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Interview 2018 : Olivier Girard et Roland Lehoucq pour la collection Parallaxe
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Interview 2018 : Olivier Girard et Roland Lehoucq pour la collection Parallaxe

Actusf : Bonjour Olivier Girard, bonjour Roland Lehoucq, pouvez-vous nous présenter votre nouvelle collection, Parallaxe ?

Olivier Girard : « Parallaxe » est une collection de science. Où, pour être plus précis, une collection qui se sert du prétexte de la science-fiction pour parler de science. La SF est la littérature des champs des possibles infini. « Parallaxe » se propose d’aborder ce champ des possibles par le biais de la science. Ce sera sérieux d’un strict point de vue scientifique. Étayé. Mais aussi amusant et décontracté. « Parallaxe » est avant tout une collection de vulgarisation.

Roland Lehoucq : En science, la parallaxe est un déplacement de la position apparente d’un objet dû au changement de position de l’observateur. Plus généralement, il s’agit d’un changement de la perception de notre environnement dû à un changement de point de vue. Le nom de cette collection veut précisément rappeler que la SF permet de faire un pas de côté, ou de prendre de la hauteur, pour observer notre monde « du point de vue de Sirius », pour reprendre l’expression consacrée par Voltaire dans son Micromégas. L’objectif de la collection est de diffuser les connaissances scientifiques (sciences naturelles et sciences humaines) en s’appuyant sur la SF, retissant ainsi le lien originel qu’elle entretenait avec les sciences.

 

 

 

Actusf : Qui en a été l’initiateur entre vous deux ?

Olivier Girard : On en parle Roland et moi depuis longtemps. Dans mon souvenir, c’est Roland qui a franchi le pas de la conceptualisation. Mais « Parallaxe », c’est en quelque sorte la mise en collection de la rubrique « Scientifiction », que Roland anime dans Bifrost depuis quoi… 20 ans ? Au fil du temps, Roland a invité divers scientifiques amis à collaborer à sa rubrique. Des contacts se sont noués ; l’idée a fait son chemin. Roland a tiré quelques livres de ses « Scientifictions » ici et là. On a commencé à se dire que plutôt que faire ça ailleurs, autant resté au Bélial’. D’autant qu’une collection explorant la science par le prisme de la science-fiction, ça n’existait pas… Bref, j’ai le sentiment que les choses se sont faites de manière assez naturelle.

Roland Lehoucq : Je confirme ce que dit Olivier. J’ajouterai que ma pratique de la diffusion des sciences par le biais de la SF m’a confirmé que le public appréciait cette démarche. Le Bélial’ s’est naturellement imposé comme le meilleur partenaire pour la concrétiser en créant cette collection. Bien sûr, il a fallu mûrir l’idée mais aussi s’assurer que le risque éditorial était supportable. Après tout, le Bélial’ entre dans le territoire de la vulgarisation scientifique qui lui est totalement inconnu.

 

Actusf : Comment choisissez-vous vos titres ? Sous quel angle la vulgarisation doit-elle être abordée pour vous ?

Olivier Girard : Ça, c’est le domaine de Roland. Le vrai directeur de collection, c’est lui ! Mon rôle se résume à lire les textes histoire d’en juger la compréhension. J’ai un niveau scientifique des plus médiocre. Ce que je sais en science, généralement, je le dois à la science-fiction (c’est assez étrange de dire une chose pareille, mais c’est pourtant la vérité). Je crois que tout lecteur de SF est un esprit curieux par essence. De tout. Je suis dont curieux de science sans rien y connaître véritablement. Du coup, je suis un beta lecteur idéal : si ça passe chez moi, ça passera chez tout le monde ! Par ailleurs, travailler au contact de scientifiques de la trempe de Roland, Jean-Sébastien Steyer ou Frédéric Landragin, c’est un immense privilège. Je ne boude pas mon plaisir et mesure parfaitement la chance qu’il m’est donné. Quant au meilleur angle pour la vulgarisation, c’est comme pour le reste de ce que nous publions : la passion. La passion, à mon sens, c’est la base sur laquelle on construit tout le reste. Nous sommes passeurs. D’histoires. De science. De l’un ou l’autre ou des deux en même temps. Et pour ça, la passion, c’est cardinal.

Roland Lehoucq : L’idée est de parler de sciences en prenant la SF pour prétexte. Et quand je dis sciences, je pense à toutes les sciences : physique, biologie, chimie, sociologie, droit, géographie, histoire, linguistique, etc. Nous souhaitons aiguiser la curiosité du lecteur en redonnant du goût aux sciences tout en lui procurant une nouvelle perspective sur ses œuvres de SF favorites. Bien sûr, il ne s’agit pas de critiquer leur qualité scientifique, mais de mener une enquête à leur propos, d’en extraire des informations qui ne sont pas données explicitement grâce au raisonnement scientifique ou de s’en servir pour exposer les théories actuelles. Nous ne souhaitons pas non plus détruire la part de rêve inhérente à toute œuvre de fiction (tous nos auteurs aiment et connaissent la SF !), mais visons plutôt à l’enrichir en traitant de son contenu scientifique. Il s’agit donc d’une exploration scientifique de la « planète science-fiction » transformant ainsi notre regard sur ces œuvres et sur notre monde.

 

 

 

Actusf : Quels sont les premiers titres qui composeront cette collection ?

