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Océanique

Greg Egan ( Auteur), Francis Valery (Traducteur), Sylvie Denis (Traducteur), Nicolas Fructus (Illustrateur de couverture), Pierre K. Rey (Traducteur), Francis Lustman (Traducteur), Quarante-Deux (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 31/10/2009  -  livre
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Océanique

La Cité des permutants, Isolation, L'Énigme de l'univers... Autant de romans  qui ont fait la renommée de Greg Egan, auteur australien que personne n'a jamais vu – dit-on –, ce qui ne l'empêche pas d'être vénéré par certains comme figure majeure de la hard-SF depuis maintenant près de vingt ans.

Le projet pharaonique du Belial' se poursuit...

Après Axiomatique et Radieux, Océanique est le troisième recueil de nouvelles de Greg Egan que le Belial' publie, en collaboration avec Quarante-Deux. Océanique n'est en fait que la troisième partie du projet de publication intégrale des nouvelles de l'auteur australien. En attendant ce quatrième volume, les fans d'Egan comme les néophytes peuvent lire les treize longues nouvelles du recueil ici chroniqué, où la physique quantique joue un rôle primordial.

Six cents pages de hard-SF, c’est bon, mais c’est aussi parfois difficile

Océanique s’ouvre sur deux nouvelles qui font référence à des textes parus dans les recueils de nouvelles d’Egan précédemment parus au Bélial’.
La première, Gardes-frontières, met en scène des joueurs amateurs de football quantique. Ces derniers sont vieux de plusieurs milliers d’années, réfugiés dans des univers parallèles qui ont permis à l’humanité de se répandre. Ce récit plonge immédiatement le lecteur dans l’ambiance hard-SF affectionnée par Greg Egan puisqu’il a droit à une description vertigineuse de stratégies de jeu basée sur la manipulation de fonctions d’ondes. Si l’amateur de science-fiction « légère » passera aussitôt son chemin, le lecteur de SF plus hardue sera envoûté. Il ne reprochera pas trop aux personnages de cette première nouvelle de faire preuve d’un sentimentaliste exagéré et s’attaquera immédiatement à la seconde nouvelle.
Intitulé Les Entiers sombres, ce deuxième texte fait suite à la nouvelle Radieux, parue dans le recueil éponyme. On y assiste à la guerre, à coup de formules mathématiques, entre deux univers : le nôtre et un autre ayant une maîtrise supérieure de l’algèbre. Très bien mené, ce récit est une délectation qui fait espérer beaucoup du reste du recueil.

La suite est malheureusement plus ou moins bonne, selon les textes. Les idées sont souvent fascinantes, comme par exemple dans Fidélité, dans lequel l’auteur australien décrit un futur où des implants permettent à, l'homme un contrôle total de son corps ou de ses émotions, permettant aux personnages principaux de décider de rester éternellement amoureux. Dans Lama, Egan décrit là encore la magie des implants qui ouvrent cette fois un univers dialectique inédit grâce à un nouveau langage.
L'auteur a par contre parfois quelques difficultés à écrire des histoires vraiment passionnantes. Ainsi, Poussière place la copie d’un homme dans un univers virtuel particulièrement ennuyeux. De même, Les Tapis de Wang, qui se déroule dans le même univers que le roman Diaspora (inédit en français), décrit la rencontre avec une forme de vie extraterrestre sur une planète lointaine, ce qui n’a rien de bien excitant.
Avec Mortelles ritournelles ou Le Réserviste, Greg Egan déçoit également quelque peu. La première nouvelle fait beaucoup penser à Planète à gogos de Frederik Pohl et Cyril M. Kornbluth, par sa description du pouvoir invasif de la publicité (elle a comme éléments principaux des jingles si efficaces qu’on ne peut les oublier). Quant à la seconde, elle met en scène un homme assez riche pour disposer de clones qui lui permettront de se réincarner. L’idée n’est pas nouvelle, nous en conviendrons. Toutefois, l’auteur australien est capable de toujours surprendre, et ces deux textes se terminent avec brio, en titillant la curiosité et l’humour noir du lecteur.

Greg Egan, un athée…

En temps qu’auteur de science-fiction amateur de physique quantique, pragmatique, Greg Egan ne surprend personne en faisant preuve d’athéisme. C’est en fait même une de ses principales caractéristiques, qu’il l’exprime sans détour dans ses textes.
Ainsi, Océanique met en scène un personnage empreint d’une foi extrêmement profonde, suite à une expérience mystique. Mais les choses ne sont évidemment pas ce qu’elles paraissent. Egan décrit dans cette nouvelle un des personnages les plus développés du recueil. C’est d’ailleurs un des meilleurs textes du livre, ce qui justifie qu’il lui donne son nom.
Dans Oracle, l’écrivain australien livre une réécriture de l’histoire des sciences dans un univers parallèle au nôtre, proche, mais pas tout à fait. Robert Stoney, inspiré par Helen, une femme venue d’un autre univers, y fait des avancées technologiques fulgurantes, ce qui va lui attirer l’animosité de John Hamilton, un chrétien radical. Mais ce dernier, dans sa confrontation au scientifique, sera évidemment soumis au doute…
Oracle montre également à quel point les récits de Greg Egan sont liés et forment une œuvre dont les éléments se répondent. En effet, Helen n’est autre que le personnage apparaissant déjà dans Singleton, autre nouvelle d’Océanique où Egan s’attaque au thème de l’intelligence artificielle, avec le talent qu’on lui connaît, même si la longueur de la nouvelle nuit à sa qualité.

…et un auteur engagé

Greg Egan fait également apparaître une autre de ses facettes dans Océanique : celle de l’écrivain qui a un message à faire passer. Dans Yeyuka, il montre comment, dans un futur proche, si on disposait de techniques de guérison bien plus avancées que celles que nous connaissons, nous pourrions soigner des millions de gens. Mais encore faudrait-il que nous le voulions... Il dénonce là le mépris des pays développés pour ceux qui le sont moins.
Enfin, dans Le Continent perdu, qui clôt le recueil, ce sont les politiques de contrôle des flux migratoires que l’auteur australien dénonce. Certes, dans sa nouvelles les clandestins traversent l’espace et le temps pour se réfugier dans une époque plus clémente, mais la façon dont ils sont traités correspond parfaitement à celle que connaissent les réfugiés en provenance des pays du Tiers monde.

À lire

Avec Océanique, Le Belial’ poursuit un projet ambitieux mais magnifique, dont on ne peut que le féliciter car elle permet de découvrir plus avant un auteur qui n’est pas une des têtes de file de la hard-SF pour rien. Des idées souvent innovantes, des récits généralement passionnants, des personnages parfois superbes : il y a tout pour plaire dans ce recueil, pour peu qu’on aime être pris de vertige face à des idées fascinantes.

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