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Dernières fleurs avant la fin du monde
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Dernières fleurs avant la fin du monde

Actusf : Comment est né ce roman ?
Nicolas Cartelet : Il est né d’un reportage que j’ai vu il y a quelques années, qui racontait le quotidien de Chinois contraints de polliniser des régions entières à la main, car les abeilles y ont disparu. J’avais été frappé par la précarité dans laquelle ces gens se retrouvaient, du simple fait que de petits insectes avaient été exterminés par la pollution et les insecticides. Toute ma réflexion autour de Dernières fleurs avant la fin du monde est partie de là.


Actusf : De quoi cela parle-t-il ?
Nicolas Cartelet : Il s’agit d’une anticipation légère : dans un futur relativement proche, ravagé par une apocalypse dont on ne connaît pas bien les raisons, des hommes, parmi lesquels le héros, gagnent leur vie en pollinisant les plantes à la main, dans de gigantesques exploitations agricoles. C’est un quotidien morose dans un monde devenu morose, le héros cherche un sens à sa vie et envisage la révolte comme moyen d’exister enfin.


Actusf : Dans Dernières fleurs avant la fin du monde, nous retrouvons le héros de Petit Blanc, Albert Villeneuve. Qu’est-ce que ce personnage a de si particulier ? Pourquoi le « réutiliser »?
Nicolas Cartelet : Albert Villeneuve est un archétype universel, c’est le petit de l’expression petites gens, toujours vaincu par l’histoire, qui se bat pour s’arracher au déterminisme social avec les maigres armes qu’il possède. Il représente selon moi une lutte éternelle des sans-voix pour s’affirmer, exister. Il est porté par un fort sentiment d’injustice, or je crois que ce sentiment est un moteur puissant de l’histoire humaine ; ça l’a été dans le passé, ça le sera dans le futur.


Actusf : C’est plutôt une vision sombre, voir désespérée de notre futur. On plonge à nouveau dans le quotidien des catégories sociales pauvres, sans avenir, qui, malgré les difficultés, essaient de survivre. Est-ce ce que vous ressentez en regardant le monde actuel ?
Nicolas Cartelet : Bien sûr. Il n’a jamais existé de sociétés égalitaires, la richesse de quelques-uns est toujours construite sur le travail des plus pauvres, et cet état de fait est aggravé en temps de crise. Une fin du monde telle que je la décris dans mon roman, qui ferait s’écrouler les fondements de notre société moderne, ne mettrait pas fin pour autant aux inégalités, au contraire. C’est un sujet souvent traité par la littérature dystopique. J’essaye d’apporter ma petite voix à cette réflexion plus globale.


Actusf : Pourquoi choisir d’écrire de la SF plutôt qu’un autre genre ? Est-ce plus facile pour aborder certains sujets ? Des sujets qui vous tiennent à coeur ?
Nicolas Cartelet : J’hésite toujours à me qualifier d’écrivain de SF, et même d’écrivain de littératures de l’imaginaire, car je ne me sens pas enchaîné à un genre en particulier. En fonction du message que je veux faire passer, je peux choisir d’entrer ou de sortir du monde de l’imaginaire – je l’ai déjà fait et le referai. Mais c’est vrai que choisir la SF est un moyen de s’accorder une liberté totale de traitement d’un sujet : la seule limite est l’imagination de l’auteur. Écrivez un roman historique, cent cinquante lecteurs vous tomberont dessus pour décortiquer chaque élément du contexte, sans s’intéresser au message. Même chose si vous écrivez un roman contemporain, on vous reprochera vos partis pris, vos choix de placer la focale sur telle ou telle réalité plutôt qu’une autre, et votre message passera à la trappe. La SF, c’est un formidable espace de liberté créatrice. Et ça n’est pas un hasard si beaucoup de romans d’anticipation sont des romans à message : c’est là, paradoxalement, que l’auteur peut exprimer au mieux sa vision de notre temps.


Actusf : Un roman uchronique et fantastique avec Petit Blanc, un post-apocalyptique avec Dernières fleurs avant la fin du monde, est-ce que l’on peut s’attendre à revoir Albert Villeneuve ?
Nicolas Cartelet : On m’a déjà posé la question plusieurs fois ! Et c’est loin d’être une question idiote puisque, comme je l’ai dit, je crois que la réalité à laquelle est confronté Albert Villeneuve est universelle : on pourrait très bien imaginer un Albert Villeneuve à la Préhistoire, ou bien dans l’espace ! et ça m’intéresse beaucoup de continuer de réfléchir à ces thèmes qui me sont chers. Donc, oui, même si rien n’est encore prévu ni écrit, on peut s’attendre à un retour d’Albert Villeneuve, un jour ou l’autre…


Actusf : Au sujet de la création de la couverture, comment cela s’est passé avec Jean-Emmanuel Aubert ? Carte Blanche ou vouliez-vous que cela évoque quelque chose de spécial ?
Nicolas Cartelet : C’est une couverture sublime, pour laquelle Jean-Emmanuel a eu carte blanche dès le départ. Il a lu le roman, il a proposé sa vision du texte à travers son œuvre : ça a aussitôt plu à mon éditeur et à moi-même. C’est comme ça que j’envisage le travail avec un illustrateur de couverture, je ne me vois pas envoyer un cahier des charges avec tous les éléments que je souhaite voir figurer sur le visuel. En d’autres termes, je ne suis pas un auteur pénible (pour ce qui concerne la couverture !)


Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Nicolas Cartelet : On parlait plus haut du saut d’un genre littéraire à l’autre : c’est exactement ce que je fais en ce moment, avec un grand écart vers la littérature blanche ; j’écris un livre sur le football (!), mais je préfère rester flou sur le sujet car 1) je ne suis pas sûr que ça intéresse énormément les lecteurs d'ActuSF, et 2) j'ai remarqué que lorsque j'en dis trop sur un projet en cours, ça a souvent pour effet de me faire douter et donc de me bloquer. C’est tout pour le moment, j’essaye d’éviter de travailler sur plusieurs romans à la fois.


Actusf : Où pourrons-nous vous rencontrer dans les mois à venir ?
Nicolas Cartelet : C’est à mon éditeur qu’il faut le demander, il est le grand gourou de mon planning de signatures ! Je ferai un saut à Lyon en octobre pour le mois de l’imaginaire, et on me verra peut-être en signature dans une ou deux librairies parisiennes d’ici-là. C’est tout ce que je sais pour le moment.
 

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