans?
La même chose que dans Le géant noyé. La même chose que dans Les six doigts du temps, C'est vraiment une bonne vie, Le don, La maison de rendez-vous, La bibliothèque de Babel, Replay, L'autre côté du rêve… Un "truc" difficile à définir qui fait que le texte est classable (de façon non-exclusive) dans la SF bien que la merveille ne soit pas rationalisée. On est à la limite du domaine, je suis d'accord. Mais n'est-ce pas là justement, sur la frontière, que l'effet SF s'observe pour ainsi dire à l'œil nu et qu'il y a le plus à apprendre sur lui ? Si ces textes peuvent être classés SF, c'est qu'ils partagent quelque chose avec ceux qui sont cœur de genre, pleins de techno et de futur. Conclusion logique : ce qu'ils partagent n'est pas la techno et le futur mais autre chose, que j'essaie de définir.
Pour moi, je ne classe pas "En remorquant Jéhovah" en SF, ce qu ne préjuge en rien bien sûr, de la valeur du roman. Ce n'est pas parce que ça manque de technologie (je crois qu'il y en a un peu, mais c'est sans impotance) ou parce que ça ne se passe pas dans le futur (à la limite, comme ça ne se passe pas aujourd'hui, on peut toujours dire que c'est le futur, mais on s'en fout un peu…). Je ne trouve pas ce qui fait pour moi l'intérêt de la SF.
Pour te faire comprendre ce que je veux dire: quand je lis le Farmer du "Monde du Fleuve", où il est question de résurrection (massive!), où la référence aux idées religieuses est centrale, je trouve que ce qui fait l'intérêt, c'est cette façon de rationaliser ces idées, de les ramener à quelque chose de matériellement envisageable. Par contre, dans "En remarquant Jéhovah, pas une seconde je ne trouve ça. On y pose des situations non réalistes comme ça, naturellement, et ça n'a pas l'air d'étonner grand monde. Les personnages s'interrogent moins qu'Alice visitant le Pays des Merveilles… Farmer, lui, rend pour moi passionnant des sujets qui a priori m'indiffèrent, parce qu'il change leur statut, alors que ces sujets me laissent totalement indifférents dans "en remorquant Jéovah", car ils gardent leur statut habituel, même si c'est présenté de manière originale.
Pour moi, ce n'est pas plus de la SF que Kafka (auteur dont j'aime bien les idées, maisdont le mérite principal pour moi est d'écrire des textes courts, car ils m'ennuient beaucoup…). Zéro "sense of wonder" pour moi avec Kafka, pas plus qu'avec "En remorquant Jehovah". Un texte comme celui-ci est vraiment pour moi à l'extrême périphérie de la SF, en étant très large dans mon appréciation.
Pour "Replay", par contre, il y a des interrogations tout le temps, et ça m'intéresse, même si au bout d'un moment c'est un peu frustrant.
Je peux proposer des gradations comme cela, construites, pour moi, à partir du discours tenu dans le texte, et non pas sur la manière dont l'auteur utilise des procédés d'écriture.
J'ai la prétention de dire que mon approche est très répandue chez les lecteurs de SF. Je ne vais pas dire que c'est la seule possible, mais dans une définition ou caractérisation sérieuse de la SF, il me semble qu'elle devrait apparaître de manière flagrante, et non pas comme une conséquence découlant par la bande de procédés d'écriture.
J'ai l'impression que tu as tendance à négliger le contenu du texte: en SF, ce n'est pas qu'on remorque Jéhovah qui a de l'intérêt, c'est comment l'auteur arrive à justifier cela (c'est quoi Jéhovah? un extraterrestre? une hallucination provoquée par des extraterrestres? le résultat de l'expérience d'un savant fou qui fabrique des géants? et surtout pourquoi, etc) Si ce n'est pas son but (et c'est bien son droit, et ça peut être très beau), s'il s'agit juste d'aligner des visions bizarres pour le plaisir des visions bizarres, entrecoupées de considérations philosophiques, sa démarche est pour moi très peu SF.
Je parle là de tendance générale. Après, dans le détail et vu le développement et l'évolution de la SF, on pourra trouver tous les exemples farfelus et atypiques que nous voudrons…

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » jeu. janv. 21, 2010 3:53 pm

Lem a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :C'est méga-léger, comme argument.
Oui. Mais on ne peut pas dire que vos contre-analyses soient en acier trempé, non plus. Je m'adapte.
Personnellement, ça fait un moment que je ne vois pas grand-chose à "contre-analyser".

