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5 dystopies pour le pire des mondes
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5 dystopies pour le pire des mondes

La dystopie c'est quoi déjà ?

Une dystopie, également appelée contre-utopie, est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur. (Source  : wikipédia)

V pour vendetta  d'Alan Moore : soumis, insoumis

On l'évoquait déjà dans ce dossier qui est consacré à Alan MooreV pour Vendetta (Delcourt) est un roman graphique paru de 1982 à 1990, et dessiné par David Lloyd. 1980 : une guerre mondiale a éclaté, la bombe atomique a été lâchée et a détruit une grande partie de l’Europe. L’Angleterre a survécu mais un parti fascisant en a pris le pouvoir. Violence, épuration ethnique, chasse aux sorcières... Un climat de terreur et de répression règne sur le pays. Un anarchiste surnommé V va alors s’opposer au régime et soulever la population face à cette oppression.

Alan Moore prend pour cadre l’Angleterre qu’il connaît bien pour dépeindre cette dystopie sombre et violente. Véritable pamphlet contre la dictature, appel à la révolte, V pour Vendetta traduit l’engament politique de ses auteurs. Nul super-héros dans ce roman graphique, seulement des femmes et des hommes qui se battent sans super-pouvoir aucun si ce n’est celui de leur volonté.

Plus qu’un personnage, V est un mentor qui transmet son combat à Evey, la jeune femme qu’il a recueillie, et à travers elle à tous les résistants. V incarne une liberté qu’une simple balle ne suffit pas abattre. Avec V pour Vendetta,  Alan Moore se réapproprie la thématique de la société totalitaire pour mieux la dénoncer.

Transmédia : Une adaptation au cinéma de V pour Vendetta réalisée par James McTeigue, un des collaborateurs des frères Wachowski.

 
V pour Vendetta
V pour Vendetta Bande-annonce VO

Harmonie de Project  Itoh : l'homme est la ressource la plus précieuse au monde.

Une catastrophe nucléaire a presque anéanti l’espèce humaine. L’Utopie est créée pour préserver la ressource la plus importante de la planète : la vie humaine. L'individu n'est plus propriétaire de son corps, et sa santé physique et mentale est vérifiée en permanence grâce à des capteurs implantés dans son corps à l'âge adulte. Chaque citoyen a pour devoir d'aider avec bien vaillance son prochain pour l'aider à surmonter une maladie ou une simple déprime passagère. 

Trois jeunes filles vont essayer de se suicider pour revendiquer le droit de disposer librement d'elles-mêmes. Une seule y parviendra. Des années plus tard, Tuan, une des deux survivantes, devient membre des forces de sécurité de l’Organisation Mondiale de la Santé. Elle vit comme elle le peut en essayant de passer à travers les règlements rigides de ce monde devenu écœurant à force de bienveillance.  Mais lorsqu'elle doit enquêter sur groupe terroriste qui menace l'Utopie, elle doit se confronter à la réalité du monde qu'on a bâti pour elle.

Harmonie (Panini books) présente moins un régime mondial dictatorial qu'une société planétaire qui a peur pour elle-même – et d'elle-même. L'humanité a frôlé l'extinction, elle vit maintenant dans la terreur de disparaître une nouvelle fois. L'enquête de Tuan nous montre que le désir profond de l'homme n'est plus alors de survivre, mais de retrouver ce que la catastrophe nucléaire lui a enlevé : l'harmonie avec lui-même.

Transmédia : Harmonie a été adapté à l'écran en le manga en 2014  : 

 La société hygiéniste de Corpus Delicti, un procès de Juli Zeh

2057  : Mia Holl vit dans un monde où la Méthode a éradiqué la maladie. Chacun doit prendre soin de son corps, parcourir les kilomètres quotidiens requis, ne pas fumer, ne pas boire et n'avoir que des relations sexuelles avec des individus compatibles et approuvé par le ministère. La santé mondiale est à ce prix.

Mais Mia vient de perdre son frère, condamné pour un crime sexuel dont elle n'est pas sûre qu'il soit coupable, malgré les preuves ADN. Elle ne peut faire son deuil, aussi, elle néglige sa santé, les contrôles d'urine obligatoires et ses heures de vélo d'appartement…. Les copropriétaires de son immeuble vont commencer à la montrer du doigt pour ne pas compromettre le si désiré label d'autocontrôle de santé de l'immeuble. Et quand Mai remet en doute publiquement la Méthode, elle perd son image de citoyenne pour celui de terroriste.

Si Harmonie évoquait la peur de l'extinction, Corpus Delicti, un procès (Actes Sud) nous parle de la peur de la maladie et de la souffrance. Au nom d'une prévention à l'extrême, tout est contrôlé. Juli Zeh nous démontre la plus terrible et efficace mesure de contrôle : celle des citoyens sur/par les citoyens. Et quand la Méthode est mise en jeu, elle s'incarne sous les traits d'un homme bienveillant et charismatique. Corpus Delicti louche dangereusement sur notre présent, et le politiquement correct de nos sociétés où l'excès est publiquement montré du doigt par tous alors qu'il recherché en secret par chacun. Plus qu'un régime totalitaire hygiéniste, Juli Zeh dénonce l'hypocrisie d'une société qui a maladivement peur de souffrir.