Roland Lehoucq : Je reconnais que, pour démarrer la collection, nous avons été au plus simple : La Science fait son cinéma est la compilation des analyses de films que J.-Sébastien et moi avons co-écrites pour Bifrost. En quinze chapitres, nous analysons au moins autant de films aussi divers que Godzilla, Antman, Interstellar ou The Thing. Nous tentons de répondre à des questions légitimes à leur propos : peut-on être aussi grand que Godzilla ou aussi petit qu’Antman ? Que se passe-t-il vraiment au voisinage d’un trou noir ? Que peut-on dire de la science-fiction horrifique à la lumière de nos connaissances actuelles en biologie ? Il s’agit donc de décortiquer ces films de façon ludique et de comprendre ce qui nous est montré à la lumière de nos connaissances actuelles. Le second livre est intitulé Comment parler avec un alien ?, avec, en guise de sous-titre : « Langage et linguistique dans la science-fiction ». Frédéric Landragin, qui a déjà collaboré avec le Bélial’, notamment pour la postface de L’Enchâssement de Ian Watson, y traitera des rapports étroits que la SF entretient avec la linguistique. La rencontre avec des aliens est un classique de la SF et pose de nombreuses questions pratiques. Comment leur parler et s’en faire comprendre sans commettre d’impair ? Comment saisir ce qu’ils cherchent à nous dire, sans se tromper et provoquer involontairement un conflit irrattrapable ? Que feraient les linguistes humains dans une telle situation ? Là encore, partir des situations imaginées par la SF permet de présenter les outils de base de la linguistique moderne tout en menant une enquête fouillée sur plusieurs œuvres emblématiques — L’Enchâssement, bien sûr, mais aussi le récent film Premier Contact et la nouvelle de Ted Chiang dont il s’inspire.

 

Actusf : Quels sujets de vulgarisation aimeriez-vous traiter dans les ouvrages à venir ? Des collaborations en vue peut-être ?

Roland Lehoucq : Les prochains livres sont déjà prévus et commandés à leurs auteurs. Le premier sera de Frédéric Landragin, une suite de son Comment parler avec un alien ? qui traitera du dialogue humain-machine, de l’intelligence artificielle et du traitement automatique des langues. Le deuxième sera écrit par le géographe Alain Musset, qui travaille à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, et traitera des villes de la SF. Enfin, Ugo Bellagamba m’a promis quelque chose sur droit, justice et SF. J’aimerai aussi traiter du corps dans la SF (mutants, transhumains, cyborg…), de la génétique ou de la politique : les sujets ne manquent pas ! Nous visons la publication de deux titres par an.

 

Actusf : La collection s’habille d’une charte graphique conçue par l’illustrateur Cédric Bucaille. Pouvez-vous nous en parler ?

Olivier Girard : Cédric Bucaille, c’est un collaborateur, Erwann Perchoc, qui me l’a fait découvrir. Erwann et moi l’avons fait travailler sur Aliens mode d’emploi, un petit guide assez marrant sur comment se comporter en cas de rencontre avec un E.T., écrit par Laurent Genefort et publié en 2012. On a à nouveau sollicité Cédric sur Faire des sciences avec Star Wars. J’ai beaucoup aimé son travail dans les deux cas. Quand l’idée de « Parallaxe » s’est concrétisée, je voulais quelqu’un qui serait à même d’assurer la charte graphique pour l’ensemble de la collection, tant sur les couvertures que pour les intérieurs (car « Parallaxe » sera également illustré en intérieur).

Roland Lehoucq : Quand Olivier m’a montré le travail de Cédric Bucaille pour mon Faire des sciences avec Star Wars, j’ai tout de suite adoré son côté iconique et décalé. Le nom de Cédric s’est donc imposé tout naturellement pour travailler sur « Parallaxe » et en assurer la cohérence graphique.

 

 

 

Actusf : Parallaxe est une prolongation de l’expérience de vulgarisation débutée avec Faire des sciences avec Star Wars. Comment est accueillie la vulgarisation scientifique au sein de la communauté des amateurs d’imaginaire ?

Olivier Girard : C’est exactement ça. En fait, on s’est servi de Faire des sciences avec Star Wars comme d’un ballon d’essai. On s’est dit que si ça ne marchait pas, si notre approche de la vulgarisation via la SF ne trouvait aucun écho sur ce titre, on y réfléchirait à deux fois pour « Parallaxe ». Le joli succès de Faire des sciences avec Star Wars a contribué à faire sauter les derniers verrous. Après, on sait bien que Star Wars, c’est Star Wars. Les choses seront sans doute différentes sur les autres titres, mais en tout cas, ce bouquin a eu le mérite de nous montrer une chose : allier science et science-fiction, c’est quelque chose susceptible de toucher le grand public.

Roland Lehoucq : En fait, l’expérience de vulgarisation alliant sciences et SF a débuté il y a 20 ans, en créant la rubrique « Scientifiction » dans la revue Bifrost. Le succès de celle-ci auprès des lecteurs de la revue ne s’est jamais démenti et le projet autour de Star Wars en est la partie émergée. Par ailleurs, je donne plus de 50 conférences par an depuis au moins une dizaine d’années. L’essentiel tourne autour de cette discussion scientifique des œuvres de fiction qui fonctionne bien auprès d’un public scolaire ou étudiant. Enfin, depuis que je suis président des Utopiales, j’ai ajouté ma touche en proposant plus d’interventions avec des scientifiques ou des universitaires. Et le public semble apprécier l’initiative (mais on reste un festival de SF !). Parler de sciences à propos de SF semble donc bien accueilli par le public, qui a ainsi l’occasion de voir son genre préféré sous un autre angle.

 

Actusf : Quand pourrons-nous tenir ces essais scientifiques entre nos mains ?

Olivier Girard : La sortie officielle des deux titres en librairie aura lieu le 18 octobre prochain. Par ailleurs, tous les acteurs de la collection, auteurs, directeur de collection, éditeurs, seront aux prochaines Utopiales. Le festival consacrera une table ronde au lancement de la collection, et ce sera l’occasion pour les lecteurs de nous rencontrer tous et de parler science et SF. Vivement !

 

Photographie de © Olivier Dion

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