Dans je ne sais plus lequel de mes bouquins (ça devait être un de les premiers Fleuve Noir, mais je n'en jurerais pas), il y a la phrase suivante : "Méfions-nous des méta-explications."

Avec le recul, elle me plaît toujours autant, sinon plus qu'à l'époque.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Patrice
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Message par Patrice » jeu. janv. 21, 2010 3:55 pm

Salut,

Désolé de tomber un peu comme un cheveux sur la soupe, mais il s'agit d'un roman dont je viens tout juste d'achever la lecture:
http://russkayafantastika.hautetfort.co ... doxal.html

Et ça n'est ni plus ni moins qu'un roman sur le sense of wonder. Je n'ai pas osé employer ce gros mot dans ma note, mais c'est cela. Le personnage de Iourev demande en permanence à ses proches de mettre en suspend leur incrédulité. Et le roman ne porte donc pas sur le contact entre un homme et une culture extraterrestre, mais sur la réaction de notre société face à quelque chose qui est considéré comme de la science fiction (avec là un bel exemple de déni, ici soviétique).
C'est un roman qui a très bien vieilli, pour bien faire, malgré sa chute catastrophique, je me suis régalé et y est retrouvé pas mal de choses qui ont été dites ici...

A+

Patrice

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silramil
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Message par silramil » jeu. janv. 21, 2010 3:57 pm

Lem a écrit :
silramil a écrit :l'expression de "tueur de temps" serait encore plus appropriée dans un texte mettant en scène un bon garçon armé d'une épée magique, qui débusquerait la tour dans laquelle se cache le temps, entouré par ses démons vieillesse et entropie, pour le tuer et garantir l'éternité à tous les êtres vivants.
Une fois le temps tué, tout le monde serait immortel.
Un cas très intéressant car on sent tout de suite que le résultat ne serait pas de la SF mais une fable ou de la fantasy. Pourquoi ?

Dans mon énumération des réifications possibles de "tueurs de temps", celle des hommes capables d'arrêter le temps, de figer la scène est la première à susciter l'Effet, même si rien n'est expliqué, même si aucune rationalisation n'est donnée. La condition, c'est que le texte soit gouverné par les conséquences logiques de la réification : la consistance interne du développement est le critère qui permet de classer le texte en SF. Rapporté au processus cognitif, l'Effet place le lecteur dans une position où la possibilité que des tueurs de temps existent rationnellement, qu'ils soient plausibles, n'a aucune importance. C'est accepté par principe au nom du plaisir anticipé d'assister à un développement rigoureux des conséquences.

Si la réification est celle que tu décris – le temps est une personne, comme l'entropie –, l'effet n'est pas le même. Un registre explicatif est impliqué d'emblée et déplace l'horizon d'attente du lecteur : au lieu de négliger le caractère implausible de l'image-source pour se concentrer sur ses conséquences logiques, il est confronté à une version de la même image-source dont il ne peut ignorer l'impossibilité. C'est une façon pour l'auteur d'indiquer au lecteur quelle position cognitive il doit adopter : celle qui convient pour apprécier une fable, une allégorie. Et je me demande même si ce n'est pas incompatible avec la fantasy. Je peux sans problème imaginer un roman racontant la saga d'un brave garçon avec épée magique affrontant des dieux monstrueux pour offrir aux hommes l'immortalité – mais si ces dieux se nomment explicitement "Temps", "Vieillesse" et "Entropie", le caractère allégorique repasse devant. On retourne carrément à la mythologie homérique, avec le même cahier des charges.
J'admets volontiers que l'allégorie ne correspond pas à une réification au sens où nous employons le terme, et que dans une fable mettant en scène un concept, on n'est pas confronté à ce type d'effet.

Mais il y a un vice dans ton raisonnement, ici.

D'abord, la fable et la fantasy ne sont pas des choses équivalentes.
La fantasy consiste à matérialiser la magie et à donner forme à des objets impossibles.
C'est, tout comme la SF, mais pas avec le même arrière-plan ontologique, une espèce littéraire matérialiste.

