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Les conseils de Claude Ecken - Rebondissements, surprises et contre-temps...
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Les conseils de Claude Ecken - Rebondissements, surprises et contre-temps...

Il arrive que les intrigues soient trop linéaires pour être excitantes. Entre l'exposé des faits et la conclusion, les événements se succèdent sans heurt, et donc sans surprise pour le lecteur. C'est aussi léthargique que la compile vidéo Spéciale 20 ans des vacances des beaux-parents au camping des Platanes (il paraît qu'on voit les enfants des voisins grandir, c'est superbe !). 
 
Le cas a déjà été évoqué ici et là, à propos du synopsis, de l'élaboration du scénario et de la progression de l'intrigue. Celui des scénarios plats, pas du camping. Il est temps de ramasser ce qui a été égrené de façon transversale pour tenter d'aller plus loin. 
 
En substance, il était conseillé de ménager des surprises pour éviter la routine, par le développement d'une intrigue secondaire, voire l'introduction de faux suspenses. Les intrigues secondaires étaient à chercher du côté des personnages, en les incorporant de préférence au récit premier par un lien quelconque. C'est le cas lorsque les problèmes personnels du héros font interférence avec l'histoire. Dans le chapitre consacré à la progression de l'intrigue, l'accent était mis sur la nécessité de maintenir une tension suffisante pour tenir le lecteur éveillé. Reste à savoir comment.
 
Le terme de tension est évocateur. Les instruments à cordes ont besoin d'être tendus pour donner des notes claires et franches. Relâchés, le son en est brouillé. Or quand l'intrigue fait ventre, le récit s'amollit malgré l'originalité ou la force du thème. Le résultat s'en ressent.
 
 
ÉVITER LES POUSSIFS
 
Comment aboutit-on à un résultat poussif alors qu'on croit tenir une intrigue solide ? En général, l'auteur est stimulé par une idée qui est le moteur de son histoire et qui lui fournit soit l'amorce, soit la conclusion. L'une dépendant de l'autre, il n'a aucun mal à les identifier et les accorder entre elles, mais il peine à les relier de façon satisfaisante. Et c'est dans l'intervalle qui sépare les deux extrêmes que les choses se gâtent.
 
Soit l'auteur ne sait pas ce qui se passe au milieu et avance à l'aveuglette en attendant de trouver le bon chemin pour aller de A à B, soit il est prisonnier d'un schéma narratif trop balisé pour être balaise, avec ses passages obligés, parmi lesquels la grande scène du 1, le premier baiser, involontaire car dicté par une impérieuse attirance réciproque (à ne pas confondre avec le baiser final), la grande scène du 2, le combat final suivi du baiser final (à ne pas confondre avec le premier baiser), et l'annonce incontournable de mômes braillards après quelques années d'un bonheur conjugal sans faille. 
 
– L'auteur ne sait comment aller de A en B. Jadis, bien des feuilletons progressaient au petit bonheur la chance, des romans d'aventure et des BD pour la jeunesse, malgré tout captivants – il n'y avait non plus grand chose à se mettre sous la dent. Qu'on songe aux premiers Tintin ; dans Les Cigares du pharaon, il est difficile d'expliquer par quel cheminement le reporter du petit XXe démantèle un trafic de cocaïne dans lequel tout le monde semble impliqué. On s'y perd dans tous ces rebondissements. Peu importait, du reste, la trajectoire, du moment qu'on parvenait à bon port. Ce travers a progressivement disparu chez Hergé : le foisonnement du début a abouti à des récits plus équilibrés, qui s'éloignaient moins du sujet. 
 
Certains auteurs aiment encore aujourd'hui se lancer dans l'écriture sans plan préconçu, espérant se surprendre au passage ; c'est possible quand on a du métier. Rien n'empêche, une fois la solution trouvée, de réaménager le scénario en fonction de l'intrigue qui a fini par émerger. À condition de n'avoir pas commencé la prépublication dans un support quelconque... 
 
Un exemple célèbre (et involontaire) de cette recherche d'intrigue est une aventure de Spirou qui voit le marsupilami avaler une radio miniature en marche, scène d'introduction d'un épisode où intervenait Zorglub. Mais l'éditeur Dupuis refuse d'embrayer sur une troisième histoire consécutive avec ce méchant d'opérette. Franquin multiplie donc les gags sur le même motif en attendant de trouver une solution, laquelle doit impérativement prendre pour point de départ la radio coincée dans le nez du marsupilami. Il finira par demander l'assistance d'une pointure du scénario, Greg. La relance est fournie par l'intervention surprise d'un radio-amateur dont les émissions sont brouillées par l'appareil que le marsupilami a avalé. Greg signera là l'une des plus belles aventures de Spirou, QRN à Bretzlbourg. Pagination oblige, les gags surnuméraires ont été supprimés de l'album standard (mais figurent dans une édition intégrale), sans attenter au récit principal, ce qui montre bien qu'ils ne lui apportaient rien (leur qualité n'est cependant pas discutée, ils sont malgré tout signés Franquin). S'assurer que la scène est en rapport avec l'intrigue de telle sorte qu'il serait impossible de la supprimer sans procéder à des réaménagements est un moyen d'empêcher la structure de se relâcher avec des ornements inutiles.
 
