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Les archives d'Actusf : Interview d'Ann Leckie pour la justice de l'ancillaire en 2015
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Les archives d'Actusf : Interview d'Ann Leckie pour la justice de l'ancillaire en 2015

A l'occasion des 20 ans d'Actusf en 2020 on vous propose nos plus belles archives. Aujourd'hui, une interview d'Ann Leckie pour La Justice de l'ancillaire, space opera génial qu'on découvrait en France en 2015.
 
ActuSF : La Justice de l’ancillaire, le premier volet d’un space opera en trois tomes, vient juste de paraître en France (Éditions J'ai lu). Quels sont les auteurs qui inspirent votre science-fiction ?
Ann Leckie : Petite je lisais déjà beaucoup de science-fiction, je ne doute donc pas que beaucoup d’auteurs m’ont influencé, même si je ne pourrais en citer aucun. Mais j’ai adoré le travail d’Andre Norton pendant longtemps, et je pense que la série Foreigner de C.J. Cherryh a eu une influence notoire sur les livres de l’ancillaire.
 
 
ActuSF : Vous avez participé au NaNoWriMo – National Novel Writing Month (Mois National d'Écriture de Roman) – en 2002 et 2003. C’était le début de votre carrière d’écrivain, n’est-ce pas ?
Ann Leckie : En quelque sorte ! J’ai toujours voulu écrire. Quelques années après mon diplôme universitaire, j’ai écrit une histoire que j’ai envoyée à True Confessions, qui était un de ces magazines qui voulait publier des histoires « vraies » sur l’amour et les scandales et les choses de ce genre. J’ai choisi ce magazine parce que j’en ai tellement vu sur les étagères que je voulais voir si moi aussi je pouvais y arriver. Et je l’ai vendue, mon histoire ! Mais j’ai réalisé qu’en fait je n’aimais pas lire ce magazine ou même ce genre d’histoires, je n’ai donc pas renouvelé l’expérience. Mais d’une certaine façon, c’était le début de ma carrière —c’était ma première vente. Mais elle ne compte pas vraiment, je trouve, parce que True Confessions n’indiquait pas qui était l’auteur.
 
Mais, oui, c’est peu après le NaNoWriMo de 2002 que j’ai décidé de m’y mettre sérieusement. Je recommande chaudement de faire le NaNoWriMo, au moins une fois, même si ce n’est que pour s’amuser. C’est une expérience très motivante.
 
ActuSF : Vous avez d’abord écrit des nouvelles avant d’écrire votre premier roman. Le voyage de la nouvelle au roman a-t-il été semé d’embûches ?
Ann Leckie : Le roman du NaNoWriMo était le premier (sans compter cette histoire pour True confessions !), c’était donc un sacré défi d’apprendre à écrire des nouvelles. Je me suis forcée à écrire des histoires de plus en plus courtes, juste pour voir si j’en étais capable. J’y ai passé quelques années, et quand j’ai décidé de sérieusement retourner au roman, je me sentais très intimidée. Je n’arrivais pas à tout caser ! Et puis j’ai réalisé que j’étais encore dans l’optique de tout développer en cinq cent mots. Mais j’avais toute la place qu’il me fallait ! Et je me suis sentie bien plus sereine après cela.
 
 
ActuSF : Pouvez-vous nous présenter le monde de La Justice de l’ancillaire ?
Ann Leckie : La Justice de l’ancillaire se passe dans un futur très lointain, à une époque où les humains ont beaucoup exploré l’espace. Une des cultures humaines s’est beaucoup développée, conquérant beaucoup de monde et de systèmes planétaires, et ils se servent des corps de certains des peuples qu’ils ont conquis comme appendice à leurs vaisseaux de guerre — ce sont des ancillaires (à vérifier). Cette culture rencontre soudain des extra-terrestres qu’ils n’arrivent pas vaincre, et même contre lesquels ils ne parviennent pas à se défendre, et cette situation est à l’origine d’une crise. Le personnage principal de la série ancillaire est justement l’un de ces ancillaires — le seul rescapé d’un vaisseau qui a été anéanti.
 