Transmedia  : Corpus delecti, un procès est à l'origine une pièce de théâtre dont voici quelques extraits  :

 Le Travail du furet : la dystopie made in France

La thématique de la santé est également au cœur du Travail du Furet (Actusf) de Jean-Pierre Andrevon. France, les années 2000 : la maladie régresse, la société se porte bien. Cependant, la surpopulation guette l'Hexagone. Aussi, pour limiter à soixante millions le nombre d'habitants du pays, les Furets, tueurs assermentés par l'État, sont chargés "d'effacer" un demi-million de personnes par an. Le choix des victimes se fait par tirage au sort auquel sont soumis tous les citoyens… sauf les hommes politiques, les policiers, les militaires… et les Furets eux-mêmes.

L'un de ces Furets exécute son travail dans la mégapole de Centrum sans se poser de questions. Jusqu'au jour où il recroise par hasard un ancien collègue qui s'est réfugié dans la clandestinité. Il a mené une enquête, et il aurait des preuves que le système de tirage ne serait pas aussi intègre que les hommes politiques le prétendent. Le Furet vient de mettre le doigt dans un engrenage qu'il va gripper jusqu'à ce qu'il découvre le fin mot de l'histoire.

Récit noir et politique, Le Travail du Furet est ancré dans notre société française. Il met en perspective nos propres choix politiques en posant simplement les questions : quelle sont nos priorités de société  ? Et quel(s) prix sommes-nous prêts à payer pour les mettre en place ? Au fur et à mesure de l'avancée de l'enquête du Furet, le politiquement correct s'effrite  peu à peu pour laisser place à une froide réalité… et à davantage de questions.

Transmédia  : Si une adaptation TV du Travail du Furet a été réalisé par Bruno Gantillon en (voir l'interview de Jean-Pierre Andrevon où il en parle), le film est difficilement trouvable aujourd'hui. Nous vous conseillons alors, dans un esprit très proche, Renaissance, le film d'animation de Christian Volckman, un polar futuriste dans Paris en 2054  :

 

Planète à louer de Yoss  : Cuba ici et maintenant .

Futur proche. La Terre va basculer dans une Troisième Guerre mondiale. La menace nucléaire va devenir une réalité. Heureusement pour nous, des extraterrestres bienveillants et attentionnés interviennent généreusement pour nous empêcher de commettre l'irréparable. Il faudra certes que les nouveaux venus rasent l'Afrique pour se faire entendre, mais qu'importe. La catastrophe est écartée. Nos nouveaux amis peuvent s'installer pour faire de notre planète l'Eden qu'ils nous ont promis. 

La Terre devient alors une destination de plaisance privilégiée pour les aliens venus de toute la galaxie, où tous les désirs sont possibles. Les humains sont des êtres faibles et soumis. Commence alors pour eux la dure quête de la survie quotidienne. Toutes les solutions sont alors bonnes à prendre pour quitter la Terre, qui est l'utopie de tous sauf de l'être humain, devenu un jouet sans pouvoir aux mains d'extraterrestres cruels.

Yoss l'indique dès la première page du roman : toute ressemblance avec le cuba des années 1980 est volontaire. La science-fiction est une caution pour permettre à Planète à louer (Mnémos) de ne pas (trop) être la cible de la censure à Cuba. Conçu comme un fix-up, chaque partie du roman évoque un personnage qui accepte de risquer le tout pour le tout pour quitter la planète. De la femme qui épouse un extraterrestre et qui sait qu'elle ne survivra pas au premier accouchement jusqu'aux fugitifs qui bricolent une fusée de fortune pour briser le blocus des frontières, ce sont des récits désespérés que nous livre Yoss, d'autant plus quand on sait qu'ils contiennent tous une part de vérité. Ou quand la SF est politique avant tout.

Transmédia  : Pas (encore ?) d'adaptation de Planète à louer, mais nous vous invitons à découvrir la vidéo de Yoss à l'occasion de  sa venue en France aux imaginales en  2013  :

 Demain sera un jour meilleur. Ou pas.

La dystopie n'a pas déserté la littérature, loin de là. Elle est même devenue le fer de lance des séries young adult avec les succès de Hunger Games et de Divergente. Pourquoi cet engouement soudain pour ce genre ? Peut-être parce que nos sociétés ont besoin plus que jamais de s'interroger sur elles-mêmes et de se rassurer sur le fait que nous ne sommes pas totalement tombés dans le 1984 de Georges Orwell ou dans le Meilleur des mondes de Aldous Huxley. Pas encore.

 

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