– L'auteur est prisonnier d'un schéma narratif contraignant. C'est le cas toutes les fois où il construit son intrigue autour du thème plutôt qu'autour d'une histoire. C'est souvent le cas dans les récits à portée didactique ou documentaire, ceux délivrant une morale ou qui se livrent à une démonstration, quelle que soit la pertinence de celle-ci. Les romans jeunesse en regorgent. Les téléfilms aussi – ceux à destination de la ménagère de 40 ans. Ainsi, un téléfilm sur le thème de la jalousie ou de l'alcoolisme, s'il met le thème au centre du récit, ne déroulera qu'un récit poussif. On verra un individu tout à fait fréquentable commencer par montrer quelques signes de défaillance, un verre pour supporter une annonce difficile pour l'alcoolisme, un soupçon de mensonge volontaire suite à une omission bénigne dans le récit de l'épouse pour la jalousie, puis le récit alignera une répétition embarrassante de scènes du même tonneau (elle est fine, celle-là !), jusqu'à la mise en évidence du petit travers devenu gros problème, constat suivi des efforts de l'individu puis de l'entourage pour y remédier, avec au final la rédemption la chute, fatale si on tient à conclure sur une note pessimiste. Fin. La succession des scènes, malgré les efforts pour les renouveler avec des ressorts dramatiques bien tendus et la virtuosité du scénariste dans l'exposition, reste sans surprise intrinsèque. 
 
Vous avez tous en tête des scénarios de ce type, mettant en scène l'enfant caractériel, la femme battue parce qu'elle ne sait pas jouer aux dames, le petit teigneux qui se rêve un grand destin, etc. Un professionnel vous torche ces scénarios au kilomètre, les doigts dans le nez, mais personne n'a réellement envie de connaître le résultat. On n'est pas loin de la version romancée de la dissertation scolaire avec thèse, antithèse, synthèse et catachrèse (en ce qui concerne les doigts dans le nez). Impossible de sortir de ces ornières narratives que les sujets les imposent. C'est le fait d'aborder le thème de manière frontale qui conduit à emprunter ces sentiers battus. Un thème ne fait pas une histoire.
 
Bien sûr, l'auteur doit identifier ceux présents dans l'œuvre pour enrichir son récit. Bien sûr, il se doit de les approfondir pour donner un sens à son histoire ! Mais il doit être attentif à ne pas inverser les priorités. Se mettre au service du thème conduit inévitablement à en faire la démonstration. Le scénario ne peut qu'être poussif puisqu'il comporte des "attendus" que le lecteur perçoit d'emblée. Son attention, déjà, s'émiette.
 
Certes, selon les sujets, il n'est pas facile d'échapper à ce piège narratif. Il arrive d'ailleurs que certains récits n'ayant pas réussi à l'éviter tirent malgré tout leur épingle du jeu, grâce à un contenu suffisamment riche ou suffisamment original, grâce à la qualité des dialogues ou à l'impertinence du ton. Au cinéma, les acteurs peuvent porter l'histoire. Il faut bien compenser l'absence d'originalité d'une façon ou d'une autre. On peut même s'amuser à faire le tri entre les intrigues qui reposent sur une idée forte et ceux qui ravaudent de vieilles trames grâce à une originalité quelconque, dans le ton ou dans l'écriture. 
 
L'histoire qui dévoile pour la première fois un problème de société parvient facilement à faire oublier ce travers. Il peut même être maladroitement exposé, il a l'avantage de la nouveauté. Souvent, d'ailleurs, le thème n'est pas exposé avec vigueur, ses lignes de force sont mal définies. Les reprises, en revanche, le structurent et font de lui un classique. Les suivantes devront obligatoirement modifier l'angle d'attaque pour le renouveler. 
 
Un exemple de moule classique est un épisode de la seconde saison de The Good Wife, enquête sur le viol d'une masseuse par un prix Nobel en peignoir de bain, déjà coupable d'une agression de ce type dans un hôtel quatre étoiles, lequel avait à l'époque étouffé l'affaire – la plaignante comprend du coup qu'on va chercher à la salir, d'autant plus qu'il y aurait des choses à exhumer de son passé. Malgré une trace de sperme sur la serviette, on se demande s'il ne s'agit pas d'un piège politique puisque ledit prix Nobel soutient un candidat à une élection. Bref, ce scénario, qui date d'octobre 2010 est si classique dans son déroulement que celui-ci ne réserve aucune surprise, quand bien même on le devine riche en évènements : les occasions, comme on le devine ci-dessus, ne manquent pas. C'est possible si le concept de la série est original. Celle-ci a, en effet, un avantage par rapport aux récits indépendants : bien conçue, avec des personnages typés, une narration originale, une mécanique bien identifiée, elle fait office de moule apte à recycler les scénarios les plus éculés. C'est la série qui doit être originale, les intrigues ne doivent pas lui faire concurrence mais se contenter d'être bien réglées et aussi correspondre à l'esprit général. Il faut un sacré métier pour se démarquer malgré tout de ses prédécesseurs, en jouant des rebondissements et des coups de théâtre. 
 