ActuSF : L’histoire débute quelques années après la disparition d’un vaisseau Radch, le Justice de Toren. Le seul survivant est Breq, un ancillaire. Mais qu’est-ce qu’un ancillaire ?
Ann Leckie : Un ancillaire est un humain asservi et altéré afin qu’il devienne l’appendice d’une intelligence artificielle — qu’il fasse partie de son corps. Son identité est effacée, bien qu’il ait toujours ses propres souvenirs. Les ancillaires peuvent être autant des soldats d’infanterie que les serviteurs des officiers qui servent sur les vaisseaux.
 
ActuSF : Pourriez-vous également nous en dire plus sur les Radchaaï qui ne distinguent pas les gens par leur genre ?
Ann Leckie : Je voulais écrire sur une culture qui se fiche totalement du genre, je trouvais cela tout simplement marrant. Bien entendu, cela m’a poussé à beaucoup réfléchir sur ce que représentent vraiment le genre et comment il influence la culture dans laquelle je vis. Au bout du compte, cela s’est avéré beaucoup plus compliqué que je ne l’avais réalisé quand j’ai commencé à écrire.
 
Les Radchaaï sont bien entendu de genre différent — ce sont des humains. Mais ils n’y prêtent pas une grande attention. C’est un peu comme ce qu’on pense de la couleur des cheveux — Nous avons chacun une couleur de cheveux différente, et ça compte peut-être pour certains de se dire « je suis blond » ou « je suis rousse » ou autre, mais ça n’apporte rien de spécial, il n’est pas obligatoire de parler de couleur de cheveux quand on parle de quelqu’un. Les enfants avec des couleurs de cheveux différentes ne sont pas censés se comporter différemment à cause de leurs cheveux, et c’est quelque chose que l’on peut changer ou non grâce à une simple coloration.
 
 
ActuSF : La justice de l’ancillaire porte – bien évidemment – sur la justice, mais aussi sur la vengeance...
Ann Leckie : Tout à fait ! Et bien entendu, la justice et la vengeance sont des sujets liés. Peut-on rendre justice par la vengeance ? La vengeance est-elle juste ? Il est parfois difficile de dissocier les deux — il semble que parfois les gens parlent de justice, mais qu’au fond ils pensent à se venger.
 
ActuSF : La justice de l’ancillaire a gagné les prix Hugo, Nebula, BSFA, Arthur C. Clarke et Locus. Comment avez-vous géré le stress de tous ces prix ?
Ann Leckie : Oh, cette année-là était fabuleuse. Je m’attendais à me réveiller au milieu de tout et à réaliser que tout ça n’était rien de plus qu’un rêve. Mais vous avez raison en parlant de stress ! Les gens ont soudain commencé à se demander si le prochain livre serait à la hauteur de Justice, et ça ne m’était encore jamais arrivé. Et comment est-ce qu’un livre pourrait être aussi bien accueilli que La justice de l’ancillaire ? C’était assez difficile à vivre. Mais je m’efforçais de l’ignorer, de baisser la tête et de continuer à écrire.
 
 
ActuSF : En 2015, le prix Hugo était en plein Puppygate. Vous en avez pensé quoi ?
Ann Leckie : J’y ai beaucoup réfléchi, et je pense qu’il vaut mieux que je taise beaucoup de mes pensées en public. Je dirais simplement que c’est une honte que certains soient prêts à insulter d’autres auteurs ou même leurs lecteurs dans le vain espoir d’être au centre de l’attention et de recevoir des prix. Mais c’est leur problème — Je suis bien trop occupée à écrire pour m’intéresser de trop près à ce genre de choses.
 
ActuSF : En août 2014, dans le magazine Locus , vous avez dit « Je ne sais pas ce qu’il va se passer après la trilogie. » Vous venez de terminer la trilogie ancillaire, avez-vous d’autres projets ?
Ann Leckie : Je suis actuellement sous contrat pour un autre livre. Il se déroulera dans le même univers que la série ancillaire, mais à une autre époque et dans un autre lieu, avec des personnages et une histoire différents.
 
ActuSF : Les lecteurs français vous découvriront bientôt au travers de La Justice de l’ancillaire. Que souhaitez-vous leur dire ?
Ann Leckie : Tout comme (je l’imagine) beaucoup d’écrivains, ce que je préfère par-dessus tout, c’est faire plaisir à mes lecteurs. J’espère donc que vous apprécierez le livre !
 
Traduction : Hermine Hémon et Erwan Devos. Propos recueillis par Jean-Laurent Del Socorro.
 
 
 

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