Voyons ça.silramil a écrit :Mais il y a un vice dans ton raisonnement, ici.
D'accord. C'est ce que j'ai dit en écrivant que la position cognitive "fable, allégorie" était peut-être incompatible avec celle requise par la fantasy : ça implique que ne sont pas des choses équivalentes. Pas de problème jusque-là.D'abord, la fable et la fantasy ne sont pas des choses équivalentes.
Ne nous compliquons pas la tâche : disons que cette définition est OK. (Mais j'ai de grosses réserves sur "matérialiste".)La fantasy consiste à matérialiser la magie et à donner forme à des objets impossibles. C'est, tout comme la SF, mais pas avec le même arrière-plan ontologique, une espèce littéraire matérialiste.
Toujours d'accord. C'est aussi ce que j'ai dit en écrivant : "Je peux sans problème imaginer un roman racontant la saga d'un brave garçon avec épée magique affrontant des dieux monstrueux pour offrir aux hommes l'immortalité."S'il y a un dieu du temps dans une histoire de fantasy, ce n'est pas une entité abstraite qui se promène de manière allégorique, et qu'on fait parler par prosopopée. C'est un être matériel, physique, incarné. Il a des faiblesses et des envies.
Là où je diverge, c'est ici :
"Pas forcément" ne suffit pas. Le dieu ne peut pas s'appeler Temps, ni ses démons Vieillesse et Entropie. OK, si tu me pousses dans mes retranchements, j'admettrai sans doute qu'un auteur extrêmement doué peut faire un roman de fantasy satisfaisant avec des concepts explicites personnifiés sans basculer pour autant dans l'allégorie. Mais là, comme ça, je n'en connais pas. "Orchaïnobal, Seigneur de l'Histoire" est non seulement l'écran nécessaire pour éviter l'allégorie mais son statut de personnage dans le récit lui confère (ou plutôt, confère à l'auteur) des obligations de cohérence à défaut desquelles l'allégorie prend le dessus et la position de lecture n'est plus bonne.Il ne s'appellerai pas forcément "Temps", mais "Orchaïnobal, le Seigneur de l'Histoire".
Oui.Tuer un tel être, c'est s'attaquer à une manifestation physique
Non.à une incarnationd'un principe ontologique.
Si à aucun moment Orchaïnobal ne dénote sa nature de concept, il n'est pas différent de n'importe quel dieu de pacotille. Il vit sa vie de personnage-dieu, éventuellement est tué, mais "le temps" en tant que concept ne joue aucun rôle sinon, on rebascule dans l'allégorie.
Et c'est précisément là que se noue la différence avec la scène hypothétique des Tueurs de temps située boulevard Saint-Germain. Dans ce système de réification, le temps est explicitement cité. Quand le mouvement s'arrête, c'est le temps qui s'arrête. Le lecteur n'a pas besoin de se demander ce que ça veut dire : il le sait. Ce qu'il voit, c'est la mise en œuvre concrète de l'expression "tuer le temps". Et ce n'est pas une allégorie ; c'est de la SF (de mon point de vue qui est aussi celui de l'édition spécialisée).
Ce ne sera pas du tout le cas pendant la mise à mort d'Orchaïnobal où rien d'autre n'est tué qu'un dieu de Fantasy (même si l'auteur ajoute une note à la fin du livre en disant "Orchaïnobal, c'est le temps personnifié"). L'effet cognitif ne sera pas le même. La différence me paraît flagrante.
Je reviendrai plus tard sur tes autres points mais j'aimerais avoir ton avis sur ce qui précède.