Un rebondissement est un événement intempestif qui provoque la surprise. Il constitue un contretemps qui modifie l'issue d'une action de façon inattendue. Un coup de théâtre est un retournement de situation radical qui modifie la trame même du récit. Le déroulement normal de l'intrigue est interrompu si brutalement qu'il appelle la sidération. En début de récit, il permet de démarrer l'histoire, une fois les protagonistes et la situation présentés. En fin de récit, il permet de conclure rapidement, de façon renversante. 
 
Chez Molière, les obstacles à l'amour se résolvent soudainement par des liens de famille ignorés qui modifient la donne. La remise en question est violente : c'est la découverte de la statue de la Liberté ensablée à la fin de l'adaptation de La Planète des singes. En cours de récit, l'histoire change de rails sans crier gare. C'est la robinsonade qui voit l'individu ou le groupe organiser sa survie, et être soudain confronté à des étrangers ou à une menace quelconque : L'Île mystérieuse de Jules Verne, les survivants dans un monde post-cataclysmiques ou rescapés sur un monde perdu obéissent à cette logique, les voyageurs temporels également, et ce dès le premier récit : à mi-parcours de La Machine à explorer le temps de Wells, le voyageur explore un futur où les humains sont dominés par les Morlocks, situation dont la résolution, qui appelle la libération de l'humanité de cette tutelle,occupe la seconde moitié du roman et prend le pas sur l'ensemble. Dans Le Vagabond de Fritz Leiber, on suit les catastrophes causées par un astéroïde s'approchant de la Terre, jusqu'à ce que celui-ci se révèle être un vaisseau spatial avec à son bord une créature féline qui a kidnappé le principal protagoniste. L'événement est assez considérable pour que le coup de théâtre soit introduit avec ce qu'il faut de mise en scène pour le faire accepter par le lecteur. Un coup de théâtre mal amené ressemble à l'abandon non justifié d'une intrigue au profit de celle ramassée en cours de route. 
 
En BD, le coup de théâtre est signalé par une grande vignette, à la hauteur de l'événement. Les images occupant une demi page dans Tintin sont suffisamment rares pour être signalées : celle dans Le Temple de soleil montre le trio Tintin, Haddock, Zorrino déboucher intempestivement dans une salle occupée par les Incas. Elle signale la fin de la marche aventureuse dans la jungle avec son lot de péripéties et le début des ennuis avec les derniers représentants d'une civilisation disparue. On voit la fonction du coup de théâtre. En quoi ce changement de cap se distingue-t-il de la faute consistant à faire démarrer une intrigue en milieu de récit ? Il rejoint le prétexte de départ, à savoir retrouver le professeur Tournesol et guérir des archéologues de leur mal mystérieux. La rupture est liée au reste. Les rebondissements sont d'un autre ordre : ils modifient le déroulement de l'intrigue mais le cap initial ne change pas. Ils sont réellement la distraction qui aère le récit, un peu comme les virages et le paysage empêchent la somnolence au volant, qui se manifeste surtout sur les autoroutes d'un ennui rectiligne.
Pour ce faire, il faut que l'histoire soit étrangère au thème traité, qu'elle ne l'aborde que de façon indirecte. C'est son intervention perturbatrice dans le récit qui mettra le thème en évidence et non la position centrale de celui-ci, trop évidente pour ne pas donner une sensation d'étouffement. La distinction est parfois subtile, mais elle existe. 
 
La Stratégie Ender a pour objet la guerre à travers des écrans : elle est à ce point dématérialisée par la technique que des enfants disputant une partie sur une console de jeu se révèlent tout aussi efficaces, voire meilleurs que les plus fins stratèges de West Point. Le roman d'Orson Scott Card ne se focalise pourtant pas sur cette question, au contraire ! Il s'efforce de détourner l'attention en s'attachant au personnage d'Ender : c'est avant tout la souffrance de ce dernier qui est mise en scène, sa solitude affective, les brimades qu'on lui fait subir. Il est bien sûr question d'entraînement sur simulateurs tout au long du récit, puisqu'il faut bien que la révélation finale renvoie à la réflexion sous-jacente, mais le distinguo est nettement établi entre le réel et le jeu : on entraîne des enfants doués aux jeux vidéos, on évite l'amalgame pour mieux asséner la révélation finale. Le fait qu'il n'y aucune différente de nature entre les deux activités n'est clairement établi qu'à la fin, et l'analogie est d'autant plus forte que l'attention s'est concentrée sur le destin d'Ender. 
 
