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La 25e Heure

Elian Black'Mor (Illustrateur de couverture), Carine-M (Mise en page), Feldrik Rivat ( Auteur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2015  -  livre
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La 25e heure

Les Éditions de l’Homme Sans Nom (HSN)
 
Les Éditions de l’Homme Sans Nom est une maison d’édition indépendante située à Montreuil, dont les premières publications datent d’avril 2011. Leur ligne éditoriale : les littératures de l’imaginaire ou de genre au sens large : de la science-fiction, de la fantasy, du fantastique, et quelques romans policiers, l’ensemble concernant les auteurs francophones.
 
Dirigée par Dimitri Pawlowski, la maison d’édition ne mise pas sur la quantité mais sur la qualité : les textes sélectionnés sont de véritables coups de cœur qui représentent souvent un pari éditorial, elle accorde également une très grande importance à l’accompagnement de ses auteurs. Cet engagement est visible : à travers les dates de dédicaces régulières des auteurs, le grand soin apporté aux couvertures (le diptyque La 25e heure et Le Chrysanthème noir a droit à deux couvertures magnifiques), et à travers la relation de confiance établie avec les auteurs : c’est bien son sixième roman chez l’Homme Sans Nom que Feldrik Rivat signe avec Paris-Capitale publié en 2017. 
 
 
Feldrik Rivat
 
Auteur de six romans aux éditions de l’Homme Sans Nom (le dernier, Paris-Capitale, étant paru en 2017), Feldrik Rivat est archéologue de formation, a travaillé comme préhistorien, se définit lui-même comme un « voyageur dans le temps ». Il décide de se consacrer à l’écriture en 2011, et c’est après avoir achevé une trilogie, Les Kerns de l’oubli, qu’il s’attaque au premier tome de son diptyque : La 25e heure (publié en 2015).
 
Il a également été peintre naturaliste et son intérêt pour le dessin se manifeste à travers la couverture de Paris-Capitale (2017), un très bel objet-livre qu’il a réalisé lui-même.
 
 
Une 25e heure consacrée aux morts et aux vivants…
 
Paris, décembre 1888. Alors que tout le monde s’interroge sur cette tour Eiffel érigée à l’occasion de l’Exposition universelle, l’inspecteur Lacassagne et son assistant Bertillon sont précipités dans les coulisses d’une enquête étrange et inquiétante. Des tombes profanées, des corps qui disparaissent puis réapparaissent à la morgue, un étrange chrysanthème noir en guise de signature… Les rumeurs du peuple de Paris finissent par faire la une des journaux : les morts parlent ! 
 
Un polar fantastique aux allures steampunk qui fait pénétrer dans les catacombes de Paris et passer entre les mains d’illusionnistes et de médiums…
 
La 25e heure : lecture élémentaire, mon cher… ?
 
La 25e heure, c’est d’abord une couverture, très soignée, qui parvient à combiner dessin de la tour Eiffel et présence d’une momie vivante, mais c’est surtout et avant tout un style. Certains passages s’apparentent à des prouesses d’écriture. L’auteur manifeste un talent particulier pour les descriptions (personnages en mouvement, atmosphères, mises en scène…), les entrées en matière (nombre de passages remarquables se trouvent en tête de chapitre), et sait très bien animer les foules ou n’importe quel figurant présent en arrière-plan. Des gavroches qui s’amusent à jeter des boules de neige, un livreur de glace qui élève la voix, des vendeurs de sapins qui se chamaillent, une entrée de chapitre sur un ramasseur de crottes professionnel… On verrait bien les scènes décrites adaptées en film, en série, en jeu vidéo. Mention spéciale pour l’entrée en scène de Lacassagne - excellente -, la description de « la magie mécanique de ce vaisseau onirique » que constitue le Nyctothéatron (spectacle mis en scène par un certain Georges Méliès au Café mécanique…). 
 
On louera aussi les dessins évoquant des bordures d’enluminures à chaque nouveau chapitre. Un coffret intégral réunissant les deux tomes est également disponible avec une couverture tout aussi travaillée que les originales. 
 
Des personnages forts
 
La 25e heure s’appuie sur un duo d’inspecteurs français Lacassage-Bertillon qui rappelle bien sûr le célèbre couple Sherlock Holmes-Docteur Watson. C’est un plaisir de suivre ces personnages, complémentaires, qui s’expriment avec sérieux et sans enchaîner les naïvetés. 
 
