Jean-Marc Ligny
ActuSF : Racontez-nous comment vous avez publié votre premier texte professionnel ? Comment avez-vous rencontré l'éditeur ? Est-ce que cela a été difficile ? De quel texte s'agissait-il ? Avez-vous mis longtemps à publier ce premier récit ? Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure ?
Euh, ça fait beaucoup de questions d’un coup… Je vais tâcher d’y répondre dans l’ordre.
J’ai publié mon premier texte professionnel – et du reste, mon premier texte tout court – dans l’anthologie « Futurs au présent » de Philippe Curval, parue en 1978 chez Denoël. Pour mémoire, c’était une antho-pépinière de jeunes auteurs débutants, n’ayant jamais publié de texte professionnel. Sur les 17 auteurs présentés dans cette antho, il n’y a guère eu que Serge Brussolo, Bruno Lecigne et moi qui avons poursuivi une vraie carrière professionnelle… Je n’ai pas envoyé moi-même à Curval ma nouvelle « Artésis comment ? ». Je l’avais envoyée d’abord à la revue Fiction, tenue à l’époque (je crois) par Daniel Riche. Celui-ci ne l’a pas retenue pour Fiction, mais l’a transmise à Philippe Curval – par l’intermédiaire de Jean Bonnefoy et Jean-Louis Lebreton, si je me souviens bien – pour ce projet dont j’ignorais totalement l’existence. Et c’est ainsi qu’un beau jour, j’ai appris que mon texte avait été sélectionné pour l’antho…Un coup de chance, si je puis dire, ou l’opportunité d’avoir écrit le bon texte au bon moment et de l’avoir confié aux bonnes personnes ! Car ce n’était pas ma toute première nouvelle écrite. Deux ans auparavant, j’avais même écrit un roman entier, qui comme de juste avait été refusé partout – avec plus ou moins de justifications – mais ça ne m’avait pas découragé. J’avais donc poursuivi par des nouvelles, c’était plus court et ça paraissait plus facile. J’en ai encore de cette époque, inédites, dans mes archives… ainsi que mon tout premier roman, d’ailleurs. J’espère que personne n’aura la mauvaise idée de les publier après ma mort !
Je garde de cette aventure un merveilleux souvenir : pensez donc, mon premier texte publié non pas dans un fanzine, ni même dans une revue, mais dans un bouquin ! Chez Denoël en plus, un éditeur des plus prestigieux pour moi ! Naturellement, c’est vers Denoël que je me suis tourné pour publier mon premier « vrai » roman, « Temps Blancs ». Je l’envoyais à Elisabeth Gille à mesure que je l’écrivais, et j’ai su ainsi qu’il serait publié avant même que je l’aie terminé. Mais Elisabeth m’a beaucoup fait travailler dessus. En fait, elle a été mon mentor et professeur d’écriture durant ces premières années, jusqu’à ce qu’elle passe le relais à Jacques Chambon. J’ai pour elle une infinie reconnaissance – paix à son âme.
ActuSF : Quelle réaction avez-vous eu en voyant votre nom pour la première fois sur le livre, la revue ou l'anthologie concernées ?
De la fierté, naturellement ! Et aussi l’impression d’être enfin entré dans cette grande famille avec qui je flirtais depuis mon adolescence – je me suis abonné à Fiction et Galaxies vers l’âge de 12-13 ans. Et le flirt a été plus poussé lorsque je suis allé au festival de Metz en 77, en tant que fan payant, bien sûr. Là j’ai pu rencontrer en chair et en os certains des auteurs que j’aimais ou vénérais. Je me suis même une fois retrouvé dans l’ascenseur du Sofitel avec Philip K. Dick en personne… Trop ému et trop nul en anglais, je n’ai pas pu en placer une ! Et j’ai passé une soirée mémorable dans la chambre de Kesselring, à picoler et discuter. Il m’a donné un bon aperçu de ce qu’était le milieu de la SF à l’époque… Bref, quand l’antho est sortie, j’ai eu le sentiment de passer de l’autre côté de la barrière : je n’étais plus un fan payant et transi, mais peut-être un futur auteur invité. Ça s’est confirmé par la suite…
ActuSF : Et si c'était à refaire, vous recommenceriez les mêmes débuts ?
Certainement ! Que rêver de mieux pour un auteur débutant ? Première nouvelle publiée dans une antho dirigée par un maître du genre, premier roman qui me vaut un passage à Apostrophes, l’émission littéraire de Pivot (qui n’avait rien compris à mon bouquin, mais ce n’est pas grave, j’étais à la télé !). J’ai eu de la chance, je peux le dire. Je doute qu’aujourd’hui ç’aurait été aussi facile.
Jean-Michel Calvez
ActuSF : Racontez-nous comment vous avez publié votre premier texte professionnel ? Comment avez-vous rencontré l'éditeur ? Est-ce que cela a été difficile ? De quel texte s'agissait-il ? Avez-vous mis longtemps à publier ce premier récit ? Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure ?
Pour ce qui concerne l'imaginaire, mon premier texte publié est sorti dans le Fanzine "Miniature" de Chris Bernard, en 1993. Nota : le second fut publié dans le Fanzine "La Geste" environ deux ans plus tard.
Sans internet, la connaissance des fanzines et des (petits) éditeurs était assez laborieuse et aléatoire, sans parler des contacts éditoriaux, limités en gros au courrier classique, celui de la Poste. Dans les deux cas, je ne connaissais pas du tout ces éditeurs (non parsiens) et j'ai donc envoyé mon texte par la Poste. Je pense en avoir entendu parler via Maelstrom, fanzine à la présentation superbe (formatA4, noir et blanc), trop vite disparu à peu près la même année.
