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Interview 2017 : Fabien Cerutti pour le tome 3 du Bâtard de Kosigan
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Interview 2017 : Fabien Cerutti pour le tome 3 du Bâtard de Kosigan

Indés de l'imaginaire : Peux-tu te présenter et nous dire ce qui t’a amené à l’écriture ?
 
Fabien Cerutti : C’est toujours délicat de se présenter soi-même, pour faire simple disons que je suis lecteur de littératures imaginaires et joueur de jeu de rôle depuis plusieurs décennies et que, par ailleurs, l’agrégation d’histoire a achevé de compléter mes inspirations. 
 
Quant à ce qui m’a amené à l’écriture, on peut dire que le chemin a été long et tortueux : j’ai commencé très tôt (au lycée) mais sans réellement chercher à aboutir à quelque chose de concret ; plus récemment (entre 2002 et 2008) je me suis lancé dans la réalisation de six scénarios informatiques pour le jeu PC Neverwinter Nights narrant les aventures de mon Bâtard de Kosigan (chacune de ces histoires représentait en terme d’écriture l’équivalent d’un roman) ; puis j’ai tenté l’aventure en BD (avec un scénario original qui, finalement, n’a jamais été dessiné), avant de finir par me dire qu’on n’était décidément jamais mieux servi que par soi-même, d’attraper une plume et un ordinateur et de me lancer dans un face à face sur le long terme.
 
 
Peux-tu présenter la série du Bâtard de Kosigan ?
 
Fabien Cerutti : Il s’agit d’une série de fantasy historique (et uchronique) qui se déroule dans notre Moyen-âge réel, au XIV° siècle, aux alentours de 1340, précisément. Seulement à cette époque, des races non humaines et des créatures légendaires peuplent encore l’Occident (des dragons dans les monts d’Auvergne, une principauté elfique en Champagne, une compagnie de Vouivres au service du roi d’Angleterre etc.). Certains rituels et sortilèges de magie antique continuent également à être utilisés, survivances de l’antiquité, mal vus et interdits par l’Église. Cette dernière a mené des Croisades noires quelques décennies auparavant qui ont abouties à sa domination sur tout l’Occident. Mais les anciens pouvoirs n’ont pas dit leur dernier mot.
 
Le côté historique transparaît à travers de courtes lettres écrites à la fin du XIX° siècle par l’un des lointains descendants du héros. Il vit dans un XIX° siècle qui ressemble au nôtre, rationnel et incrédule, et il va mettre la main sur des objets et écrits de son ancêtre qui démontrent l’existence de multiples étrangetés dans la réalité de son temps. À partir de là, il va se lancer dans une enquête pour déterminer pourquoi la magie et les races anciennes ont disparus de l’Histoire officielle et comment ces éléments mystérieux ont pu se retrouver relégués au rang de simples légendes.
Ces passages représentent environ 15% de chaque roman et ils servent de fil rouge à l’intrigue, mais l’essentiel des récits se joue au XIV° siècle, au temps du héros principal, le fameux Bâtard de Kosigan, chevalier exilé de son comté natal, devenu capitaine de mercenaire. 
 
Ce dernier a monté une compagnie d’espions qui ne travaille que pour les plus grandes maisons d’Europe, afin de régler leurs problèmes les plus graves de manière discrète (plus ou moins) et efficace (toujours) : faire tomber un royaume, décrédibiliser un empereur, manipuler l’Église etc. L’homme est un combattant hors paire doté de capacités surnaturelles dont il ignore la provenance et qui peuvent faire de lui une cible pour les limiers de l’Inquisition. Mais surtout, c’est un diplomate né, intelligent, plein d’esprit, charmeur, à la fois humain et profondément cynique. 
 
Ce qui est intéressant, c’est qu’à travers son histoire, on suit les pensées et les actes du manipulateur, de celui qui donne les ordres, qui élabore les plans, qui dirige et qui construit. Et non pas un héros ballotté par le destin, ou manipulé lui-même par des puissances supérieures.
 
Au fur et à mesure de ses aventures, il va se concentrer peu à peu sur le mystère de ses origines en parallèle des intrigues politiques et c’est là que la série prendra toute son ampleur, pour des raisons que je ne peux pas encore livrer.
 
 
Pourquoi ce choix d’une double narration ? Afin d’explorer deux périodes historiques distinctes ?
 
Fabien Cerutti : Non, en réalité le choix de départ a été à la fois stratégique et scénaristique. Beaucoup d’appelés, peu d’élus dans le monde de l’édition. Mes histoires d’origine étaient purement médiévales et je souhaitais y ajouter de la profondeur et une originalité qui leur serait propre. Cela tombait bien, car en y réfléchissant, je me suis rendu compte que j’avais les moyens de rendre crédible le fait que le Moyen-âge surnaturel que je décrivais pouvait réellement être le nôtre et que l’Histoire officielle avait été manipulée entre le XIV° siècle et nos jours. À partir de là, il fallait absolument des passages se déroulant à la période contemporaine pour explorer scientifiquement cette possibilité.
 
J’ai choisi de placer le descendant du chevalier de Kosigan au XIX° siècle (et non à notre époque) pour me laisser de la marge d’évolution dans l’écriture et me permettre, pourquoi pas, de raconter ultérieurement ce qui se passe ensuite.
 