S'il y a un dieu du temps dans une histoire de fantasy, ce n'est pas une entité abstraite qui se promène de manière allégorique, et qu'on fait parler par prosopopée. C'est un être matériel, physique, incarné. Il a des faiblesses et des envies. Il ne s'appellerai pas forcément "Temps", mais "Orchaïnobal, le Seigneur de l'Histoire". Il existe, même si c'est de manière difficile à concevoir pour le lecteur et les héros.
Tuer un tel être, c'est s'attaquer à une manifestation physique, à une incarnation d'un principe ontologique.
Être un tueur de temps, alors, c'est littéralement être celui qui ôte la vie à un principe ontologique.
Si ceci n'est pas la réification d'une métaphore...

Le vice de ton raisonnement est le suivant : tu montres ce qui, dans la réification de la métaphore que je propose, l'écarte du fonctionnement de la SF. Ce que j'indique, c'est qu'il n'y a pas qu'un seul contexte pertinent pour ce type de réification (c'est-à-dire une matérialisation concrète, et non un jeu sur les mots comme dans les exemples de gangsters). La fantasy le fait, comme la SF. Et je pense qu'il y a des exemples possibles, sans jeu de mot, dans la littérature réaliste.

L'expression "son monde explosa", peut être une image figée : quelqu'un perd tout ce qu'il aimait en un instant. Mais cela peut devenir concret selon le contexte.
En SF, ça peut vouloir dire que quelqu'un vient de faire sauter une planète.
En fantasy, ça peut désigner l'oblitération intégrale d'un royaume magique.
En littérature réaliste, ça peut renvoyer à la démolition de la maison qu'un vieil homme a habitée toute sa vie et qu'il ne voulait pas quitter.

Donc, pour résumer :
- la réification d'une métaphore peut se produire dans n'importe quel type de récit matérialiste (c'est-à-dire qui présente son monde fictionnel comme concret et complet, une alternative totale au monde réel).
- ce n'est qu'une des manifestations de la tendance de ces récits à rendre leurs objets le plus concrets possible.

Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 4:00 pm

Erion a écrit :C'est surtout que la hard-science, ca fout en l'air tes idées
Je n'en sais rien. Peut-être. Je n'y ai pas encore vraiment réfléchi en fait. Mais tu trouves bien que Le géant noyé n'a de sens que dans un contexte technoscientifique – peut-être as-tu quelques idées à liquider, toi aussi ?
c'est un large flou.
Je réfléchis. J'essaie des trucs. C'est lent, c'est compliqué, c'est un travail. Tu peux éventuellement m'aider au lieu de dire non par principe à tout sans avoir manifestement examiné la solidité de tes propres conceptions. C'est au choix.
Que tu trouves des métaphores réifiées dans la SF, ok. Que tu trouves de la métaphysique dans la SF, ok. Mais que tu affirmes que les métaphores réifiées, le sense of wonder et la métaphysique DEFINISSENT la science-fiction, non.
Je subodore qu'il y a là quelque chose d'intéressant sur le sujet. Tu tranches avant même d'avoir cherché. On est différents.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 4:02 pm

Lem a écrit :
MF a écrit :Tu devrais donc obtenir, en sortie, ce qui caractérise TA SF.
C'est le problème. Je pense que tout le monde est d'accord sur le noyau, le cœur de genre.
C'est sur les marches du royaume, sur les bords que les avis et les positions divergent.
Donc, si tu cherches à définir la caractéristique commune des textes situés sur ta frontière, tu auras sans doute ce qui te caractérise en tant que lecteur de SF.
Comme je l'ai dit bien des fois : aucun problème.
Je manifeste effectivement ici mes préjugés : je pensais que la plupart des fans considéraient que Les six doigts du temps, C'est vraiment une bonne vie, Le don, L'autre côté du rêve etc étaient de la SF (tous ces textes ont été publiés sous le label). Je pensais aussi qu'ils considéraient que La maison de rendez-vous, La bibliothèque de Babel, Replay, étaient des cas-limites mais pouvaient être classés dans la SF et avaient donc des choses à nous apprendre sur elle (un cas-limite n'est pas hors de l'ensemble ; cf Kein "La maison de rendez-vous, un roman de science-fiction ?", cf Sadoul sur Borgès dans son Histoire.)
Ce n'est apparemment pas le cas.
Ce n'est pas grave. Chacun se coordonne ou non, décide s'il se reconnait dans ma démarche ou non. C'est fait pour ça.
On peut en annexer, il n'y a pas de problème, mais les présenter comme quelque part très importants pour caractériser la SF, là, je ne comprends pas. Il y a un corpus SF sans grande ambiguité suffisamment gigantesque pour ne pas avoir à aller chercher ces textes pour caractériser la SF. Je trouve par ailleurs passionnant de s'intéresser aux marges, aux intersections avec d'autres genres ou courant, etc.
J'aime énormément Borgès, mais la SF, elle existe pour moi sans aucun problème sans Borgès.
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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 4:03 pm

