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67ème Convention Mondiale : l'interview
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67ème Convention Mondiale : l'interview

ActuSF : Ze "WorldCon" se déroulera en terre de francophonie !!! Mais comment en est-on arrivé là ?
René Walling : Premièrement, il faut comprendre qu'il n'y a pas de comité qui prend ces décisions-là. Ce sont les membres de la WorldCon qui votent pour décider où elle aura lieu. Des groupes de fans organisent des candidatures et passent souvent quelques années à en faire la promotion.
Tout a commencé de façon impromptue à Boston, en 2004, par un commentaire lors d'une discussion. En rentrant à la maison nous avions une candidature sur les bras. Les discussions suivirent sur quelques mois et un groupe de fans à Montréal, à travers le Canada et en Grande-Bretagne décidèrent d'aller de l'avant pour préparer le projet. 

ActuSF :
Quels sont les échos que vous en avez de la part des anglo-saxons ? Comment cette délocalisation linguistique est-elle perçue ?
René Walling : La réaction est positive. Certaines personnes sont inquiètes parce qu'elles ne parlent pas français. Mais leurs inquiétudes concernent aussi le fait de voyager dans une ville qu’ils perçoivent comme uniquement francophone. En 2007 la WorldCon était à Yokohama, au Japon, le dépaysement y était donc plus sévère.
En fait, la prise de conscience est plus générale : deux WorldCons à quelques années l'une de l'autre dans des villes non-anglophones a fait réaliser à plusieurs que l'anglais n'est pas la seule langue qui se parle sur notre petite planète.

ActuSF : Est-ce qu'on peut en déduire que la place de la francophonie dans une sphère plutôt anglo-saxonne, a évoluée ?
René Walling : Honnêtement, je ne le sais pas. En 1994, la WorldCon a eu lieu à Winnipeg, revenant au Canada pour la première fois après 21 ans. Dans les années qui suivirent, il y a eu un vrai boom dans le milieu de la SF Canadienne anglaise. Si les francophones peuvent profiter de l'occasion, on pourra peut-être voir un impact similaire dans les quelques années qui suivront Anticipation : augmentation du nombre de livres traduits et meilleure connaissance des créateurs francophones. Mais ça doit être un effort soutenu, rien ne va arriver par magie.

Louise Alain :  Pour son évolution récente, je ne saurais dire. Je peux cependant assurer, en tant qu’Américaine francophone, que nos voisins parlant anglais sur ce vaste continent connaissent peu de choses en dehors de ce qui s’écrit dans la langue de Shakespeare. Et ça tient pour la SF.
Cette WorldCon à Montréal apparaît comme le lieu idéal et peu coûteux pour nous faire découvrir. C’est dans le grand hall d’exposition du Centre des congrès que sera réuni l’espace marchand où, au travers des centaines de tables de ventes de toutes sortes, un grand îlot sera réservé à l’imaginaire francophone. L’espace sera tenu par une libraire professionnelle et comptera sur une équipe de vente bien au fait de ce qui se publie au Québec et en France. Les francophiles qui se trouvent parmi les 3000 à 4000 fans qu’Anticipation accueillera à Montréal seront donc bien servis et pourront rapporter chez eux des livres écrits en français. De plus, les auteurs francophones présents pourront effectuer des présences aux tables de leurs éditeurs et rencontrer le public – une séance de signatures inscrite à l’horaire du jour constitue une activité dont la planification relève du comité de programmation.
Il y a aussi une multitude de tables rondes, d’ateliers et d’activités de toutes sortes qui réunira les participants. C’est la première fois que la WorldCon est dans un environnement francophone. Même s’il est vrai que beaucoup de participants viendront d’ailleurs que d’Amérique, la plupart des fans inscrits sont des États-Uniens et des Canadiens, et parlent anglais. Anticipation peut être vu comme un moment privilégié pour montrer notre existence et notre vitalité à tous ces gens, dont des centaines de professionnels du milieu, et donc pour faire évoluer notre place dans l’espace SF anglophone.

ActuSF : Comment va se dérouler cette Convention Mondiale ?
René Walling : La convention dure cinq jours qui sont remplis de choses à faire: tables rondes, lectures, ateliers, projections de films, concerts et séances de signatures ne sont que quelques-unes des activités offertes, en plus d'expositions thématiques. Certaines de ces activités se continuent d'ailleurs en soirée (et même toute la nuit) pour ceux qui ne veulent pas aller aux événements majeurs : cérémonie d'ouverture, la mascarade (concours de costume), la remise des Prix Hugo, et celles des Prix Aurora. La journée se termine en général avec une variété de réceptions ouvertes à tous les membres.