Lacassagne, appelé aussi « l’homme au moineau » et plus souvent encore « le Khan », cristallise les mystères. Comme Sherlock, il concentre les caractérisations exceptionnelles : son nom fait sensation, son comportement est énigmatique, son passé extraordinaire... Traumatismes, phobies, tout cela se traduit par une froideur d’apparence, une incompréhension de certains rapports humains et un manque cruel d’affects. Un personnage qui promet d’emblée des révélations à venir et une évolution intéressante. Son mystère est renforcé par l’usage récurrent du point de vue externe (souvent lors des entrées de chapitre). Louis Bertillon, l’assistant, est un jeune policier gentiment naïf et bavard qui craint de décevoir son mentor. Et qui a le don, comme son mentor, de se fourrer dans des situations embarrassantes.
 
Saluons également les autres personnages que l’on est (ou sera) amené à suivre de temps en temps, le chef de la Sûreté de Paris Goron, d’autres policiers, Clémence, l’hypnotiseuse slave Varasd, et même l’américain Pinkerton (très amusant avec ses tics de langage, sa connaissance des cryptages incompréhensibles, mais malheureusement personnage peu développé).
 
Une petite réserve : les personnages s’en tiennent un peu à la caricature, il leur manque un côté plus humain qui les aurait rendus plus sympathiques et profonds (le Khan en particulier, pourtant très prometteur). Dommage parce que le choix du mois de décembre permettait de mieux les connaître au cours de scènes sympathiques : c’est Noël… 
 
Un Paris fin XIXe siècle revisité
 
Le livre prend la forme d’un grand flash-back où « Le Biographe » retrace les aventures d’Eudes Anatole-Faust Lacassagne remontant à décembre 1888. C’est donc un Paris fin XIXe siècle que le lecteur découvrira, marqué par la construction de la tour Eiffel à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889. À ceci près que le récit bascule vers une « uchronie naissante » : l’auteur s’intéresse au spiritisme et part du principe que des technologies ont été mises au point pour expliquer (révolutionner !) la vie après la mort.
 
Un véritable travail de documentation a été effectué. C’est l’occasion pour le lecteur d’apprendre du vocabulaire, aussi bien vestimentaire que médical, de s’engouffrer avec réalisme dans les catacombes de Paris en passant par les manipulations d’hypnotiseurs et de médiums. Et bien sûr, de rencontrer des personnages historiques tels que Georges Méliès (réalisateur, illusionniste), le professeur Charcot (neurologue), le professeur Alphonse Bertillon (criminologue)…

Un polar plein de rebondissements
 
L’intrigue : une enquête policière. Des doigts tranchés, profanation de tombes, signature composée d’un chrysanthème noir... L’occasion de visiter Paris, d’entrer au Panthéon et même d’ouvrir le tombeau de Victor Hugo, de subir les manipulations d’un hypnotiseur, de vivre des hallucinations et de ne plus différencier le vrai de l’illusion…
 
L’intrigue, prometteuse au début, est un peu plus confuse. Les développements ne sont pas toujours très clairs, ce que subissent les personnages non plus (captures, manipulations…). Cependant, l’auteur sait jongler avec les rebondissements et aucune inquiétude à avoir, nos deux enquêteurs ne manquent pas de travail. 
 
La fin s’achève sur un rebondissement de l’intrigue. De quoi ressentir une certaine frustration mais aussi, il faut l’avouer, de quoi se jeter sur le tome 2. À avoir sous la main pour ne pas être trop frustré ! Et à la lecture du premier chapitre du Chrysanthème noir, c’est sans regret. (Note : la mention d’un « tome 2 » aurait pu être indiquée sur la couverture au risque d’embrouiller quelques lecteurs).
 
 
À lire pour ceux qui aiment les enquêtes policières et bien sûr le couple Holmes-Watson, ceux qui cherchent une belle évasion du côté d’un Paris fin XIXe siècle, et qui sont en quête de qualité littéraire. Pour la suite, rendez-vous dans les coulisses du Chrysanthème noir dans le tome 2 portant ce même titre ! Okay, old chap ?
 

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