En tout cas, mon plan machiavélique a fonctionné puisque plusieurs maisons d’édition ont finalement été intéressées. :) 
 
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
 
Fabien Cerutti : Je n’ai pas d’inspiration directe, mais mon imaginaire est imprégné de multiples influences. À commencer par toutes les littératures d’aventure, tout particulièrement les princes d'Ambre de Zelazny qui est ma série fétiche, la saga des hommes dieux et le monde du fleuve de P.J.Farmer, ainsi que tous les livres de Jack Vance (la geste des princes démons, un monde d’azur, Cugel l’astucieux etc.). Mais il y en a une multitude d'autres: Ursula Leguin, Weis et Hickman, Bordage, Asimov, Anne Mc Caffrey, Jules Verne, Tolkien, Werber, G.J Arnaud, Michel Pagel et plus récemment G. Martin ou dans un style différent, Pierre Pevel et J.P Javorsky. Des milliers.
 
Mais au delà des livres, les jeux m'ont également largement guidé vers l’écriture. J'ai acheté les règles de donjon et dragon immédiatement après avoir lu le Seigneur de Anneaux. J'ai initié mes amis et nous avons joué pendant les vingt années qui ont suivi, ainsi qu’à de multiples autres jeux de rôle. Cela sans jamais acheter le moindre scénario préfabriqué et en s'appliquant à construire nos propres histoires, nos propres ressorts, nos propres univers et nos propres personnages. Autant de passerelles vers les mondes de l’imaginaire et autant de matériel prêt à utiliser pour de futurs récits.
 
 
Quels sont les enjeux du troisième tome pour toi ?
 
Fabien Cerutti : L’enjeu principal est toujours de plaire au lecteur avec une aventure surprenante, entre sorcières et Inquisition, au cœur du Saint Empire Romain Germanique. Du rythme, du suspense, de la profondeur c’est ce que je cherche à chaque fois à insérer dans mes histoires. Un peu d’humour aussi, ça ne peut pas faire de mal.
 
En revanche je place mon héros dans des situations très différentes les unes des autres. Au centre d’une manipulation à la mission impossible dans le tome 1, pris à la gorge dans des filets plus vastes qu’il ne s’y attendait dans le tome 2, et face à son destin et ses propres origines dans les tomes 3 et 4.
 
Le tout, à chaque fois, implique des ambiances différentes : très héroïque pour la première aventure qui se déroule autour d’un tournoi dont le Bâtard de Kosigan tire plus ou moins les ficelles, sombre voire glauque dans la seconde, en plein milieu des combats et des manœuvres de la Guerre de cent ans. Ce troisième épisode devrait se situer quelque part entre les deux.
 
En terme de contenu l’enjeu capital de la partie XIX° siècle est de livrer au lecteur des réponses cohérentes à la majorité des questions qu’il se pose sur l’univers : qui a manipulé l’Histoire depuis le Moyen-âge ? Et comment tous les éléments liés au surnaturel ont pu être oublié et devenir de simples légendes ? Tout se joue là : il est impératif que cela soit crédible et en même temps passionnant. Évidemment pour y parvenir, cela demande un travail colossal de sources et de réécriture, encore et encore, jusqu’à ce que tout paraisse limpide.
En espérant que les lecteurs confirmeront cette impression.
 
Après le quatrième tome, as-tu d’autres projets pour Pierre Cordwain de Kosigan ? Peut-être des projets hors de l’univers du Bâtard ?
 
Fabien Cerutti : Le4° tome marquera la fin du premier cycle. Pour la suite, rien n’est fixé. Je compte bien faire un tome de nouvelles, reprenant les deux que j’ai déjà écrites pour les Imaginales (« Le crépuscule et l’aube », l’histoire de la dernière fée guerrière de Bourgogne qui tente de faire survivre sa race, dans laquelle on apprend tout sur la sexualité des fées ; et puis « le livre des merveilles du monde » qui évoque la disparition des vieilles races de la surface de la Terre), avec quelques passages inédits. J’y ajouterai plusieurs récits ayant pour héros des personnages différents mais aussi des moments importants de la vie du chevalier de Kosigan, comme par exemple, juste après le tome 2, ce qui s’est passé en Champagne lorsque le Bâtard s’y est replié. Quant au XIX° siècle il aura une place également, même si j’ignore encore laquelle.
 
Après cela, j’ai l’intention d’entamer le second cycle des aventures du chevalier de Kosigan, notamment avec son retour dans son comté d’origine où il a quelques comptes à régler et pas mal de secrets anciens à découvrir. Autant de choses qui vont le conduire à s’impliquer ouvertement dans le conflit brûlant entre le royaume de France et le duché de Bourgogne et le pousser à descendre jusqu’à Rome, source de tous les mystères. En trois (ou quatre) tomes également.
 
Hors de l’univers du Bâtard ? J’ai toujours un projet de poésie d’aventure pour les enfants qui traîne, mais je n’ai pas le temps de le développer. Un peu de SF m’attirerait bien également, mais très honnêtement, pour l’instant, c’est de la science fiction. :)
 
 
Beaucoup de lecteurs attendent avec impatience la sortie du troisième tome, peux-tu leur dévoiler une partie de l’intrigue ?
 
Fabien Cerutti : J’en ai déjà trop dit tout au long de ces lignes, mais puisque vous insistez :) 
 
Le Bâtard entre en terre d’empire pour y enquêter sur le passé de sa mère et donc l’origine de ses capacités hors norme ; mais ce qu’il va découvrir dépasse ce qu’il avait pu imaginer. Il se peut même qu’il tombe amoureux. Mais évidemment, pas de l’Inquisition. À moins que tout cela ne soit que faux-semblants. Ou pas. 
(Pas d’inquiétude, l’histoire sera limpide à suivre tout de même)
 

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