En comparaison, War Games, le film de John Badham réalisé en 1983, six ans après l'histoire de Card (le roman est de 1985 mais la nouvelle de 1977), illustre sans détour la confusion entre réel et virtuel que génère par l'informatique: un ado croyant s'adonner à un jeu vidéo a en fait piraté un site du Pentagone et déclenché le compte à rebours d'une bombe surpuissante. Ce que Card gardait comme révélation finale devient le point de départ du récit : tous les rebondissements qui s'ensuivent sont des conséquences attendues de l'argument initial. Même ceux qui ne connaissent pas l'histoire peuvent imaginer les grandes lignes de la course contre la montre pour arrêter la menace. L'ensemble est sympa, mais le film est surtout vite daté, voué à l'oubli à mesure que la réflexion sur cette problématique progresse, et que les innovations technologiques ringardisent celles présentes à l'écran. Il lui manque, pour avoir une empreinte durable, un coup de théâtre final, une mise en perspective stupéfiante qui amène à reconsidérer l'intrigue. La réputation de La Stratégie Ender, elle, n'a cessé de croître, parce qu'elle se centrait sur la dimension tragique, foncièrement humaine, du récit : le récit devient un comic édité chez Marvel, et grandira encore à la sortie du film. Il connaît des suites, dont l'intérêt s'épuise à mesure que l'intrigue ne repose plus que sur les cordes sensibles que l'auteur tire en vain : la musique ne sous-tend plus aucun propos. 
 
Pour conclure, on pourrait utilement détourner cette définition de la science-fiction par Theodore Sturgeon : « Une histoire de science-fiction est une histoire construite autour d'êtres humains, avec un problème humain et une solution humaine, et qui n'aurait pu se produire sans son contenu scientifique. ». Remplacez "contenu scientifique" par le sujet que vous vous apprêtez à traiter et faites-en une règle ! N'importe quelle fiction est une histoire avec des êtres humains, des problèmes humains, et une solution humaine, mais qu'on n'aurait pu raconter en l'absence du thème traité. Celui-ci sera cette fois à la bonne place ! 
 
 
L'auteur aveuglé par l'enthousiasme se fourvoie chaque fois qu'il n'a d'égards que pour son idée et qu'il se focalise dessus avec l'extrémisme d'un ayatollah converti à la religion de la poudre. Il saute directement aux conclusions, trop pressé de décliner toutes les variations qu'il peut en tirer. L'histoire la véhicule, les personnages l'incarnent, les descriptions la suintent, les phrases la répètent jusqu'aux mots qui la charrient en syllabes, ça devient infernal. 
 
On l'aura compris : une idée, même brillante, n'est que l'essence du récit. Elle a ensuite besoin d'être en alimentée en éléments plus consistants pour durer. Si les bûches de l'intrigue ne sont pas assez épaisses pour éviter de brûler comme un feu de paille, il faut ajouter du retardant. Les surprises et les coups de théâtre servent à briser la monotonie d'un scénario trop évident, tout en reportant la résolution de l'intrigue. Un retardant bien dosé, et c'est le lecteur qui brûle de connaître la suite.
 
 
ANTICIPATION DU QUOI ET ATTENTE DU COMMENT
 
Le même problème de mollesse du scénario se produit chaque fois que le lecteur devine la suite trop tôt. L'auteur a fourni trop d'indications qui permettent d'anticiper ce qui va se passer. Cela ressemble à la quadrature du cercle : comment en dire suffisamment pour appâter sans trop en dire pour ne pas tuer la surprise ? Tout dépend de ce que l'on anticipe.
 
L'anticipation est en effet un ressort utile, et même essentiel : sans elle, pas d'attente de la suite, pas de suspense, pas de crainte pour le destin des personnages, ni de recherche mentale de solution. Lors de l'anticipation, c'est le lecteur qui fait le travail : il nourrit l'intrigue de ses propres craintes sans que l'auteur n'ait à souligner les passages en rouge. C'est pour vérifier si elles se réalisent qu'il tourne les pages. Ce qu'on appelle un page-turner n'est que la systématisation de ce procédé. Le lecteur est dans la situation de l'acheteur d'un ticket de loterie ou du concurrent à un quizz qui se demande s'il a gagné ; son impatience est à la mesure des gains annoncés, surtout s'il anticipe la façon dont il les utilisera. S'il est avéré qu'on ne gagne jamais à cette loterie ou que les prix sont sans intérêt, l'attente sera molle, voire nulle. Ce n'est pas pour rien qu'on intéresse une partie avec un enjeu, essentiellement monétaire. Pourtant, le joueur sait qu'il a en général très peu de chances de remporter le gros lot, car il n'est pas le seul sur les rangs : il cultive seulement l'espoir que ce sera le cas. C'est cet espoir qui attise sa curiosité.
 
De même, le lecteur sait comment se terminera l'histoire : non, le héros ne mourra pas, oui, le mystère sera résolu et le roi retrouvera son trône, le héros sa belle, les Dalton leur prison, sauf qu'il ne sait pas comment. Ni quand. Mais il attend le moment où ça se produira, il le guette. Tout l'art de l'auteur consiste précisément à placer le lecteur dans cette attente. Et de l'y placer durablement, en intéressant chaque bribe de récit comme s'il était porteur d'un enjeu particulier : il commence par décevoir l'attente avec une impossibilité quelconque ou une complication inattendue puis la restaure après la résolution de celle-ci. 
 
