silramil a écrit :L'idée d'une image linguistique comme source d'un récit de SF, ça je suis parfaitement d'accord. D'ailleurs, j'ai eu beau décomposer le processus de création en plaçant d'abord le concept, j'ai ensuite mentionné le fait que le mot choisi pèse sur le développement du sens. Il faut que les choses soient cohérentes et évocatrices. Je ne développe pas plus, mais il y aurait à causer. En tout cas, d'accord là-dessus.
OK.
C'est quand on en vient aux exemples que c'est plus délicat. Là, nos postures de recherche se heurtent, donc il y a une part de préjugé, mais je ne désire pas simplement formuler une objection de principe.
Oh, je n'ai pas l'impression que "nos postures de recherche se heurtent". C'est juste que nous ne sommes exactement attentifs aux mêmes choses. Rien de plus normal. Chacun construit l'outil théorique dont il a besoin pour sruter ce qui l'intéresse. Tout ça est complémentaire.
Le fait que le Monde inverti fonctionne comme un trompe-l'oeil également (= donne le sentiment au lecteur que cette quête de l'optimum est une activité concrète, plausible, se déroulant dans un monde "réel") lui fait un point commun avec la BB. Mais le centre de gravité du Monde Inverti n'est pas l'impulsion qui donne une forme à une métaphore (la poussée en avant vers un optimum), c'est tout le réseau d'objets mineurs et majeurs qui fourmille dans le récit et lui donne effectivement sa charge concrète.
Pour simplifier, je dirai que la réification vient du haut dans la BB (= c'est une réification globale, qui trouve à s'exprimer dans des descriptions détaillées) et du bas dans le Monde inverti (= c'est la conjugaison des objets qui forme peu à peu un monde cohérent).
Passionnant. Il faudrait que je regarde en détail, ça me semble tout à fait plausible. Mais as-tu remarqué le gain théorique ? On a mis à jour un régime textuel qui est commun à
La Bibliothèque de Babel et au
Monde Inverti. Puisqu'il s'agit de liquider le déni et que celui-ci est postulé (ici et dans une certaine idéalisation) se nourrir de malentendus, d'erreurs de lecture, etc., on dispose d'une passerelle grâce à laquelle on peut dire : "lisez Priest (et par extension la SF) comme vous lisez Borgès". De mon point de vue, c'est décisif.
Pour en venir à mon objection, que j'espère constructive et placée à l'intérieur de ton propre système, le fait d'indiquer la métaphore mettons "primitive" à la source de la Bibliothèque de Babel rend compte de la nouvelle. On peut sentir quelle est la construction verbale établie par Borges simplement en disant que son monde, littéralement, est une bibliothèque.
Par contre, quand on propose une métaphore séminale pour le Monde Inverti, on n'a qu'une vague idée d'un arrière-plan. Il nous manque toute la chair du texte, et surtout tout ce qui, dans le récit est hétérogène à la métaphore. Chercher l'optimum, OK, mais en quoi cela conditionne-t-il la forme de la cité roulante? ses castes? ses coutumes? ses représentations?
Je me demande si tu ne sous-estimes pas la puissance de la SF comme littérature et fiction. Dès lors qu'on accède correctement au texte,
Le monde inverti est une lecture ensorcelante. Tous le réseau des élaborations secondes, la cité, les castes, etc., prend sens de lui-même. Il ne s'agit pas d'imposer quoi que ce soit à qui que ce soit mais de permettre à chacun d'entrer dans le système de l'auteur et plus largement du genre. Il s'agit de faire en sorte que le lecteur ne repose pas le livre à la page 3 parce qu'il ne comprend pas ce qu'il lit. Si on y parvient, c'est gagné.
Ce qui se passe ensuite – le gain théorique et critique, ce qu'on peut découvrir, mettre à jour, produire comme analyses, relève de la démarche de chaque critique et de son approche particulière.
(Le reste de ton post ne me pose aucun problème.)