Dans la même période, j'ai aussi publié, en 1994, un texte mainstream sous pseudo dans le magazine "Nouvelle donne" (distribué et diffusé en kiosque). Le pseudo pour celui-là, c'était pour un motif inhabituel : je participais aussi au comité de lecture de la revue et ne souhaitais donc pas influencer les autres membres de l'équipe ; j'ai donc glissé ce texte dans la pile et ouvert une fiche de lecture avec un faux nom, et une fausse fiche de lecture en forme d'auto-critique.
J'ai gardé de cette aventure un sentiment un peu mitigé, parce que ces revues ou fanzines restaient confidentiels, dans l'ombre des livres publiés et diffusés. Pas question, dans ces conditions, de présence en rayon ni en FNAC ni chez un libraire (celui du coin de préférence, où l'on pourrait "se voir" en rayon). Pas non plus de chroniques à attendre (toujours lié à cette période "pré-internet" ou presque). Mes premières "vraies" publications dans un environnement professionnel qu'on peut qualifier de normal ont été la revue Ténèbres, puis deux anthos au Fleuve Noir (celles de Daniel Conrad), puis celles de chez NestiVeQnen : la diffusion et le buzz étant ce qu'ils étaient, raisonnables à cette échelle de publication, au moins avait-on le sentiment "d'exister" un peu sur le marché du livre, au delà de "voir" et de pouvoir "toucher" uniquement son exemplaire d'auteur, ce qui est un peu limité quand même voire frustrant (disons underground....), quand on s'efforce d'être écrivain, donc publié, donc visible.
ActuSF : Quelle réaction avez-vous eu en voyant votre nom pour la première fois sur le livre, la revue ou l'anthologie concernées ?
La réaction habituelle, je crois :"Enfin !" et, dans le même temps : "Ce n'est que le début...", vu les limites que j'évoque plus haut en termes de visibilité sur le marché du livre. En tout cas, ce fut cette première étape, une fois franchie, qui m'a conduit à envisager dans la même période l'écriture d'un roman, une expérience tout à fait différente (pas seulement pour l'investissement et le temps passé, mais aussi vu l'enjeu de publication très différent). Ce fut le roman de SF "Planète des vents", un planet opera initiatique (pour moi tout au moins....) écrit de 1992 à 1994, puis publié au Fleuve Noir en 1997, après un long parcours de recherche d'éditeur.
ActuSF : Et si c'était à refaire, vous recommenceriez les mêmes débuts ?
Pour ce qu'il fallait faire ou écrire, oui sans doute. On a les idées qu'on peut. Mais j'aurais commencé plus tôt l'écriture de romans (de SF notamment), ne serait-ce que pour avoir au moins une chance d'être publié plus de deux fois au Fleuve Noir quand c'était encore possible ; un Fleuve noir dont je n'ai connu que les dernières années avant que survienne le choc (la catastrophe...) du rachat par Vivendi, qui a tout cassé dans cette maison pour de très mauvaises raisons (commerciales). Dès ce moment, auteurs et directeurs de collection ont quasiment tous été "remerciés" ; je faisais partie de la charrette, bien entendu, faute d'être connu.
Pour le reste, il faut avouer qu'à cette époque, jusqu'à mi 90', je manquais cruellement de visibilité aussi, et d'opportunités de contacts et de publications, faute d'avoir internet à ma disposition. Habiter la région parisienne ne suffit pas forcément à mieux connaître les éditeurs. En fait, l'une des leçons serait aussi celle de fréquenter les salons spécialisés, j'imagine, pour se faire connaître, soi et ses écrits. Mais là encore, sans internet, l'info ne se trouve pas dans les quotidiens. Et Galaxies, à laquelle j'ai été abonné dès l'origine, n'était - et n'est toujours - que trimestrielle, ce qui est un peu limité pour disposer à temps d'infos fraîches.
Fabrice Colin
J'ai écrit mon premier roman, Neuvième Cercle, peu de temps après avoir rencontré Stéphane Marsan, qui s'occupait alors des éditions Mnémos. C'est lui qui m'a encouragé, et même plus que ça. J'avais alors vingt-cinq ans.. J'ai rédigé une quinzaine de pages, je lui ai montré, il m'a dit "continue", avec avoir émis les quelques réserves d'usage. Le roman est sorti très vite dans une nouvelle collection qui s'appelait Angle Mort - une collection "terreur" que j'étais, il me semble, pratiquement le seul à alimenter.
Aucun d'entre nous, il me semble, ne savait vraiment ce qu'il faisait. J'ai dû écrire Neuvième Cercle exagérément vite, en deux ou trois semaines, dans une sorte de fièvre. De la fièvre en question, je garde un excellent souvenir. Mais le roman lui-même était très mauvais, très mal écrit. Une personne, cela dit, a quand même eu des mots gentils pour lui : Roland C. Wagner. Je n'ai jamais oublié ça.
Pour le reste, je ne me suis pas du tout évanoui en voyant mon nom sur une couverture car je publiais déjà des scénarii de jeux de rôle dans la presse et chez des éditeurs spécialisés depuis l'âge de seize ans : j'étais donc habitué à voir mon nom imprimé.
Si c'était à refaire - je ne sais pas. D'un côté, je me dis que j'enverrais le texte à un éditeur installé et expérimenté - aujourd'hui, Gilles Dumay ou Bénédicte Lombardo -, quelqu'un qui me fasse travailler et progresser plus vite. D'un autre côté, si je n'avais pas rencontré Stéphane, je n'aurais sans doute jamais eu l'idée d'écrire un roman.
La chronique de 16h16