Il importe à ce stade de ne pas décevoir le lecteur par une attente vaine (autant ne pas oublier la réponse en cours de route) ni avec un délai insupportable qui pousse à ne plus souhaiter connaître la réponse. L'attente doit être comblée, et si ce n'est pas le cas, cela doit être dit. À vous de savoir jusqu'où vous pouvez jouer avec les nerfs du lecteur. C'est le principe du strip-tease : les strip-teaseuses savent exactement quand passer à la suite pour maintenir intacte la tension ; il est vrai que le public face à elles les informe en temps réel de leur efficacité. Lors d'une séance d'effeuillage, la tension érotique est suscitée par l'attente, dans un délicat équilibre entre désir et frustration, la frustration devant le geste arrêté étant compensée par une relance, lequel n'était à son tour qu'un faux-semblant dissimulant le suivant. Ni trop rapide, ni trop lente, le dévoilement progressif de l'intrigue applique les mêmes recettes. Et on s'étonnera après ça, que les auteurs de romans populaires aient mauvaise réputation ! Il n'en reste pas moins que ce dosage délicat, que certains possèdent d'instinct, et qui varie avec la situation, ne doit jamais s'éterniser au risque de susciter la réaction inverse. Rien n'est plus désagréable que les raconteurs d'histoires drôles qui font durer inutilement la blague. 
 
Il y a pourtant des romans où l'intrigue se développe lentement et qu'on dévore malgré tout sans sourciller. Le Nom du vent de Patrick Rothfuss est de ceux-là. Un auditeur a réussi à persuader une figure légendaire de raconter sa vie, récit qui court sur plusieurs volumes. Il faut soixante-dix pages bien tassées, petits caractères sur grand format, pour que le conteur commence son récit. Par quelle magie l'auteur parvient-il à tenir si longtemps son lecteur en haleine alors qu'il ne se passe rien de fondamental ? C'est simple : il fait toujours croire qu'il va se passer quelque chose ; chaque scène intermédiaire contient un petit mystère et sa résolution. Mais avant celle-ci une autre énigme aura été amorcée. On pourrait appeler ça la méthode des Mille et une nuits. 
 
C'est une autre clé : ne jamais laisser le lecteur sans une attente quelconque. De la surprise en toutes choses !... Lorsque les attentes sont comblées, le lecteur se demande ce qu'il fait encore là. Vous allez le perdre. C'est le moment de relancer l'histoire avec un rebondissement.
 
Si surgit un nouveau personnage, le fait de le présenter comme vaguement menaçant attirera l'attention sur lui. Mais le héros ne sera rassuré sur ses intentions pacifiques qu'après que l'intrus ait eu le temps de lancer quelques phrases intrigantes dessinant les contours d'un nouveau mystère, lequel à son tour laisse entrevoir une menace qui…, et ainsi de suite. C'est ce maillage qui garantit la solidité de la trame. 
 
Et c'est ce maillage qui devient lâche quand le terrain trop bien balisé permet au lecteur de progresser dans l'intrigue sans l'aide de l'auteur. 
 
Pour éviter d'être évincé, ce dernier doit bien prendre soin à laisser le lecteur anticiper sur le seul résultat d'une action, parce qu'elle est la seule logique, inévitable (il est impossible que cette solution soit la bonne), ou parce qu'elle appartient au canon du genre (le héros va s'en sortir, c'est sûr !) et à ne jamais permettre une anticipation des circonstances : comment les choses se dérouleront-elles ou à quel moment l'événement attendu, redouté, se produira-t-il ? L'attente devient alors suspense.
 
Il ne faut surtout pas donner au lecteur la réponse sur les moyens. Si le héros est retenu prisonnier dans une cellule cadenassée, et qu'on lui a fait au préalable les poches pour retirer tout ce qui lui permettrait de crocheter la serrure, mieux vaut éviter de rappeler avec trop d'évidence la broche que lui a offerte sa fiancée ; si le lecteur se souvient de sa présence, il se demandera ce qu'attend le héros pour l'utiliser. L'anticipation sur le comment est mortelle. Il faut bannir celle-ci.
 
En règle générale, il ne faut pas donner à l'avance ce que le lecteur est censé découvrir par la suite. Il s'ensuit qu'on ne donne pas le plan d'attaque avant l'assaut, puisque celui-ci serait ensuite sans surprise, sauf, bien entendu, si celui-ci ne doit pas se dérouler comme prévu.
 
Il arrive qu'il n'est pas toujours possible d'éviter ce type d'anticipation qui gâche le plaisir du lecteur. Mais puisqu'il ne faut jamais donner au lecteur ce qu'il attend, à l'exception d'une chose : la surprise, il incombe à l'auteur de modifier légèrement les passages obligés pour conserver malgré tout un avantage sur son lecteur. 
 