ActuSF : Quels seront les événements clefs de cette Convention ?
René Walling : En plus de ceux déjà mentionnés nous aurons aussi des expositions et des événements célébrant nos invités d'honneur et leurs carrières.

ActuSF : Quels seront les invités ? 
René Walling : Les invités d'honneur de la convention sont Neil Gaiman, Élisabeth Vonarburg, Ralph Bakshi, Taral Wayne, David Hartwell et Tom Doherty. Mais nous nous attendons à ce que plus de 400 ou 500 auteurs, artistes, et autres créateurs soient présents. Natahsa Beaulieu, Ben Bova, David Brin, Pat Cadigan, Joël Champetier, Ellen Datlow, Cory Doctorow, Tom Easton, Scott Edelman, Esther M. Friesner, Éric Gauthier, Donato Giancola, Joe Haldeman, P.C. Hodgell, Karl Johanson, Nancy Kress, Michèle Laframboise, Jay Lake, Geoffrey A. Landis, Fred Lerner, Shariann Lewitt, Jacqueline Lichtenberg, Jean Lorrah, Sean McMullen, Yves Meynard, L. E. Modesitt, Jr., James Morrow, Larry Niven, G. David Nordley, Jean-Pierre Normand, Francine Pelletier, John Picacio, Geoff Ryman, Robert Silverberg, Charles Stross, Amy Thomson, Jean-Louis Trudel, Robert Charles Wilson, Jo Walton sont déjà inscrits.

ActuSF : Comment est accueillie, voire accompagnée, cette convention par les médias généralistes québécois ?
René Walling : La très grande majorité des médias généralistes commenceront à parler de nous quelques mois avant la convention.

ActuSF : Quels échos recevez-vous de la part des autres pays francophones, et notamment de la France ?
René Walling : La France manque souvent au rendez-vous lors de ces réunions, mais Anticipation semble être une exception. Sans compter le Québec, nous avons présentement une trentaine de membres venant des pays francophones de l'Europe.

ActuSF : La manifestation, j'imagine, reste plutôt anglophone. Comment comptez-vous y imposer la francophonie ?
René Walling : En effet, nous mettons beaucoup d'efforts pour que le français soit bien présent, toutes nos publications sont bilingues, et nous planifions d'avoir au moins une activité en français disponible en tout temps lors des cinq jours du congrès. Mais il ne faut pas se leurrer, plus de 80% des membres sont anglophones. Donc, ce qu'il y a de plus important, c'est de parler de la SF francophone en anglais. Parler de SF francophone en français, c'est bien, et nous allons le faire, mais une personne qui ne parle pas le français ne pourra participer si nous ne faisons que ça. Dans cette discussion, nous nous devons d'inclure le reste du monde parce que c'est comme ça que la SF francophone ira de l'avant.

ActuSF : Très concrètement, quels bénéfices l'édition francophone peut-elle espérer en tirer ?
René Walling :
Je crois que la plupart des bénéfices seront à long terme – il y aura sans doute de nombreux livres vendus à la convention, mais l'enjeu n'est pas là.
Ce qu'il faut, ce sont des contacts plus étroits entre les maisons d'édition francophones et anglophones. De même pour les auteurs, rédacteurs, agents et autres intervenants du milieu. Anticipation offre un endroit sans précédent pour lancer ce processus.

ActuSF : Pensez-vous qu'une telle manifestation peut changer l'image que le monde de l'Imaginaire anglo-saxon peut avoir de l'édition francophone ?
René Walling : Définitivement, pour trop d'anglophones, la SF française se limite à Vernes et Méliès. Les plus connaisseurs connaîtront quelques noms et publications, mais c'est là l'exception. Un des mandats d'Anticipation est de faire découvrir la SF francophone. Mais un autre est de faire découvrir l'univers des conventions de SF aux francophones – ça doit aller dans les deux sens.

ActuSF : On peut rêver à un Prix Hugo pour un auteur francophone ?
René Walling : Sauf dans quelques catégories, les Prix Hugo sont pour des œuvres publiées en anglais ; cependant, rien n'empêche une traduction de gagner. C'est d'ailleurs déjà arrivé pour la catégorie du meilleur long-métrage : Le Labyrinthe de Pan a gagné en 2007, et Farenheit 451 (le film de Truffaut) et Sen no Chihiro furent en nomination dans la même catégorie en 1967 et 2003 respectivement. Pour que cela arrive, il suffit "simplement" qu'un auteur francophone soit traduit et que le résultat impressionne assez les membres de la WorldCon pour qu'ils la mettent en nomination et votent en sa faveur. Ça peut arriver n'importe quand. Tout est possible.

Propos recueillis par mail le 17 mars 2009
par Eric HOLSTEIN

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