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Les Légions dangereuses

Arnaud Cremet (Illustrateur de couverture), Fabien Clavel ( Auteur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/03/2004  -  livre
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Les Légions dangereuses

Avec pas moins de quatre romans en deux ans dans la collection Univers des éditions Mnémos, livres dédiés à l'univers rôlistique de Néphilim, Fabien Clavel s'est fait remarquer comme un jeune espoir du fantastique français, marchant sur les traces d'un Mathieu Gaborit. Ce jeune auteur, étudiant en lettres à Paris, s'émancipe ici de la lourde étiquette de novélisation de jeu de rôle, pour voler de ses propres ailes dans la collection Icares. Les Légions dangereuses constitue une incursion dans le domaine de la fantasy comique, domaine dont la suzeraineté échoit depuis de nombreuses années à Terry Pratchett et dans lequel les auteurs français se sont rarement aventurés (ou avec des bonheurs variés). Usant ici de ses propres armes: une culture littéraire étendue et un maniement allègre des mots et des expressions, Fabien Clavel nous offre un one-shot culotté dont je vous propose de dévoiler présentement la face (de lune).

Divine pagaille

Ca ne peut plus durer: ces deux paires d'yeux jaunes qui obsèdent jour et nuit les dieux du Cratère doivent disparaître. En éloignant jadis du pouvoir Quitiane, les quatre autres divinités de ce monde: Sram dieu des mathématiques et de la guerre, Hybris déesse des lettres et des arts, Fade dieu du commerce et des voleurs, et Revih déesse de la magie, ces quatre là donc espéraient bien pouvoir exercer leur autorité comme bon leur semblait. Peine perdue: Quitiane aura survécu, se cachant quelque part sur le Cratère, et attendant son heure. Pas d'autre solution pour ces dieux transcendants que de tenter de le supprimer, d'une façon plus... définitive. Pour ce faire, ne pouvant intervenir eux-mêmes dans le quotidien du monde, les dieux rebelles se choisissent chacun un champion.

Malheureusement pour eux, leurs premiers choix se font tous éliminer, évincer ou trucider par des seconds couteaux sinon minables du moins bien peu héroïques. C'est ainsi que se forme la divine confrérie composée d'un mercenaire Tigrom (secrètement amoureux de Lihv, la seule victime qu'il ait jamais épargnée), d'un poète humain chantre volubile de la couardise, d'une paire de jumeaux Simoïs roublards à souhait et d'une princesse yséenne au caractère bien trempé. Difficile dans ce cas d'espérer contrecarrer les plans de Quitiane. Mais les champions des dieux pourraient les surprendre en passant avec un succès insolent chacune des étapes qui se dresseront devant eux. Tout en progressant vers leur cible, les membres de la divine confrérie comprendront la terrible machination dont ils sont les instruments et qui pourrait bien précipiter le monde du Cratère vers sa perte...

L'exception culturelle au royaume de la fantasy

En choisissant un cadre scénaristique qui tient de l'archétype de l'heroic-fantasy, Fabien Clavel nous propose, à l'instar des Annales du Disque-Monde, d'explorer tous les territoires comiques limitrophes d'un genre aux traditions si éculées et aux codes si rigides. Les points communs avec Terry Pratchett et Tex Avery (dans un autre registre) s'arrêtent là. Les ressorts comiques des Légions dangereuses relèvent plus généralement d'un jeu avec la langue française et ses classiques. Ce jeu est d'ailleurs revendiqué en permanence par l'auteur qui n'hésite pas à égratigner tous les écrivains classiques ou contemporains, jetant en patûre ces 'grands textes' que l'on nous assène du collège à l'université.

Alors rit-on? Enfin est-ce que l'on se marre quoi? Oui, surtout si l'on goûte autant que l'auteur lui-même les petits plaisirs et les grands auteurs de la langue française. Sinon on s'ennuie un peu. En aucun cas on ne se plie en deux. Les personnages secondaires sont tantôt excellents (: la bande de Nahz, ramassis de bandits minables devenus immortels ou le couple régnant Yséen littéralement transformé en légumes), tantôt pathétiques (: Le Grand Hemji dans lequel se reconnaîtront les traits de rôliste de l'auteur, et qui est juste pénible). Alors je dirais contrat à moitié rempli, car si la première partie du roman est entraînante, la deuxième moitié semble proprement interminable: une fois le pot-aux-roses découvert par les membres de la divine confrérie (on le découvre d'ailleurs généralement avant eux, mais le problème n'est pas là), l'aventure prend une tournure tout à fait improbable, et le fil d'heroic-fantasy qui sous-tend le propos se brise aussi sûrement que l'envie de lire la fin. Du coup, on perd toute envie de rire aux bons mots de l'auteur dont l'effet de répétition sur quatre cents pages épuise un peu la saveur. La même verve sur moitié moins de pages et j'aurais sans doute crié au génie. La 'loi des gros bouquins' aura donc eu raison de ce qui reste sinon un livre tout à fait honorable. L'auteur, quant à lui, reste un nom à suivre avec vraisemblablement une jolie marge de progression.

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