L'intervention peut se faire un peu plus tôt ou plus tard, quand le lecteur pense qu'elle n'adviendra plus, ou connaître une variante inédite, qui reste le meilleur moyen de réutiliser une intrigue éprouvée sans se faire accuser de plagiat, voire de jouer avec elle. En musique, on appelle cela une fugue : le même motif est interprété par des instruments différents, avec des façons différentes ou des tempos qui donnent l'impression de changer de thème. Mais toutes ces échappées se conjuguent lors de la reprise symphonique du morceau. N'importe quelle variante inattendue remplira son office, à savoir satisfaire la surprise du lecteur. Si une partie du lectorat s'est douté que l'épingle de la broche fera office de rossignol, il faut corser cette entreprise avec tout ce qui permet de la contrecarrer : la présence d'un gardien à l'oreille particulièrement fine réclamant une intervention durant le court laps de temps où il se rend aux toilettes, un matériel défectueux qui casse à la première tentative, une maladresse qui voit l'objet glisser sous la porte, bref, n'importe quoi qui rehaussera une scène autrement plate. 
 
Certains classiques restent cependant difficiles à renouveler. La bombe qui explose à contretemps, lors du passage des utilisateurs et non de leur cible, a cessé de surprendre depuis que les malfrats maladroits se sont multipliés dans les récits d'aventure. Il faudra la jouer plus finement pour la réutiliser sans s'attirer la désapprobation du lecteur. 
 
Proposer de l'inédit sans cesse n'est pas aisé. Par ailleurs, là où un grand consommateur d'histoires, blasé, fera la fine bouche, un amateur ignorant de ces ficelles se montrera enthousiaste, ce qui pourrait inciter un auteur peu regardant à se dire que ça conviendra toujours aux débutants. Certes. Mais il devra alors s'efforcer de faire passer la pilule par un autre moyen. Si même l'auteur n'a pas pour son texte l'exigence qu'il réclame, qu'il ne s'attende pas à une grande reconnaissance de la part du public.
 
Le mieux qu'il a à faire pour proposer une relance est d'utiliser comme leviers d'autres éléments de l'intrigue. La clé ou la broche qui refuse de fonctionner, tombe et disparaît dans un trou est une surprise mineure, limitée à la situation. En cherchant ailleurs dans le récit un contretemps efficace, on imbrique encore davantage les différentes parties du récit. La facilité du procédé s'estompe par la façon avec laquelle les éléments de l'intrigue s'imbriquent. La manipulation de la broche est rendue plus difficile par les mains du personnage, abîmées par ses récents exploits. Le motif de celle-ci est aussi un élément important qui délivre une solution importante. Au final, vous ravaudez votre intrigue avec des éléments importés. Certains romans d'aventures sont de magnifiques tissus écossais. Si les apports sont moins bien équilibrés, on obtient, à condition de bien coudre les bords, des patchworks un peu tape-à-l'œil mais confortables malgré tout.
 
 
L'INOPINÉ PAS TRISTE EST PARANO
 
Puisque nul ne doute plus de la nécessité d'introduire des rebondissements dans le récit, il reste à examiner la façon de s'y prendre. 
 
À l'époque des feuilletons, quand il s'agissait de maintenir un  suspense suffisamment intense pour inciter le lecteur a acheter la même feuille de chou le lendemain, les auteurs n'hésitaient pas à faire passer pour tragique n'importe quel événement de la vie quotidienne. Le héros qui s'écrie OH ! avec un air atterré et qui, la semaine suivante, refait son lacet est une relance artificielle éventée. Le recours à n'importe quelle scène bidon faisant office de diversion n'est plus de mise aujourd'hui, sauf si, en se dérobant à la vue pour s'être inopinément baissé, le héros surprend une conversation utile pour la relance de l'intrigue. N'en abusez pas quand même. Et rappelez-vous que votre personnage portait des boots en entrant en scène. 
 
L'astuce consiste à faire mousser l'intrigue en dramatisant chaque action qui s'y prête – sans surdosage. Qu'on se le dise ! L'absence de tension résulte d'une sous-évaluation des potentialités dramatiques du scénario. 
 
Dans les récits poussifs, le recours à des événements extérieurs incongrus ou à des réactions exagérées de la part des personnages pour dynamiser des passages faibles est une autre preuve de la nonchalance avec laquelle les possibilités de suspense du scénario ont été étudiées. Un examen plus attentif de l'histoire aurait dû permettre d'y puiser moult rebondissements.  
 
Pour multiplier les obstacles, il suffit de s'intéresser aux à-côtés de l'histoire. On en revient toujours à ce leitmotiv. Les personnages, les objets, les situations, bien des éléments qu'on dispose parce qu'ils sont nécessaires, ne doivent pas être considérés comme de simples accessoires crées pour une circonstance précise. Justifier leur présence de façon plus circonstanciée les fera exister de façon plus crédible, tout en fournissant des belles occasions de scénario. 
 
Cherchez un avant à tout ! Explorez les détails ! Demandez-vous quel imprévu pourrait mettre à mal le déroulement de votre scénario, quel grain pourrait gripper la mécanique, ce sont là des sources de rebondissements non négligeables. C'est aussi une prévoyance qui permet d'éviter des fautes de scénario, si une solution est à portée de main qui met fin à une situation dramatique. Mettez-vous dans la situation d'un parent inquiet à la recherche des accidents domestiques pouvant survenir à son enfant : il a en général beaucoup d'imagination pour imaginer les pires catastrophes. En bref, soyez parano dans cette phrase d'écriture. Les ultra méfiants ont une imagination fertile pour repérer les malveillances possibles.
 