Lem a écrit : On est différents.
tu es surtout moins fougueux. L'âge peut-être… Erion est plus proches des 12 ans que nous… (moi, je reste vif car je me dope aux dattes confites).
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silramil
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Message par silramil » jeu. janv. 21, 2010 4:07 pm

Lensman a écrit : On peut en annexer, il n'y a pas de problème, mais les présenter comme quelque part très importants pour caractériser la SF, là, je ne comprends pas. Il y a un corpus SF sans grande ambiguité suffisamment gigantesque pour ne pas avoir à aller chercher ces textes pour caractériser la SF. Je trouve par ailleurs passionnant de s'intéresser aux marges, aux intersections avec d'autres genres ou courant, etc.
J'aime énormément Borgès, mais la SF, elle existe pour moi sans aucun problème sans Borgès.
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MF
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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 4:07 pm

silramil a écrit :
MF a écrit :L'incertitude sur le résultat d'une décision n'est pas une caractéristique de l'indécidabilité. Au contraire.
Le lecteur ne prend aucune décision. Il n'affecte pas le texte.
S'il interprète ce roman comme de la SF, il a des raisons pour ça.
S'il l'interprète comme de la fantasy, il a aussi des raisons.
Mais aucune interprétation ne permet de décider du statut du monde fictionnel. Les informations fournies à l'intérieur ne permettent pas de clore le débat.
Et les dircoll, ils plient le papier d'alu ?
Jetons au bûcher toute la production universitaire portant sur les genres littéraires et dans laquelle ces braves gens tentent de statuer. OK, ils y arrivent rarement.

Mais ça n'a rien de grave puisque ce n'était pas le sujet de ma remarque. Celle-ci avait uniquement pour objet de rappeler que l'existence d'une incertitude sur le résultat n'était pas un critère pertinent pour considérer qu'un problème était, ou pas, décidable. Rien de plus.
Essaie d'avoir un débat du même genre sur Terremer ou sur Mars la rouge. Tu auras du mal à convaincre tes interlocuteurs qu'une interprétation du premier comme science-fiction ou du second comme fantasy a le moindre intérêt. Dans ces cas-là, le statut est décidable, sans interprétation particulière.
Je connais nombre de lecteurs auquel je pourrais poser la question du classement de Terremer ou de Mars la rouge et qui répondrais : illisible ou imaginaire ou fiction ou n'importe quoi d'autre.
Je te rappelle par ailleurs que, quelques lignes plus haut, tu as écrit
Mais aucune interprétation ne permet de décider du statut du monde fictionnel.
Je ne conteste pas ton droit à l'interprétation, mais à la décision : on ne peut décider du statut exact de La Saison de la sorcière.
Y'a vraiment un problème de lecture sur ce forum. Il doit bouffer les pronoms ou carrément des morceaux de phrases.
Je ne prétends pas et n'ai jamais prétendu décider du statut universel de La Saison . J'ai donné un exemple pour expliquer les causes qui ME (moi, je, ego) conduisait à LE (ce livre en particulier) considérer dans MA (moi, je, ego) SF. Et à tenter par cette voie, certes détournée, mais je l'espérais imagée (c'est con, ça a réifié en force après), d'expliquer pourquoi JE (moi, ego, me) considérais le Sow comme un élément d'entrée et pas un élément de sortie du processus de lecture de textes, potentiellement, de SF.
On peut simplement avoir plusieurs regards à son sujet.
Surtouta pas. On doit !

Dans la Saison de la Sorcière, ce n'est pas (amha) la notion d'informatique qui est importante mais la notion de réseau.
Et pour continuer sur ta lancée, lorsque Bobby (Comte Zéro) rencontre des Loa dans le cyberspace, est-ce que ça fait du cyberspace une simple projection du culte vaudou ?
Dans un cas, la magie fait partie du monde, et l'informatique permet de s'en servir. Ou bien, l'informatique permet de capter une certaine forme d'énergie, parfaitement explicable et rationnelle. Lequel des deux? Nous l'ignorons. Le statut exact du monde de la fiction reste indécidable.
(par ailleurs, savoir la réponse à cette question n'apporterait pas grand-chose au roman...)

