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5021, L'Autre monde

Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/05/2005  -  livre
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5021, L'Autre monde



"Et si les écologistes et les altermondialistes les plus alarmistes avaient eu raison ?" s'interroge en quatrième de couv' Trevor Narg. On sait peu de chose de lui. Il est ingénieur, originaire d'Afrique du Nord, et c'est ici son premier roman. Sinon, en dehors d'un pseudonyme saugrenu on retiendra surtout sa tentative de résurrection d'un genre un peu démodé : le post-apocalyptique. Pourquoi démodé ? Peut-être parce qu'à mesure que passent les années, il tend de plus en plus à se rapprocher de la fiction prospective dans la lignée de John Brunner. Et c'est sur ce constat inquiétant que Trevor Narg s'appuie tout entier.

Lucas se réveille un matin dans sa case pour constater que son comécran est en panne. Jamais ça n'est arrivé auparavant, ni à lui, ni à personne de sa connaissance. Il est vrai aussi qu'il ne connaît pas grand monde, si ce n'est par l'intermédiaire du réseau domotique de cette case aseptisée qu'il habite, seul, depuis qu'il a une dizaine d'années. La case, est désormais le foyer standard de cette humanité que les dérèglements climatiques et l'imprévoyance des gouvernants passés ont contraint à se terrer, entamant un long cycle de survie désespéré. Car au dehors l'atmosphère, privée de sa couche d'ozone protectrice, interdit toute exposition sans vêtements anti-radiation. L'eau potable et les produits de la terre sont désormais remplacés par des apports nutritifs chimiques savamment dosés en fonction des besoins de chacun. Besoins déterminés par les données biologiques recueillies par les capteurs qui équipent les cases.

Comme tous les autres adolescents nés après la catastrophe, Lucas attend qu'on lui fasse passer les tests d'aptitudes qui vont déterminer le rôle qu'il aura à jouer dans la reconquête de cette Terre usée. Il saura bientôt quel genre de pompier de service il va devoir devenir.

Ce sera le prétexte à la découverte de ce monde ruiné par le mercantilisme et l'incurie généralisée de nos gouvernants. Bien plus que la description des décombres de cette nature que nous violentons tous les jours, c'est surtout sur l'inventaire de nos fautes passées et présentes que Trevor Narg s'attarde. Chacun des mentors que Lucas rencontre tout au long de son parcours initiatique donne à l'auteur l'opportunité de dresser la liste interminable des maux dont souffre notre société. Si l'intention est louable, l'effet est facile et tend à devenir lassant. Car le gros défaut de ce 5021, L'Autre monde c'est qu'il lui manque une histoire. D'autant que Trevor Narg travaille son écriture jusqu'à la rendre presque atonale. C'est une approche intéressante qui accentue l'effet d'uniformisation du mode de vie des personnages, mais la frontière qu'il place entre style et maniérisme est trop ténue pour que le plaisir de la lecture ne s'en ressente pas.

Toutefois, au-delà des problèmes de forme, une question de fond se pose. Si, je le répète, le principe de tirer la sonnette d'alarme est louable, si le propos est opportun, on peut se demander si l'analyse que Narg en livre n'est pas, elle, plus opportuniste. Certes, le mercantilisme et le cynisme de nos élites politiques et économiques sont confondants, certes leur attitude entraîne notre monde dans un piquet suicidaire, mais tout est-il si schématiquement manichéen ? Salauds de riches vs. Gentils pauvres. Réduire notre futur (certes déjà lourdement hypothéqué) à une simple litanie de slogans relève de l'incantation. Trop systématiquement, Trevor Narg rejette la faute sur nos dirigeants, or il est trop facile de leur imputer en totalité le manque d'initiative individuelle. Bien trop commode aussi de toujours dédouaner le citoyen, qu'il choisit de nous présenter comme endormi, presque contre son gré, par le confort et les sirènes de la société de consommation. S'il ne se trompe pas de symptômes, Trevor Narg ne convainc pas sur leur traitement. Et en décrivant ces humains infantilisés, jouets d'hommes sans scrupules, sa pensée subit une étrange distorsion. Il en vient à nous présenter l'uniformisation comme solution à la mondialisation, la planification comme remède au libre-échangisme et propose le contrôle de l'information pour nous guérir de l'info spectacle. Et moi qui pensais ne pas avoir foi en l'Homme… Toujours est-il que par un improbable tour de passe-passe, on glisse ainsi de l'Etat Providence vers une soft ideology pas si soft que ça finalement. En voulant être démonstratif, implicitement Trevor Narg propose, mais ce qu'il propose est invalide. Et même la prime à la sainte colère qui a dû l'animer lors de son écriture ne suffit pas à nous faire adhérer à son propos.

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