La plupart des genres populaires font d'ailleurs une grande consommation du mode parano. Un des pourvoyeurs de craintes de ce type est Serge Brussolo : ses personnages ne cessent d'imaginer le pire, de dérouler sous les yeux du lecteur leurs pires cauchemars. C'est une façon pratique de compiler dans la même scène toutes les possibilités d'une situation : outre celle nécessaire au récit, les autres sont présentées comme des éventualités qui fournissent à l'intrigue un niveau anxiogène constant.
 
La dynamique des romans à suspense et des thrillers fantastiques repose essentiellement sur des imprévus et des contretemps propres à générer l'angoisse. La négligence ailleurs anodine devient un piège mortel. C'est souvent dans le déroulé minutieux d'une action, dans l'inventaire d'une scène, que se cache l'élément discret susceptible d'être convoqué pour une relance efficace. Vous cherchez un rebondissement utile dans une scène un peu plate ? Détaillez la scène, geste par geste, et voyez comment vous pouvez en perturber le déroulement. Les Stephen King, Dean R. Koontz et autres Peter Straub savent bien cela : les plus simples trajectoires sont sans cesse contrariées par l'impensable. Le diable est dans les détails, et il s'y connaît en matière de scénario. D'ailleurs, les pactes passés avec lui, auxquels on succombe ou échappe, reposent toujours sur une astuce restée inaperçue lors de la signature. La règle est celle-ci : 
 
Plus le rebondissement fait appel à un motif déjà présenté au lecteur, plus il est efficace. 
 
Plus le rebondissement est en rapport avec la trame principale, plus il a d'impact.
 
S'il a un incidence à plusieurs niveaux, il est encore plus remarquable.
 
 
Petit tour d'horizon :  
 
Les personnages. On l'a vu, ils ont une vie en-dehors du scénario et leur histoire personnelle influe sur ce qui est narré. Kevin Feige, le président des studios Marvel, qui gère les adaptations cinématographiques des super-héros des éditions du même nom, dit qu'il redoute toujours de mettre en scène un simple costume ambulant. Quand un nouveau personnage doit intervenir, pourquoi ne pas l'introduire avec un minimum de dramatisation ? Le récit nécessite de faire appel à un mage ou à un guerrier ? Au lieu d'annoncer qu'on connaît l'individu susceptible de convenir, on fait sa connaissance dans des circonstances étranges, quitte à momentanément le présenter comme un adversaire. Dans Le Nom du vent, de Patrick Rothfuss, le Chroniqueur ne se contente pas de solliciter un entretien avec le célèbre mage vivant incognito sous une autre identité, il éprouve l'aubergiste pour l'amener à se dévoiler, ce qui rend de plus en plus intrigant ce personnage d'abord perçu comme bonhomme débonnaire. Revenons à Tintin pour prendre un exemple plus connu : l'arrivée de Tryphon Tournesol n'aurait pas eu le même impact si Tintin et Haddock l'avaient sollicité pour les aider à chercher Le Trésor de Rackham le Rouge. Ils auraient pu trivialement apprendre par une lecture du journal qu'un savant était le concepteur d'un sous-marin de poche révolutionnaire et songer à le contacter, ce qui aurait été cohérent mais aurait manqué de vigueur. La fragilité de l'appareil, la surdité et le côté gaffeur du savant, l'insistance un rien dérangeante avec laquelle il s'immisce pour devenir un membre de l'expédition, jusqu'à s'introduire comme passager clandestin, permettent de dynamiser son arrivée, tout en faisant de lui un personnage réussi, réutilisable dans de prochains albums. Ce n'est pas sans malaise, ou en tout cas avec une forte dose de suspicion, que les jeunes lecteurs, s'ils lisent les épisodes dans l'ordre, voient cet étranger s'imposer dans le récit. Dans Le Crabe aux pinces d'or, le capitaine Haddock était présenté d'une façon similaire, et Nestor de même dans Le Secret de la Licorne, à croire qu'Hergé en avait fait un principe d'introduction de ses personnages.
 