Dans l'autre, le cyberspace est un univers virtuel évolutif où peuvent se développer des entités conscientes, lesquelles choisissent de se manifester sous la forme de Loas. Je ne vois pas beaucoup de marge pour l'indécision ici.
Toujours le même problème de vocabulaire indécidable. Le fait qu'il existe une marge d'indécision ne rend pas le statut indécidable pour le lecteur. Il est même possible que ce statut ne soit pas celui décidé, explicitement ou implicitement, par l'auteur.
J'ai l'impression (je me trompe sans doute) que derrière l'usage du mot lecteur, tu mets une catégorie plutôt qu'une collection d'individus ? Je comprends d'après ce que tu écris que, pour toi, si des lecteurs parviennent à des statuts du monde de fiction différents, c'est que ce statut est indécidable. Est-ce bien cela ? Si oui, nous ne parlons vraiment pas de la même caractéristique pour cette notion de "décidable".

Auquel cas, n'allons pas plus loin sur cet exemple au risque de perturber la bonne ordonnance de cette enfilade... Joe risque de poser des questions.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Erion
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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 4:12 pm

Lem a écrit :
Que tu trouves des métaphores réifiées dans la SF, ok. Que tu trouves de la métaphysique dans la SF, ok. Mais que tu affirmes que les métaphores réifiées, le sense of wonder et la métaphysique DEFINISSENT la science-fiction, non.
Je subodore qu'il y a là quelque chose d'intéressant sur le sujet. Tu tranches avant même d'avoir cherché. On est différents.
Non, j'y ai réfléchi, c'est tout. Et encore une fois, c'est un problème de méthodologie.

En fait, tu me fais penser à quelqu'un qui penserait que les gaulois étaient tels que décrit par César, ou que la Perse était telle que décrite par les Grecs.

Sauf que non. Il y a des faits vrais dans la Guerre des Gaules, et des modifications de la réalité parce que César veut utiliser son récit pour sa politique.

Et tout le travail des historiens et archéologues, c'est de trouver les faits et éléments qui viennent infirmer ou confirmer les propos de César. (et même trouver des faits et éléments totalement oubliés ou ignorés par César)

Là, tu dis : JE trouve du sense of wonder dans ces textes, JE trouve de la métaphysique, JE trouve de la métaphore réifiée, c'est donc que la SF, c'est du sow, de la métaphysique et de la métaphore réifiée.

Ben non, tu n'en sais rien, c'est indécidable. Parce qu'il existe du sow ailleurs qu'en SF (cf la création de l'art abstrait par Kandinsky), de la métaphysique ailleurs qu'en SF (cf Albert Camus), et de la métaphore réifiée ailleurs qu'en SF (le fantastique, les contes).

Et pour Borgès, on peut très bien le faire entrer dans la SF en utilisant la définition de Suvin (qui est une définition esthétique ET en terme de sujet/objet), c'est pas plus tordu que ce que t'essaies de faire.
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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 4:15 pm

silramil a écrit :La fantasy consiste à matérialiser la magie et à donner forme à des objets impossibles.
Tu réussis en peu de mot à résumer un thread de 45 pages. 8)

Bon, sauf la fantasy où il n'y a pas l'ombre d'un brin de magie...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 4:18 pm

MF a écrit : Joe risque de poser des questions.
J'avoue avoir eu un petit coup de fatigue et ne pas avoir suivi avec toute l'attention qu'il mérite le dernier sous-fil entre Silramil et toi… vous ne perdez rien pour attendre…
Oncle Joe

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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 4:22 pm

MF a écrit :
silramil a écrit :La fantasy consiste à matérialiser la magie et à donner forme à des objets impossibles.
Tu réussis en peu de mot à résumer un thread de 45 pages. 8)

Bon, sauf la fantasy où il n'y a pas l'ombre d'un brin de magie...
Si tu replaces "et" par "ou" (non exclusif) dans la caractérisation (je me méfie, je ne dis plus définition…), ça colle... non?
(On pourrait aussi remplacer "impossibles" par "impossibles et dont ce caractère d'impossibilité n'est pas spécialement un enjeu pour l'ensemble lecteurs/auteur").
Oncle Joe

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