Les objets. Certains d'entre eux sont utilisés à bon escient, au moment adéquat. Et c'est heureux. Reste qu'une telle disponibilité est remarquable au point de devenir suspecte. Il n'est pas forcément inutile de s'interroger sur leur présence, surtout quand ils sont insolites ou inhabituels, et peut-être alors pourra-t-on remarquer qu'ils n'ont pas à être immédiatement à portée de main, de façon si inopinée, en tout cas pratique pour le scénario. La nécessité d'aller les chercher pour les utiliser au moment adéquat peut déboucher sur quelque développement intéressant. Les clés de la voiture régulièrement jetées sur la commode à l'entrée devient une occasion de relance dramatique, lorsque, cherchant à échapper à l'agresseur en fuyant par la fenêtre, la victime se rend compte qu'elle ne peut fuir en voiture. Donner une histoire aux objets, les faire vivre indépendamment des moments où on en a besoin, les charger affectivement, renforce leur rôle sur le plan narratif. Pourquoi faut-il toujours que seul le démarreur de la bagnole donne des signes de faiblesse au moment de mettre les voiles dans l'urgence ? Et si la voiture avait été prêtée par une personne qui demandait d'en prendre soin ? Voilà qui renforcerait l'intérêt pour la traditionnelle course-poursuite, car le lecteur aurait ce détail à l'esprit chaque fois qu'on froisserait de la tôle. Et si la mise à la casse du véhicule, en empêchant le propriétaire de se rendre au boulot le lendemain ou de mener à bien la suite d'une affaire, générait un contretemps qui ne serait pas sans conséquence sur le reste de l'histoire ? Des scénarios hâtifs négligent ce genre de détail. Pour admettre que le personnage arrive au bureau à l'heure le lendemain, le lecteur doit supposer que ce dernier a réussi à se débrouiller d'une façon ou d'une autre, qui n'est pas rapportée dans le récit car elle est sans intérêt. Mais cette déconcertante facilité gâche le capital accumulé lors de la désastreuse séance de stock car... Il en va de même avec ce délicat cendrier sur la table basse : le héros agressé censé en prendre soin n'a plus rien d'autre à balancer au visage de l'intrus ; il risque de se mettre en fâcheuse posture s'il se refuse à pulvériser ce souvenir sentimental. Cette seule hésitation pourrait changer l'issue du combat. Ele relance en tiut cas l'intérêt pour une scène d'action lue mille fois… Quand vous dotez les objets inanimés d'une âme, soyez assuré que votre bouquin ne finira pas sa carrière dans le lac. Sans nécessairement jouer à McGyver, ne cessez pas de les observer pour en tirer un parti inédit. 
 
La configuration des lieux. Il faut leur accorder la même scrupuleuse attention, pas seulement lors du combat final où l'auteur s'efforce de tirer parti du décor pour muscler l'action. Une porte considérée comme une issue peut avoir été fermée par inadvertance quelques temps auparavant et rester désespérément close, un élément du décor peut se révéler salvateur ou dangereux parce que quelqu'un l'a dérangé dans la scène précédente. 
 
Il en va de même des événements. Les scènes ne doivent pas s'empiler comme de simples étapes vers la résolution de l'intrigue. Lorsqu'elles ne s'enchaînent pas de façon mécanique, elles s'imprègnent dans la mémoire, elles acquièrent une signification qui rejaillit sur les épisodes suivants. Si elles ne font que répondre aux nécessités de l'intrigue, correspondant aux fins dramatiques pour lesquelles elles ont été conçues, elles sont plates. Mais si elles sont en lien avec le reste de l'histoire, elle renforcent la cohérence de l'ensemble et stimulent l'action en cours par ce rappel particulièrement vif ou entraînant. Tout le monde se souvient de l'intéressant ressort dramatique utilisé dans Les Aventuriers de l'arche perdue : le nazi a failli récupérer le médaillon sur lequel figure un plan très convoité, il en a été empêché in extremis parce qu'il s'est brûlé en le sortant des flammes. Pour les besoins de l'histoire, il est cependant nécessaire de voir les ennemis réapparaître sur les lieux du trésor. Un scénario poussif aurait négligé d'expliquer comment, ou bien aurait imaginé un hasardeux concours de circonstances pour les remettre en selle, par exemple grâce à une écoute téléphonique donnant le lieu de la prochaine étape. L'astuce utilisée par les scénaristes est beaucoup plus intéressante, puisqu'elle s'appuie sur le rebondissement du combat précédent : le plan se trouve désormais gravé dans la paume de l'Allemand. La trouvaille est d'autant plus intense que la surprise est en lien direct avec le cœur du récit et qu'elle est présentée de façon inopinée, à la faveur d'une poignée de main. On constate au passage que les rebondissements de l'affaire passionnent parce qu'ils surgissent toujours là où on ne les attend pas : pour surprendre, le contraste est de rigueur.
 
Les autres éléments de l'intrigue sont également à votre disposition de l'auteur, la dimension symbolique de l'histoire, son emploi comme métaphore, n'importe quel détail qui n'avait pas été initialement pris en compte et qui pourrait, avec un peu d'astuce, être utilisé dans un rebondissement. 
 
La documentation est un excellent réservoir à intrigues. On pourrait croire que l'exactitude dont elle fait preuve contraint l'auteur au point de le priver de sa liberté d'action, c'est le contraire qui se produit. Comment ? Pourquoi ?
 
C'est ce qui sera détaillé dans un prochain chapitre. Car il y a encore beaucoup à dire sur les rebondissements. Outre la documentation, il sera question de l'implant dans la préparation du rebondissement, des intrigues basées exclusivement sur ce principe et de bien d'autres choses encore. En espérant que l'attente ne vous sera pas trop longue…
 
A SUIVRE…
 
Claude Ecken

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